FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 12 - juillet-décembre 2006
Les épigrammes de l’Anthologie latine attribuées à Sénèque (35-47)
© Stéphane Mercier, 2006
Praefatio — Introduction
Carmina 1-13, 14-23, 24, 25-34, 35-47, 48-60, 61-72
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Carmina 35-47 : texte et traduction
35 (R.427) — Une nuit de plaisirs ininterrompus
Sic et ames, mea lux, et rursus semper ameris,
mutuus ut nullo tempore cesset amor.
Solis ad occasus, solis sic <semper> ad <or>tus
hesperus hoc uideat, Lucifer hoc uideat.
(…)
Puisses-tu ainsi, ma lumière, aimer et être toujours aimée en retour,
de telle façon que jamais ne cesse l’amour que nous avons l’un pour l’autre.
Au coucher du soleil et de la même façon toujours à son lever,
puisse l’étoile du soir être le témoin de ce spectacle, puisse l’étoile du matin l’être à son tour.
(…)
Serranum Vegetumque simul iunctumque duobus
Herogenem, caros aspice Geryonas.
Esse putas fratres : tanta pietate fruunt<ur>.
Immo neges : sic est in tribus unus amor.
Triga mihi paucos inter dilecta sodales, [5]
triga sodalicii par<s> bene magna mei.
Vois ces chers Géryons : Serranus, Vegetus
et, ensemble avec ces deux-là, Hérogène.
Ce sont des frères, penses-tu, tant est grande l’affection qu’ils se vouent.
Ou plutôt, ce n’est pas ça, diras-tu : dans ces trois-là vit un unique amour.
Ce trio bien-aimé fait partie du petit nombre de mes amis,
et de cette compagnie il constitue une part bien grande.
37 (R.429) — Pas de vers austères
Iam libet ad lusus lasciuaque furta reuerti ;
ludere, Musa, iuuat : Musa <se>uera, uale !
Iam mihi narretur tumidis Arethusa papillis,
nunc astricta comas nunc resoluta comas,
ut modo nocturno pulset mea limina signo, [5]
intrepidos tenebris ponere docta pedes,
nunc collo molles circum diffusa lacertos ;
ut flectat niueum semisupina latus,
inque modos omnes, dulces imitata tabellas,
transeat et lecto pendeat illa meo, [10]
nec pudeat quicquam, sed me quoque nequior ipso
exultet toto non requieta toro.
Non deerit, Priamum qui defleat, Hectora narret :
ludere, Musa, iuuat : Musa seuera, uale !
J’en reviens à présent avec plaisir à des amusements et autres ébats furtifs :
ô Muse, il est agréable de badiner : adieu, Muse sévère !
Que l’on me parle à présent d’Aréthuse aux seins gonflés,
dont la chevelure est tantôt nouée, tantôt défaite : comment
elle frappe maintenant à ma porte selon un signal convenu pour la nuit,
elle qui a appris à marcher d’un pas assuré dans les ténèbres ;
comment elle a maintenant entouré mon cou de ses bras souples,
et courbe ses hanches d’un blanc de neige, à moitié couchée,
et, à l’imitation des agréables tableaux, comment elle prend
toutes les positions et repose sur mon lit,
et comment, n’éprouvant aucune honte et plus débauchée encore que moi,
elle bondit sans repos partout sur le lit.
Il ne manquera pas de gens pour déplorer le sort de Priam et parler d’Hector :
ô Muse, il est agréable de badiner : adieu, Muse sévère !
38 (R.430) — Un jeune garçon aimé
O sacros uultus Baccho uel Apolline dignos,
quos uir, quos tuto femina nulla uidet !
O digitos, quales pueri uel uirginis esse
uel potius credas uirginis esse deae.
Felix, si qua tuum conrodit femina collum, [5]
felix, quae labris liuida labra facit,
quaeque puella tuo cum pectore pectora ponit
et linguam tenero lassat in ore suam.
Ô visage sacré digne de Bacchus ou d’Apollon
et que personne, homme ou femme, ne voit sans péril !
Ô doigts que l’on croirait être ceux d’un jeune garçon ou d’une jeune fille,
ou plutôt d’une jeune déesse.
Heureuse, la femme qui mordille ton cou,
heureuse, celle qui meurtrit ses lèvres au contact des tiennes,
heureuse la jeune femme qui repose sa poitrine sur la tienne
et fatigue sa langue dans ta tendre bouche.
39 (R.431) — Excuses pour la légèreté des sujets abordés
Esse tibi uideor demens, quod carmina nolim
scribere patricio digna supercilio ?
Quod Telamoniaden non aequo iudice uictum
praeteream et pugnas, Penthesilea, tuas ?
Quod non aut magni scribam primordia mundi [5]
aut Pelopis currus aut Diomedis equos ?
Aut <ut> Achilleis infelix Troia lacertis
quassata Hectoreo uulnere con<ci>derit ?
Vos mare temptetis, uos detis lintea uentis :
me uehat in tutos parua carina lacus. [10]
Je dois te paraître fou, pour ne vouloir pas écrire de poèmes
dignes de la morgue patricienne ;
pour négliger le fils de Télamon, vaincu au terme d’un jugement inique,
et tes combats, Penthésilée ;
pour ne pas écrire à propos des commencements du vaste monde,
du char de Pélops ou des cavales de Diomède,
ou dire comment Troie l’infortunée, ébranlée par la blessure d’Hector,
a été abattue par les bras puissants d’Achille.
