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Suétone (généralités)

Vie de César (généralités) - (latin 85 K) - (traduction 200 K)


  Suétone, Jules César, 11

 XI. Il demande un commandement extraordinaire et se venge du refus des grands.

(1) S'étant concilié la faveur du peuple, il essaya, par le crédit de quelques tribuns, de se faire donner le gouvernement de l'Égypte, en vertu d'un plébiscite. Cette demande inopinée d'un gouvernement extraordinaire était fondée sur ce que les habitants d'Alexandrie avaient chassé leur roi, ami et allié du peuple romain, conduite généralement blâmée à Rome.

(2) L'opposition des optimates fit échouer les prétentions de César, qui, pour affaiblir à son tour leur autorité par tous les moyens possibles, releva les trophées de Gaius Marius sur Jugurtha, sur les Cimbres et sur les Teutons, monuments autrefois renversés par Sylla; et quand on informa contre les sicaires, il fit ranger parmi ces meurtriers, malgré les exceptions de la loi Cornélie, ceux qui, pendant la proscription, avaient reçu de l'argent du trésor public pour prix des têtes des citoyens romains.

(1) Conciliato populi fauore temptauit per partem tribunorum, ut sibi Aegyptus prouincia plebi scito daretur, nanctus extraordinarii imperii occasionem, quod Alexandrini regem suum socium atque amicum a senatu appellatum expulerant resque uulgo inprobabatur.

(2) Nec obtinuit aduersante optimatium factione: quorum auctoritatem ut quibus posset modis in uicem deminueret, tropaea Gai Mari de Iugurtha deque Cimbris atque Teutonis olim a Sulla disiecta restituit atque in exercenda de sicaris quaestione eos quoque sicariorum numero habuit, qui proscriptione ob relata ciuium Romanorum capita pecunias ex aerario acceperant, quamquam exceptos Cornelis legibus.


Commentaire

Tribuns : il s'agit ici des tribuns de la plèbe, à ne pas confondre avec les tribuns militaires dont il a été question au chapitre 5. Créés en 494 ( ?) pour défendre les intérêts de la plèbe (ius auxilii), les tribuns jouissent de pouvoirs considérables, surtout d'opposition aux décisions des magistrats et du sénat. Positivement, il ont le droit de convoquer les assemblées de la plèbe (concilia plebis) et d'y faire voter des plébiscites, lesquels représentent, depuis le début du 3e siècle, une partie importante de la législation romaine.

Égypte : on ne voit pas très clair dans ce que dit Suétone des projets de César relatifs à l'Égypte. Ce pays, politiquement très affaibli sous les derniers Lagides, semble avoir été légué à Rome en 80 par un testament de Ptolémée XI Alexandre II. Que ce testament ait existé ou non, il n'a pas eu d'effet immédiat : c'est Ptolémée XII Aulète qui devient roi en 80. Mais Rome hésite sur la conduite à tenir envers lui : le reconnaître ou annexer son royaume ? En 65, la question se pose de façon plus cruciale. César, dit Suétone, voudrait se faire attribuer le gouvernement du pays. De son côté, Plutarque (Crassus, 13, 2) prétend que Crassus, censeur cette année, voulait « rendre l'Égypte tributaire de Rome », concrètement donc, l'annexer, mais que l'autre censeur, Catulus, s'opposa à ce projet. Les Modernes sont partagés quant à l'interprétation de ces données. Certains, les plus nombreux, croient que, dans cette affaire, il y aurait eu une association entre César et Crassus, contre Pompée; pour d'autres, au contraire, le projet de César visait à renforcer Pompée, alors occupé par la guerre contre Mithridate. Voir à ce sujet Éd. Will, Histoire politique du monde hellénistique (323-30 av. J.-C.), II. Des avènements d'Antiochus III et de Philippe V à la fin des Lagides, Nancy, 1967, p.437-439 ; A.M. Ward, Marcus Crassus and the Late Roman Republic, Columbia-Londres, 1977, p.129-130.

Avaient chassé leur roi : sous le consulat de César, en 59, Ptolémée XII avait finalement été reconnu comme roi d'Égypte et déclaré « allié et ami du peuple romain » (Cf. César, Guerre civile, III, 107, 2). L'année suivante, les Alexandrins se révoltent contre le souverain qui s'enfuit à Rome : il sera réinstallé sur son trône en 55 par A. Gabinius, gouverneur de Syrie. Suétone commet donc une erreur de chronologie en situant ces événements à l'époque où César est édile, en 65.

Optimates : littéralement « les meilleurs ». Le terme a pris une connotation politique à la fin de la République. Les optimates se recrutent dans les familles sénatoriales conservatrices, dans le monde des chevaliers. Le « parti » des optimates s'oppose aux populares.

Trophées de Marius : sur les liens de famille entre César et Marius, vois ci-dessus, ch.6. Les trophées de Marius ont été dressés à l'occasion des triomphes qui ont suivi ses victoires sur Jugurtha en 104, et sur les Cimbres et les Teutons en 101. Ils ont complètement disparu. À ne pas confondre avec les statues de marbre, connues sous le nom de « trophées de Marius », qui se trouvent aujourd'hui au rebord de la place du Capitole.

Sicaires : de sica, stylet. Littéralement, « tueur à gages » mais le terme s'applique à tous les types d'assassins : "per abusionem, sicarios etiam omnes vocamus, qui caedem telo quocumque commiserunt" (Quintilien, Institution oratoire, X, 1, 12). Le dictateur Sylla avait, dans les années 80, renforcé le droit pénal romain en promulguant, notamment, une lex de sicariis et veneficiis (sur le sicaires et les empoisonneurs).Mais cette loi, selon Suétone, accordait l'impunité à ceux qui s'étaient rendus coupables d'homicide sur des personnes figurant sur les listes de proscription. En 64, César, président du tribunal compétent pour ces affaires en tant qu'ancien édile, supprime cette immunité pour ceux qui ont tué pour de l'argent. 


[27 juillet 2004]