FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 12 - juillet-décembre 2006


Les épigrammes de l’Anthologie latine attribuées à Sénèque (48-60)

© Stéphane Mercier, 2006


Praefatio Introduction
Carmina
1-13, 14-23, 24, 25-34, 35-47, 48-60, 61-72
Annexe

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Carmina 48-60 : texte et traduction

 

48 (R.440) — Le bonheur d’une vie tranquille

Ante rates Siculo discurrent aequore siccae
et deerit Libycis putris harena uadis,
ante niues calidos demittent montibus amnes
et Rhodanus nullas in mare ducet aquas,
ante mari gemino semper pulsata Corinthos [5]
confundet fluctus peruia facta duos,
ante feri ceruis submittent colla leones
saeuaque dediscet proelia toruus aper,
Medus pila geret, pharetras Romana iuuentus,
fulgebit rutilis India nigra comis, [10]
quam mihi displiceat uitae fortuna quietae
aut credat dubiis se mea puppis aquis.

Les navires traverseront à sec la mer de Sicile
et les bas-fonds de la Lybie seront dépourvus de sable fin,
les neiges laisseront couler des torrents d’eau bouillante depuis les montagnes
et le Rhône ne conduira pas ses eaux dans la mer,
Corinthe, toujours frappée par deux mers,
une fois devenue accessible, réunira leurs deux flots,
les lions sauvages présenteront leur cou aux cerfs en signe de soumission
et le sanglier farouche désapprendra les combats furieux,
le Mède s’armera de lances et la jeunesse romaine de carquois,
on verra flamboyer une chevelure rousse sur le tête des noirs Indiens :
on verra tout cela se réaliser avant que le bonheur d’une vie tranquille me déplaise
ou que mon esquif se risque en eau trouble.

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49 (R.441) — Le petit garçon du frère

Sic mihi sit frater maiorque minorque superstes
et de me doleant nil nisi morte mea ;
sic illos uincam, sic uincar rursus amando,
mutuus inter nos sic bene certet amor ;
sic dulci Marcus qui nunc sermone fritinnit, [5]
facundo patruos prouocet ore duos.

Puissent mon frère aîné et mon cadet me survivre
et puissé-je ne leur être cause d’aucune souffrance sinon par ma mort ;
puissé-je triompher d’eux par l’amour, et eux de moi en retour :
que notre affection mutuelle nous porte à cette belle émulation ;
puisse Marcus, qui à présent fait entendre un doux gazouillement,
le disputer un jour en éloquence à ses deux oncles.

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50 (R.442) — Le mont Athos

Xerses magnus adest ; totus comitatur euntem
orbis. Quid dubitas, Graecia, ferre iugum ?
Mundus iussa facit : solem texere sagittae,
calcatur pontus, <f>luctuat altus Athos.

Voici le grand Xerxès : tout l’univers accompagne sa progression.
Pourquoi hésites-tu, ô Grèce, à porter son joug ?
Le monde exécute ses ordres, ses flèches ont caché le soleil,
la mer est foulée aux pieds, l’Athos élevé est battu par les flots.

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51 (R.443) — Les richesses et l’âme d’un homme sans honneur

Quod tu<a> mille domus solidas habet alta columnas,
quod tua marmoreo ianua poste nitet,
aurea quod summo splendent laquearia tecto,
imum crusta tegit quod pretiosa locum,
atria quod circa diues tegit omnia cultus : [5]
hoc animos tollit nempe, beate, tuos ?
Aedibus in totis gemmae licet omnia claudant,
turpe est, nil domino turpius esse suo.

Ton palais élevé possède mille colonnes massives,
ta porte brille par son battant de marbre,
tes hauts plafonds lambrissés d’or resplendissent,
un revêtement précieux couvre le pavement au sol,
tes atriums sont recouverts d’un riche appareil :
heureux homme !  tout cela élève ton âme, n’est-ce pas ?
Quoique toutes les finitions, dans toute ta demeure, soient en pierres précieuses,
c’est une infamie que la maison n’ait rien de plus infâme que son propriétaire !

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52 (R.444) — À propos du même

Non est – falleris – haec beat<a>, non est,
quam uos creditis esse, uita ; non est,
fulgentes manibus uidere gemmas
aut testudineo iacere toro
aut pluma latus abdidisse molli [5]
aut auro bibere et cubare cocco,
regales dapibus grauare mensas
et, quidquid Libyco secatur aruo,
non una positum tenere cella :
sed nullos trepidum timere casus [10]
nec uano populi fauore tangi
et stricto nihil aestuare ferro :
hoc quisquis poterit, licebit ille
Fortunam moueat loco superbus.

Tu te trompes, ce n’est pas elle, la vie heureuse, ce n’est pas
celle que vous croyez ; ce n’est pas
de voir briller à ses mains des pierres précieuses,
de s’étendre sur un lit d’écailles
ou d’enfoncer son côté dans une couche moelleuse,
de boire dans des coupes d’or et de manger étendu sur des coussins écarlates,
de surcharger les tables avec des repas somptueux,
et, tout ce que l’on fauche en Libye,
de le conserver dans plusieurs greniers ;
mais c’est de ne se laisser gagner par la crainte en aucune circonstance,
de n’être pas affecté par la vaine faveur de la foule,
ni inquiet lorsque le fer est brandi devant nous :
celui qui se comportera de la sorte pourra fièrement
ébranler la Fortune sur ses fondements.