Vous pouvez vous aventurer sur la mer et livrer vos voiles au vent :
moi, qu’une petite barque me porte sur un lac tranquille;
40 (R.432) — Le tombeau de Caton
Ne miserere sacri deformia busta Catonis :
uisuntur magni parua sepulcra Iouis.
Ne déplore pas la laideur de la tombe de l’auguste Caton :
on visite le petit tombeau du grand Jupiter.
41 (R.433) — Le bonheur d’une vie plus humble
Est mihi rus paruum, fenus sine crimine paruum ;
sed facit haec nobis utraque magna quies.
Pacem animus nulla trepidus formidine seruat
nec timet ignauae crimina desidiae.
Castra alios operosa uocent, sellaeque curules [5]
et quicquid uana grandia mente mouet.
Pars ego sim plebis, nullo conspectus honore,
dum uiuam dominus temporis ipse mei.
Je possède un petit domaine à la campagne ainsi qu’une modeste rente qui échappe à l’accusation ;
mais la tranquillité qu’ils me procurent grandit à mes yeux ces deux choses.
Une âme que n’agite aucune crainte conserve la paix
et ne craint pas qu’on l’accuse de goûter un repos paresseux.
Que d’autres soient tentés par la dure vie des camps, par les sièges curules
et toutes les grandes entreprises mises en branle par des sots.
Que je sois, moi, un homme du peuple, dépourvu de ces honneurs qui attirent le regard,
pourvu que je vive en étant moi-même maître de mon temps.
42 (R.434) — Excuses pour être un esclave de l’amour
Insanus uobis uideor. Nec deprecor ipse,
quominus hoc uidear. Cur tamen hoc uideor ?
Dicite nunc : ‘Quod semper amas, quod semper amasti’.
Hic furor, hic, superi, sit mihi perpetuus !
À vos yeux j’ai l’air d’un fou. Moi-même je ne cherche pas
à ne point le paraître. Mais pourquoi en ai-je l’air ?
Dites-le à présent : « Parce que tu es toujours amoureux, parce que tu l’as toujours été ».
Cette folie, ô dieux, puisse-t-elle durer à jamais !
Quaedam me – si credis – amat, sed dissilit, ardet
non sic, non leuiter, sed perit et moritur.
Dum faciet gratis quaedam simul atque rogaro,
ostendam quam non, semper amatus, amem.
Une femme, si tu m’en crois, est amoureuse de moi, mais elle crève d’amour, elle brûle,
pas juste comme ça ou à la légère : elle se consume, elle se meurt d’amour.
Tant qu’elle me fera gratuitement des choses que je lui aurai demandées,
je lui montrerai comment, quoique toujours aimé, je ne suis pas amoureux.
44 (R.436) — Le visage blanchi à la craie
Cum cretam sumit, faciem Sertoria sumit.
Perdidit <ut> cretam, perdidit et faciem.
Lorsqu’elle met de la craie, Sertoria revêt un beau teint.
Quand elle a perdu la craie, elle a également perdu son beau teint.
45 (R.437) — La mort rend toutes choses égales
Quisquis adhuc nondum fortunae mobile regnum
nec sortem uarias credis habere uices,
aspice Alexandri positum memorabile corpus :
Abscondit tantum putris harena uirum !
Qui que tu sois qui ne crois pas encore
à la mobilité du règne de la fortune et aux aléas du sort,
regarde le cadavre enseveli du glorieux Alexandre :
du sable fin recouvre un si grand homme !
Iunxit magnorum casus Fortuna uirorum :
hic paruo, nullo conditus ille loco est.
Ite, nouas toto terras conquirite mundo :
nempe manet magnos paruula terra duces.
La Fortune a uni le sort des Grands :
celui-ci est enterré dans un petit tombeau, et celui-là n’en a pas.
Allez par tout l’univers conquérir de nouvelles terres :
c’est un fait, une petite parcelle de terre attend les grands capitaines.
47 (R.439) — Un jeune garçon aimé
Quid saeuis, Cypare ? domiti modo terga iuuenci
quid premis et tenerum currere cogis equum ?
Dum stupet ac nouus est et adhuc non nouit amorem,
parce : premendus erit, cum ueteranus erit.
Pourquoi te déchaînes-tu, Cyparè ? Pourquoi monter sur le dos
d’un jeune taureau tout juste apprivoisé et contraindre un poulain à la course ?
Tant qu’il reste engourdi, inexpérimenté et pas encore au fait des choses de l’amour,
ménage-le : il pourra être monté, quand ce sera un homme fait.
Commentaire des carmina 35-47
Cette composition érotique nous est parvenue à l’état de fragment, vraisemblablement parce que son contenu a été jugé inconvenant par une personne confrontée au manuscrit ; nous aurons à déplorer un cas de déterioration similaire, mais heureusement beaucoup moins grave, dans le carm. 67.
Parmi le petit nombre de vers assurés que nous avons traduits, le vers 3 est pour une part conjectural, puisque ses derniers mots ne sont plus guère lisibles dans le manuscrit : le mot semper est une suggestion de Rossbach retenue par Prato, mais Riese préfère lire rursus et Shackleton Bailey sudemus (en éliminant le sic) ; l’addition de or- devant tus est plus facile et les éditeurs s’accordent sur elle, puisqu’elle répond assez naturellement au ad occasus du premier hémistiche. L’état de dégradation dans lequel nous est parvenu le poème ne permet pas de trancher, et c’est saluo meliori iudicio que nous adoptons le texte de Prato.
