FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 23 - janvier-juin 2012


Le Virgile de Jean d’Outremeuse :

le panier et la vengeance (XIII)


Allusions rapides d'époques et de régions diverses

 

par

 

Anne-Marie Boxus et Jacques Poucet

 


 

Plan

 

              Roman de Troie - Prose I (XIIIe)

              Le Fadet Joglar de Guiraut de Calanson (vers 1215-1220)

              Les Proverbes de Guilhem de Cervera (XIIIe)

              Chronique de Bertrand du Guesclin, par Cuvelier (XIVe)

              Une lettre de Coluccio Salutati (1371)

              Von Virgilio dem Zauberer (vers 1495)

              Albrecht von Eyb, Margarita poetica (1472)

              Stephen Hawes, The Pastime of Pleasure (1509)

              The Deceyte of Women (vers 1550)

              Les Chronica de Sebastian Franck (1531)

              Une première version édulcorée (R.O. Spazier, 1830)

              Une seconde version édulcorée (Andrew Lang, 1901)

              Les Maîtres chanteurs (Meistersinger) allemands (datation précise impossible)

               La tradition des Mirabilia au sens large

 


 

 

            Les fichiers précédents proposaient pour l’essentiel des récits relativement longs, qu’ils soient isolés sur le mode de l’exemplum ou intégrés dans l’ensemble plus large d’une vie de Virgile, d’une chronique ou d’un traité sur l’amour. Mais la littérature présente aussi d’autres attestations, plus ou moins brèves, de ces épisodes. Les textes dont il va être question maintenant sont d’époques et de provenances diverses, les plus anciens datant du XIIIe siècle et le plus récent de 1901. À une exception près (celle du Roman de Troie), tous envisagent les épisodes du panier et de la vengeance. En principe en effet, nous nous intéressons essentiellement, rappelons-le, aux récits qui présentent la structure complète.

            On n’oubliera toutefois pas que de nombreux textes conservés n’abordent que le premier épisode, celui du « Virgile berné ». On peut penser que les détails assez crus du second pouvaient heurter certaines sensibilités. Le premier épisode constitue pourtant, lui aussi, un ensemble très important qui mériterait une étude approfondie. Nous ne la ferons pas ici.

            Nous commencerons toutefois par un texte qui n’évoque que le « Virgile berné ». Nous l’avons retenu parce qu’il place le héros dans un contexte plus large, dont il a déjà été question, celui des « victimes de l’amour ».

 

18. Roman de Troie - Prose 1 (XIIIe siècle)

            L’histoire de la guerre de Troie a été au Moyen Âge « un véritable best-seller » (A. Rochebouet, 2009, p. 90). Dans la littérature française, la plus ancienne œuvre à laquelle elle a donné naissance est le Roman de Troie, écrit en vers par un clerc tourangeau du nom de Benoît de Sainte-Maure (vers 1165). Ce Roman a fait l’objet de nombreuses adaptations. Ainsi, entre le XIIIe et le début du XIVe siècle, il a été mis en prose à cinq reprises. On pourrait se demander quelle place réserve à Virgile cet ensemble très important.

            En fait, l’œuvre initiale de Benoît (XIIe) ne mentionne même pas son nom, mais Virgile est cité dans Prose 1 et dans Prose 5, parmi les grands personnages « victimes de l’amour ». Prose 5 (écrite à Naples au début du XIVe siècle) ne donne que son nom, mais Prose 1, plus ancien (XIIIe siècle, peut-être en Morée franque, c’est-à-dire dans le Péloponnèse), apporte davantage à l’histoire de notre sujet, car les exemples y sont quelque peu commentés. Voici ce qui concerne Adam, David, Salomon, Samson et... Virgile :

 

    Et ce [= tomber au pouvoir de l’amour en perdant son sens et sa raison] fit tout le premier Adan qui, par la science dou dyable et de Evain sa compaigne, trespassa le comandement Nostre Seignour. Le roi David fist tuër son seneschal por la covoitise que il ot de sa feme. Salemon li sages, par l'enortement [= sous l’influence] de sa feme, laissa son sovrain Dieu a aourer [= adorer] et ahoura les ydeles. Sanson le fort descouvri a sa feme que il avoit la force en ses cheviaus, dont elle le fist puis honir dou cors. […] Virgilles li sages en fu escharnis [= dupé, moqué] et gabés [= victime d’une farce] laidement, selonc ce que l'en trouve as anciens estoires. (A. Rochebouet, p. 94)

 

            Il n’est pas question de vengeance, mais l’allusion à l’épisode du panier est nette. Virgile est bien à sa place parmi d’autres victimes et le renvoi du lecteur aux « anciens estoires » prouve qu’au XIIIe siècle l’épisode était bien connu.

 

Cfr Anne Rochebouet, Variations sur une liste d’amants malheureux dans les « Romans de Troie » : vers un timide reflet de la thématique des Hommes illustres ?, dans Questes. Bulletin des jeunes chercheurs médiévistes, t. 17, 2009, p. 89-98. Il existe de cet article une version électronique.

 

 

19. Guiraut de Calanson et son Fadet Joglar (vers 1215-1220)

            Guiraut de Calanson, connu aussi sous le nom de Guirautz de Calansó et qui semble avoir fréquenté les cours de Castille et d’Aragon, a laissé en occitan dix poèmes et une pièce de 240 vers, le Fadet Joglar, « Fadet le Ministrel », où Fadet pourrait avoir été le nom de scène du joglar (terme occitan qui équivaut au français jongleur). C’est, selon J.W. Spargo (Virgil, 1934, p. 15), une sorte de vade-mecum d’un jongleur, dressant d’une manière très schématique la liste du répertoire d’un artiste digne de ce nom. Et, parmi les histoires que ce dernier doit être capable de raconter sur Virgile figurent celles com de la concas saup cobrir / e del vergier / e del pesquier / e del foc qe saup escantir (v. 159-162 du ms. R, éd. W. Keller, 1906, p. 151).

            Si le jardin (vergier) et le vivier (pesquier) font partie des réalisations merveilleuses attribuées à Virgile lors de son séjour napolitain, et ne nous intéressent pas ici, le vers 162 ([l’histoire] du feu qu’il sut éteindre) réfère, lui, sans équivoque à l’extinction des feux de Rome, élément essentiel de sa vengeance. L’allusion concerne donc directement notre sujet. Par contre, l’interprétation du vers 159 (comment il sut échapper de la conca) est discutée. Pour les uns, conca serait le « bassin » que se fait apporter Virgile, condamné à mort, et grâce auquel il échappe magiquement au châtiment (cfr le texte des Gesta Romanorum, ou encore la nouvelle de Giovanni Sercambi) ; pour les autres, le terme désignerait le panier dans lequel Virgile resta suspendu. Dans ce dernier cas, on aurait déjà raconté dans les cours espagnoles, et cela dès le début du XIIIe siècle, l’histoire du Virgile suspendu et celle de l’extinction des feux.

 

Texte : W. Keller, Das Sirventes « Fadet joglar » des Guiraut von Calanso, dans Romanische Forschungen, t. 22, 1906, p. 99-238. Le texte se trouve à la p. 151 et le commentaire aux p. 206-209.