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53 (R.445) — Le décès d’un ami

Ablatus mihi Crispus est, amici,
pro quo si pretium dari liceret,
nostros diuiderem libenter annos.
Nunc par<s> optima me mei reliquit,
Crispus, praesidium meum, uoluptas, [5]
pectus, deliciae : nihil sine illo
laetum mens mea iam putabit esse.
Consumptus male debilisque uiuam :
plus quam dimidium mei recessit.

Mes amis, Crispus m’a été ôté,
lui pour qui, si je pouvais payer un prix,
je diviserais volontiers le nombre de mes années.
À présent, la meilleure part de moi-même m’a abandonné :
Crispus, mon appui, ma joie,
mon cœur et mes délices : sans lui,
mon esprit ne tiendra désormais plus rien pour agréable.
Épuisée et affaiblie, ma vie sera [désormais] pénible :
c’est plus que la moitié de moi-même qui s’en est allée.

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54 (R.446) — Sur une femme riche, belle et de noble extraction mais débauchée

Formosa es, fateor, diues generosa uenusta :
confitear, si uis, omnia. Redde uicem :
nempe parum casta es, nempe es deprensa. Negabis :
res uenit ad lites. Rursus et illa : ‘Nego’.
Dic potius : ‘Sed nempe semel, sed nempe puella ; [5]
et cum deprensa quis nisi frater erat ?’.
Frater erat ? ‘Nihil est, fecit quia Iuppiter illud’.
Sed quod non fecit Iuppiter, hoc facitis !

Tu es belle, je le reconnais, riche, de noble extraction et gracieuse :
tout cela, si tu le veux, je peux l’admettre. Rends-moi la pareille :
n’est-ce pas que tu es une femme de petite vertu ? n’est-ce pas que tu as été prise  sur le fait ? Tu le nieras.
L’affaire est portée devant le juge. Mais elle répète : « Je le nie ».
Dis plutôt : « Mais ce n’était qu’une fois, n’est-ce pas ? mais je suis jeune, n’est-ce pas ?
Et lorsque j’ai été prise sur le fait, qui était-ce, sinon mon frère ? ».
C’était ton frère ? « Ce n’est rien, puisque Jupiter a fait la même chose ».
Mais ce que Jupiter n’a pas fait, vous le faites !

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55 (R.447) — La ruine de la Grèce

Graecia bellorum longa succisa ruina
concidit, immodice uiribus usa suis.
Fama manet, fortuna perit : cinis ipse iacentis
uisitur, et tumulo est nunc quoque sacra suo :
exigua ingentis retinet uestigia famae [5]
et magnum infelix nil nisi nomen habet.

Fauchée par la ruine de guerres trop longues, la Grèce
s’est écroulée après avoir usé ses forces à l’excès.
Sa réputation demeure, sa fortune a disparu : on visite la cendre même
de celle qui gît, et aujourd’hui encore elle est vénérable par son tombeau ;
elle conserve les modestes vestiges d’une immense réputation
et, malheureuse, elle ne possède plus rien de grand que son nom.

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56 (R.448-449) — Le vin et la joie

Sic tua sit, quamcumque tuam uis esse puellam,
sic quamcumque uoles mutuus ignis edat,
sic numquam dulci careant tua pectora flamma
et sic laesuro semper amore uacent :
uince mero curas et, quidquid forte remordet, [5]
comprime deque animo nubila pelle tuo.
Nox curam, si prendit, alit : male creditur illi
cura, nisi a multo marcida facta mero.

Puisse-t-elle être tienne, la jeune femme que tu veux pour toi,
et puisse-t-elle être dévorée par le feu du même amour ;
puisse ton cœur n’être ainsi jamais privé de cette douce flamme
et demeurer toujours libre de l’amour qui doit un jour meurtrir.
Triomphe des soucis par le vin pur et si par hasard tu es rongé par le remords,
réprime-le et chasse le trouble de ton esprit.
La nuit, si elle s’empare de lui, alimente le souci : il est dangereux pour lui
de se confier à elle, à moins d’avoir été engourdi sous l’action du vin pur.

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57 (R.450) — Silence d’amour 

I<u>ratum tibi me cogis promittere, Galla,
ne narrem. Iura rursus et ipsa mihi,
ne cui tu dicas ; nimium est lex dura ? remittam :
praeterquam si uis dicere, Galla, uiro !

Tu m’obliges, Galla, à promettre sous serment
de ne rien raconter. Toi aussi, jure-moi à ton tour,  de ne rien dire à personne ;
est-ce un marché trop difficile ? Je peux t’accorder une exception :
si tu le veux, Galla, tu peux en parler à ton mari.

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58 (R.451) — Commencement et fin de l’amour

Nescio quo stimulante malo pia foedera rupi.
Non capiunt uires crimina tanta meae.
Institit et stimulis ardentibus impulit actu<m>
siue fuit fatum seu fuit ille deus.
Arguimus quid uana deos ? uis, Delia, uerum ? [5]
Qui tibi me <de>derat, idem et ademit amor.