À partir du vers 5 et jusqu’à la fin, soit au vers 18, aucun distique n’est épargné. Une partie du vers 7 est conservée : nox mihi tota data est, « la nuit m’est donnée tout entière ». Nous pouvons encore lire le vers 9, promittis, mea uita, semel non amplius una, mais en l’absence de la suite, le sens nous échappe et nous ne pouvons que prendre note de l’expression affectueuse mea uita, comme nous avions mea lux au vers 1 et que l’on retrouve régulièrement dans la poésie amoureuse (par exemple chez Ovide, Amores, I 4, 25 ; II 15, 21 ; etc.). Le vers 11 est également épargné : dum iaceam tecum permixtus corpore toto, « tandis que je suis allongé avec toi et mon corps est tout entier mêlé au tien ».
Cet aimable composition est un hommage du poète à un groupe de trois amis, Serranus, Vegetus et Hérogène. Le troisième nom se présente sous la forme Hetogenen dans le Vossianus et a donc exigé de la part des éditeurs d’être corrigé, soit en Herogenem ou, moins probablement chez Baehrens, en Hermogenem. L’image de Géryon, créature mythologique dotée de trois corps et vaincue par Hercule qui s’est emparé de ses bœufs, est sollicitée par le poète pour figurer l’union cordiale de trois amis qui, plus encore que des frères, sont habités par un unique amour.
Nous traduisons triga par ‘trio’ qui a le mérite d’être clair à défaut d’être exact. À proprement parler en effet, un triga dans son acception classique est un trige, soit un char avec trois chevaux attelés de front.
Les philologues se sont penchés sur les noms de Serranus, Vegetus et Herogène. Si nous laissons de côté les conjectures hasardeuses d’un Herrmann (que nous examinons brièvement dans notre étude critique), nous devons seulement reconnaître que nous ne connaissons personne qui porte l’un de ces trois noms dans l’entourage de Sénèque, et que ce sont vraisemblablement – comme souvent en poésie – des noms fictifs. Toute conjecture basée sur des noms fictifs dans une épigramme dont l’authenticité est discutable ne peut manquer d’être trop hypothétique pour qu’il vaille la peine de s’y risquer[1].
L’addition de la finale –ur au vers 3 ne pose pas de problème particulier : le verbe est déponent et ne peut se présenter sous une forme active ; du reste le vers serait trop court d’une syllabe si l’on conservait la leçon du manuscrit. La transformation de par en pars au dernier vers est de Scaliger, suivi par tous les éditeurs.
Nous l’avons dit en introduction, cette composition et le carm. 39 ont des allures de programme : le poète laisse à d’autres le soin de traiter des matières sérieuses et préfère pour sa part s’amuser à des compositions légères. Les lusus dont il est ici question sont autant les jeux amoureux que les poèmes badins, et le mot, comme l’écrit Prato (1964, p. 186), « si riferisce a un’attività poetica, ritenuta di minore impegno, che abbraccia non solo componimenti d’amore, ma epigrammi, elegie, carmi pastorali, insomma tutta una produzione che s’oppone all’opera epica e drammatica delle età precedenti ». En ce sens, le lusus n’est pas autre chose que l’art de Martial, des neoteri du Ier siècle av. J.-C., ou encore celui de la iocosae… lyrae d’Horace (Carm., III 3, 69), soit toutes les compositions de ceux qui, avec le poète de Venouse, demandent à leur Muse : Quaere modos leuiore plectro ! (Carm., II 1, 40).
La correction de la leçon uera du Vossianus au vers 2 en seuera est proposée par Scaliger et adoptée par tous les éditeurs : elle s’impose tant pour des raisons métriques que pour le sens, et se trouve du reste confirmée par la répétition du même vers 2 au vers 14, où le manuscrit présente alors la leçon correcte seuera.
Au vers 5, le Vossianus porte et modo nocturno pulsans, généralement corrigé par les éditeurs en ut… pulset à la suite de Burmann et jusqu’à Shackleton Bailey. De même au vers 8, la leçon et flectat est corrigée par Baehrens en ut flectat et par d’autres, notamment Riese et Shackleton Bailey, en inflectat. Prato (1964, p. 187) justifie son choix de retenir de préférence la leçon du Vossianus dans l’un et l’autre cas en estimant que les corrections proposées vont dans le sens de « un banale livellamento delle immagini che il poeta (…) aveva di proposito variato, con un brusco cambiamento di costrutto ». Sans préjuger de la pertinence des remarques de Prato, nous préférons adopter le texte corrigé en ut… pulset pour le vers 5 et ut flectat pour le vers 8.
Au vers 7, circum n’est pas une préposition mais un adverbe qui précise le sens de diffusa, et lacertos est un accusatif de relation ou accusatif grec lié à la forme participiale diffusa.
Les dulces tabellas dont parle le poète au vers 9 sont des petits tableaux figurant une scène érotique. Plusieurs témoignages nous apprennent l’existence des ces tabellae, et particulièrement un épisode de la vie de Tibère chez Suétone : l’empereur, nous dit-il, « a orné des chambres disposées en divers endroits avec des petits tableaux (tabellis) et des statuettes représentant les scènes et postures les plus lascives »[2].
Le sens du vers 13 est clair : le poète peut bien s’occuper de sujet badins puisqu’il ne manquera jamais de chantres pour évoquer la douleur de Priam (noter au passage la traiectio du qui) ou la vie d’Hector.