 

 

20. Les Proverbes de Guilhem de Cervera (poète catalan du XIIIe siècle)

            À peu près à la même époque, Guilhem de Cervera, un poète catalan du XIIIe siècle, a écrit un long poème de plus de 1169 quatrains auquel son éditeur de 1886, Antoine Thomas, a donné le nom de Proverbes. Il s’agit d’un « recueil de maximes et de préceptes de conduite », puisant à des sources variées : bibliques (comme le Livre des Proverbes de Salomon), antiques (comme les Dicta Catonis), médiévales (comme le Roman de Renart), sans compter « quantité de fables, de contes et de nouvelles ». Comme pour le Fadet Joglar de Guiraut de Calanson (vers 1215-1220), certains passages, très concis et allusifs, sont loin d’être clairs. C’est le cas des deux quatrains qui nous intéressent (995 et 996) :

 

 

995

Ceyl per cuy fol portals

De Roma derocats

Fo entrels finestrals

Per l'amfanta penjats.

Celui par qui furent détruites

Les portes de Rome

Fut entre les fenêtres

Suspendu par la princesse.

996

Vergilis l'encantayre

Volc con besti' anar

Si com vi l'emperayre :

Tant saub sa fiyla far.

Virgile l’enchanteur

Marcha transformé en bête

Comme le voulut l’empereur :

Tant sut sa fille y faire.

 

 

            Virgile est nommément cité, et nous reconnaissons des épisodes et des personnages (l’empereur et la princesse, sa fille ; quelqu’un de suspendu aux fenêtres ; un autre transformé en animal), mais nous avons du mal à faire correspondre ces données avec le matériel qui nous est familier.

            Ainsi dans le second quatrain de Guylem, ce n’est pas l’habituel Aristote qui est transformé en monture, c’est Virgile, mais la lecture du Virgilesrímur nous a appris que Virgile aussi avait connu la même mésaventure. Le premier quatrain désigne le protagoniste par un vague ceyl. Dans les versions les plus répandues de la légende bien sûr, c’est Virgile qui reste suspendu au mur, mais nous savons aussi qu’au fil des siècles le fameux panier reçut d’autres occupants (comme Hippocrate ou Zoroas ou Antipol). Ce qui reste pour nous plus délicat, c’est que nulle part dans les témoignages qui nous sont parvenus, il n’est question d’une destruction des portes de Rome par celui qui se retrouvera suspendu entre les fenêtres de la princesse. L’éditeur A. Thomas note simplement : « Nous ne voyons pas qui l’auteur veut désigner par cette périphrase ».

            Le plus simple ne serait-il pas d’en conclure que Guylem de Cevera disposait de sources qui nous sont inconnues, voire qu’il pourrait avoir mal compris des textes plus conformes à la vision habituelle des événements ? Dans son édition du Lai d’Aristote de Henri d’Andeli, Maurice Delbouille note (p. 53, n. 1), à propos du « Virgile chevauché », que « La confusion commise par le poète catalan et par l'auteur du Virgilessrímur s'explique aisément si l'on songe […] que Virgile figurait régulièrement à côté d'Aristote quand on citait les cas où des sages illustres s'étaient laissé duper par des femmes ».

 

Texte : Antoine Thomas, Les « Proverbes » de Guylem de Cervera, dans Romania, t. 15, 1886, p. 25-108. Les quatrains 995 et 996 se trouvent à la p. 95. L’ensemble des Proverbes est accessible gratuitement sur la Toile dans la collection Internet Archive, en même temps que tout le volume 15 (1886) de Romania. – Les deux quatrains sont évoqués très rapidement, sans aucune traduction, dans M. Delbouille [Éd.], Le Lai d’Aristote de Henri d’Andeli, Paris, 1951, p. 53, n. 1 (Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège, 123), et dans J.L. Vidal, Vers un estudi de la fortuna de Virgili en la literatura catalana fins al Renaixement, dans L. Ferreres  [Éd.], Treballs en honor de Virgilio Bejarano. Actes del IXè Simposi de la Secció Catalana de la SEEC (St. Feliu de Guíxols, 13-16 d’abril de 1988), t. I., Barcelone, 1991, p. 296.

 

 

21. Chronique de Bertrand du Guesclin, par Cuvelier, trouvère du XIVe siècle

            Personnage historique, Bertrand Du Guesclin (né en 1320, mort en 1380), comte de Longueville, homme de guerre français et futur connétable de France, est amené à combattre en Espagne, où Henri II de Trastamare et son frère Pierre Ier le Cruel se disputent la couronne de Castille. Son chroniqueur du XIVe siècle, Matthis Cuvelier, relatant l’histoire de la prise de Cordoue et de Séville (I, v. 8931-9730), présente Henri et ses alliés arrivant à Tolède, ce qui lui donne l’occasion d’une courte digression sur l’ancienne célébrité de Toulette (= Tolède) où les escoles furent en on tamps qui passa (v. 9132) et sur Virgile qu’à celle escole alla (v. 9136). Il savait, Matthis Cuvelier, que bien des textes du moyen âge (que nous aurons l'occasion de rencontrer ailleurs) considéraient que c’est à Tolède que Virgile aurait appris la magie. Quatre vers très denses (9137-9140) évoquent alors le Virgile magicien :

 

Qui l’ingromance aprist, de son vivant usa ;

Dont la fille du roy laidement ahonta,

Le mirouoir de Romme fu fait par cel art-là,

Et s’en fist une teste qu’en fin le conchia.

 

            Il est donc successivement question de la fille du roi que sa magie laidement ahonta (= couvrit de honte), du miroir magique qu’il construisit pour surveiller de loin les alentours de Rome et de la « tête parlante », magique aussi, qui répondait à toutes ses questions et qui, à la fin de sa vie, le trompa (le conchia) parce qu’il n’en comprit pas la réponse qui lui parlait de sa mort prochaine. Nous étudierons ailleurs les deux dernières réalisations magiques citées (le miroir et la tête), mais la première, qui met en cause la fille du roy, fait sans aucun doute allusion à l’épisode de la vengeance à l’égard de la femme qui s’était moquée de lui (c’était ici une princesse royale).

            Le caractère allusif de ces évocations est une preuve supplémentaire et non équivoque que beaucoup d’épisodes de la « biographie » virgilienne (y compris ses études de magie à Tolède) étaient très bien connus des lecteurs et des auditeurs de la Chronique.

 

Texte : E. Charrière [éd.], Chronique de Bertrand du Guesclin, par Cuvelier, trouvère du XIVe siècle, tome I, Paris, 1839, p. 325 (Collection de documents inédits sur l'histoire de France. Première série, Histoire politique). Accessible gratuitement sur Gallica et sur Internet Archive.

 

 

22. La correspondance de Coluccio Salutati (lettre de 1371)

            L’abondante correspondance de ce grand humaniste et homme politique florentin du XIVe siècle qu’est Coluccio Salutati contient une lettre datée du 15 octobre 1371, qu’il adresse à l’un de ses amis pisans et où il discute de l’attribution des Tragédies à Sénèque le Philosophe.

            Il y oppose la raison à l’opinion populaire, affichant sa nette préférence pour la première (plus apud me valebit ratio quam vulgare proloquium). « Il serait trop long, écrit-il, de rassembler tout ce qu’accueille l’ignorance populaire (cuncta que popularis recipit inscitia), au point de juger tout à fait vrai tout ce qui est faux ». Une affirmation qui vient en conclusion (si l’on peut dire) de deux exemples de croyance populaire, qui précisément concernent notre Virgile et son compagnon d’infortune, Aristote.

