Bibliotheca Classica Selecta - Autres traductions françaises dans la BCS - Plan - vv. 824-865 - vv. 976- 1001
MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS
vv. 866-975 (Scène XV)(Jason, Médée, [enfants], [précepteur])
JASON (866-868) (Plutôt agacé)
Me voici, comme j'en reçois l'ordre! Oui, tu as beau m'être hostile, tu ne pourrais pas te voir refuser ma présence. Au contraire, j'écouterai ce que tu exiges encore de moi, femme.
Jason, je te demande d'être indulgent pour mes propos. Mes emportements, il est naturel que tu les supportes après tant de preuves d'amour que nous avons tous deux échangées...
(Jason ne réagit pas. Silence embarrassé)
Moi, en réfléchissant je suis revenue à moi et je me suis adressé des reproches:
"Misérable que je suis! Pourquoi est-ce que je déraisonne et assomme ceux qui prennent de bonnes dispositions? Pourquoi est-ce que je me dresse en ennemie contre les souverains du pays, et contre mon époux qui prend pour nous les initiatives les plus opportunes, en contractant un mariage princier et en engendrant des frères pour mes propres petits? Ne vais-je pas mettre fin à mon emportement? Qu'est-ce que j'ai dans la tête alors que les dieux pourvoient si bien à mon sort? Est-ce que je n'ai pas des enfants? Est-ce que je ne sais pas que nous partons en exil et que nous n'avons que peu d'amis?"
C'est en envisageant tout cela que j'ai compris que j'agissais avec beaucoup d'imprudence et que je m'emportais en vain. Oui, maintenant je t'approuve et je pense que tu fais preuve de bon sens en t'engageant pour nous dans cette alliance...
Mais je suis une insensée! J'aurais dû t'assister dans tes desseins et t'aider à les mener à terme et me tenir près de ta couche et prendre plaisir à entourer ta jeune épouse de mes soins...
Mais je ne suis que ce que je suis... - non, je ne médirai pas - ...une femme! Tu ne devrais pas imiter mes méchancetés ni riposter à des enfantillages par des enfantillages!
Je cède et j'affirme que j'étais insensée à ce moment-là, mais maintenant j'ai pris une meilleure résolution.
(Hélant les enfants à l'intérieur de la maison)
Oh! Petits! Petits! Allons! Ne restez pas à l'intérieur! Sortez!
(Les enfants et le précepteur sortent de la maison)
Embrassez votre père et parlez-lui avec moi. En même temps oubliez cette vieille rancoeur envers des amis, faites comme votre mère! Le moment est venu pour moi de faire la paix et ma colère s'est calmée. Prenez-lui la main droite...
(Une plainte échappe à Médée qui se détourne)
Comme une pensée me vient des malheurs encore cachés!
(Se penchant avec émotion vers les enfants qui veulent l'embrasser)
Ô mes petits, même si vous vivez encore longtemps, est-ce ainsi que vous m'ouvrirez vos bras que j'aime tant? Pauvre de moi! Comme je suis portée à pleurer et pleine de crainte. Au moment où je renonce enfin au différend avec votre père, mes yeux attendris se sont remplis de larmes.
CORYPHÉE (906-907) (en larmes)
De mes yeux aussi ont jailli soudain des pleurs et je crains de voir s'amplifier encore plus le malheur actuel.
JASON (908-924) (Avec condescendance)
Je suis d'accord, femme, et je ne t'en veux pas pour ta première réaction. Il est naturel que la gent féminine affiche sa colère contre un conjoint qui négocie à son insu d'autres noces... Mais ton coeur a changé pour se fixer sur le meilleur parti à prendre, tu viens de reconnaître - en y mettant toutefois du temps - la supériorité de ma décision. Voilà l'attitude d'une femme de bon sens!
(Avec autosatisfaction et emphase)
(914-924) Quant à vous, mes enfants, ce n'est pas sans y réfléchir que votre père, avec l'aide des dieux, a largement assuré votre sauvegarde, car j'imagine qu'en plus vous formerez avec vos demi-frères l'élite du pays de Corinthe. Allons! Grandissez! Tout le reste est l'affaire de votre père et de tous les dieux qui lui sont favorables. Ah! Comme je voudrais vous voir arriver au terme de la jeunesse resplendissants et plus forts que mes ennemis!
