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Anthologie Palatine : Présentation générale - Biographies des poètes

Anthologie Palatine - Livre XII : Avant-propos - Plan - Table des matières - Biographie des poètes

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Anthologie Palatine

Livre XII

La Muse Garçonnière

(101-200) 

 

 

Traduction Philippe Renault (2005)

 

Plan

101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125

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1-100 - 201-258

 


XII, 101

Méléagre, Même Zeus...

De ses yeux, Myiscos a tiré sur mon cœur ;

Jusque-là, des désirs j'ignorais la fureur.

Il me dit : «J'ai vaincu ta sagesse trop fière,

Je n'en ai que mépris !» Épuisé par l'affaire,

Je lui répondis : «Il ne faut pas te surprendre,

Vois Zeus : de son Olympe, Éros l'a fait descendre.»


XII, 102

Callimaque, L'homme des missions difficiles 

Epycidès est un chasseur habile :

Poursuivant la gazelle à travers monts,

Il peut subir les saisons les plus viles.

La proie saisie, tout est fini !

Mon amour est ainsi : je poursuis ce qui fuit ;

Mais quand sous mon regard il est,

Je n'en ai plus cure et la laisse s'envoler.1

1. Horace a pratiquement retranscrit ces vers en latin (Satires, I, 2, 105).


XII, 103

Anonyme, Expérience

J'aime le garçon qui m'aime ;

Mais l'auteur de mes souffrances,

Je le poursuis de ma haine.

Dans les deux cas, voyez-vous,

Riche est mon expérience !


XII, 104

Anonyme, L'amour sans partage

Je veux que mon amour demeure près de moi,

Et de moi seul ! J'enrage,

Ô Cypris, à l'idée d'un cœur qui se partage.


XII, 105

Asclépiade, À un seul !

Moi, le petit Amour ayant quitté sa mère,

Le chasseur parvenait toujours à m'attraper.

Or chez Damis, là-haut, je ne m'envole guère.

J'aime et je suis aimé : c'est l'harmonie en somme !

Doublement j'appartiens à un seul et même homme.


XII, 106

        Méléagre, Le seul que je regarde

La beauté que jamais mon regard ne conteste,

C'est Myiscos. Je suis aveugle pour le reste.

Il incarne pour moi l'univers tout entier.

Peut-être que mes yeux, experts en flatteries,

Ne voient que pour complaire à ce cœur trop épris.


XII, 107

Méléagre, La menace

S'il choisit mon amour, Charites chéries,

Conservez la beauté de mon Dionysos

Encore quelque temps. Mais s'il m'a oublié,

Eh bien ! qu'il soit jeté, le visage flétri,

Au milieu des déchets.


XII, 108

Dionysios, Sois bon comme le vin !

Si tu m'aimes vraiment, ô Acratos1,

Sois un vin de Chios,

En t'efforçant d'être plus doux.

Si tu trouves quelqu'un d'un peu plus à ton goût,

Que, d'un pot de vinaigre, il sorte un moucheron

Et qu'il survole ton horizon !

1. Calembour sur le nom d'Acratos qui signifie «vin pur»


XII, 109

Méléagre, Le feu qui brûle

Le beau Diodoros, charmeur de la jeunesse1,

Le voilà prisonnier du regard téméraire

De Timarion aux flèches douces-amères.

Il est étrange de voir un feu qui se laisse

À son tour dévorer par un feu qui prospère.

1. Diodoros, ancien éromène, est devenu l'amant d'une femme, Timarion, elle-même déjà aimée par Méléagre.


XII, 110

Méléagre, Le bel ami

Sa beauté ressemble à l'éclair,

Et ses yeux sont de la lumière :

Éros n'a-t-il pas fait présent

Du feu du ciel à cet enfant ?

Myiscos, toi qui fais jaillir

Pour nous le rayon des désirs,

Que ta clarté sur cette terre

Soit un signe que je vénère.


XII, 111

Anonyme, Éros prisonnier

Ô jeunes gens, regardez bien !

Arcésilas emmène Éros :

Il le tient par ce lien,

Une corde de pourpre,

Présent de la déesse de Paphos.


XII, 112

Anonyme, Folie protégée

La vraie démence, je l'ai bue !

Tout grisé de paroles,

Je suis prêt à courir le long des routes folles.

Je suis prêt à chanter n'importe où dans les rues :

La foudre, les éclairs, qu'ils tombent, je m'en fous !

J'ai une arme, l'Amour, qui protège de tout !


XII, 113

Méléagre, L'Amour capturé

L'Amour ailé, oui l'Amour fut pris dans les cieux :

C'est Timarion qui l'a capturé par les yeux1.

1. Ce poème, ainsi que le suivant, évoque l'amour féminin : ils ont été intégrés dans notre recueil par étourderie du copiste.


XII, 114

Méléagre, À l'Étoile du Matin

Étoile du matin, allons, transforme-toi

En Étoile du soir et ramène en secret

Celle que tu me prends quand le jour se recrée.


