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Suétone (généralités)

Vie de César (généralités) - (latin 85 K) - (traduction 200 K)


  Suétone, Jules César, 39

 XXXIX. Magnificence de ses spectacles

(1) Il donna des spectacles de divers genres: des combats de gladiateurs, des pièces de théâtre jouées dans tous les quartiers de la ville, et même par des acteurs parlant toutes les langues, des jeux dans le cirque, des combats d'athlètes, une naumachie.

(2) On vit combattre dans le forum, parmi les gladiateurs, Furius Leptinus, d'une famille prétorienne, et Q. Calpenus, qui avait été sénateur et avocat. Les enfants de plusieurs princes d'Asie et de Bithynie dansèrent la pyrrhique.

(3) Aux jeux scéniques, Decimus Laberius, chevalier romain, joua un mime de sa composition. Il reçut de César cinq cents sesterces et un anneau d'or; et, de la scène, il alla, en traversant l'orchestre, s'asseoir sur l'un des quatorze gradins (réservés aux chevaliers).

(4) Au cirque, l'arène fut agrandie des deux côtés; on creusa tout autour un fossé qui fut rempli d'eau, et l'on vit des jeunes gens des plus nobles familles faire courir dans cette enceinte des chars à deux et à quatre chevaux, ou sauter alternativement sur des coursiers dressés à cette manœuvre. Des enfants, partagés en deux troupes, suivant la différence de leur âge, célébraient les jeux appelés Troyens. Cinq jours furent consacrés à des chasses. Le dernier spectacle fut celui d'une bataille rangée entre deux armées, et où combattirent, de part et d'autre, cinq cents fantassins, trente cavaliers et vingt éléphants. Afin d'ouvrir à ces troupes un plus vaste champ de bataille, on avait enlevé les bornes et dressé à leur place deux camps opposés l'un à l'autre.

(5) Des athlètes luttèrent, pendant trois jours, dans un stade construit exprès dans le quartier du champ de Mars.

(6) Pour la naumachie, un lac fut creusé dans la petite Codète, où s'affrontèrent des vaisseaux à deux, trois, et quatre rangs de rames, chargés de soldats figurant une flotte tyrienne et une égyptienne.

(7) L'annonce de tous ces spectacles avait attiré à Rome une si prodigieuse affluence d'étrangers, que la plupart d'entre eux couchèrent sous des tentes, dans les rues et dans les carrefours, et que beaucoup de personnes, entre autres deux sénateurs, furent écrasées ou étouffées dans la foule.

(1) Edidit spectacula uarii generis: munus gladiatorium, ludos etiam regionatim urbe tota et quidem per omnium linguarum histriones, item circenses athletas naumachiam.

(2) Munere in foro depugnauit Furius Leptinus stirpe praetoria et Q. Calpenus senator quondam actorque causarum. Pyrricham saltauerunt Asiae Bithyniaeque principum liberi.

(3) Ludis Decimus Laberius eques Romanus mimum suum egit donatusque quingentis sestertiis et anulo aureo sessum in quattuordecim e scaena per orchestram transiit.

(4) Circensibus spatio circi ab utraque parte producto et in gyrum euripo addito quadrigas bigasque et equos desultorios agitauerunt nobilissimi iuuenes. Troiam lusit turma duplex maiorum minorumque puerorum. Venationes editae per dies quinque ac nouissime pugna diuisa in duas acies, quingenis peditibus, elephantis uicenis, tricenis equitibus hinc et inde commissis. Nam quo laxius dimicaretur, sublatae metae inque earum locum bina castra exaduersum constituta erant.

(5) Athletae stadio ad tempus extructo regione Marti campi certauerunt per triduum.

(6) Nauali proelio in minore Codeta defosso lacu biremes ac triremes quadriremesque Tyriae et Aegyptiae classis magno pugnatorum numero conflixerunt.

(7) Ad quae omnia spectacula tantum undique confluxit hominum, ut plerique aduenae aut inter uicos aut inter uias tabernaculis positis manerent, ac saepe prae turba elisi exanimatique sint plurimi et in his duo senatores.