(Se tournant vers Médée)
(922) Mais toi, pourquoi tes yeux se mouillent-ils à l'instant de larmes, pourquoi détournes-tu ta joue blanche et n'accueilles-tu pas avec joie ce que je dis?
MÉDÉE (925)
Rien! Je suis préoccupée par ces petits.
Prends courage! Je prendrai de bonnes dispositions pour eux.
MÉDÉE (927-928)
Je t'écouterai. Je ne mettrai certes pas tes propos en doute. La gent féminine est par nature portée aux larmes.
JASON (929)
Mais pourquoi donc te lamentes-tu sur les petits à ce point?
MÉDÉE (930-940)
Je leur ai donné le jour! Lorsque tu souhaitais que ces petits vivent, la pitié m'a prise et je me demandais si cela se réaliserait...
Mais revenons à ce qui t'a fait venir écouter mes propos. Certaines choses ont été dites, mais moi je dois parler du reste.
Il se fait que les maîtres du pays décident de m'exiler - pour moi, c'est le mieux, je le reconnais parfaitement - et cela pour que ma présence ne vous gênent ni toi ni les souverains. Je passe en effet pour être hostile à leur foyer. Moi, je quitte ce pays dont je suis chassée, mais les enfants... pour qu'ils soient éduqués sous ton autorité... demande à Créon de ne pas les chasser du territoire!
JASON (941) (Sans empressement)
Je ne suis pas sûr de le convaincre, mais je dois essayer!
MÉDÉE (942-943)
Alors toi, ordonne à ta femme de demander à son père de ne pas les chasser du pays!
JASON (944) (Dissimulant son embarras)
Bien sûr! J'ai d'ailleurs tout lieu de croire que je la convaincrai.
Oui, si c'est une femme comme les autres! Je prendrai part moi aussi à cette démarche car je lui enverrai des cadeaux qu'on considère de loin comme les plus beaux de tout ce qui existe maintenant au monde, je le sais bien. Ce sont les enfants qui les lui apporteront.
(Criant vers l'intérieur)
Allons! Que quelqu'un du personnel apporte tout de suite la parure!
(À Jason). Elle connaîtra, non pas un seul, mais une infinité de bonheurs, elle qui t'a reçu toi, le meilleur des hommes, pour partager sa couche nuptiale, elle qui possédera la parure qu'un jour Hélios, le père de mon père a donnée à ses descendants.
Un(e) esclave apporte la parure.
(Aux enfants)
Prenez ces cadeaux de mariage, mes enfants, dans vos bras... Allez les porter à l'heureuse jeune princesse. Elle recevra des cadeaux qui ne sont pas du tout dédaigner!
JASON (959-963)
Mais pourquoi, espèce de folle, dépouilles-tu tes mains? Crois-tu que la maison royale manque de vêtements? Crois-tu qu'elle manque d'or? Garde tout cela, ne le donne pas! Si ma femme me juge digne de quelque considération, elle me préférera à des richesses. Cela, j'en suis sûr, moi!
MÉDÉE (964-975)
Mais non! Ne me dis pas cela! On prétend que les cadeaux convainquent même les dieux! L'or est plus puissant qu'une infinité de paroles pour les mortels. C'est cela son heureux destin, c'est lui qu'un dieu favorisera: elle est jeune, elle règne. En échange de l'exil de mes enfants, je donnerais ma vie, pas seulement mon or!
(Aux enfants)
Ecoutez, mes petits! Une fois entrés tous deux dans la riche demeure, suppliez la nouvelle épouse de votre père, ma maîtresse, implorez-la de ne pas être chassés de ce pays en lui offrant la parure. Il faut avant tout qu'elle les reçoive en mains propres, ces présents. Allez-y tout de suite!
Ah! Si vous réussissiez à rapporter à votre mère l'heureuse nouvelle qu'elle désire recevoir à tout prix!
(Jason, les enfants et le précepteur s'en vont)
Plan - Scène XV - vv. 824-865 - vv. 976- 1001
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