XII, 115

Anonyme, La même beauté

Si Éros est ailé, toi, tes pieds sont rapides ;

Mais vous êtes dotés,

Toi comme lui, de la même beauté :

À vos traits, Eubios, nous sommes si sensibles.


XII, 116

Anonyme, Sérénade

Je suis tout enivré, mais je m'en vais chanter

Au seuil de sa maison, le visage attristé.

Je marcherai sans peur dans la ruelle noire

Car, au fond de mon cœur, il luit comme un espoir.


XII, 117

Méléagre, Le cœur et la raison1

- Qu'il en soit ainsi, donne-moi le feu !

- N'aie pas peur, vive la fête et le jeu !

- «La fête et le jeu», ami, où cours-tu ?

- L'Amour n'est point raisonnable, eh ! le feu !

- Mais où sont donc tes résolutions ?

- De la sagesse il n'est plus question.

Zeus lui-même, sais-tu, le plus grand de nos dieux,

Ne devint-il pas fou à cause de ce feu ?

1. Une des rares épigrammes dialoguées du livre XII. Ici le cœur parle à la raison..


XII, 118

Callimaque, Un amant désespéré

Tu pourrais me blâmer d'avoir eu le toupet

De frapper à ta porte, ô doux et tendre ami.

Vois-tu, c'est malgré moi que je viens pour t'aimer.

Le vin comme l'amour brisent les interdits ;

Tous les deux réunis m'ont mené jusqu'à toi.

Et je m'en vais baiser le seuil de ta maison :

Dis-moi que c'est un crime et tu auras raison !


XII, 119

Méléagre, Ô Bacchus...

Ô Bacchus, ta folie, je m'en vais la porter,

Juré ! Mène le Cômos, ô divinité,

Guide mon pauvre cœur ! Toi qui est né du feu,

Tu te plais à ce feu que l'on nomme l'Amour.

De nouveau, te voilà surpris à malmener

Ton humble suppliant. Traître comme toujours,

Tu dis que tes orgies doivent être voilées1 :

Or, mes propres excès, tu veux les révéler.

1. En effet, les rites orgiaques du culte de Dionysos étaient tenus secrets.


XII, 120

Posidippe, Prémuni contre Éros

Ô Éros, je me suis prémuni contre toi :

Je ne céderai pas, tout mortel que je sois.

Ivre, bien sûr, tu pourras m'emporter,

Mais sobre, la raison saura bien te contrer.


XII, 121

Rhianos, La beauté, mais de loin !

Sur cet étroit chemin, mon cher Cléonicos,

Les Charites t'ont vu1, et, de leurs bras de rose,

Elles t'ont enlacé. À l'âge que tu as,

Mon beau garçon, tu es de grâce fabriqué.

Mais de loin, salue-moi ! Pour le sec asphodèle2,

Il y a danger, je pense, à frôler l'étincelle.

1. Il y a dans ce vers une possible réminiscence d'Archiloque.

2. Ce beau vers évoque-t-il le fait que l'amant soit trop vieux pour l'amour ou  que son cœur est devenu sec à force d'épreuves ?


XII, 122

Méléagre, Un garçon foudroyant

Ô Charites aimées, depuis qu'entre vos mains

Vous avez serré le bel Aristogoras,

Sa parole est exquise et son corps plein de grâce.

Et son œil est chantant quand il ne parle pas.

Vient-il à s'éloigner, tel le plus grand des dieux

Du plus haut de l'Olympe, il sait bien depuis peu

Utiliser la foudre et m'envoyer ses feux.


XII, 123

Anonyme, Le bel athlète

Au beau Ménécharmos, du pugilat vainqueur,

J'ai prodigué des soins avant de l'embrasser.

Son front couvert de sang ne m'a pas angoissé,

Car ce sang fut pour moi une douce liqueur.


XII, 124

Artémon, Baiser volé

Sur le seuil de sa porte, Échédémos jetait

Un regard fugitif. Sensible à sa beauté,

Je voulus l'embrasser, le cœur tout en émoi !

En rêve, c'était lui que je voyais venir

Muni de son carquois

Tantôt m'offrant un volatile,

Tantôt le reprenant, ayant soit un sourire

Soit un visage hostile.

Dites-moi ! Où donc ai-je mis la main ?

Sur une ortie, un feu ou un essaim ?


XII, 125

Méléagre, Un Songe

Le rêve d'une nuit :

Riant, un bel adolescent

S'était couché bien tendrement

Au beau milieu du lit.

Il n'avait pas vingt ans.

Hélas ! Ce rêve s'est enfui.

Mais j'en suis toujours amoureux !

Et je brûle de mille feux

Quand, la nuit, je fixe mes yeux

Sur ce rêve impossible.

Ah ! ma pauvre âme, assez d'illusions,

Ne cherche plus ta cible

Et bannis ces vaines sensations.


XII, 126

Méléagre, La griffe d'amour

De nouveau le malheur

Vient de toucher mon cœur !

