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MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


 

TACITE

Origine et territoire des Germains, dit La Germanie

 (V-VIII)

 

Traduction nouvelle avec notes de Danielle De Clercq, Bruxelles, 2003

 


 [I] [II] [III] [IV] [V] [VI] [VII] [VIII] [IX] [X] [XI] [XII] [XIII] [XIV] [XV] [XVI] [XVII] [XVIII]

[XIX] [XX] [XXI] [XXII] [XXIII] [XXIV] [XXV] [XXVI] [XXVII] [XXVIII] [XXIX] [XXX]

[XXXI] [XXXII] [XXXIII] [XXXIV] [XXXV] [XXXVI] [XXXVII]

[XXXVIII] [XXXIX] [XL] [XLI] [XLII] [XLIII] [XLIV] [XLV] [XLVI]

 

 

Plan

 

Introduction

Traduction et notes

Première partie:

Comment peut-on être Germain? (I-IV)

Vivre en Germanie (V-VIII) (IX-XV) (XVI-XIX) (XX-XXIV) (XXV-XXVII)

Deuxième partie:

Particularismes de peuples germaniques (XXVIII-XXXIII) (XXXIV-XXXVII) (XXXVIII-XLII) (XLIII-XLVI)

Cartes

Benario (1999)

Goelzer (1917)

Grane (2003)

Perret (1949)

Rives (1999)

 


Vivre en Germanie

 

GESTION DES RESSOURCES

 

Agriculture et élevage

(V 1). Tout en offrant des aspects assez diversifiés, leur territoire est partout hérissé de forêts ou parsemé de marais inhospitaliers. Plus humide du côté des Gaules, il est plus exposé au vent dans le voisinage du Norique et de la Pannonie. Il produit des céréales, mais guère d'arbres à fruits comestibles. Il est riche en troupeaux, mais le plus souvent les animaux sont de petite taille. Même le gros bétail ne porte pas au front les cornes majestueuses qui le caractérisent.

 

Considérations sur les métaux et l'usage de la monnaie

Les Germains aiment posséder des troupeaux bien fournis. C'est la seule richesse qui les comble. (V 2). Les dieux leur ont refusé l'argent et l'or. Chance ou défaveur ? Tout en me posant cette question, je n'irai pourtant pas jusqu'à affirmer qu'aucun filon de Germanie ne produise d'argent ou d'or. Car qui en a déjà exploité ?

(V 3). Ce peuple ne conçoit pas du tout comme nous la possession et l'usage d'objets précieux. Là-bas, comme on peut s'en rendre compte, les vaisselles d'argent offertes aux ambassadeurs et aux chefs ne sont pas traitées avec plus de ménagement que des plats d'argile.

Toutefois les Germains qui vivent aux confins de notre Empire font du commerce et prennent dès lors en considération l'or et l'argent. Ils reconnaissent et adoptent certaines pièces de notre système monétaire. Ceux qui vivent à l'intérieur pratiquent tout simplement le troc, comme autrefois. Ils acceptent une monnaie obsolète et connue depuis longtemps, des pièces dentelées et d'autres à l'empreinte de biges. Ils préfèrent aussi l'argent à l'or, non par inclination, mais parce que la valeur des pièces d'argent s'adapte mieux à des échanges de produits courants et sans grande valeur.

(VI 1). Le fer, lui non plus, n'est pas très abondant, comme on peut s'en rendre compte d'après leur type d'armes.

 

SOCIÉTÉ

 

L'armée et la guerre

Équipement

Les Germains ne se servent que rarement de glaives ou de piques d'une certaine longueur. Ils s'arment de lances ou" framées", comme ils disent, qui sont munies d'une pointe de fer étroite et courte, mais si acérée et efficace, qu'ils arrivent, en fonction de la situation, à se battre avec cette même arme au corps à corps ou à distance.

Les cavaliers, eux, limitent leur armement au bouclier et à la framée. Les fantassins lancent aussi des traits - chacun en a plusieurs - qu'ils font voler sur une grande distance. Ils se battent nus ou à peine couverts d'un sayon. Ils ne tirent aucune vanité de leur équipement se contentant, chacun avec ses couleurs bien à lui, de personnaliser leurs boucliers. Quelques-uns seulement ont des cuirasses et à peine l'un ou l'autre porte-t-il un casque métallique ou de cuir.

