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Suétone (généralités)

Vie de César (généralités) - (latin 85 K) - (traduction 200 K)


  Suétone, Jules César, 38

 XXXVIII. Ses largesses à ses soldats et au peuple

(1) Outre les deux mille sesterces qu'il avait fait compter à chaque fantassin des légions de vétérans, à titre de butin, au commencement de la guerre civile, César leur en donna vingt-quatre mille. Il leur assigna aussi des terres, mais non contiguës, afin de ne point dépouiller les possesseurs.

(2) Il distribua au peuple dix boisseaux de blé par tête et autant de livres d'huile, avec trois cents sesterces qu'il avait promis autrefois, et auxquels il en ajouta cent autres, pour compenser le retard.

(3) Il remit même, pour un an, les loyers dans Rome jusqu'à concurrence de deux mille sesterces, et dans le reste de l'Italie, jusqu'à concurrence de cinq cents.

(4) À tous ces dons, il ajouta un festin public et une distribution de viandes. Après sa victoire en Espagne, il fit servir deux repas; car le premier lui avait paru peu digne de sa magnificence: le second, donné cinq jours après, fut des plus somptueux.

(1) Veteranis legionibus praedae nomine in pedites singulos super bina sestertia, quae initio ciuilis tumultus numerauerat, uicena quaterna milia nummum dedit. Adsignauit et agros, sed non continuos, ne quis possessorum expelleretur.

(2) Populo praeter frumenti denos modios ac totidem olei libras trecenos quoque nummos, quos pollicitus olim erat, uiritim diuisit et hoc amplius centenos pro mora.

(3) Annuam etiam habitationem Romae usque ad bina milia nummum, in Italia non ultra quingenos sestertios remisit.

(4) Adiecit epulum ac uiscerationem et post Hispaniensem uictoriam duo prandia; nam cum prius parce neque pro liberalitate sua praebitum iudicaret, quinto post die aliud largissimum praebuit.


Commentaire

Deux mille sesterces : on aimerait établir une correspondance avec notre monnaie actuelle ; c'est malheureusement impossible. Notons cependant que le montant de 2.000 sesterces se retrouve un peu plus bas, au §3, où il correspond à un loyer d'un an à Rome.

Terres : l'attribution de lots de terre aux vétérans est une pratique courante à Rome. Les anciens légionnaires sont installés dans des colonies situées en Italie ou dans les provinces, sur des lots provenant de l'ager publicus. Cf. T. Frank, An Economic Survey of Ancient Rome, I. Rome and Italy of the Republic, Paterson N.J., 1959, p.316-317 ; L. Keppie, Colonisation and Veteran Settlement in Italy 47-14 B.C., Londres, 1983.

Dépouiller les possesseurs : de façon générale, les terres appartenant au peuple romain (ager publicus) proviennent de la conquête ou de confiscations. Suétone semble dire que César n'a pas voulu dépouiller les propriétaires au profit de ses vétérans mais certaines lettres de Cicéron (ad Fam., IX, 17 par ex.) et le témoignage d'Appien (Guerres civiles, II, 140) incitent à penser le contraire.

Dix boisseaux (modii) : correspondant à 87 litres 50, selon Carcopino, César, op.cit., p.965.

Dix livres : soit 3 kg. 270, selon Carcopino, ibid.

Loyers : cette dispense de payer les loyers ne coûte rien à César, ce sont les propriétaires qui sont lésés. Cicéron s'en plaint : « Vous ordonnez qu'on soit logé sans rien payer dans la maison d'autrui. Mais alors quoi ? Une demeure que j'ai achetée, construite, que j'entretiens à mes frais, c'est un étranger qui en jouira contre ma volonté ? C'est là prendre aux uns ce qui leur appartient, donner aux autres ce qui ne leur appartient pas. Quant aux remises de dettes, quel en est l'effet ? Quelqu'un achète un fonds de terre avec mon argent, il devient propriétaire et moi je suis volé » (Des devoirs, II, 83-84, trad. Ch. Appuhn).

Festin public : « Au banquet - epulum - de 46 , qui fut offert sur 22.000 triclinia à 66.000 invités et se prolongea plusieurs jours, César fit servir [les] 6.000 lamproies, pesant plus de 2.000 kilogs… et placer devant chaque groupe de neuf convives une amphore (26 l. 26) de Falerne, et un cadus (38 l. 38) de vin de Chio » (Carcopino, op. cit., p.961).

Victoire en Espagne : à Munda, en 45.

Somptueux : selon Pline (Histoire naturelle, XIV, 97), « c'est la première fois qu'on servit quatre sortes de vin », et de grands crus, Falerne, Chios, lesbos et Mamertin.

 


[24 novembre 2005]