Oui, l'ongle d'Éros m'a griffé ;

Puis l'enfant m'a apostrophé :

«Tu replonges dans l'aventure

De cette charmante blessure,

Toi qui retrouves le désir

Grâce à mon feu doux et terrible.»

Depuis, je suis féru de belle adolescence :

J'ai revu mon aimé, la fuite est impossible

Comme la résistance.


XII, 127

Méléagre, Les nuits brûlantes

Je me promenais à midi

Quand survint le bel Alexis.

L'été vibrait dans ses cheveux

Et par deux fois, je m'embrasais !

Ce fut d'abord les feux d'Hélios,

Ensuite, Éros jeta ses traits...

Or, si la nuit calma les uns,

Les autres, jusqu'au clair matin,

Ne cessèrent de s'enflammer.

Aussi pour moi, point de repos,

Car mon sommeil est animé

Par l'obsession d'un flambeau

À l'image de la beauté.


XII, 128

Méléagre, Nouvel amour

Syrinx des chevriers, ne livre plus tes chants

Pour le plaisir de Pan, le monteur de chevrettes.

Et toi lyre, à ton tour, toi, l'instrument-prophète,

L'instrument d'Apollon, ne loue plus Hyacinthe,

Celui dont le laurier pur, vierge ornait la tête.

À un moment, Daphnis devint le préféré

Des Oréades, une époque où Hyacinthe

Avait cette beauté que mon cœur vénérait.

C'est Dion maintenant qui connaît mon étreinte.


XII, 129

Aratos, Le témoignage de l'œil

Dans Argos, on a loué sa beauté,

Les stèles de Corinthe l'ont gravée,

À Mégare, on l'a dite et répétée,

Jusque dans les bains, on l'a révélée.

Oui, Philoclès d'Argos est vraiment beau !

Nous acceptons ces paroles, fort bien !

Mais pour ce gars, l'œil est le seul témoin

Et Rhianos me dit de tout son cœur :

«À ce premier il est bien supérieur !»


XII, 130

Méléagre, La soif inassouvie

J'étais fort assoiffé en plein cœur de l'été ;

Soudain, j'ai embrassé la bouche d'un garçon :

Il était, je l'avoue, d'une grande beauté.

Enfin désaltéré d'une belle façon,

Je lançai à Zeus - «Le baiser de Ganymède,

Serait-ce par hasard la liqueur du nectar ?

Car, vois-tu, ô Zeus, quand à mon baiser il cède,

C'est le doux miel de son âme que je crois boire.»


XII, 131

L'amoureux hospitalier

Toi qui dans Chypre te promène,

Toi qui connais les chemins les plus beaux

De la Syrie courue par les chevaux,

Toi qui sillonnes hors d'haleine,

Cythère et Milet, sois amène

Envers Callistion,

Qui n'a jamais refermé son domaine

À de jolis garçons1.

1. Callistion est une courtisane. Encore une épigramme égarée dans le livre XII !


XII, 132a

Méléagre, Je t'avais prévenue...

Mon âme, par Cypris, je t'avais prévenue :

«À voler si souvent à l'entour de la glu,

Tu courras à ta perte !» Ah ! je l'avais crié...

Et voilà, tu es prise ! À quoi bon délier

Tes chaînes : car Éros par les ailes te tient.

Il t'a jetée au feu, t'arrosant de parfums,

Ne te désaltérant que par tes chaudes larmes.


XII, 132b

Méléagre, L'imprudence

Mon âme de douleur, tu souffres par le feu

Puis le souffle revient, tu revis peu à peu.

Des pleurs ? En nourrissant Éros, sache-le bien,

Tu nourrissais ton mal. Or de tous ces bons soins,

Vois la conclusion : tu vois tomber sur toi,

(Et tu l'as bien cherché !), le feu comme le froid.

Accepte ta douleur, ce feu du miel ardent,

Souffrance résultant de ton acte imprudent.


XII, 133

Méléagre, Il est beau !

J'ai dit et je redis  : «Il est beau, il est beau !»

Je le répéterai. Bien sûr, Dosithéos

Illumine nos yeux. Non, je n'ai pas écrit

Sur l'arbre ou sur le mur le seul mot que je crie.

Non, c'est au fond du cœur que l'Amour se blottit.

Ne croyez pas celui qui fait un démenti.

Je le jure par toi, démon, je ne mens point,

Parbleu ! je le sais bien !»


XII, 134

Callimaque, Symptômes d'amour

L'hôte cachait sa plaie : as-tu noté

Combien il haletait.

Quand il se mit à boire une troisième coupe,

Il tomba de son front des pétales de roses.

C'est qu'un grand mal le brûle en profondeur.

Par les dieux ! Je parle en connaissance de cause.

Voleur, je connais bien les traces du voleur.


XII, 135

Asclépiade, La vérité est dans le vin

Oui, le vin l'a trahi : il est transi d'amour.

Dire qu'il voulait nous faire croire au contraire !

Quelques toasts ont suffi et il fut découvert.

Il a versé des pleurs, il est resté muet,

L'œil bien triste, et sa couronne s'est dénouée.