Poussé par je ne sais quel mal, j’ai rompu mes pieux engagements.
Mes seules forces ne sont pas capables de si graves forfaits.
Celui qui m’a pressé de le faire et m’y a poussé avec des aiguillons ardents,
c’était soit le destin soit un dieu.
Pourquoi adresser aux dieux de vains reproches ? Veux-tu la vérité, Délie ?
Le même amour qui m’avait donné à toi m’a aussi soustrait à toi.

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59 (R.452) — L’oreille qui bourdonne

Garrula, quid totis resonas mihi noctibus, auris ?
Nescio quem dicis nunc meminisse mei.
‘Hic quis sit quaeris ? Resonant tibi noctibus aures
et resonant totis ? Delia te loquitur’.
Non dubie loquitur me Delia : mollior aura [5]
uenit et exili murmure dulce fremit.
Delia non aliter secreta silentia noctis
summissa ac tenui rumpere uoce solet,
non aliter teneris collum complexa lacertis
auribus admotis condita uerba dare. [10]
Agnoui : uerae uenit mihi uocis imago,
blandior arguta tinnit in aure sonus.
Ne cessate, precor, longos gestare susurros !
Dum loquor haec, iam uos opticuisse queror.

Oreille bavarde, pourquoi ces sons que tu me fais entendre toutes les nuits ?
J’ignore qui est la personne dont tu me dis qu’elle se souvient à présent de moi.
« Tu me demandes de qui il s’agit ? Tes oreilles résonnent
et résonnent encore toutes les nuits ? Délie parle de toi ».
Sans aucun doute Délie parle de moi : un son plus doux
me parvient ainsi que le bruissement d’un faible murmure.
Délie a coutume de ne pas briser autrement qu’à voix basse et discrète,
 le silence secret de la nuit,
de ne pas me faire de confidences autrement qu’après s’être
approchée de mon oreille en entourant mon cou de ses bras délicats.
Je l’admets : l’écho de sa voix réelle me parvient,
et ses accents très caressants bourdonnent à mon oreille.
Ne cessez pas, je vous en prie, de porter jusqu’à moi ces longs murmures !
Pendant que je dis cela, je me plains maintenant de votre silence.

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60 (R.453) — Une femme jalouse

Sic me custodi, Cosconia, neue ligata
uincula sint nimium neue soluta nimis.
Effugiam laxata nimis, nimis aspera rumpam,
sed neutrum faciam, commoda si fueris.

Puisses-tu me surveiller, Cosconia, de telle façon que mes liens
ne soient ni trop resserrés, ni trop lâches :
j’échapperai à ceux-ci et briserai ceux-là,
mais si tu es accommodante je ne ferai rien de tout cela.

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Commentaire des carmina 48-60

Carmen 48

Avec cette composition qui se rattache à l’ensemble des pièces dans lesquelles il loue le bonheur d’une vie tranquille, le poète déclare que bien des choses impossibles se réaliseront avant que son esquif, comme il dit, ne se risque en eau trouble, credat dubiis se mea puppis aquis (puppis est employé par synecdoque pour nauis) ; la métaphore de la navigation investie ici par le poète rappelle la finale du carm. 39 : me uehat in tutos parua carina lacus.

Le procédé de comparaisons ek tou adunatou est classique, et nous lisons par exemple chez Properce s’adressant à Cynthie : alta prius retro labentur flumina ponto, / annus et inuersas duxerit ante uices, / quam tua sub nostro mutetur pectore cura. Dans notre carm. 48, l’énumération est un peu fastidieuse (dix adunata).

L’anaphore des ante au vers 1, 3, 5 et 7 doit s’entendre en fonction du quam au vers 11, avec lequel ils sont en tmèse.

Nous corrigeons au vers 3 la leçon fontibus des manuscrits (car ce poème est proposé par le Vossianus et le Fuerstenfeldensis déjà rencontré avec les carm. 45 et 46) en montibus ; cette correction avait déjà été avancée par Herrmann et est approuvée par Shackleton Bailey. Les autres éditeurs ont préféré suivre le texte des manuscrits, mais celui-ci n’offre pas beaucoup de sens.

L’adunaton des vers 5-6 n’en est plus un depuis les travaux qui ont abouti, en 1893, au canal de Corinthe, long de six kilomètres environ et qui relie les deux bras de mer en faisant du Péloponnèse une île. Dans l’Antiquité, d’aucuns avaient formé le projet de creuser l’isthme, mais les moyens techniques visant à le réaliser étaient insuffisants, reléguant l’entreprise au statut d’adunaton.

Au vers 7, l’adunaton feri ceruis submittent colla leones rappelle notamment un exemple identique, sinon que les lions sont des tigres, chez Horace (Epod., 16, 31) : iuuet ut tigris subsidere ceruis – le passage dans lequel s’insère ce groupe présente également une série d’impossibilités.

Les deux exemples du vers 9 font référence à la manière dont combattent les Parthes[1] d’une part (cf. le Parthe fugax du carm. 33, 2), les Romains de l’autre.