(VI 2). Ni beaux ni rapides, leurs chevaux n'attirent guère l'attention. Ils ne sont pas formés, comme chez nous, à exécuter des voltes, mais à se déplacer tout droit et à obliquer uniquement à droite pour former un cercle homogène dont aucun cavalier ne demeure en retrait.

Tactiques

(VI 3). L'infanterie constitue en gros le noyau dur de l'armée. Aussi les deux corps se mêlent-ils sur le champ de bataille car la rapidité des fantassins s'adapte à merveille au combat équestre. Triés sur le volet parmi tous les jeunes, ces fantassins occupent la ligne de front. Leur nombre est limité : ils ne viennent qu'à raison de cent par canton et c'est par ce chiffre que leurs concitoyens les désignent. Ce qui auparavant n'était qu'un nombre, est devenu aujourd'hui un titre et un honneur.

(VI 4). La colonne d'attaque est formée de coins . Ils jugent que reculer, du moment qu'on reprenne la charge, tient plus de la réflexion que de la peur. Même quand l'issue du combat est douteuse, ils ramènent les dépouilles des leurs. Revenir sans son bouclier est la pire des ignominies. Quiconque s'est ainsi déshonoré n'a plus le droit d'assister aux cérémonies religieuses ni de paraître à l'assemblée. D'ailleurs, nombre de ces rescapés de guerres se pendent pour mettre fin à leur infamie.

Pouvoirs des rois, des chefs de guerre et des prêtres

(VII 1). On choisit les rois pour la noblesse de leur filiation, les chefs de guerre pour leur bravoure. Le pouvoir des rois n'a rien d'absolu ou d'arbitraire. Quant aux chefs de guerre, ils ne se prévalent pas de leur grade. Ils s'imposent par leur exemple et suscitent l'admiration en se montrant résolus, en attirant les regards, en agissant en première ligne.

Seuls les prêtres ont le droit de procéder à une exécution, de mettre aux fers ou même de flageller. Ce faisant, ils ne sévissent ni n'obéissent à un chef. Mais ils agissent comme s'ils recevaient l'ordre du dieu, qu'on croit présent aux côtés des combattants.

Présence des dieux et des familles au combat

(VII 2). On emporte aussi au combat des totems et attributs divins dont certains sont retirés de bois sacrés. Mais qu'est-ce qui avant tout éveille les courages? Ce n'est pas le hasard qui soude ces guerriers en un escadron ou un coin. Ce sont leurs familles et leurs proches. Ceux qu'ils aiment se tiennent tout près des combattants, qui peuvent entendre leurs femmes hurler et vagir leurs tout petits.

Ces parents sont pour chacun d'eux les plus sacrés des témoins. Ce sont leurs éloges qui comptent avant tout. Mères et épouses recueillent leurs blessés et ne s'effraient pas de compter et sonder leurs plaies, elles qui viennent, en pleine bataille, prodiguer vivres et encouragements.

 

Importance des femmes

(VIII 1). Certaines armées, on s'en souvient, reculaient et chancelaient, quand leur situation se redressa grâce aux femmes. Celles-ci, avec leurs poitrines offertes aux regards, suppliaient sans relâche les combattants en leur faisant voir de tout près la captivité que les Germains appréhendent avec bien peu de résignation par égard pour leurs femmes. Ainsi des États se sentent engagés plus étroitement quand des jeunes filles nobles aussi sont exigées en otages.

(VIII 2). Les Germains vont jusqu'à attribuer aux femmes un caractère que je dirais sacré et des aptitudes à la divination. Ils ne dédaignent pas leurs avis et ne se montrent guère indifférents à leurs oracles. Souvenons-nous de Véléda sous le règne du divin Vespasien ! Beaucoup l'ont tenue longtemps pour une divinité. Mais avant elle, ils ont aussi vénéré Aurinia et bien d'autres encore. Ce n'était pas par flagornerie ni dans l'idée d'en faire des déesses.


 

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