XII, 136

Anonyme, Des oiseaux infernaux

Oiseaux déments, cessez vos affreux piaillements,

Cela est agaçant !

Vous me troublez pendant que je baise un garçon !


XII, 137

Méléagre, Le cri du coq

Maudit coq, il suffit !

Au-dessus de mon lit

Tu viens pousser ton cri

En plein cœur de la nuit :

Or, j'ai ce garçon-ci

Que j'aime sans souci.

Allons donc ! C'est ainsi

Que tu me remercies

De t'avoir bien nourri !

Ô coq, je le redis,

Ne chante plus ! Compris ?


XII, 138

Mnésalkès, Demande de sursis

Vigne qui fais tomber tes feuilles promptement,

Crains-tu que la Pléiade échoie à l'Occident ?

Permets qu'Antiléon succombe au préalable

Au suave sommeil : je sais qu'aux beaux amants

Tu es si favorable.


XII, 139

Callimaque, Symptômes d'amour

Une flamme couve en moi, crainte !

Ô toi, Dionysos, toi Pan1,

Sous la cendre je la ressens :

Cette brûlure n'est pas feinte.

Ah !  surtout, ne m'embrasse pas !

Car pareille à l'eau sur les murs,

Tu viens t'insinuer en moi

Tout doucement, sans un murmure ;

Et comparable au charançon,

Tu me fais tomber dans l'amour,

Ô Ménéxène, beau garçon !

1. Callimaque parle à un hermès double aux effigies de Pan et de Dionysos.


XII, 140

Anonyme, L'aimé est un dieu

Je vis le bel Archétratos et déclarai :

«Lui beau ? Sûrement pas ! À quoi bon l'admirer !»

Je parlai... Némésis me prit soudain :

Je fus plongé tout au fond d'un brasier ;

Des traits ardents me furent envoyés

Par le dieu souverain.

Lequel prier ? Némésis ou l'enfant ?

Or, plus divin me semble ce dernier :

Aussi Némésis, bon vent !


XII, 141

Méléagre, Arrogance

Qu'entends-je par Cypris ? Ce sont là des paroles

Qu'un dieu n'eût pas jetées ; que ton audace est folle!

Ainsi donc, tu prétends que Théron n'est point beau ?

Répète-moi cela ! Tu nous jettes ces mots

Sans craindre un seul instant la divine vengeance ?

Mais l'âpre Némésis a mis au pilori

Ce causeur sans cervelle, exemple d'arrogance.


XII, 142

Rhianos, Le merle

Dans le feuillage humide d'un somptueux platane,

Dexionicos a pris un merle par les ailes :

Bientôt, on entendit crier l'oiseau rebelle.

Pourtant, ô noble Éros, Charites diaphanes,

Je voudrais tellement jouir de cette place :

Dans cette main chérie un amant se condamne

À sangloter sans que jamais il ne se lasse.


XII, 143

Anonyme, Dans le même feu

- Ô Hermès, un bel éphèbe a, sur moi,

Lancé un trait que je me suis ôté.

- Moi aussi, ô insupportable émoi,

J'ai dû subir pareille volupté.

- Pour Apollophanès je fonds,

Athlète valeureux.

- Je crois que nous nous consumons

Au fond d'un même feu.


XII, 144

Éros qui pleure !

Ô pirate des cœurs, je te surprends en larmes ;

Tu as mis au rebut ton arc et ton carquois.

Tes ailes, je le vois, sont avachies : pourquoi ?

De ses yeux Myiscos a fait tomber tes armes

Et brûler ton regard. Tu souffres sans répit :

Tu apprends aujourd'hui les douleurs que tu fis.


XII, 145

Anonyme, Ah ! les garçons !

Hommes qui vous entichez d'adolescents,

Mettez un terme à vos soucis,

Je vous révèle que vous souffrez vainement :

Votre besoin d'amour n'est jamais assouvi !

Car aimer un garçon, c'est assécher la mer,

C'est dénombrer les grains de sable de Libye.

Ah ! les garçons, ces minois si charmants

Appréciés par nous autant que par les dieux !

Regardez-moi ! Nous avons tous brassé du vide ;

Et nos efforts sont là sur des plages arides.


XII, 146

Phanias, Chasse

J'ai perdu le trace du faon

Que je chassais : piquets, filets,

Que sais-je... et tant d'épuisement

Et je reviens bredouille...

Il en est d'autres, cependant,

Qui m'ont dérobé ce gibier

Le plus facilement du monde.

Mais Éros sera sans pitié !


XII, 147

Méléagre, Au voleur !

Au voleur ! Ah ! qui fut assez audacieux

Pour lutter contre Éros ! Vite, allume les feux !

Mais j'entends comme un bruit ! C'est toi, Héliodore !

Ah ! reviens dans mon cœur, ô femme que j'adore !


XII, 148

Callimaque, Le pire chez un aimé

Ménippe, je sais bien,

Je ne viens pas avec de l'or à pleines mains ;

Mais cesse, s'il te plaît,

De tourner ainsi le fer dans la plaie.