 

    nec temere assentiendum vulgo arbitror, apud quod didicit sepius fama mentiri, adeo quod si quis Virgilium in amasie sue calatho tractum per fenestram minime pependisse contendat et de eiusdem mulieris tentigine neget, adhibitis facibus, magicum esse factum incendium, mendax ignarusque ab omnibus reputetur. idem vulgus Aristotelem equitatorie selle dorsum lupatisque ora prebuisse confirmat, dum puelle dilecte exhibet se vectorem.

 

    Je pense qu’il ne faut pas suivre aveuglément l’avis du vulgaire, amené trop souvent à se tromper parce qu’il suit l’opinion commune. Ainsi si quelqu’un prétendait que Virgile, après avoir été hissé dans le panier de sa maîtresse, n’était pas du tout resté suspendu à la fenêtre et s’il affirmait qu’une fois apportés les flambeaux, un incendie n’avait pas surgi par magie de l’ardeur lubrique de cette femme, ce quelqu’un serait considéré par tous comme un menteur et un ignorant. Le vulgaire affirme aussi qu’Aristote a offert son dos à une selle de cheval et sa bouche à des mors, en s’affichant comme une monture pour la jeune fille qu’il aimait.

 

            Ce qu’on retiendra de ce témoignage, c’est que des humanistes florentins du XIVe siècle ne croyaient ni aux récits des amours d’Aristote, ni à ceux traitant du Virgile « berné » et des modalités précises de sa vengeance (feux éteints puis rallumés de eiusdem mulieris tentigine). Tout en reconnaissant implicitement leur succès, ils les considéraient comme des croyances populaires, indignes de retenir l’intérêt de qui était attaché au primat de la raison.

            Jean d’Outremeuse (1338-1400) et Coluccio Salutati (1331-1406) étaient d’exacts contemporains, mais le premier était encore un homme du Moyen Âge, tandis que le second appartenait déjà à la Renaissance. Sur le plan du développement de la pensée, Liège et Florence n’étaient manifestement pas au même niveau.

 

Texte : Epistolario di Coluccio Salutati, a cura di Francesco Novati, t. 1, Rome, 1891, p. 150 (Fonti per la storia d'Italia, 15).

 

 

23. Von Virgilio dem Zauberer (anonyme, imprimé vers 1495)

            Mais passons au XVe siècle. Un texte que nous pourrions citer est un fragment de 642 vers imprimé à Nuremberg vers 1495 et découvert au début du XXe siècle. Écrit en allemand et intitulé Von Virgilio dem Zauberer, il faisait partie d’un ouvrage plus vaste et contenait sept épisodes de la vie de Virgile magicien.

            Nous ne le citerons toutefois que pour mémoire parce que les six premiers épisodes, qu’il contient, dont celui du panier et celui de la vengeance, représentent une simple réécriture, quand ce n’est pas la copie, des passages correspondants de la Weltchronik de Jans Enikel, écrite quelque deux siècles plus tôt.

 

* Texte : Spargo, Virgil, 1934, p. 453-471, en a proposé une copie littérale exécutée sur l’unique exemplaire conservé à la Bibliothèque universitaire de Munich. Depuis lors, la Ludwig-Maximilians-Universität de Munich en a mis sur la Toile une version numérisée de 20 pages au format pdf.

* Travaux : Fr. Schanze, « Von Virgilio dem Zauberer ». Ein unbekannter Druck Peter Wagners und seine Quellen. Enikels « Weltchronik » und ein Lied in Klingsors Schwarzem Ton, dans Gutenberg-Jahrbuch, t. 63, 1988, p. 88-94 ; Fr. Schanze, « Von Virgilio dem Zauberer », dans K. Ruh, etc. [Éd.], Die deutsche Literatur des Mittelalters : Verfasserlexikon, Berlin, New York, t. 10, 1999, coll. 384-385.

 

 

24. Albrecht von Eyb, Margarita poetica (1472)

            Beaucoup plus intéressant est le second texte, dû à Albrecht von Eyb (1420-1475), un  des plus anciens humanistes allemands. En 1472, il publie un Ehebüchlein (« Petit livre sur le mariage ») où il aborde en allemand la question des joies et des peines de la vie matrimoniale, accompagnant la discussion par des maximes générales d’ordre moral ou philosophique. Et la même année, il fait paraître à Nuremberg, en latin cette fois, une anthologie (Margarita poetica), où, tentant de mettre au point une rhétorique de l’Humanisme, il rassemble une vaste collection de textes en vers et en prose dus à des auteurs classiques et à des humanistes de son époque : on y trouve aussi bien du Cicéron et de l’Apulée que du Pétrarque, du Galeatius Sforza et du… Albrecht von Eyb. Preuve de son succès, cet ouvrage connaît plusieurs éditions à des dates (1472, 1478, 1479, 1484, 1495) et dans des villes différentes (Nuremberg, Paris, Cologne, Strasbourg, Bâle).

            La dernière partie du volume est occupée par une Summa Oratorum omnium, Poetarum, Historicorum ac Philosophorum, et Virgile intervient dans la section intitulée de uita philosophorum. Malheureusement l’allusion au panier et à la vengeance, dont il est difficile de retrouver l’origine précise, n’apporte pas grand-chose de bien neuf. La voici :

 

    De Virgilio legitur : quedam domina traxit cum ui eum ad medium turris cuiusdam, et ibi fecit eum stare ut omnes in ciuitate conspicerent eum qui, postea repositus, arte sua fecit ut non nisi in natura sua ignis inueniri et incendi possit.

 

    On lit ceci concernant Virgile : une certaine dame l’a tiré avec force jusqu’au milieu d’une certaine tour, et là elle le fit s’arrêter de manière à ce que tous les gens dans la ville puissent le voir. Et lui, une fois qu’il eut plus tard repris pied à terre, utilisa son pouvoir magique pour qu’on ne puisse trouver et allumer du feu que dans l’intimité de cette dame.

 

            Il est clair qu’Albrecht von Eyb n’a aucune intention de détailler une histoire qu’il s’est probablement borné à recopier d’une source antérieure, beaucoup plus ancienne. On retiendra qu’à la fin du XVe siècle, un humaniste estimait toujours nécessaire de l’intégrer dans sa « biographie » de Virgile, sans la moindre réserve critique toutefois. On n’a pas affaire à Coluccio Salutati et on ne se trouve pas dans la Florence de 1371.

 

Texte : L’édition de 1484 (Strasbourg, Cologne, Bâle) conservée à Wolfenbüttel, a été entièrement numérisée et est accessible gratuitement sur la Toile. C’est elle que nous avons consultée. La biographie de Virgile se trouve au folio 199. – Sur l’auteur, on pourra voir par exemple G. Klecha, Albrecht von Eyb, dans Die deutsche Literatur des Mittelalters. Verfasserlexikon, t. 1, 1978, col. 180-186.