Au vers 10, les cheveux blond-roux évoquent ceux des Germains, dont nous savons notamment par Tacite qu’ils avaient cette couleur. Cet auteur, tandis qu’il décrit les caractéristiques physiques de ce peuple, note en effet : et caerulei oculi, rutilae comae, magna corpora et tantum ad impetum ualida (Germ. 4).

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Carmen 49

Cette composition est l’une de celles qui confirme l’attribution (soit authentique soit fausse mais voulant paraître authentique) du corpus à Sénèque : le poète formule des vœux pour que son frère aîné et son cadet lui survivent et pour que son neveu Marcus, qui nunc sermone frintinnit, puisse un jour être le rival en éloquence de ses deux oncles. Tout cela confirme ce que nous savons sur la famille de Sénèque : son frère aîné L. Annaeus Novatus était un orateur de talent, comme Sénèque lui-même ; leur cadet, Lucius Annaeus Mela, est surtout connu pour être le père du poète Marcus Annaeus Lucanus, l’auteur du Bellum ciuile[2].

On notera particulièrement la triple anaphore (aux vers 1, 3 et 5) du sic avec la valeur d’un souhait[3], comme il est possible de trouver ut au sens de utinam. Nous retrouverons encore sic avec cette valeur optative dans les carm. 56 et 60[4]. Cet usage est bien attesté en poésie classique : Catulle 17, 5, Virgile, Ecl. 9, 30 et 10, 4, Horace, Carm., I 3, 1 ; etc.

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Carmen 50

Cette épigramme pose aux critiques un problème intéressant ; en effet, la pièce se présente comme un calque des trois premiers vers du carm. 5 et ne s’en distingue véritablement qu’au niveau du 4ème vers, qui résume en quelque sorte le développement plus ample des vers 4-8 du carm. 5. L’une et l’autre compositions ne sont pas proposées par le même manuscrit : le carm. 5 figure dans le Salmasianus alors que le carm. 50 est proposé par le Vossianus. Si nous examinons le texte de plus près, nous voyons que le premier distique est identique dans les deux manuscrits, mais que des modifications, légères sans doute, mais non moins réelles sont présentes au niveau du vers 3 : le carm. 5 a tellus iussa facit, caelum texere sagittae tandis que le carm. 50 porte mundus iussa facit, solem texere sagittae. Les philologues, confrontés à cette situation singulière, ont proposé un certain nombre d’hypothèses : sommes-nous en présence de deux compositions inspirées par un troisième poème aujourd’hui perdu (Riese) ? faut-il voir dans ces deux pièces la trace d’une double rédaction par un même auteur ou une imitation (Bardon) ? les deux pièces sont-elles issues d’une seule épigramme dont la transmission aurait donné lieu à une contamination dans le Salmasianus et à des omissions dans le Vossianus (Tandoi) ? Rien, à vrai dire, ne permet de donner une réponse aux interrogations que suscite ce couple d’épigrammes.

La correction de la leçon luctuat en fluctuat va de soi pour tous les éditeurs.

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Carmen 51

Cette épigramme satirique est caractéristique du genre : au développement succède une « chute » (que l’on appelle un aprosdokêton, un « inattendu ») dans le dernier vers, qui donne à l’ensemble un ton satirique. Le poète, après avoir énuméré (une énumération que n’est pas sans rappeler Properce, III 2, 11-13 : quod non Taenariis domus est mihi fulta columnis, / nec camera auratas inter eburna trabes, / nec mea Phaeacas aequant pomaria silvas) avec soin tout ce que la riche demeure du destinataire de son épigramme contient, s’indigne soudainement qu’il n’y ait dans une telle demeure rien de plus vil que son propriétaire. L’idée développée dans cette composition revient régulièrement dans les œuvres de Sénèque, et notamment dans les Lettres à Lucilius et le traité sur La providence :

(…) nos murs et nos plafonds ne sont pas seuls à exhiber une décoration bien mince : tous ces gens que tu vois s’avancer tête haute n’ont qu’une félicité de clinquant. Regarde de près : sous cette mince enveloppe de dignité tu reconnaîtras combien il se loge de misères[5].

J’ai entouré [c’est le dieu qui parle aux gens de bien pour les détourner de se plaindre lorsqu’ils sont frappés par les coups du sort] les autres de faux biens et j’amuse leurs pauvres âmes de l’illusion d’un long songe : je les ai parés d’or, d’argent, d’ivoire ; au-dedans ils n’ont rien qui vaille, etc[6].

Au niveau du texte lui-même, on notera l’anaphore du quod, répété dans chacun des cinq premiers vers et auquel répond le hoc du vers 6. Le sens est clair : « le fait que… le fait que… etc. : cela… ».

Dans le premier vers, le tu est généralement corrigé en tua (sauf Heinsius, qui propose tibi), sans quoi la phrase n’est pas intelligible.

L’adjectif beatus, au vers 6, est une conjecture généralement admise par les éditeurs depuis Scaliger (sauf Herrmann, qui s’obstine à découvrir partout le nom de Varus, mais nous verrons dans notre étude critique ce qu’il faut penser de ses absurdes conjectures sur ce point), au départ du uetate proposé par le ms. V, où cette leçon peu intelligible est elle-même une correction du uatate que le Vossianus présentait à l’origine. La qualification beatus a bien entendu le sens de ‘heureux’, mais plus spécifiquement celui que réjouit sa richesse.