Cet éloge de la beauté d’un jeune homme, dans lequel le poète chante la joie de celle qui sera sa compagne, est une élégante composition qui rappelle l’apostrophe de la nymphe Salmacis à Hermaphrodite dans les Métamorphoses d’Ovide (IV, 320-328) : puer o dignissime credi / esse deus, seu tu deus es, potes esse Cupido, / siue es mortalis, etc.
Au vers 4, le poète a-t-il en vue la déesse Diane lorsqu’il parle de uirginis… deae ? Ziehen a proposé de corriger la leçon du Vossianus en dei, auquel cas il faudrait y voir une allusion à Éros, et Prato (1964, p. 76 et pp. 190-191) hésite à le suivre. Canali & Galasso (1994, p. 103) soutient que Diane convient fort bien ici, elle qui « può ben essere modello di bellezza ambigua, come Atalante », qui, nous dit Ovide (Met., VIII, 322-323), talis erat cultu, facies, quam dicere uere / uirgineam in puero, puerilem in uirgine possis, « était telle en son maintien, en son visage, que l’on pourrait dire en vérité que c’est une petite fille dans un jeune garçon, un jeune garçon dans une petite fille ».
On notera particulièrement deux expressions dans ce poème, aux vers 5 et 6 : conrodit… collum et labris liuida labra facit. L’emploi du verbe corrodo ou conrodo, qui signifie proprement ‘ronger’, dans un contexte érotique est tout à fait singulier et il ne semble pas être attesté au sens de ‘mordiller’ (du moins espère-t-on qu’il ne s’agit que de mordiller, et qu’il ne faut pas entendre notre conrodit au sens propre !) par ailleurs. L’autre expression, qui présente d’ailleurs une belle allitération en l, est par contre bien attestée : liuidus a ici le sens de ‘meurtri’, comme dans les Amours d’Ovide (I 8, 97-98) : ille uiri uideat toto uestigia lecto / factaque lasciuis liuida colla notis, « qu’il voie sur tout le lit les traces d’un homme, et ton cou meurtri par la marque de ses caresses ».
Cette épigramme développe plus au long l’idée formulée brièvement dans le carm. 37, 13 (non deerit Priamum qui defleat, Hectora narret) en proposant successivement six exemples de sujets graves et sérieux dont le poète n’entend pas traiter lui-même. La métaphore développée dans le dernier distique, où il dit laisser à d’autres le soin de s’aventurer en haute mer, préférant pour sa part voguer sur un lac tranquille, sera reprise plus loin, dans le dernier vers du carm. 48 : … credat dubiis se mea puppis aquis.
Le quod répété à trois reprises (aux vers 1, 3 et 5) a valeur explicative au sens de « parce que » ; il est relayé, aux vers 6 et 7, par aut, pour ne pas alourdir une pièce que le nombre d’exemples rend un peu trop emphatique.
Au vers 2, patricio… supercilio est une métaphore pour désigner non pas tant le sourcil que la morgue ou l’orgueil patricien. Parlant en effet des sourcils, Pline l’Ancien écrit dans son Histoire naturelle (XI 58, 138) que haec maxime indicant fastum, superbiam.
Les diverses allusions sont en général bien connues. Le fils de Télamon, c’est Ajax : après la mort d’Achille, Ulysse et Ajax se sont disputé les armes du héros et, après qu’Ulysse lui a été préféré, le Télamoniade devient fou et finit par se tuer ; le sujet est traité au long par Ovide dans ses Métamorphoses (XIII, 1-398). Penthésilée est le nom de la reine des Amazones ; son nom est à bon droit cité par le poète dans le même distique que celui d’Ajax, puisque l’un et l’autre personnages ont pris part à la guerre de Troie ; les Amazones combattaient du côté troyen et leur reine a été tuée par Achille. Les primordia mundi ont été proposés sur le mode de l’épopée par Lucrèce (VI, 55 et suiv.) et par Ovide en ouverture de ses Métamorphoses. Pélops est le mari d’Hippodamie, qu’il épousa après avoir triomphé du père de la jeune femme, le roi Œnomaos, dans une course de char ; pour triompher, Pélops avait fait saboter le char du roi et bénéficiait en outre de chevaux dont Poséidon lui avait fait présent. L’unité du distique est assurée par un autre exemple lié au monde équestre : les cavales de Diomède, roi de Thrace, étaient nourries par leur maître de la chair des hôtes qu’il recevait dans son palais. Juste retour des choses, Hercule le fit mourir en le donnant lui-même en pâture à ses chevaux sanguinaires. Le dernier exemple revient sur le plus fameux épisode de la légende troyenne et le point culminant de l’Iliade, la mort d’Hector qui annonce la fin d’Ilion.
Au vers 7, les éditeurs ont été amenés à suppléer d’une syllabe un vers sinon trop court ; ut est ainsi ajouté par Scaliger, une correction approuvée par tous les éditeurs après lui. La modification au vers suivant de conderit en conciderit est effectuée sur le manuscrit même par une main différente de celle du copiste.
Cette épigramme rappelle les autres pièces consacrées à Caton, soit les carm. 7-9, ainsi que les carm. 22 et les observations sur la petitesse de son tombeau au carm. 23. Plus loin, ce thème sera encore exploité avec le carm. 46, dans lequel la gloire des Grands (cf. notre commentaire sur cette pièce) contraste avec le tombeau dans lequel tous finissent par reposer. Nous avons vu dans le carm. 23, que Caton n’avait pas de tombeau, à moins d’opter pour la leçon du Bellovacensis. Or il est ici question, dans l’unique distique qui constitue notre carm. 40, d’un tombeau de Caton, dont le poète invite à ne pas déplorer la laideur[3] : deformia busta. En dehors de notre recueil d’épigrammes, la tradition ne signale pas de tombeau de Caton, et Prato (1964, p. 194) a raison de noter que « né sarebbe opportuno supporlo sulla base di questo epigramma, che ha tutta l’aria di una composizione libresca ».