 

 

25. The Pastime of Pleasure de Stephen Hawes (publié pour la première fois en 1509)

            Avec cette œuvre de Stephen Hawes (publiée en 1509), on entre dans le XVIe siècle. Curieux poème que ce Pastime of Pleasure de Stephen Hawes (né vers 1474, mort en 1523), qui fut Groom of the Chamber d’Henri VII dès 1502. Son oeuvre capitale est une vaste allégorie de quelque 5800 vers, dont le titre complet (The History of Graunde Amour and la Bel Pucel, conteining the knowledge of the Seven Sciences and the Course of Mans Life in this Worlde or The Passetyme of Pleasure), tout en fournissant quelques indications, ne suffit pas à donner une idée du véritable contenu. C’est en fait une très longue allégorie sur la vie de l’homme dans ce monde.

            Son sujet principal est l’éducation d’un chevalier (Graunde Amour) qui, parti à la recherche de La Bel Pucell, va parfaire son éducation aux Seven Sciences (lisez les sept arts libéraux) en visitant les différentes tours (Towers) où elles sont enseignées (par exemple Tower of Doctrine, Tower of Music, Tower of Geometry, Tower of Chivalry), avant d’arriver au Castel of La Bel Pucell, où il rencontre Peace, Mercy, Justice, Reason et Memory. Un heureux mariage avec La Bel Pucell ne met pas fin au roman, lequel se prolonge par l’arrivée de Age accompagné par Avarice et Cunning (fourberie, astuce) et par les avertissements de Death (la mort) amenant Contrition et Conscience. Le titre est explicite (the Course of Mans Life in this Worlde) : on est en présence d’un enseignement complet portant sur l’ensemble de la vie humaine ici-bas. L’œuvre, très populaire pendant la période des Tudors, est fort peu connue aujourd’hui. Il n’en existe, à notre connaissance, aucune traduction complète ni en anglais moderne ni, faut-il le préciser, en français.

            Graunde Amoure est déjà amoureux de La Bel Pucell quand il est fait chevalier dans la Tower of Chivalry. Il a repris la route et, avant d’entrer dans le Temple de Vénus, il reçoit d’une personne de rencontre une mise en garde concernant l’attitude appropriée à l’égard des femmes. Il importe, lui recommande cette personne, de ne pas leur faire confiance, et, pour appuyer sa thèse, elle lui rappelle les malheurs qui frappèrent notamment Aristote et Virgile lorsqu’ils tombèrent amoureux.

            Dans la présentation du cas de Virgile, près de cent vers (v. 3626-3729) traitent des épisodes du panier et de la vengeance. La description de cette dernière occupe 18 vers seulement (v. 3712-3729). C’est la seule que nous citerons parce qu’elle est la plus originale de toutes celles que nous connaissons et aussi, à dire vrai, plutôt curieuse :

 

And by his crafte he in Rome dyde drenche         3712

Euery fyre / for he lefte none to quenche

And towarde Rome a grete cyrcuyte aboute

Par sa magie, il étouffa à Rome

Chaque feu, n’en laissant aucun à éteindre.

Et dans une large zone autour de la ville,

There was no fyre that was vn put oute                 3715

He at her buttockes set a brennynge cole

No fyre there was but at her ars hole

She torned her tout that was cryspe and fat

All about Rome dyde fetche theyr fyre therat

Il n’y avait aucun feu qui ne soit pas éteint.

Lui, à ses fesses à elle, plaça un charbon brûlant.

Il n’y avait de feu que dans le trou de son cul.

Elle tourna son derrière qui était pimpant et gras.

Tous les gens de Rome allèrent y chercher leur feu.

One of an other myght no fyre get                           3720

It wold not kyndle without he it fet

Frome her ars by the magykes art

She blewe the fyre whan she lete a fart

Thus euery man myght beholde and se

On ne pouvait pas avoir du feu de quelqu’un d’autre.

Il ne s’allumerait pas s’il n’était pas pris

À son derrière, par l’art de la magie.

Elle soufflait le feu quand elle lâchait un pet.

Ainsi chaque homme put voir et regarder

With the lyght of fyre her praty preuyte                 3725

Thus all the cyte vpon her dyde wonder

For perfyte sorowe her herte was nere asonder

And thus Vyrgyll with crafty subtylnes

Rewarded her falshede and doublenes

À la lumière du feu son beau derrière (?).

Ainsi toute la cité fit merveille sur elle (?).

D’un chagrin profond son cœur était prêt d’éclater.

Ainsi Virgile avec l’astuce de son art

Lui fit payer sa fausseté et sa duplicité.

 

                On voit immédiatement où réside l’originalité du cérémonial de la vengeance, qu’il ne paraît pas utile de commenter. Il n’y a pas dans toute notre documentation d’autre mention comparable. On comprend (cfr l’encadré qui suit) que le passage qui l’expose ait parfois été censuré, en partie tout au moins.

 

Texte : Stephen Hawes, The Pastime of Pleasure ; a literal reprint of the earliest complete copy (1517) with variant readings from the editions of 1509, 1554 and 1555, together with introduction, notes, glossary and indexes by William Edward Mead, Londres, 1928, CXVI, 260 p. (Early English Text Society. Original series, 173). C’est, à notre connaissance, la dernière édition moderne de cette oeuvre. Les vers concernant Virgile (v. 3626-3729) se trouvent dans le chapitre XXIX aux p. 138-141. – Il en existe aussi une édition du milieu du XIXe siècle, mais sans introduction, sans numérotation des vers et avec des passages censurés (notamment les v. 3716-3725 ci-dessus) : The Pastime of Pleasure. An Allegorical Poem, by Stephen Hawes, Reprinted from the Edition of 1555, Londres, 1846, 220 p. (Percy Society. Early English Poetry, Ballads, and Popular Literature of the Middle Ages, 18). – À l’édition de 1846, on peut accéder sur la Toile gratuitement (Internet Archive), tandis que celle de l’Early English Text Society (W.E. Mead, 1928) est en accès réservé. On peut aussi télécharger gratuitement des parties importantes du texte (avec numérotation des vers) sur le site de AllPoetry. – En ce qui concerne l’auteur et son oeuvre, la Toile donne accès au chapitre IX du vol. II (The End of the Middle Ages) de The Cambridge History of English Literature in 18 Volumes (1907-1921).

 

 

26. The Deceyte of Women (anonyme, paru vers 1550)

            Restons en Grande-Bretagne, avec une compilation anonyme en prose, présentant non pas un catalogue des réalisations virgiliennes comme Les Faictz Merveilleux de Virgille, mais – un peu en vrac – une série d’ensamples (= exemples) de ruses utilisées par les femmes pour se libérer de l’emprise masculine et tromper les hommes. Vingt-deux récits, onze antiques et onze modernes en alternance, de longueur assez proche les uns des autres, sont ainsi proposés dans ce qui apparaît comme « la plus ancienne collection de nouvelles en anglais ».

            Cela commence par l’histoire du Paradis Terrestre : « Comment le serpent a trompé Ève et comment, après cela, celle-ci a trompé Adam ». Dans la série, Virgile occupe la partie centrale, avec le récit intitulé An olde deceyte of Uergilius (c’est le numéro 11). Ce récit commence par l’évocation de trois réalisations merveilleuses du magicien, un rappel en quelque sorte destiné à mettre en valeur ses capacités de sage et de savant, et à montrer que malgré tout cela des femmes ont réussi à le berner. Dans deux cas d’ailleurs, mais seul nous intéressera ici le premier, raconté dans les épisodes du panier et de la vengeance.