Le sens du verbe claudant au vers 7 est un peu particulier : ‘clore’ doit s’entendre au sens de ‘enclore’ ou ‘couvrir’ : le poète veut donc dire que tout est recouvert de pierres précieuses. En ce sens, le verbe désigne la finition des différentes pièces de la maison.

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Carmen 52

Avec les carm. 53 et 67, cette épigramme se distingue des autres pièces du recueil par son mètre, l’hendécasyllabe phalécien. L’ambiance du poème est typique de la prédication cynico-stoïcienne, mais rencontre également les préoccupations épicuriennes. Le poète rejette les faux biens comme incapables de procurer à son détenteur une vie heureuse (la correction de beat en beata au vers 1 va de soi) et décrit ce qu’elle est à ses yeux : nullos trepidum timere casus / nec uano populi fauore tangi / et stricto nihil aestuare ferro. Nous avons là une admirable formulation de l’idéal finalement très proche que partagent les deux grandes écoles hellénistiques, et qui reçoit le nom d’ataraxia chez les épicuriens, d’apatheia chez les stoïciens. L’une et l’autre sectes qualifient ainsi diversement un même idéal d’inaccessibilité au trouble dont l’héritage conceptuel remonte à Démocrite, qui lui donne le nom d’euthumia.

L’énumération proposée par le poète appelle une comparaison avec une épigramme de Martial (X 47), dans laquelle celui-ci s’encourage à considérer avec discernement uitam quae faciant beatiorem. Dans l’œuvre tragique de Sénèque, cette épigramme est très proche de ce que chante le chœur du Thyeste, à partir du vers 344 : uitam quae faciant beatiorem etc. On peut tout particulièrement attirer l’attention sur les vers 350-352 : quem… / numquam stabilis fauor / uulgi praecipitis mouet, dont nous avons ici un écho au vers 11 : nec uano populi fauore tangi. Plus loin, aux vers 356-357, nous lisons non quidquid Libycis terit / feruens area messibus, que rappellent les vers 8-9 de notre poème.

Le même vers 8 rappelle également l’ode d’Horace, dans laquelle le poète déclare préférer sa tranquillité à tous les objets attisant le désir et l’envie des autres, et notamment quicquid de Libycis uerritur areis (I 1, 10).

Parmi les signes du luxe énumérés par l’auteur du poème, un mot à propos de testudineo… lecto. Le ms. V présente la succession lecto toro ; un de ces deux termes est de trop, pour des raisons autant métriques (hendécasyllabe) que sémantiques (doublet) : Prato choisit d’abandonner lecto, mais les autres éditeurs – et c’est eux que nous suivons – sont unanimes à préférer écarter plutôt toro, quoique les deux termes aient ici le même sens. Nous rencontrons chez Ovide une mention du même objet de luxe, Met., II, 737-738 : pars secreta domus ebore et testudine cultos / tres habuit thalamos, « la partie retirée de la demeure comportait trois chambres ornées d’ivoire et d’écailles » (trad. J. Chamonard).

Au vers 6, auro et cocco sont employés par métonymie pour désigner des coupes en or et des coussins écarlates. L’écarlate, coccum, est une teinture qui imite la pourpre et dont on teignait les étoffes et autres tissus.

On notera enfin les expressions positum tenere et trepidum timere dans deux vers successifs (9 et 10) et très exactement à la même place dans le vers.

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Carmen 53

Comme les carm. 52 et 67, cette épigramme « d’une grazia tutta catulliana » (Prato [1964], p. 212) est composée non pas en distiques élégiaques mais en hendécasyllabes phaléciens, le mètre favori de Catulle. Dans cette pièce, le poète déplore la mort de son ami Crispus[7], celui-là même semble-t-il qu’il louait avec l’effusion que l’on a vue dans le carm. 14. C. Passiénus Crispus est mort en 48 ap. J.-C., dans des circonstances mal connues : Agrippine, qui était alors son épouse, avait en effet conçu le désir de se marier avec l’empereur Claude. Crispus constituait dès lors un obstacle et a pu être assassiné par la mère du futur empereur Néron[8]. Pierre Grimal, dans ses touchants Mémoires d’Agrippine, présente une version romancée de la fin de Crispus, où l’excellent homme, comme il connaît l’ambition d’Agrippine et estime avoir bien vécu, épargne à sa femme la cruauté d’un homicide et se laisse tranquillement mourir de façon à n’être pas pour elle un obstacle[9].

Ici comme dans le poème précédent, nous rencontrons un souvenir d’Horace, puisque Crispus est décrit par le poète comme praesidium meum au vers 5. Dans l’Ode I 1, 2 d’Horace que nous citions ci-dessus, Mécène est également qualifié de praesidium. Le terme est emprunté à la langue militaire et sert à désigner un protecteur, c’est-à-dire la personne capable de prendre notre défense lorsque nous sommes la cible d’attaques de la part d’un adversaire.