Je souffre le martyre,

Et quand j'entends ce que tu oses dire,

Ces mots pour un amant

Sont, Ménippe, ce que tu as de pire.


XII, 149

Callimaque,  Tôt ou tard !

Ménécratès, tu as beau t'empresser

De me fuir, je m'en vais bientôt te rappeler.

J'ai dit cela le vingt juillet.

En août ! - Quand donc ? - Le dix ! - Le bœuf s'est attelé

Au joug, et de lui-même !

Merveilleux, quelle aubaine !

Et pour vingt jours, on ne va pas me tracasser !


XII, 150

Callimaque, Les deux remèdes

Pour contrer le chagrin de l'amant dépité,

Polyphème1 trouva un philtre merveilleux :

Comme il était futé !

Car la Muse parvient à restreindre nos feux,

Cher Philippe, et l'étude est un médicament.

Mais la faim est aussi, et je le crois vraiment,

Un moyen de couper la fièvre garçonnière.

Contre le dur Éros, nous avons un remède,

Et disons : «Ô enfant, tes ailes, rogne-les :

Nous ne te craignons guère,

Contre toi, nous avons ces deux philtres complets.»

1. Callimaque s'inspire visiblement de Théocrite, dont l'Idylle 9 évoque Polyphème amoureux.


XII, 151

Anonyme, Un garçon de pierre

- Tu as vu ce garçon, ce garçon séduisant ?

N'es tu pas enflammé rien qu'en le contemplant ?

Non ? Alors tu es dieu ou pierre assurément !


XII, 152

Méléagre, Attirance 

Héraclite, l'aimé vivant dans la cité

De Magnésie n'a pas de roches aimantées1 :

Non, il sait m'attirer par sa seule beauté.

1. L'aimant s'appelait «pierre de Magnésie».


XII, 153

Asclépiade, Le bonheur après la douleur 

Jadis, j'étais méchante envers Archéadas.

Aujourd'hui, quand il rôde autour de ma personne,

Son regard est absent1.

Le tendre Éros n'est pas toujours un gentil dieu !

Mais la douleur passée, le voilà qui s'adonne

À la joie de combler l'espoir des amoureux.

1. Les lamentations d'une femme délaissée par son amant sont un sujet rarement traité par les épigrammatistes. Ici encore, cette pièce serait plus à sa place dans le livre V.


XII, 154

Méléagre, Le charme et la douleur

Quel merveilleux enfant

Que Myiscos ! Si gai,

Si plaisant, si charmant.

Et qu'il est beau, ma foi !

Impossible, je crois

De ne pas l'adorer

Même si, quelquefois

Il me fait bien pleurer :

Mais à toute douleur,

Il faut le rappeler,

Se mêle la douceur.


XII, 155

Anonyme, Les trois choses1

- Ne me dis plus rien de la sorte !

- Je n'y peux rien ! Il me l'apporte (le message)

- Redis-le moi une seconde fois !

- Une seconde fois ?

- Il m'a dit : «Va !». Alors, ne traîne pas !

Je crois que tu es attendu !

 - Partir dès le premier appel ?

J'attends au moins que le troisième

Me soit en ces lieux parvenu.

1. Il s'agit d'une discussion entre un éromène et son esclave qui lui rapporte les propos de son amant pressé : en effet, ce dernier réclame impérativement sa participation à un banquet. Mais le jeune garçon sait se faire désirer...


XII, 156

Méléagre, Les flots printaniers

Mon amour, Diodore est pareil aux orages

Du printemps quand il vogue en des flots incertains.

Tantôt tu me fais voir la pluie et ses ravages,

Tantôt un ciel plaisant ; ton regard est serein

Et tu te laisses faire... Or, moi, vois-tu, je nage

Dans la mer déchaînée où éclate l'orage.

Redevenons amis ou, alors au contraire,

Voguons je ne sais où sur la vague en colère.


XII, 157

Méléagre, La mer des garçons

Sur le vaisseau c'est Cypris qui gouverne :

Éros tient la barre d'une main ferme.

Son gouvernail n'est autre que mon âme.

Le Désir souffle et puis, voici l'orage ;

Moi, dans les flots garçonniers, je surnage.


XII, 158

Méléagre, L'amour fou

C'est à toi Théoclès que je fus confié,

Volonté de Cypris ! Me voici à tes pieds,

Couché, nu, au milieu d'une terre étrangère,

Amené par Éros aux sandales légères.

Ah ! que je voudrais croire en ta belle amitié.

Or je suis repoussé ; tu ne veux pas plier

Malgré le temps, malgré tous les signes donnés

De ma sagesse. Ami, il faut avoir pitié.

À ton verdict, ô dieu, je suis abandonné.


XII, 159

Méléagre, L'hiver et le printemps

Ami, c'est à toi qu'est liée mon existence,

Et si je suis vivant, c'est grâce à ta présence.

Ah ! tes yeux, Myiscos, ces yeux, qui même au sourd,

Font entendre leur chant... Et tes sourcils, amour,

Ce tracé lumineux. Si ton regard est dur,

C'est l'hiver que je vois. Que ton œil s'éclaircisse,

Et voilà le printemps et son charme d'azur.