Au vers 2, il est question du petit tombeau du grand Jupiter que l’on « visite » (noter le verbe uisuntur, qui sera encore employé dans le même sens dans le carm. 56, 4, et dont le sens est identique à celui de cognoscis dans le carm. 20, 1). Lucain, dans son Bellum ciuile (VIII, 872), parle[4] de l’Égypte qui sera, « aussi mensongère à propos du tombeau de Magnus que la Crète à propos de celui du Maître du tonnerre », tam mendax Magni tumulo quam Creta Tonantis. En Crète en effet, on montrait aux touristes ce que l’on présentait comme le tombeau de Zeus, ce qui n’a pas manqué de déclencher les sarcasmes de Lucien de Samosate, qui, parmi d’autres histoires invraisemblables, cite les Krêtes men ton Dios tafon deiknuntes ouk aischunontai (Philopseudes, 3).
Une composition de ton horacien dans laquelle le poète déclare préférer sa tranquillité campagnarde à l’agitation et aux grandes entreprises qui sollicitent les autres hommes. On sait qu’Horace évoque régulièrement sa maison de campagne à Tivoli, présent de Mécène, et exprime son attachement à cette résidence où il trouve le bonheur : satis beatus unicis Sabinis (Carm., II 18, 14). L’image des camps militaires ici au vers 5 est également empruntée à Horace, qui rappelle que multos castra iuuant (Carm., I 1, 23).
Au vers 1, paruum est ajouté, sur le manuscrit du Vossianus, par une main autre que celle du copiste ; les éditeurs ne contestent pas cette leçon.
Au vers 4, le poète fait l’éloge d’une âme qui « ne craint pas qu’on l’accuse de goûter un repos indolent », c’est du moins ainsi que nous pensons devoir entendre nec timet ignauae crimina desidiae. Étant donné la charge négative de l’adjectif ignauus, il ne nous semble pas que l’on puisse entendre le vers au sens de « qui ne craint pas la faute qu’engendre un repos indolent ». Le poète en effet ne prétend pas goûter un repos honteux (comme pour se vanter de son vice !) mais il dit ne pas craindre qu’on lui adresse un tel reproche, puisqu’il sait bien, lui, que son repos n’est pas indolent. Nous retrouverons une idée très proche dans le carm. 72, 11.
Les sièges curules du vers 5 sont une métaphore de l’engagement politique dont Épicure invite ses disciples à se désintéresser. Ce trait ne vaut pas comme argument contre l’éventuelle paternité sénéquienne de cette pièce, puisque le philosophe de Cordoue n’hésite pas à faire l’éloge d’une vie retirée et tranquille, ainsi par exemple dans le De otio :
Quand nous ne ferions rien d’autre pour notre salut, la retraite nous serait déjà profitable en elle-même : isolés nous serons meilleurs. (…) Nous ne sommes capables de persévérance qu’autant que nul ne vient ébranler, avec le concours de la foule, nos convictions encore mal affermies ; la vie peut se poursuivre alors d’un cours égal et régulier, au lieu que nous la morcelons par l’incohérence de nos desseins[5].
La finale de notre carm. 41 évoque, elle aussi, une idée familière à Sénèque qui, dès la première de ses Lettres à Lucilius, enjoint à son correspondant de « se saisir de toutes les heures » (omnes horas complectere, Ep., I 1, 2) parce que « seul le temps est à nous, ce bien fugitif et glissant, seule possession que nous tenions de la nature » (tempus tantum nostrum est ; in huius rei unius fugacis ac lubricae possessionem natura nos misit, Ep., I 1, 3).
Avec le carm. 42, notre poète signe une épigramme amoureuse au ton enjoué : aux yeux des autres hommes, il a l’air d’un fou, mais loin de s’en plaindre, il souhaite que cette folie causée par l’amour dure toujours. Le verbe amo a ici le sens de « être amoureux ».
On notera essentiellement, aux vers 1-2, la construction nec deprecor… quominus, « je ne cherche pas à ne pas ». Quominus est la conjonction attendue après un verbe d’empêchement, mais elle peut également servir, comme ici, au sens de « pour que ne pas », « pour empêcher que ».
Dans cette petite composition cruelle, le poète parle à l’un de ses amis d’une femme follement amoureuse de lui, mais la réciprocité de ce sentiment fait défaut et notre auteur entend bien le faire comprendre à la malheureuse. Si le sens général est clair, l’interprétation du vers 3 est particulièrement malaisée et a été comprise très diversement par les différents éditeurs. Le Vossianus porte en effet dum figiet (corrigé sur le manuscrit par une autre personne en fugiet) gratis quaedam simul atque[6] rogauit, c’est-à-dire « pendant qu’elle fuira (ou jusqu’à ce qu’elle fuie) gratuitement (ou sans raison ou en vain), dès qu’elle a fait des avances ». Si l’on opte pour une double césure trihémimère et hepthémimère, le gratis ne porte plus sur fugiet mais sur quaedam, auquel cas on peut comprendre le distique dans son ensemble de la manière suivante : « Dès qu’elle m’a fait de vaines avances, je lui montrerai, jusqu’à ce qu’elle fuie, à quel point, étant toujours aimé, je ne suis pas amoureux ». Sans être impossible, une telle construction est un peu alambiquée et l’emploi des temps laisse à désirer.
