[Extrait de Folia Electronica Classica, t. 29, janvier-juin 2015]

 

LES « MARQUEURS » DE LA NATIVITÉ DU CHRIST DANS LA LITTÉRATURE MÉDIÉVALE.
La christianisation du matériel romain

par

Jacques Poucet

Membre de l’Académie royale de Belgique

Professeur émérite de l’Université de Louvain

 


 

 Sommaire

 

Dans la tradition chrétienne, la naissance du Christ a été marquée par toute une série de manifestations sortant de l’ordinaire, soigneusement répertoriées par les auteurs chrétiens. Peu importe ici le nom qu’elles ont reçu (« miracles », « prodiges », « présages », « merveilles », « curiosités »), leur fonction est de « marquer » un événement exceptionnel pour attirer l’attention sur lui.

Pour les chrétiens, l’Incarnation est un événement d’une importance fondamentale, car le Dieu qui naît à Bethléem est censé venir sauver le monde et ouvrir un nouvel âge dans l’histoire de l’humanité. Rien d’étonnant dès lors que sa naissance ait « ébranlé » l’univers, et que les composants de celui-ci – astres, atmosphère, anges, hommes, animaux, plantes, objets matériels – aient « réagi » par des manifestations inhabituelles. Une telle conception, qui peut paraître absurde aux Modernes, ne l’était pas pour des esprits médiévaux.

Ces « marqueurs » de la Nativité, nombreux (nous en avons relevé près de trente), sont d'origine variée. Tout en évoquant chacun d'eux, le présent travail sera consacré en priorité à ceux qui contiennent du matériel emprunté (en tout ou en partie) à l’antiquité romaine. Comme ce matériel n’avait au départ aucun rapport avec la Nativité, les chrétiens durent le transformer en profondeur (contenu, chronologie, interprétation), pour les intégrer à leur religion. C’est ce processus de christianisation que nous étudierons de la manière la plus précise possible, essentiellement à travers de nombreux témoignages littéraires, qui vont de l’antiquité à la fin du moyen âge et qui seront largement cités et commentés.

En ce qui concerne ce matériel d’origine romaine, nous rencontrerons des phénomènes célestes, comme un triple soleil ou un cercle entourant le soleil, ou l’image d’une Vierge à l’Enfant censée apparaître dans le ciel à l’empereur romain Octavien (notre Octave-Auguste), ou d’autres événements extraordinaires que les Anciens jugeaient inexplicables et auxquels ils donnaient souvent le nom de prodiges, comme par exemple le bœuf qui parle, ou l’huile qui se met à sortir spontanément du sol, ou encore la demeure dont les fenêtres pourtant solidement fermées s’ouvrent brusquement dans un bruit effrayant. On assistera même au rattachement à la Nativité d’un événement à l’historicité indiscutable mais très postérieur, comme l’effondrement de l’amphithéâtre de Fidènes, survenu en 27 après Jésus-Christ.

Précisons que le point de vue adopté dans cet article est celui d'un historien de l'antiquité qui, après avoir longtemps travaillé dans le domaine des origines et des premiers siècles de Rome, s'intéresse depuis quelques années à la survie et à l'utilisation du matériel antique dans la littérature médiévale. L'auteur entend travailler en historien des légendes, sans intervenir en quoi que ce soit dans les questions de croyances religieuses.

 


 

Plan

 

L'étude comporte sept chapitres, précédés d'une « Introduction » et suivis d'une « Liste bibliographique » :

Introduction

Ch. I. Quelques observations générales

Ch. II. Les phénomènes célestes

Ch. III. Le bœuf parlant

Ch. IV. Phénomènes divers

Ch. V. La Vision d’Octavien, l’Ara Celi et la paix d’Auguste

Ch. VI. Le prodige de l’huile : Taberna Meritoria et Fons Olei

Ch. VII. En guise de conclusion

Liste bibliographique

Un plan plus détaillé est fourni en tête de chaque chapitre et une « Table générale des Matières » de l'ensemble de l'article est également disponible.

 

 

 

Bruxelles, 20 juin 2015

[Suite]


FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 29 - juillet-décembre 2015