XII, 160

Anonyme, Rancœur

C'est courageusement que je supporterai

Le malheur qui me ronge et le poids du fardeau.

Ce n'est pas d'aujourd'hui que je connais ces traits,

N'est-ce pas, ô Nicandre, avec qui j'ai goûté

Les désirs les plus beaux.

Mais toi, ô Adrastée, fais payer la rançon

De la mauvaise volonté ;

Toi aussi, Némésis, qui n'es que cruauté.


XII, 161

Asclépiade, Travestissement

Les adolescents, Dorkas les affectionne :

Tout comme eux, elle est habile dans la technique

Qui consiste à lancer la flèche d'Aphrodite ;

Et l'éclair de son œil fait que l'amour crépite.

Elle aime à rejeter les pans de sa tunique

Pour révéler sa cuisse au milieu du public !


 XII, 162

Anonyme, Éros déjà perfide !

Sans arc et pas méchant,

Éros, si jeune encore,

Rôde autour de Cypris,

Dans ses deux mains tenant

Une tablette d'or :

À l'âme de Diyllos il s'adresse

Pour des philtres d'amour

Conçus en d'autres jours

Par Philocrate à son Antigénès.


 XII, 163

Asclépiade, Un beau mariage

Éros, du beau avec le beau

A conclu un accord.

Le rubis avec l'or ?

Cet hyménée sonnerait faux.

L'ébène avec l'ivoire ?

Le blanc avec le noir,

Difficile d'y croire !

Non, il a réuni

Eubiotos et Cléandre,

De merveilleuses fleurs

Dont chacun peut s'éprendre.


XII, 164

Méléagre, Le miel et le vin

Il est exquis de mélanger

Le miel si doux au vin léger,

Comme il est suave d'aimer

Quand soi-même on a la beauté.

Prenons l'exemple d'Alexis, l'amant

De Cléobule aux fins cheveux,

Dont les amours ont le goût si troublant

Du vin mêlé au miel des dieux.


XII, 165

Méléagre, Le blanc et le noir 

Cléobule est une fleur

D'une agréable blancheur.

Sôpolis, à ses côtés,

Est une sombre beauté :

Tous deux sont les porte-fleurs

De la sainte Cythérée :

Or c'est ainsi qu'ils m'attirent.

Je vais donc entrelacer,

Comme Éros vient de le dire,

Blancheur et obscurité1.

1. Calembour sur le nom de Méléagre : «mélas» : noir et «argos» : blanc.


XII, 166

Asclépiade L'utime désir

Amours, au nom des dieux, laissez se reposer

Ma pauvre âme épuisée !

Ou alors lancez-moi, non plus des traits ardents,

Mais une foudre afin de n'être plus que cendre.

Finissons-en, Amours ! Mon mal est obsédant :

C'est le dernier désir auquel je peux prétendre.


XII, 167

Méléagre, La tempête de l'âme 

La fête se termine car Éros,

Le dieu des beaux chagrins, m'est apparu,

Déclenchant la tempête, ô Myiscos.

Le Désir, ce vent, fait rage bientôt.

Viens mon aimé, sur le rivage, accours !

Repêche-moi, je suis ce matelot

Égaré sur l'océan de l'amour.


XII, 168

Posidippe, Toasts1

Pour Nannô et Lydé, veux-tu en verser deux !

Et pour Mimnerme et le sage Antimaque, autant.

Le cinquième toast, qu'il m'honore !

Le sixième, pour l'amoureux,

N'est-ce pas, mon cher Héliodore !

Sept pour Hésiode ; huit pour Homère ;

Neuf pour les Muses et dix pour Mémoire.

La coupe étant pleine à ras bords,

Moi Cythérée, je vais la boire !

Aux Amours maintenant !

Car, à l'homme qui est lucide encor,

Partenaire grisé n'est point inconvenant.

1. Dix toasts sont portés par l'auteur à des poètes ayant chanté l'amour. Celui qui verse le vin est Héliodore, le garçon aimé de Posidippe, et auquel il fait mention délicatement. 


XII, 169

Dioscoride, Un nouveau tyran

Je me suis libéré de ton dur esclavage,

Théodoros. Hélas ! Je suis le prisonnier

Maintenant d'un démon autrement plus sauvage :

Après Aristocrate, on me voit humilié

Par un nouveau tyran, le troisième du nom.


XII, 170

Dioscoride, Appel aux dieux

Encens, libations,

Et vous divinités

Mêlées dans le cratère,

Vous qui tenez en main

Le sort de ma liaison,

Ô vous que je vénère,

Je vous prends à témoins

Des serments à foison

Qu'a fait Athénaïos,

Ce garçon au teint clair.


XII, 171

Dioscoride, Appel au vent

Zéphyr, toi le plus paisible des vents

Ramène-moi dans la même apparence,

Euphragoras, le voyageur charmant,

En écourtant la durée de l'absence :

Une heure brève est longue pour l'amant.