Parmi les autres qualificatifs dont se sert le poète pour parler de son affection envers le défunt, relevons encore le plus quam dimidium mei dans le dernier vers (qui fait écho au pars optima… mei du vers 4, où l’on note au passage la correction évidente de la leçon par du Vossianus par tous les éditeurs). La célèbre définition pythagoricienne de l’ami comme étant la moitié de nous-mêmes est récurrente dans l’histoire de la littérature. Citons seulement Horace, puisque nous parlions de lui à l’instant : dans l’Ode I 3, 8, le poète de Venouse demande à Vénus de veiller sur l’un de ses amis, et serues animae dimidium meae.

Au vers 6, la leçon pectus est adoptée par Riese, Prato et Shackleton Bailey ; mais le texte du manuscrit n’est pas clair, et d’autres proposent notamment lusus (comme chez Martial, IV 87, 1-2 : infantem… lusus deliciasque uocat) et Baehrens opte pour portus.

Pour le reste, le verbe uiuam au vers 8 est au futur plutôt qu’au subjonctif. Dans le même vers, on notera encore la suppression de iam, éliminé pour des raisons métriques.

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Carmen 54

Cette composition mordante et pleine de vivacité annonce les pièces satiriques d’un Martial, « con cui ha, tra l’altro, in comune la tecnica del Witz finale » (Prato [1964], p. 213). Witz, c’est-à-dire en allemand « bon mot » ou « plaisanterie », soit le iocus ou le sal latins (cf. le carm. 21). Le poète admet toutes les qualités physiques et matérielles de la destinataire mais lui demande de reconnaître son peu de moralité. Comme celle-ci ne veut pas admettre la chose, l’affaire est portée devant le juge, res uenit ad lites. La jeune femme, qui est bien forcée d’avouer, fait valoir pour se disculper le caractère unique de son écart et sa jeunesse. Comme elle confesse le caractère incestueux de sa relation – quis nisi frater erat ? – , elle tâche de faire valoir la nullité d’un crime dont est coupable Jupiter lui-même qui, comme on le sait a épousé sa sœur Junon. La pièce se conclut sur un iocus : « Ce que n’a pas fait Jupiter, vous le faites », une allusion sans doute à une pratique sexuelle réprouvée par l’éthique romaine, la fellation par exemple.

Le premier vers est encadré par les adjectifs formosa et uenusta, qui sont proches sans doute mais non pas synonymes. Le poème 68 de Catulle nous éclaire sur cette différence : Quintia, écrit le poète de Vérone, malgré ses qualités physiques, n’est pas belle (formosa), car il lui manque la grâce (uenustas), ce grain de sel (mica salis) qui achève de réaliser la véritable beauté.

Au vers 3, le futur negabis peut avoir une valeur impérative : « tu le nieras » au sens de « va donc le nier » ou « nie-le donc ». C’est du reste, comme le fait observer Prato (1964, p. 214) le verbe qui convient ici, puisque c’est celui dont un accusé se sert pour plaider non coupable, « era il termine usato da chi se professava innocente ».

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Carmen 55

Avec les carm. 45 et 46, cette pièce est l’une des rares compositions de notre recueil à être transmise par plusieurs manuscrits, quatre en tout. Le Vossianus ainsi que le Fuerstenfeldensis Monac. lat. 6911 (du XIIIe ou du XIVe siècle) donnent à cette épigramme le titre de De Troi(a)e ruina ; le Vindobonensis 2521 (du XIIe siècle) propose le titre de Epitafium Magni Alexandri, en quoi il rejoint l’Erlangensis 380 (du XIe siècle) qui présente le même titre sous une forme abrégée : Ep. Al. M. Toutefois, l’un et l’autre titres sont également malencontreux[10] et ne rencontrent nullement le propos du poème. Celui-ci en effet rappelle le carm. 20 et parle de la ruine de la Grèce, qui, « malheureuse, n’a plus de grand que son nom », et magnum infelix nil nisi noment habet. Les éditeurs ont dès lors pris le parti de donner à cette composition un titre en rapport avec son contenu, par exemple (Riese, Prato, Shackleton Bailey) De Graeciae ruina.

Au vers 1, nous traduisons selon le sens en tenant compte de l’hypallage : « la ruine trop longue des guerres », c’est-à-dire « la ruine causée par de trop longues guerres ».

L’emploi du verbe uisitur au vers 4 est semblable à celui que nous avons déjà rencontré dans le carm. 40, 2 : il a le sens de ‘visiter’, de même aussi que le cognoscis du carm. 20, 1.

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Carmen 56

Le poème, qui se présente comme une pièce unique dans le Vossianus, est généralement divisé en deux compositions distinctes par les éditeurs (notamment Riese et Shackleton Bailey), qui marquent la rupture après le vers 4. Toutefois, nous pensons que Prato a raison de maintenir avec Scaliger l’unité de cette épigramme. Tout dépend en fait du sens que l’on reconnaît à cura, qui peut désigner une inquiétude ou un souci au sens large, mais peut également s’appliquer en un sens plus restreint au souci amoureux, c’est-à-dire au tourment conçu par une âme transie qui soupire après l’objet de son affection. Si nous entendons ici cura au sens large, alors il paraît opportun de scinder le poème en deux épigrammes distinctes et étrangères l’une à l’autre. Mais si l’on veut bien entendre cura au sens retreint, la composition jouit d’une incontestable unité : le poète souhaite à son destinataire de goûter l’amour de celle qu’il désire et lui recommande en attendant de s’enivrer pour trouver le sommeil.