Le plus simple sera de comparer rapidement les conjectures proposées par plusieurs éditeurs, nous nous limiterons à cinq d’entre eux : Riese propose dum faciet… rogaro (ou rogaui) ; Tandoi dum fugiet… rogabit ; Prato dum fugio et… rogauit ; Shackleton Bailey ni faciet…rogaro ; et Canali & Galasso dum fugiet… rogaro. Riese associe donc le groupe gratis quaedam au dum faciet et comprend « pendant qu’elle me fera gratuitement certaines choses sitôt que je le lui aurai demandé, je lui montrerai etc. », c’est la conjecture que nous retenons, sans toutefois préjuger d’une hypothèse plus pertinente. Pour Tandoi, il faut vraisemblablement comprendre « Jusqu’à ce ce qu’elle me fuie, elle me fera vainement des avances et je lui montrerai etc. ». La conjecture de Prato est intéressante parce qu’elle veille à respecter autant que possible la leçon fugiet, qui est effectivement la manière dont se prononce fugio et après l’élision du o ; le sens est alors : « Ma se sfuggo anche senza motivo, appena quelle tale fa le sui proferte, mostrerò etc. »[7]. Le texte corrigé par Shackleton Bailey a du sens, mais exige de corriger le dum initial, ce qui n’est peut-être pas très heureux. Enfin, la construction adoptée par Canali & Galasso, au sens de « Ma quando fuggirà non appena le chiederò qualcosa gratuitamente, mostrerò etc. », nous satisfait moins, elle aussi, que l’option retenue par Riese.
Au vers 2, on remarquera l’emploi de sic au sens de « comme cela, purement et simplement, sans plus ».
Le verbe rogare, quelle que soit la forme sous laquelle il se présente ici au vers 3, est employé dans un sens érotique : « faire des avances », comme encore plus loin dans les carm. 66 et 67.
Autre emploi intéressant dans cette pièce, celui de quam au vers 4, qui est employé adverbialement au sens exclamatif de « à quel point » ; il ne fonctionne donc pas comme conjonction, et le subjonctif amem est paratactique.
Cette petite pièce méchante est adressée à une Sertoria (peut-être un nom fictif, comme souvent en poésie) qui n’est belle que lorsqu’elle se maquille et perd ensuite tout ensemble sa beauté et son maquillage. Le cosmétique en question est de la craie, puisque les critères de beauté ayant cours alors voulaient qu’une femme était d’autant plus belle que sa peau était blanche. Dic age (…) / candida quo possint ora nitere modo, demande Ovide (Medicamina faciei femineae, 51-52) avant de proposer plusieurs recettes d’onguents plus complexes les unes que les autres. La craie, évoquée du reste par le poète de Sulmone (Ars amat., III, 199 : scitis et inducta candorem quaerere creta), est un moyen plus commode pour parvenir à un résultat semblable.
Le deuxième vers, tel qu’il se présente dans le Vossianus, est trop court d’une syllabe ; depuis Scaliger, les éditeurs proposent en général de lire perdidit ut cretam, avec une traiectio de la conjonction. Heinsius propose éventuellement de lire perdiderit cretam, une correction acceptée par Shackleton Bailey.
Cette épigramme et la suivante[8] (connues l’une et l’autre par quatre manuscrits : le Vossianus d’une part, et d’autre part le Fuerstenfeldensis Monac. lat. 6911 du XIIIe ou XIVe siècle, le Vindobonensis 2521 du XIIe siècle, et l’Erlangensis 380 du XIe siècle) proposent des variations sur le thème bien connu de la mort qui rend toutes choses égales et que nous avons déjà rencontré dans le carm. 1, 7 : omnia mors poscit. On pense par exemple à ce vers attribué à Horace (notamment par saint Alphonse, dans la première partie de sa Via della salute, §5.2 – in Opere ascetiche du S. Alfonso Maria de Liguori, vol. II, Turin, Marietti, 1846, p. 180) : mors sceptra liguonibus aequat. Chez Sénèque aussi, et l’on sait combien la méditation sur la mort est dans son œuvre un thème récurrent, nous lisons que aequat omnes cinis ; inpares nascimur, pares morimur (Ep., XIV 91, 16). Un peu plus loin dans cette lettre de notre philosophe, nous rencontrons l’exemple d’Alexandre le Grand[9], qui est également retenu par l’auteur de notre carm. 45 : la destinée du plus illustre conquérant s’achève sous une fine poussière[10].
On notera l’interpellation initiale quisquis adhuc, qui rappelle le premier vers des carm. 6 (occisum iugulum quisquis), 19 (quisquis es) et 20 (quisquis Cecropias). Le ton de notre pièce fait tout naturellement écho au carmen de spe, ainsi pour uarias credis habere uices que l’on rapprochera de uarias mutat… uices de 24, 66.
Au vers 4, nous avons le groupe putris harena, que nous retrouverons ci-dessous, occupant la même position dans le vers 2 du carm. 48. L’adjectif puter ou putris a le sens de ‘friable’ ou ‘désagrégé’, et putris harena a le sens de ‘sable fin’. On retrouve la même expression chez Lucain par exemple, qui, s’adressant à la terre d’Égypte, écrit qu’elle « pourrait tout entière se résoudre dans le sable fin d’Éthiopie », totaque in Aethiopum putres soluaris harenas (VIII, 830).