XII, 172

Évenos, Le meilleur choix

Si haïr est si dur,

Si aimer est si dur,

Je prends des deux douleurs

Celle dont la blessure

Sera toute douceur.


XII, 173

Philodème, Le goût de la complication

Démo et Thermion : qu'elles me désespèrent !

Sans souci Thermion de son corps fait le don.

Démo n'a rien appris de la loi de la chair.

Je touche l'une alors que l'autre me dit «non !»

Ah ! sur  ton nom, Cypris, je ne sais vraiment pas

Sur laquelle des deux porter l'attention !

C'est peut-être Démo, cette vierge farouche

Que je cueille et dépose en ma verbale couche.

En fait, je n'aime point la fille que je touche

Sans trop me fatiguer, préférant m'attarder

Sur celle qui paraît, selon moi, bien gardée 1.

 1. Lieu commun littéraire qu'on retrouve chez Ovide, Amours, III, 4, 25.


XII, 174

Fronton, À Cyrus le Mède

Cyrus, jusques à quand vas-tu me résister ?

Pour ton Cambyse as-tu si peu de charité ?

Allons, ne sois pas Mède : un jour, je le présage,

Tu deviendras Sacchas1

Et tous ces poils feront de toi un Astyage2.

1. Sacchas était le serviteur d'Astyage, beau-père de Cambyse, père de Cyrus, roi de Perse. Calembour avec «saccos», étoffe de poil de chèvre.

2. Calembour avec «Astyage», être fort velu.


XII, 175

Straton, Une jalousie incongrue

Pourquoi donc nous faire servir

Par de beaux échansons,

Si tu es si jaloux de leur empire ?

Car comment ne pas être ému par les garçons

Sous l'emprise du vin insidieux.

Pour un humain, c'est tout à fait normal :

Cela n'a rien de mal.

Ou alors, Diophon, retourne dans ce lieu

Où les amours et le vin sont absents.

Invite Tirésias et Tantale :

Le premier n'a plus d'yeux

Et le second regarde seulement.


XII, 176

Straton, Funeste invité

Ô Ménippe, tu as l'air ennuyé !

Et ce long vêtement qui tombe jusqu'aux pieds,

Toi qui relevais ton habit jusqu'aux genoux !

Honteux, tu es passé sans dire un mot du tout,

Ah ! je sais ce que tu veux me dissimuler :

Ils se sont invités, ceux-là dont je parlais1.

1. L'auteur veut bien entendu parler des poils.


XII, 177

Straton, Rêve ou réalité

Mœris m'a embrassé lorsque le soir tombait :

Est-ce une impression ?

Je me souviens fort bien des mots qu'il prononçait

Et de ses questions.

Mais enfin ce baiser, rêve ou réalité ?

Et si cela est vrai,

Suis-je encore mortel ou bien divinité ?


XII, 178

Straton, Soleil de nuit

L'amour brûlant m'a oppressé

Quand, devant moi, Theudis resplendissait,

Tel un soleil sublime émergeant des étoiles.

Je me consume encore, et ce, malgré les poils

Qui le couvrent d'une nuit blême :

C'est un soleil couchant, mais un soleil quand-même !


XII, 179

Straton, Impossible à cacher

C'est vrai, j'avais juré,

Ô grand Zeus, que jamais je n'avouerai

Ce que Theudis a voulu qu'on lui prenne.

Mais mon esprit que mon ivresse entraîne

Ne peut cacher son bien.

Pardonne-moi, je dois le dire enfin :

«Il a cédé à mon amour !»

Oui, Zeus, on reste sur sa faim,

Si le bonheur ne s'étale au grand jour !


XII, 180

Straton, Un voile sensuel

Cette chaleur me désespère.

Mais n'agite pas pour autant,

Enfant, ta tunique légère :

Au fond de moi, il est un feu puissant

Que ta tunique attise constamment.


XII, 181

Straton, Les trois Grâces

Théoclès, ne crois pas ceux qui t'ont raconté

Que les Grâces sont trois, vivent à Orchomène

Et sont toute bonté.

Car il en est cinquante issues de ton visage

Lançant des traits, faisant aux âmes des ravages.


XII, 182

 Straton, Le repentir

Maintenant, tous ces baisers sont bien vains :

Les feux d'amour sont pour toujours éteints.

C'est fini, tu ne m'attires plus guère.

J'ai tant lutté pour ça ! Pourtant, Daphnis,

Te repentir, cela, tu peux toujours le faire.


XII, 183

Méléagre, Le baiser tiède

Mon baiser était fort

Mais le tien, Héliodore...

À m'embrasser ainsi quel plaisir trouves-tu ?

Tu effleures ma joue et voilà, rien de plus !

Ta bouche sur la mienne a grand-peine à s'ouvrir

Et tes baisers sont ceux d'une image de cire.


XII, 184

Straton, Un garçon très ouvert...

N'essaie pas de ruser coûte que coûte

Pour avoir Ménédème :

Un signe du sourcil et il te dit :

«Passe devant et montre-moi la route !»