Le thème développé dans la seconde partie de notre carmen est un lieu commun de la littérature. Prenons seulement deux exemples : Ovide parle de la curarum maxima nutrix / nox (Met., VIII, 81-82) ; Sénèque ne dit pas autre chose dans ses Lettres à Lucilius lorsqu’il écrit que nox exhibet molestiam, non tollit, et sollicitudines mutat (VI 56, 6).

Notons encore l’anaphore du sic dans les quatre premiers vers ; du point de vue de sa valeur, ce terme exprime un souhait, comme en grec houtôs avec l’optatif. Nous avons déjà rencontré sic en ce sens dans le carm. 49 et le retrouverons encore dans le carm. 60.

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Carmen 57

Dans cette petite pièce légère et comique dans le style de Martial, le poète répond à sa maîtresse qui l’adjure (au passage, signalons que iuratum est la correction de Scaliger admise par tous les éditeurs pour la leçon iratum du Vossianus) de ne rien dire de leur relation adultère en lui imposant la même exigence… pour la tempérer aussitôt, estimant qu’il pose là une condition trop dure. Il lui accorde une exception, qui arrive comme un aprosdokêton (en latin, on peut parler d’aculeus ou de cet aliquid luminis qui donne son sens à la pièce) : il lui permet de parler de la chose à une seule personne, son mari !

On notera tout particulièrement aux vers 1-2 la construction, rare et tardive, du verbe promittere avec la conjonction négative ne. D’ordinaire, ce verbe se construit avec un infinitif (futur) ou une proposition infinitive. Également tardive, la construction similaire du verbe iurare.

Au vers 3, le verbe remittere a le sens de ‘remettre’, c’est-à-dire d’accorder une remise ou de faire une concession.

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Carmen 58

Une autre composition dont la tonalité évoque les compositions de Martial ; cette fois le poète répond à une amie, qui a selon toute vraisemblance à se plaindre de son infidélité. L’auteur de notre carm. 58 commence par se disculper en reportant sa faute sur les dieux ou le destin, car il ne pense pas avoir assez de malice pour rompre de lui-même les vœux de fidélité qu’il a jurés à Délia (qui est aussi le nom de la femme chantée par Tibulle). Mais, don Juan cynique, le poète ironise et révèle à son amie la vérité dans le distique final : il l’a trahie parce qu’il en aime une autre, et le même sentiment qu’il avait auparavant donné (dederat est une correction évidente au derat du Vossianus) à elle le porte maintenant vers une autre.

Selon Burmann, le uana du vers 5 est une épithète pour Délia, mais il est préférable d’y voir un adjectif à l’accusatif : arguere uana, comme nous avions rencontré tenere positum ou timere trepidum dans le carm. 52.

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Carmen 59

Dans cette épigramme « di finissima fattura » qui « si inserisce degnamente nella migliore produzione epigrammatica latina » (Prato [1964], p. 219 – mais on nous permettra de la juger un peu précieuse), le poète s’adresse à ses oreilles qui la nuit lui font entendre le son d’une voix. Lorsque celles-ci lui répondent que cette voix n’est autre que celle de Délia[11], le poète se souvient avec émotion des manières de cette femme et reconnaît la vérité de ce que lui ont révélé ses oreilles. Mais tandis qu’il parle, le bourdonnement se tait, et le poète s’arrête alors, reprochant à ses oreilles d’être silencieuses lorsque lui-même parle.

Aux vers 4 et 5, on notera l’emploi de loquitur avec un complément à l’accusatif pour marquer l’objet dont on parle, comme par exemple chez Properce, IV 11, 30 : Afra Numantinos regna loquuntur auos.

Enjambement sur le vers 6, nous avons la construction aura uenit avec l’accusatif seul sans préposition, qui vaut pour ad aura uenit.

Au vers 11 (on note en passant la belle allitération agnoui uerae uenit), le syntagme uocis imago est la façon dont les latins expriment ce que les grecs appellent êchô, et nous à leur suite ‘écho’. En ce sens, il n’y a pas lieu de traduire « image de la voix », comme le fait Herrmann.

Notons encore, au dernier vers, la présence de la forme opticuisse du verbe obtitesco (ou optitesco), lui-même construit sur obticeo, ‘se taire’, qui est défectif et n’a pas de parfait. Ce verbe n’est pas courant.

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Carmen 60

 Dans cette composition légère et comique, le poète demande à sa femme de ne le surveiller ni de trop près ni de trop loin, sous peine de le voir se rebeller ou prendre la fuite ; mais il assure qu’il ne fera rien de tout cela, si sa Cosconia (nom d’une femme chez Martial, et qui revient par ailleurs régulièrement dans les inscriptions) sait se montrer commoda, c’est-à-dire « accommodante ». De toute évidence, le poète n’est pas disposé à émettre de pia foedera (comme ceux qu’il disait avoir rompus dans le carm. 58) à l’égard de son amie, et l’on se représente sans peine quels « accommodements » il a en vue.