            Leur ordre est ici inversé, pour une raison assez simple. La troisième des réalisations virgiliennes traitait de l’histoire – nous la présenterons ailleurs – d’un feu perpétuel de Rome menacé par un archer. Ce motif du feu perpétuel amène manifestement à l’esprit de l’auteur celui de l’extinction des feux :

 

     À un autre moment Virgile avait éteint tous les feux qu’il y avait à Rome, et on ne pouvait en obtenir qu’au derrière d’une femme (at one womans ars) qui l’avait trompé. Pas question de se passer du feu de l’un à l’autre : chaque maison devait venir sur la place du marché chercher son feu au derrière de cette dame (at that womans ars).

 

            Vient alors le récit expliquant cette extinction des feux de Rome avec le rappel de l’objet même du chapitre : « Comment donc Virgile a-t-il été trompé par les femmes, alors qu’il était si sage (so wyse) et qu’il maîtrisait toutes les sciences (a mayster of all scyences) ? »  Puis vient le récit de sa mésaventure.

            Il était tombé amoureux d’une femme qui, dès le début, cherche à le tromper et à se moquer de lui. Elle lui propose un rendez-vous nocturne dans sa chambre en lui tendant le piège qui nous est maintenant familier. Lorsque Virgile arrive au pied de la maison (the whyche stoode in the market place, and in the myddle of Rome), la dame fait descendre le panier. On hisse le sage qui s’y installe mais la montée s’arrête à mi-hauteur, « à quarante pieds de la fenêtre », d’où la dame l’apostrophe : « Maintenant tout le monde verra que tu voulais coucher avec moi (howe thou woldest haue layne by me) ». Virgile restera suspendu là jusqu’au lendemain à sa plus grande honte (to his vtter confusion). D’où son désir de se venger d’elle (the whiche he auenged afterwarde vpon her). C’est le récit de la vengeance.

            Le chapitre consacré à Virgile continue avec le motif du Lyon of brasse (= le lion de cuivre, comprenez la Bocca della verità), où Virgile sera victime une seconde fois de la ruse féminine, en l’occurrence ici de sa propre femme. N’insistons pas, nous analyserons ailleurs les textes traitant de la Bocca della verità et mis en rapport avec Virgile.

            Comme on le voit, cette compilation du milieu du XVIe siècle ne contient rien de bien original. La description de la vengeance est d’ailleurs beaucoup plus pâle et plus neutre que celle qui figurait chez Stephen Hawes, mais quoi qu’il en soit, chez l’un comme chez l’autre, on observe, par rapport à certains textes plus anciens, un changement important de l’endroit précis où, sur la personne de la dame, le peuple de Rome a dû venir s’approvisionner en feu. Ces deux auteurs font intervenir sans la moindre ambiguïté, l’anus de la dame, non son vagin. Il a été question de cela dans l’introduction.

 

Texte : The deceyte of women, to the instruction and ensample of all men, yonge and olde, newly corrected, Londres, In Paules Churche yarde at the sygne of the Lambe, by [W. Copland for] Abraham Vele], circa 1557, [80 p.]. Le texte est accessible sur la Toile chez EEBO [Early English Books Online], mais en accès restreint. Heureusement il a été réimprimé, précédé d’une introduction, par Fr. Brie, The deceyte of women : Älteste englische Novellensammlung (1547), dans Archiv für das Studium der Neueren Sprachen und Literaturen, t. 156, 1929, p. 16-52, où le récit sur Virgile figure aux p. 34-35. C’est cette réimpression de Fr. Brie que nous avons utilisée.

 

 

27. Les Chronica de Sebastian Franck (Strasbourg, 1531)

            Sans changer de siècle, passons maintenant dans le monde germanique, avec un contemporain de Luther, Sebastian Franck (1499–c. 1543), humaniste, géographe, voyageur, historien, intéressé par la littérature populaire. Adepte de toutes les formes de liberté d’opinion, il fut impliqué dans les querelles de la Réforme, comme partisan, puis comme opposant de Luther.

            Son oeuvre la plus importante parut à Strasbourg en 1531, sous le titre de Chronica, Zeÿtbůch vnd geschÿchtbibel von anbegyn bis inn diþ gegenwertig M.D. xxxj. Jar. Chronique allant de la création du monde (= « le commencement ») jusqu’à son époque (= « la présente année 1531 »), elle est divisée en trois grandes parties, (a) d’Adam au Christ, (b) les empereurs (de Rome et du Saint-Empire de la Nation germanique), (c) les Papes et les querelles religieuses. C’était pour l’essentiel une énorme compilation, mais la troisième partie, ainsi que de longues préfaces et introductions, permettaient à l’auteur de s’engager personnellement dans les questions théologiques et religieuses de l’époque. À Strasbourg, l’année même de sa publication, cette œuvre lui valut la prison et l’exil. Elle sera toutefois largement lue et réimprimée jusqu’au XVIIe siècle.

            Très éloignée naturellement des problèmes contemporains de Sebastian Franck, la « biographie » de Virgile occupe une place très discrète dans la première partie, où quelques paragraphes présentent brièvement (folios 128 et 129) certaines merveilles napolitaines ainsi que les épisodes du panier et de la vengeance. De ces derniers, voici une transcription qui respecte autant que possible la graphie et la poncuation originales. Elle sera suivie d’un projet de traduction :

 

Er sol auch einsmals auff dise weiß von feiner Bulschaffte geleycht vnd geäfft sein worden / nemliche / da sie in im wohn als wolt sie in zu ir ziehen in eim Korb / etlich Gaden hoch auffgezogen / und daselbst mennigklich zu spott lassen hangen. Da hab er widerumb durch sein Kunst zu wegen bracht / daß in gantzem Rom kein Feuwer hab mögen eyngerrochen / auffgeschlagen oder angezündt werden / anders denn in irer Scham / darzu jeder man hab müßen kriechen der ein Feuwer wolt haben / auch keiner von dem andern sin Liecht hat anzünden mögen. Also ward kunst mit kunst / list mit list / vergolten.

 

Il doit également avoir été un jour trompé et berné par sa maîtresse de la façon suivante : pour qu’il puisse la rencontrer (?), elle l’avait amené à s’installer dans une corbeille qu’elle avait hissée à une certaine hauteur (?), puis qu’elle avait laissé pendre à la vue de tous pour se moquer de lui. En représaille et en utilisant son art, il avait fait en sorte que dans tout Rome aucun feu ne puisse être introduit, amené ou allumé (?) si celui qui voulait en avoir n’était pas allé le chercher dans son intimité. Chacun devait y aller. Et personne ne pouvait allumer son feu à celui d’un autre. Ainsi furent opposés l’art à l’art, l’artifice à l’artifice.

            Ici, tout comme chez Albrecht von Eyb, l’allusion au panier et à la vengeance n’apporte pas grand-chose de bien neuf. On a l’impression que leur mention faisait nécessairement partie de tout exposé encyclopédique où il était question de Virgile, qu’il s’agisse d’une chronique universelle ou d’une compilation sur la vie des philosophes.