Dans la suite de l’épigramme précédente, cette composition évoque une nouvelle fois la destinée des hommes illustres et vise tout particulièrement celle des grands capitaines, comme le laisse entendre le troisième vers, qui parle de conquérir le monde. L’interprétation du sens de magnorum au vers 1 est délicate : s’agit-il des « grands hommes » au sens large, ou bien le poète vise-t-il plus particulièrement les deux « Grands » que sont Magnus (le Grand Pompée) et Alexandre le Grand ? Shackleton Bailey, en déplaçant le second distique de notre carm. 46 pour le rattacher à la suite du poème précédent, opte de toute évidence pour la première solution. Le titre qu’il donne à cette épigramme 46 amputée de moitié confirme ce point : De Pompeio et Catone. Mais si nous maintenons la succession des vers telle qu’elle se présente dans les manuscrits (dont le témoignage est tout sauf négligeable, surtout si l’on songe que, tout comme la pièce précédente et le carm. 55, ce poème est proposé par quatre manuscrits), il paraît plus raisonnable d’opter pour la seconde hypothèse en interprétant magnorum à la lumière des vers 3-4 : ces « Grands » sont alors Pompée et Alexandre[11].
Se pose alors le problème du tombeau : quel Grand n’en a qu’un petit, quel Grand n’en a pas ? Tout porte à croire, à considérer que l’ensemble des pièces qui nous importent pour résoudre cette question sont d’un même auteur, que Pompée est le Grand qui a un petit tombeau alors qu’Alexandre le Grand est celui qui n’en a pas[12] : nous avons vu en effet dans le carm. 45 que le cadavre d’Alexandre repose sous une couche de sable fin, tandis que plusieurs pièces font allusion au tombeau de Pompée[13] : les carm. 11, 22, 61, 62 et 63 (de même éventuellement les carm. 13 et 23)[14].
Dans cette pièce érotique, le poète encourage sa (son ? nous allons y revenir dans un instant) destinaire à ménager un jeune homme, qui n’a pas encore atteint l’âge où il pourra être un compagnon de plaisir. Aux images encore équivoques du premier distique (terga… premis, currere cogis : les deux expressions ont un sens obvie, mais peuvent être utilisées comme ici dans un sens érotique) succèdent deux vers qui lèvent le voile et coupent court aux hésitations : il s’agit bien d’entendre l’ensemble dans son sens érotique.
La principale difficulté posée par cette épigramme est le nom du ou de la destinataire, Cypare. Ce nom est normalement féminin mais, pour Prato (1964, p. 200), il désigne ici un personnage de sexe masculin : « La terminologia dei versi successivi esclude la possibilità del nome femminile ». Dans le cas d’un nom masculin, la syllabe finale du mot est normalement brève, mais s’allonge ici devant la césure. Cela est tout à fait possible, mais à vrai dire pas entièrement convaincant. Comme le font valoir Canali & Galasso (1994, p. 106), « sarebbe invece più metodico ed economico postulare un femminile », pour deux raisons essentiellement : d’abord, le nom féminin présente d’emblée une syllabe finale longue, et d’autre part, puisqu’il s’agit (comme souvent en poésie) d’un nom fictif, on ne voit pas pour quel motif l’auteur aurait donné à un homme un nom à priori féminin qui, en devenant bizarrement masculin, entraîne de surcroît une petite difficulté métrique. Mais, nous l’avons dit, Prato estime que la suite du poème ne permet pas de supposer que son destinataire soit une femme. Or cet argument ne tient pas, si l’on veut bien se souvenir de plusieurs pages de Martial (I 91, Quod nunquam maribus ; VII 67, Pedicat pueros tribas ; VII 70, Ipsarum tribadum tribas), de Lucien (Dialogue des courtisanes, 5) ou même de Juvénal (Satires, 6) où la femme joue un rôle « actif » qui achèvera de nous convaincre que notre Cyparè peut très bien être une femme.
Nous avons, au vers 1, le verbe saeuio, qui a le sens de « être en fureur », « se déchaîner » ou « s’emporter », et peut fort bien servir dans un contexte érotique comme ici ou, par exemple, chez Ovide, Ars amat., II, 461 : cum bene saeuierit…
Le sens de stupet au vers 3 est moins clair, « demeurer interdit » peut être employé dans un contexte amoureux et désigner l’extase d’amour (cf. Prato [1964], p. 201), mais nous pensons qu’il faut ici entendre ce verbe dans son acception ordinaire : le trop jeune garçon n’est pas à même de répondre à des assauts dont la nature n’évoque encore rien pour lui.
Au vers 4, l’emploi de premendus erit confirme que c’est bien en un sens érotique qu’il fallait entendre le premis du vers 2. L’ambivalence du terme est assez bien rendue en français par le recours au verbe ‘monter’.
Notes
[1] Canali & Galasso (1994) font brièvement le point sur cette question : « Non si può stabilire se si tratti di tre nomi fittizi o reali : per identificare Serrano nel poeta epico ricordato da Quint. 10, 1, 89 (il testo peraltro è dubbio) e Iuv. 7, 80 non c’è nessun motivo cogente, a cui si aggiunge une certa improbabilità cronologica. I Vegeti a noi noti rivestirono importanti cariche in età flavia e sotto gli Antonini. Erogene à altrimente sconosciuto. Non si può, quindi, che rimanere indecisi ».