Le titre donné par le lemmatiste pour cette épigramme est De zelotipa (corrigé par les éditeurs en zelotypa) ; ce terme est directement emprunté au grec et n’est attesté dans la littérature latine qu’à partir du Ier siècle ap. J.-C., chez Juvénal par exemple, qui parle (5, 45) d’un « jeune à qui l’on a donné la préférence sur le jaloux Iarbas », zelotypo iuuenis praelatus Iarbae.

La pièce s’ouvre sur un sic à valeur optative comme le houtôs grec ; nous avons rencontré ce terme en un sens identique dans les carm. 49 et 56. Au même vers 1 (et au vers 2), le terme neue équivaut et et ne.

Au vers 4, noter la traiectio du si : commoda si fueris.

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Notes

[1] Il est question ici de Mèdes et non de Parthes, mais les uns et les autres sont assimilés, comme chez Horace qui parle (Carm., II 16, 6) des Medi pharetra decori.

[2] Sur la famille de Sénèque, cf. notamment P. Grimal, Sénèque ou la conscience de l’Empire, Paris, Fayard, 1991 (1ère édition : Les Belles Lettres, 1978), spécialement pp. 49 et 53. Le frère aîné, Novatus est également connu sous le nom de Gallion en raison de son adoption par le rhéteur L. Junius Gallion ; nous savons qu’il fut proconsul d’Achaïe en 52 ap. J.-C., et il est question de lui dans les Actes des Apôtres. Méla, le cadet, devait pour sa part devenir procurateur impérial, comme nous le savons par Tacite (Ann., XVI 17). Le poète Lucain, prénommé Marcus, devait naître de ce Méla en 39 ap. J.-C. Les trois frères ainsi que Marcus, seraient tous contraints au suicide sous Néron en 65. Sénèque lui-même parle avec affection de sa famille dans la Consolation à Helvia, 18, 1 et suiv.

[3] Sur l’emploi de sic comme Wunschpartikel, cf. J.B. Hofman et A. Szantyr, Lateinische Syntax und Stilistik, Zweite Abteilung. Zweiter Teil. Zweiter Band, Münich, C.H. Beck’sche, 1965, pp. 330-331 et 658.

[4] Une épigramme que Juste Lipse estime incomplète et amputée de sa finale. Peut-être est-ce l’emploi de sic sans aucune consécution qui lui donne à penser cela ?

[5] Sénèque, Ep., XIX 115, 9 : « Nec tantum parietibus aut lacunaribus ornamentum tenue praetenditur : omnium istorum quos incedere altos uides bratteata felicitas est. Inspice, et scies sub ista tenui membrana dignitatis quantum mali iaceat » (trad. H. Noblot).

[6] Sénèque, De prou., 6, 3 : « Aliis bona falsa circumdedi et animos inanes uelut longo fallacique somnio lusi : auro illos et argento et ebore adornaui, intus boni nihil est » (trad. R. Waltz), et la suite au paragraphe 4.

[7] Sur les rapports entre Sénèque et Crispus, nous renvoyons à ce que nous avons noté à propos du carm. 14.

[8] La thèse de l’assassinat est formulée non pas chez Tacite (qui, de Crispus, ne fait que rapporter un mot plaisant en An., VI 20) mais chez Suétone, De poetis. Vita Passieni Crispi : « Periit [Crispus] per fraudem Agrippinae ».

[9] Pierre Grimal, Mémoires d’Agrippine, Paris, Éditions de Fallois, 1992, pp. 259-263. Le carm. 53 est d’ailleurs citée par Grimal à la fin de ce passage où Agrippine raconte avoir reçu de Sénèque « une épigramme fort courte, dans laquelle il disait son chagrin, affirmant qu’il avait perdu ‘la meilleure partie de lui-même’, que jamais plus rien ne lui causerait le moindre plaisir et qu’il aurait voulu partager avec lui ce qui lui restait à vivre ».

[10] Celui de l’Erlangensis et du Vindobonensis s’expliquent facilement : ces deux manuscrits proposent le carm. 55 immédiatement après les carm. 45 et 46 ; or le nom d’Alexandre le Grand est cité dans la première de ces deux pièces, et nous avons vu qu’il paraissait raisonnable de le retrouver encore, mais avec celui de Pompée cette fois, dans la seconde.

[11] La question de savoir si cette Délia est la même que dans l’épigramme précédente ne doit pas nous retenir trop longuement, car toute conjecture ne peut être que gratuite (les deux pièces sont elles seulement dues à un même auteur ?) ; il est cependant évident que, dans le cas où c’est une même personne qui compose les deux poèmes et que ces deux pièces évoquent la même Délia, l’une et l’autre compositions appartiennent à des moments distincts de la relation entretenue par le poète avec cette Délia.

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Praefatio Introduction
Carmina
1-13, 14-23, 24, 25-34, 35-47, 48-60, 61-72
Annexe

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FEC - Folia Electronica Classica  (Louvain-la-Neuve) - Numéro 12 - juillet-décembre 2006

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