Bibliotheca Classica Selecta - Autres traductions françaises dans la BCS - Plan - Scène V - Scène VII

MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


EURIPIDE

MÉDÉE

Traduction nouvelle commentée et annotée
Danielle De Clercq, Bruxelles, 2005

COMMENTAIRE ET NOTES


Scène VI (vv. 214-270)

Médée paraît enfin. Le ton change. Toujours passionnée et blessée, Médée tient des propos étonnamment maîtrisés. Son long monologue commence par une captatio beneuolentiae (214-229) pour se faire pardonner d'avoir tant tardé à rencontrer ces femmes du choeur qu'elle entend gagner à sa cause. Aussi débute-t-elle par des généralités concernant les difficultés relationnelles, évitables certes, qui peuvent surgir entre des citoyens et des nouveaux venus, et invoque sa répudiation, qui l'a bouleversée en profondeur et a entravé sa relation de bonne intelligence avec les Corinthiens.

Elle enchaîne en s'attardant longuement et avec complaisance sur la vie conjugale peu enviable de la femme en Grèce (230-251), situation où, même si vivre dans leur patrie et près de leur famille leur réserve d'indéniables avantages(252-255), les dames du choeur - et les spectatrices - se retrouvent certainement. Certes, l'expérience amoureuse de Médée a été fort différente, mais non pas son issue (244-247). À partir de là, Médée décrit sobrement sa situation de femme exilée et répudiée. 

Ainsi sa vengeance sur Jason, déjà arrêtée (Cf. 365 sv.) et pour laquelle elle s'assure d'office la complicité du coryphée (256-266), paraîtra justifiée à celui-ci, qui intervient pour la première fois (267-270). Il ne s'arrête pas à la menace incluse dans la dernière remarque générale de Médée sur la nature de la femme (264). Cf. 407-409; 822-823. Il la fera néanmoins sienne plus tard après le meurtre des enfants par Médée Cf. 1290-1292. On remarquera la fascination qu'exerce Médée sur ces femmes qu'elle rend en un tournemain complices d'une vengeance dont elle n'occulte pas le caractère meurtrier.

Par ailleurs, si Médée fait de manière piquante allusion aux désagréments de l'accouchement (250-251), elle n'aborde pas la relation de la femme mariée et du couple avec ses enfants, sujet qui sera abordé par le choeur SC.XVIII (1081-1115).

Médée apparaît donc d'emblée complexe, à la fois profondément imprégnée de culture grecque, dont elle maîtrise avec succès un aspect majeur, l'art de la parole, et, d'autre part, enracinée dans son passé barbare. Sa situation d'exilée lui fait poser un regard sans concession sur le mode de vie grec et l'impact de celui-ci sur la vie des femmes.

liens (222). Cf. 11.

la plus malheureuse (231). Médée entame la description de la situation de l'épouse en Grèce, objet d'un mariage arrangé la faisant passer complètement sous la puissance maritale. Cf.  Foucault p. 162.

répudiées (236). Si l'infidélité sexuelle du mari ne pose de difficultés sur le plan moral, il est du moins répréhensible pour celui-ci de faire perdre à sa femme les privilèges de son statut d'épouse. Cf. Foucault pp. 181 sv. On attend toutefois aussi de l'homme marié une certaine tempérance, prouvant qu'il peut aussi exercer du pouvoir sur lui-même. Cf. Ibid. pp. 164 sv.

sans rien savoir (239). Allusion au jeune âge des fiancées et à leur éducation très cloisonnée.

luttes armées (249). Allusion à la Guerre du Péloponnèse, qui a commencé en 435. En cette année 431, où la tragédie d'Euripide est représentée pour la première fois, l'Attique a subi pendant un mois les exactions des Spartiates, tandis que sa flotte sévissait sur les côtes du Péloponnèse.

jeter l'ancre (258). Métaphore maritime remémorant la fuite de Jason et Médée de Colchide. Cf. 279; 769; 1342; 1369.

coryphée. Chef du choeur, mais qui, à la différence de celui-ci, est un intervenant direct dans la tragédie.

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