[2] Suétone, Tib., 43, 2 : « Cubicula plurifariam disposita tabellis ac sigillis lasciuissimarum picturarum et figurarum adornauit » ; plus loin (44, 2), Suétone nous décrit l’un de ces tableaux. Sur les tabellae, voir également Properce, II 6, 27, qui parle de obscenas… tabellas.
[3] Prato (1964, p. 194) préfère comprendre deformia au sens de inculta ou deserta et traduit dès lors en parlant du « rozzo sepolcro del venerando Catone », appuyant son interprétation de deformia sur deux passages d’Ovide où cet adjectif aurait le même sens. Nous lisons dans les Pontiques que tristia deformes pariunt absinthia campi (III 8, 15) et, dans les Tristes, le poète exilé écrit : Iussus ad Euxini deformia litora ueni (V 2, 63). Mais nous ne pensons pas que ces deux passages excluent de pouvoir lire deformis au sens habituel de ‘laid’ ou ‘difforme’.
[4] Et il est intéressant de noter que le contexte est celui du tombeau de Pompée, souvent loué dans nos épigrammes, Pompée dont le nom est associé à celui de Caton dans les carm. 22 et 23.
[5] Sénèque, De otio, 1, 1 : « Licet nihil aliud quod sit salutare temptemus, proderit tamen per se ipsum secedere : meliores erimus singuli. (…) Quod <nisi> in otio non fit : tunc potest optineri quod semel placuit, ubi nemo interuenit qui iudicium adhuc inbecillum populo adiutore detorqueat ; tunc potest uita aequali et uno tenore procedere, quam propositis diuersissimis scindimu ». (trad. R. Waltz). Le De breuitate uitae va dans le même sens.
[6] Prato (1964) et Canali & Galasso (1994) écrivent par erreur simulatque en un mot.
[7] Pour tout dire et à supposer que l’on adopte la conjecture de Prato, nous pensons qu’il faut lier gratis quaedam à rogauit et comprendre : « Pendant que je fuis et sitôt qu’elle m’a fait gratuitement certaines avances, je lui monterai etc. », qui n’est pas très convaincant.
[8] L’une et l’autre sont jugées sévèrement par Canali & Galasso (1994, p. 105) : « I due epigrammi, stilisticamente mediocri e con qualche durezza, si denunciano per il contentuto come opera di uno scholasticus vicino all’ambiente degli Annaei ».
[9] Parmi les loci de fortuna, l’exemple d’Alexandre le Grand est un thème des plus rebattus, et il reparaît à plusieurs reprises dans l’œuvre de Sénèque, qui porte sur ce personnage un jugement contrasté : il n’hésite pas, par exemple, à reconnaître à l’occasion chez lui un trait digne d’admiration (cf. De ira, II 23, 2), mais il n’éprouve dans l’ensemble pour lui que du mépris : Alexandre, écrit-il en effet dans le De beneficiis (I 13, 3), n’est qu’un « jeune fou en qui une heureuse témérité tient lieu de vertu » (uesanus adolescens, cui pro uirtute erat felix temeritas), c’est outre « un brigand depuis son enfance, un destructeur de nations et un fléau tant pour ses ennemis que pour ses amis » (a pueritia latro, gentiumque uastator, tam hostium pernicies quam amicorum).
[10] Historiquement, ceci n’est pas exact : Alexandre ne repose pas sous une couche de sable fin, mais dans un imposant mausolée élevé par le diadoque Ptolémée pour recevoir la dépouille du jeune souverain. Nous verrons, en commentant le carm. 46, que l’auteur de ces poèmes pense vraisemblablement qu’Alexandre le Grand n’avait pas de tombeau.
[11] Chez Sénèque, les deux personnages sont évoqués ensemble dans une Lettre à Lucilius (XV 94) où l’auteur évoque le désir de conquérir de nouvelles terres qui pousse les hommes à des entreprises brutales et insensées ; il développe les exemples d’Alexandre (62-63), Pompée (64-65), César (65), Marius (66) ; on connaît la formule célèbre : « Marius guidait son armée, l’ambition Marius », Marius exercitus, Marium ambitio ducebat.
[12] Nous avons vu, dans une note précédente, que ce n’était pas historiquement le cas, mais à ne considérer que le texte du carm. 45, son auteur paraît bien penser qu’Alexandre n’avait pas de tombeau.
[13] C’est donc une erreur de la part de Canali & Galasso (1994, p. 106) de penser que celui qui a un petit tombeau est Alexandre, et celui qui n’en a pas, Pompée.
[14] Le cas des carm. 11, 61, 62 et 63 est clair. En ce qui concerne le carm. 13, le fait de savoir s’il se rapporte à Pompée est discutable. Quant au carm. 23, il pose des problèmes tout particuliers que nous avons examinés brièvement dans le commentaire qui lui est consacré : il y a d’une part le fait qu’il n’est pas attribué à Sénèque, et de l’autre la différence qui existe entre la leçon des mss. V et S : le premier dit que Caton n’a pas de tombeau alors que Pompée en a un petit, et le second dit exactement le contraire… Le fait indiqué par la leçon de S contredit le propos de l’auteur du carm. 40, mais est confirmé par une épitaphe retrouvée dans un manuscrit du XVe siècle. La question se complique encore si l’on prend en considération un passage de Lucain, dans lesquel le poète décrit le contraste entre le petit tombeau de Pompée et celui, autrement plus imposant, d’Alexandre le Grand (VIII, 694-699).
Praefatio —
Introduction
Carmina 1-13,
14-23,
24,
25-34, 35-47,
48-60,
61-72
Annexe
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FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 12 - juillet-décembre 2006
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