Commentaire

Gladiateurs : peut-être d'origine étrusque, les combats de gladiateurs sont introduits à Rome en 264 a.C.n. À l'origine, ils sont organisés à l'occasion de funérailles et il en sera ainsi pendant plusieurs siècles. Avec César et sous l'empire, ces spectacles perdent leur caractère funéraire. Cf. G. Ville, La gladiature en Occident des origines à la mort de Domitien, Rome, 1981 (BEFAR, 245).

Naumachie : cf. ci-dessous, § 6.

Furius Leptinus : inconnu. Dion Cassius (Histoire romaine, XLIII, 23, 4) mentionne également ce fait mais sans dire le nom du fils de préteur qui aurait combattu dans l'arène.

Q. Calpenus : inconnu par ailleurs.

Pyrrhique : danse guerrière.

D. Laberius : c.115-43 a.C.n. Auteur célèbre de mimes. Il faut, pour comprendre ce passage, se reporter au récit, plus détaillé, de Macrobe (Saturnales, II, 7). Laberius, chevalier romain, écrivait des mimes depuis longtemps mais ne paraissait pas lui-même sur scène : les acteurs étant considérés comme infames, il y aurait perdu son titre de chevalier. César invite (force ?) le vieil auteur à se produire lui-même, ce qu'il fait, non sans égratigner César dans son mime (voir le texte cité par Macrobe). César se venge en accordant la victoire au concurrent de Laberius, Publilius, puis, pour dédommager Laberius, lui restitue son titre de chevalier en lui donnant un anneau d'or, plus une somme d'argent (500.000 sesterces, selon Macrobe). Cf. R. Till, Laberius und Caesar, dans Historia, 24, 1975, p.260-286.

Mime : « Les anciens entendaient par ce mot une imitation des scènes vulgaires de la vie commune, une pièce naturaliste dans le sens le plus étendu du mot » (R. Pichon, Histoire de la littérature latine, 12e éd., Paris, 1930, p.89). On ne confondra donc pas le mime antique avec les représentations muettes qui portent le même nom dans le vocabulaire actuel.

Orchestre : espace situé entre la scène et les gradins (cavea). L'orchestra qui, dans le théâtre grec, sert aux évolutions du chœur, est, à Rome, occupé par les sièges des magistrats et des sénateurs. Aux chevaliers sont réservées les 14 premieres rangées de sièges de la cavea, et ce depuis la lex Roscia theatralis de 67 (cf. G. Rotondi, Leges publicae populi romani, p.374-375).

Circus maximus : entre le Palatin et l'Aventin. Suétone, comme Pline (Histoire Naturelle, XXXVI, 102) insistent à juste titre sur l'importance des travaux acomplis par César au Grand cirque. Cf. J.H. Humphrey, Roman Circuses. Arenas for Chariot Racing, Londres, 1986, p.56-294.

Fossé : en latin, euripus, par référence à l'étroit chenal séparant la Grèce continentale du centre de l'Eubée. Ce fossé, qui subsistera jusqu'à l'époque de Néron, était destiné à la protection des spectateurs des premiers rangs.

Desultor : cavalier qui se livre à des exercices de voltige sur un ou des chevaux lancés au galop. Suétone emploie ici l'expression equus desultorius qui désigne le cheval dressé pour ces exercices.

Jeux troyens : évolutions savantes et combats simulés d'enfants à cheval qui auraient été organisés pour la première fois par Énée lors de son escale en Sicile (cf. Virgile, Énéide, V, 545-603). D'après Suétone (Auguste, 43, 5), ces jeux furent fréquents sous le principat d'Auguste.

Chasses : spectacle très prisé à Rome depuis le début du IIe siècle. Les bestiaires s'attaquent à des bêtes sauvages (sangliers, taureaux…), mais de préference à des animaux exotiques (lions, tigres, panthères etc…).

Bornes : le grand cirque, vaste espace de plan longitudinal est divisé en deux, dans le sens de la longueur, par une arête centrale (spina). À chaque extrémité de la spina, se trouve une grosse borne semicirculaire, surmontée de trois cônes (metae), autour de laquelle les chars doivent tourner.

Champ de Mars : vaste espace situé dans une boucle du Tibre, au N.O. de Rome.

Codète (petite) : région du Champ de Mars signalée par le seul Suétone.

 


[2 décembre 2005]