 

Texte : Une édition critique commentée de l'ensemble de son oeuvre (Sämtliche Werke. Kritische Ausgabe mit Kommentar) été entamée en 1992 par H.-G. Roloff, mais comme elle ne semble pas présente en Belgique, nous n'avons pas pu vérifier si elle intégrait déjà l'édition des Chronica. Nous avons utilisé un fac-similé de l’édition de 1536, publié en 1969, à Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft. Le texte de l’édition de 1565 est accessible chez Google Books. Le passage sur Virgile y occupe le folio 129. – Sur l’auteur et son oeuvre, on pourra voir par exemple : Chr. Dejung, Franck, Sebastian, dans W. Killy, Literatur Lexikon. Autoren und Werke deutscher Sprache, t. 3, Gütersloh, 1989, p. 466-469; et dans P. Gisel [e.a.], Encyclopédie du protestantisme, Paris, 2006, col. 528-529.

 

 

28. Une première version édulcorée de la vengeance de Virgile (R.O. Spazier, 1830)

            Nous l’avons vu dans l’introduction, la majorité des auteurs du récit de la vengeance de Virgile ne reculaient pas devant des descriptions crûment détaillées. Il n’en fut plus toujours ainsi après la Renaissance, et le caractère particulier de ces versions posa parfois quelques difficultés. Nos deux derniers exemples datent du XIXe siècle et du début du XXe. Ils témoigneront certes d’une certaine pudibonderie, mais ils auront aussi l’avantage de montrer que la légende de Virgile magicien n’avait pas été oubliée.

           Nous avons évoqué plus haut une édition de Stephen Hawes, The Pastime of Pleasure (début du XVIe siècle), sortie à Londres en 1846, qui s’était bornée à censurer, avec des lignes de points, une partie du récit de la vengeance. Certaines versions iront plus loin, en substituant au texte litigieux un récit tout à fait différent. Nous en avons retrouvé deux.

            La première, qui va nous retenir assez longuement, figure sous la plume de R.O Spazier. Son histoire, un peu compliquée, nécessite quelques explications.

           Un savant anglais, W.J. Thoms, avait rédigé en 1829 un recueil de textes, intitulé A Collection of Ancient English Fictions, où figurait, à côté d’autres pièces, la première traduction anglaise (celle du XVIe siècle) des Faictz merveilleux de Virgille, avec, bien évidemment, le récit classique de la vengeance. L’année suivante, en 1830, R.O Spazier traduisit en allemand le recueil de W.J. Thoms. Mais il ne se bornait pas à la simple traduction des textes retenus par son prédécesseur. Il fournissait aussi à leur propos, dans une introduction et un appendice, nombre d'informations complémentaires et de mises au point. Certaines d’entre elles concernent les Faictz merveilleux et, plus largement, l’histoire de la légende du Virgile magicien.

            Ainsi, à la page XXII de son Einleitung, R.O Spazier signale « que la curieuse légende (die kuriose Sage) avec la dame romaine est encore racontée d’une autre manière que dans le livre populaire (als in dem Volksbuche) », entendez la version anglaise des Faictz merveilleux reprise par W.J. Thoms. Et cette nouvelle version, que nous appellerons alternative, R.O Spazier va la rapporter entre guillemets à la page suivante, toujours en allemand bien sûr. Voici son texte, que nous faisons suivre de notre traduction :

 

     Ebenmässig wird auch dies von Virgilio Marone gesaget, heisst es in einem alten Buche, dass er auf eine Zeit von seiner Bulschaft seye geäffet worden, indeme sie ihm befohlen, dass er sich in einen Korb setzen solle, alsdann wolle sie ihm zu ihr hinaufziehen : als sie ihn aber etliche Faden hoch hinaufgezogen, hat sie ihn allda männiglich zu spott in dem Korb hangen lassen ; da habe er durch seine Kunst zu wegen gebracht, nachdeme er wiederum herab kommen, dass als die Dame dess folgenden Tags auf den Markt zu der Zeit da am allermeisten das Volk zugegen gewesen, gehen wolle, ihr nicht anderst vorgekommen und sie bedünket, als hätte sich die Tyber ergossen, und müsste sie also durch das herzugelauffene Gewässer waten, hebete und schürzete sich auf für allem Volk bis an den Nabel : worüber dann ein sehr grosses Gelächter entstanden, bis ihr endlich die Augen geöffnet worden, und erkannte, woher dieses alles gerühret.

 

     De même, on raconte aussi ceci dans un ancien livre à propos de Virgilius Maro. Il fut à une époque berné par sa maîtresse. Elle lui avait commandé de s’installer dans une corbeille, sous prétexte qu’elle voulait le tirer à elle. Mais après l’avoir hissé à quelques brasses de hauteur, elle l’avait laissé pendre à  cet endroit, dans la corbeille, devant tout le monde, exposé à la moquerie. Une fois revenu à terre, il lui avait rendu la pareille grâce à son art. Comme la dame, le lendemain, voulait aller au Marché au moment où le peuple y était rassemblé en très grand nombre, il fit en sorte qu’elle s’imagina que le Tibre avait débordé et qu’elle devait passer à travers les eaux qui approchaient. Aussi souleva-t-elle ses vêtements et se troussa-t-elle devant tout le monde  jusqu’au nombril, ce qui provoqua de très gros rires. Finalement ses yeux s’ouvrirent et elle réalisa l’origine de tout cela.

 

            C’est donc par un enchantement que, sur la place du Marché, le magicien se venge de sa maîtresse, qui n’est pas nommée. Il lui fait croire que de l’eau arrive sur elle et qu’elle doit se trousser « jusqu’au nombril » pour ne pas être mouillée. Tout cela devant une assistance surprise et rieuse dont la victime de la plaisanterie n’a naturellement pas conscience. Elle ne réalisera la présence de spectateurs, à sa grande honte, qu’au moment où, l’enchantement prenant fin, elle constatera l’absence d’eau. Le magicien l’avait exposée au ridicule et à la moquerie populaire, ne faisant rien d’autre au fond que lui rendre « la monnaie de sa pièce ».

            Lorsqu’il transcrit cette version alternative, R.O. Spazier reprend-il un original allemand ou traduit-il en allemand un texte qui aurait été écrit dans une autre langue ? On ne le sait pas, car malheureusement il ne livre aucune indication bibliographique.

            Quoi qu’il en soit, la motivation du créateur anonyme de cette version ne fait aucun doute : c’est la décence. Mais reste qu'on peut s’interroger sur ses modèles éventuels.

 

a. la formule de l’enchantement

            La formule de l’enchantement est banale. Les magiciens, par définition presque, sont capables de faire croire n’importe quoi à n’importe qui ; ils sont même capables de proposer à une personne ou à un auditoire des spectacles purement imaginaires, créés de toutes pièces par la puissance de leur art et à l’existence desquels la personne ou l’auditoire visés se mettent à croire comme à la réalité.

            Les exemples d’enchantements et de sortilèges, de transformations apparentes, de scènes imaginaires, d’illusions, d’hallucinations, de suggestions, de fantasmagories, abondent dans la littérature médiévale. Nos lecteurs ont d’ailleurs pu se rendre compte que Jean d’Outremeuse, dans son récit du séjour de Virgile à Rome et à Naples, avait très souvent recours à ce procédé, facile et efficace.

            Ici aussi, c’est le procédé de l’illusion qui est utilisé : le magicien fait voir à sa victime des choses inexistantes et la fait réagir en conséquence. Mais, ce faisant, l’auteur de la version nouvelle introduit une nouveauté de taille. En effet, toutes les autres scènes de vengeance sont présentées comme réalistes, quel que soit par ailleurs leur caractère outrancier (chez Jans Enikel et chez Giovanni Sercambi le défilé des Romains venus chercher le feu avec tout ce qui peut s’enflammer ou, chez Stephen Hawes, la victime qui, au sens propre, « pète des flammes »), voire fantasmagorique (la forge du Virgilessrímur). Avec le recours à l’enchantement, on est, en matière narrative, dans un tout autre registre. Mais il y a encore des aspects plus particuliers à souligner.

 

b. le « prodige de l’eau »

            L’eau qu’on fait apparaître aux sens abusés des victimes ou des spectateurs n’est pas un prodige rare. Ainsi le chapitre 30 de l’Histoire de Valentin et Orson, une adaptation française en prose au XVe siècle d’une chanson de geste française du XIVe [sur Gallica], contient le récit suivant où intervient un enchanteur du nom d’Adramain :

 

     Adramain leva une chape par-dessus un pilier, en telle sorte qu’il sembla à ceux qui étoient présens que par la salle couloit une rivière fort rapide, et en icelle sembloit voir poissons en abondance. Et quand ceux du palais virent l’eau si grande ils levèrent tous leurs robes, comme s’ils eussent eu peur d’être noyés.

 

c. des femmes qui relèvent leurs robes

 

                Il y a aussi – plus en situation peut-être – le cas de femmes que l’on force à relever leurs robes. Ainsi le prodige attribué au célèbre magicien Héliodore contre lequel dût lutter saint Léon, Évêque de Catane au VIIIe siècle (cfr supra) :

 

     Alias (= mulieres) iter facientes falsa fluminis specie obiecta indecore nudari compulit, et per siccum pulveren quasi aquam inambulare (Acta sanctorum Feb., III p. 224, cité par Comparetti, Virgilio, 1896, p. 118, n. 1).

 

     À d’autres femmes en voyage il fit apparaître faussement un fleuve, les forçant à se déshabiller d’une manière inconvenante et à marcher sur de la terre sèche comme si elles traversaient de l’eau.

 

d. un conte des frères Grimm

 

            Il y a aussi et surtout le conte 149 KHM (abréviation courante des Kinder- und Hausmärchen « Contes de l’enfance et du foyer ») des frères Grimm. Son titre allemand est Der Hahnenbalken, en français « La paille et la poutre du coq ». En voici une traduction française tirée de la Toile :

 

     Il était une fois un sorcier entouré d'une grande foule, devant laquelle il exécutait ses tours et faisait ses prodiges. Entre autres choses, il fit avancer un coq, qui avait une énorme poutre sur le dos et qui la portait aussi facilement qu'un fétu de paille. Mais il y avait là une jeune fille qui venait de trouver un trèfle à quatre feuilles et qui, grâce à cela, possédait un esprit de sagesse et ne pouvait être suggestionnée, ni sujette aux fantasmagories. Voyant donc que la poutre n'était, en réalité, qu'un brin de paille, elle s'écria. - « Braves gens ! Ne voyez-vous pas que c'est un simple bout de paille et non pas une poutre que porte le coq ? » Le [prodige] s'évanouit aussitôt, et tous les gens virent effectivement les choses telles qu'elles étaient, de sorte que le sorcier fut couvert d'injures et chassé honteusement.

 

     « Attends un peu, se dit-il en contenant difficilement sa colère, je saurai bien me venger, et plus tôt que tu ne penses ! » À quelque temps de là, la jeune fille fêtait ses noces et s'acheminait vers l'église, en grande toilette, à la tête du cortège nuptial, coupant à travers champs. Tout à coup, le cortège fut arrêté par un ruisseau dont les eaux s'étaient gonflées et sur lequel il n'y avait ni pont, ni passerelle. La fiancée n'hésita pas et releva ses jupes (hob ihre Kleider auf) d'un geste leste, s'avançant pour traverser.

 

     Elle allait mettre le pied dans l'eau quand un grand rire éclata à côté d'elle, suivi d'une voix moqueuse qui lui disait: «Alors, tu ne vois donc pas clair ? Qu'as-tu fait de tes yeux pour voir de l'eau où il n'y en a pas ? » C'était le sorcier, dont les paroles eurent pour effet de dessiller les yeux de la mariée, qui se vit soudain les jupes haut levées (mit ihren aufgehobenen Kleidern), au beau milieu d'un champ de lin fleuri, d'un bleu tendre et beau. Toute la noce se moqua d'elle et la mit en fuite, à son tour, sous les quolibets et les sarcasmes.

 

            Ce conte est particulièrement intéressant, parce qu'il présente le même schéma fondamental que le récit du « Virgile berné et vengé » : la jeune fille a couvert de ridicule le magicien, et celui-ci un peu plus tard s’est vengé en la couvrant à son tour de ridicule.

            Publié dans le tome II des Kinder- und Hausmärchen, ce conte a vu le jour en 1815, quinze ans donc avant que R.O Spazier ne signale l’existence de la version « alternative ». Mais on n’attachera pas trop d’importance à ces dates, les frères Grimm n’ont fait (si l’on peut dire) que collecter et mettre en ordre un très abondant matériel de contes et de légendes qui leur était bien antérieur, et les recherches postérieures ont d’ailleurs montré la large diffusion de récits du type KHM 149 (p. ex. J. Bolte & G. Políva, Anmerkungen zu den Kinder- und Hausmärchen der Brüder Grimm, t. III, Leipzig, 1918, p. 201-206).

            Nous n’oserions pas affirmer bien sûr que l’auteur de la version alternative de la vengeance s’est inspiré du conte 149 de Grimm pour en reprendre la seconde partie. Ce que nous dirions par contre, avec prudence, c’est qu’il ne serait pas impossible qu’au début du XIXe ou à la fin du XVIIIe, un auteur, travaillant sur la version traditionnelle du « Virgile berné et vengé », ait estimé inconvenante la vengeance classique. Il aurait alors retranscrit l’histoire de Virgile en conservant le premier épisode et en remplaçant le second par une vengeance du type de celle que fournissaient des récits du genre de celui recueilli par les frères Grimm.

 

e. une origine allemande ?

            Un autre fait peut être observé. En ce qui concerne le premier épisode, on relève une certaine correspondance entre la version de R.O. Spazier et celle des Chronica de Sebastian Franck (Strasbourg, 1531), transcrite plus haut.

 

von feiner Bulschaffte geleycht vnd geäfft sein worden

von seiner Bulschaft seye geäffet worden

nemliche / da sie in im wohn als wolt sie in zu ir ziehen in eim Korb /

indeme sie ihm befohlen, dass er sich in einen Korb setzen solle, alsdann wolle sie ih zu ihr hinaufziehen 

etlich Gaden hoch auffgezogen /

etliche Faden hoch hinaufgezogen

daselbst mennigklich zu spott lassen hangen

allda männiglich zu spott in dem Korb hangen lassen

 

            Il est clair que certaines correspondances sont imposées par le schéma lui-même : Virgile doit entrer dans une corbeille (in einen Korb) qui sera hissée vers le haut (aufziehen) et où il restera suspendu (hangen lassen), exposé à la moquerie (zu Spott) du peuple rassemblé. C’est ainsi qu’il a été berné (geäffet). Mais, cette réserve faite, la présence de part et d’autre de quelques expressions assez particulières pourrait laisser supposer une certaine dépendance entre les textes.

            Ainsi Bulschaffte (Bulschaft), pour désigner la Dame, est un mot allemand rare, qui n’apparaît d’ailleurs dans aucun des autres récits sur la vengeance. Il en est de même pour männiglich (mennigklich) dans le sens de « en public, devant tout le monde », ainsi que pour la tournure tellement caractéristique de etliche Faden hoch hinaufgezogen (R.O. Spazier) tellement proche de l’etlich Gaden hoch auffgezogen (S. Franck). Il faudrait bien sûr des compétences linguistiques et paléographiques supérieures aux nôtres pour vérifier la valeur de ces observations. Mais nous avons l’impression que la première partie du récit transmis par R.O. Spazier pourrait avoir subi l’influence du texte des Chronica, et que l’auteur de la version « adaptée » pourrait donc être allemand.

            Bien sûr, la version de R.O. Spazier précise que cette histoire était racontée in einem alten Buche. Mais comment faut-il entendre pareille remarque ? Que veut-elle dire exactement ?

 

29. Une seconde version édulcorée de la vengeance de Virgile (Andrew Lang, 1901)

            Si l’origine de la version transmise par R.O. Spazier est finalement anonyme (un auteur allemand du XIXe ?), celle qui va maintenant nous retenir est signée et datée.

            On la doit à un auteur écossais très fécond, Andrew Lang, poète, historien et romancier, anthropologiste et folkloriste, traducteur et critique littéraire, qui vécut de 1844 à 1912. Il a à son actif, entre beaucoup d’autres choses infiniment plus marquantes, la publication entre 1889 et 1910 de douze recueils de contes merveilleux, totalisant 437 récits originaires de toute sorte de cultures et de pays. À la différence des frères Grimm toutefois, Lang ne travaillait pas sur la tradition orale mais sur des sources déjà publiées. Par ailleurs, sa collection ne s’adressait pas au monde scientifique, mais au grand public, voire à des enfants.

            Un de ses livres, The Violet Fairy Book (publié en 1901), rassemble trente cinq contes, dont Virgilius the Sorcerer, où l’auteur présente la légende médiévale du Virgile magicien en s’inspirant de la version anglaise des Faictz merveilleux. Son titre reprenait d’ailleurs celui de la version anonyme parue à Londres en 1893 et dont il a été question plus haut.

            Ce qui est intéressant pour notre sujet, c’est que le récit classique de la vengeance a complètement disparu. Febilla – c’est, comme dans la version de 1893, le nom de l’héroïne – est mise sur l’échafaud dans la place publique et chacun doit venir chercher du feu auprès d’elle, mais cela dit, tous les aspects du récit classique susceptibles d’offusquer ont disparu. C’est au feu qui rayonne de toute sa personne que les Romains viennent se réapprovisionner. La morale est sauve !

 

Note: Pour une présentation générale d’Andrew Lang et son œuvre, on pourra voir un manuel de littérature anglaise, comme, par exemple, P. Harvey, The Oxford Companion to English Literature, 4e éd., Oxford, 1967, p. 462 – Si l’on désire plus d’informations sur son activité de collecteur de contes et de légendes, on trouvera sur la Toile une description de la série des Fairy Books ainsi que des articles sur Virgilius the Sorcerer. – The Violet Fairy Book ne semble pas disponible en Belgique (en tout cas, il n’est pas repris dans UniCa) et nous n’avons pu avoir accès qu’à un résumé.

 

 

30. Les Maîtres chanteurs (Meistersinger) allemands

 

            L'information suivante est difficile à dater avec précisions. On connaît cette spécificité germanique des Meistersinger (en français « Maîtres chanteurs »). Réunis en corporation, ils ont exercé leur art du XIVe au XVIIIe siècle, principalement dans les villes impériales d'Allemagne du Sud, où leurs associations peuvent se comparer à celles des confréries pieuses du Moyen Âge tardif. Le terme de Meistersang ou Meistergesang (sans traduction française standard) désigne leur production poético-musicale, qui prenait la forme d’un chant monodique non accompagné, dont la déclamation est le plus souvent syllabique et qui suivait des règles strictes variables selon les écoles. Les pièces produites s'inspirent le plus souvent de motifs théologiques, tandis que les thèmes profanes à contenu moralisant traduisent une conception du monde teintée d'un profond pessimisme. Hans Sachs (1494-1576) est un des représentants les plus illustres du Meistersang (d’après l’Encyclopédie Larousse accessible sur la Toile).

            Fr.H. von Hagen (Gesammtabenteur, t. III, Stuttgart et Tubingen 1850, p. cxli, n. 4) signale l’existence d’un meistergesang récent qui avait mis en vers les aventures de Virgile. Il n’en fournit malheureusement pas le texte qui, à son époque, ne devait probablement pas être publié et qui pourrait encore être inédit aujourd’hui (J.W. Spargo ne semble pas en parler et nous n’avons pas réussi à en identifier une édition). En tout cas, Fr.H. von Hagen a vu le manuscrit et l’a utilisé car il en donne les références (Heidelberger Pap. Hds. 392, Bl. 96. 97), en transcrivant même l’incipit de la pièce (Her Vilius von Astronomey ze schůle gie) et en précisant bien qu’il y était question du ridicule infligé à Virgile dans la corbeille (die Verspottung im Korbe) et de la vengeance consistant à rallumer les feux dans l’intimité de la demoiselle (die Rache mit dem Feuerzünden an der ‘krinne’ [‘brinne’] des Fräuleins). Nous ne pouvons rien ajouter de plus, sinon relever qu’à l’époque de l’apogée des Meistersinger germaniques les deux épisodes du panier et de la vengeance étaient largement connus. Il y a donc peu de chance que la pièce poético-musicale en question contienne des éléments originaux.

 

Fr.H. von Hagen, Gesammtabenteuer. Hundert altdeutsche erzählungen : ritter- und pfaffen-mären, stadt- und dorfgeschichten, schwänke, wundersagen und legenden, von [nombreux auteurs], meist zum erstenmal gedruckt und herausgegeben, Stuttgart, 3 vol., 1850. Réimprimé chez Bibliobazaar, 2010, 740 p. Accessible dans son intégralité sur Internet Archive.

 

 

31. La tradition des Mirabilia au sens large

        Nous avons réservé pour un travail spécifique l'examen de la place ― fort marginale qu'occupe l'histoire du panier et de la vengeance dans la longue tradition, par ailleurs très complexe, des Mirabilia urbis Romae, à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance, qu'il s'agisse de guides anonymes (les Indulgentiae urbis Romae) ou de récits de voyageurs (Giovanni Rucellai, Nikolaus Muffel, Jean de Tournai, Arnold von Harff). Pour plus de détails, on pourra se reporter à la série d'articles parus dans les FEC 24 (juillet-décembre 2012),et particièrement à celui intitulé Les amours de Virgile dans la tradition des Mirabilia nouveaux.

 

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FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 23 - janvier-juin 2012

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