On ne perd pas de temps ; il lui arrive même

De se mettre devant : car il est plus ouvert

Que le canal, que la rivière...


XII, 185

Straton, Les snobs

Ces garçons prétentieux tout de rouge vêtus1,

Nous ne les poursuivrons pas, cela est entendu.

Il sont tels des figues sur les monts les plus hauts,

Qui font le seul régal des vautours, des corbeaux.

1. Straton s'en prend aux jeunes snobs qui refusent les bienfaits de l'amour.


XII, 186

Straton, Le dédaigneux

Mentor, jusques à quand

Seras-tu méprisant ?

Crois-tu devoir rester

Jeune et plein de beauté

En dansant la pyrrhique

Sans jamais t'arrêter.

Un jour pourtant, les poils

Pousseront, quel tourment !

Alors tu verras fuir

Ton cortège d'amants.


XII, 187

Straton, La leçon de lecture

Comment donc apprends-tu à lire à ce garçon,

Denys ? Tu ne sais pas même changer de ton !

Si vite de l'aigu tu es passé au grave ;

Tu fais enfler soudain un ton tout maigrichon ;

Ne m'en veux pas ! Poursuis la leçon malgré tout !

Touche des deux côtés, dis «lambda et alpha»1

Devant tous ces jaloux.

1. «Lambda», c'est-à-dire «L», initiale de «labdakisein» : lécher.

2. «Alpha», c'est-à-dire «a», initiale d'«anaphlan» : masturber.


XII, 188

Straton, Le baiser

Oui, je t'ai embrassé, je n'ai pas été sage :

Punis par un baiser l'auteur de cet outrage !


XII, 189

Straton, Le père ébloui

Comme tu es charmant

Couronné de ces roses.

Serait-ce ton amant

Qui te donne ces choses ?

C'est ton père ! Grand dieu,

Lui aussi a des yeux !


XII, 190

Straton, Le beau portrait

Ce portrait est une perfection !

Cette cire a vaincu l'illusion1.

Et si j'étais un méchant petit ver,

Je mangerais d'un coup ce bois bien vert !

1. Il s'agit d'une peinture en bois encaustiquée, très courante dans l'Antiquité : qu'on se rappelle les portraits du Fayoum.


XII, 191

Straton, Transformation

N'étais-tu pas un garçonnet, il y a peu ?

Mais ta barbe a poussé : impensable, te dis-je !

Comment donc ce visage a-t-il pu se couvrir

De poils calamiteux ?

Expliquez- moi, ô dieux, cet immense prodige !

L'enfant d'hier est devenu si vieux !


XII, 192

Straton, Le goût du naturel

Je n'aime pas les artifices :

Et ces boucles dorées m'attristent.

Je préfère un garçon recouvert de poussière

À la condition que tout son corps reluise

De cette huile propice à tant me satisfaire.

Au diable tous les fards dont la femme se grise !


XII, 193

Straton, Le message de la Vengeance

Artémidore, as-tu vraiment pris conscience

Du message de Smyrne adressé par Vengeance :

En voici la teneur  : «Rien hors de la mesure !»

Tu tiens tant de discours si arrogants, si durs,

Qu'ils en seraient honteux même chez un acteur.

Mais tu en pâtiras probablement un jour,

Ô garçon orgueilleux, lorsque viendra ton tour

D'être épris de la sorte.

Alors tu nous joueras : «Femme mise à la porte !»


 XII, 194

Straton, Les défauts du Phrygien

Par comble de hasard,

Si, de la terre au ciel,

Zeus enlevait les enfants des mortels

Pour servir le nectar,

L'aigle eût ravi pour le compte des dieux

Agrippa, beau garçon.

Et si, Père du monde, il était sous tes yeux,

Tu considérerais de ton jeune échanson

Les défauts si nombreux.


XII, 195

Straton, Fleurs de garçons

Les prairies caressées par le charmant Zéphyr

Renferment moins de fleurs, printanière parure,

Que ces adolescents d'une belle naissance :

Ami, je te l'assure !

Ils ont été forgés par Cypris et les Grâces.

Voici Milésios à la première place,

Une rose odorante.

Mais il ne doit savoir que, pareille à la fleur

Flétrie par la chaleur,

Un beau jour par les poils périra sa beauté.


XII, 196

Straton, Des yeux envoûtants

Ô Lykinos, garçon tout pareil à un dieu,

Que dire de tes yeux ?

Ce sont des étoiles mais aussi des rayons

Qui regorgent de feu.

Mille éclairs dans tes yeux naissent à profusion.

Ah ! comment soutenir ce regard dangereux !


XII, 197

 Straton, Le bon moment

«Sachons le bon moment !1»

C'est ce qu'a dit, Philippe, un des Sept Sages !

Un garçon est charmant

Quand il est dans sa fleur.

Même un concombre est succulent

À l'état de primeur.

Mais quand il est trop mûr,

C'est aux cochons qu'il sert de nourriture.

1. Cette maxime serait attribuée à Pittacos (Diogène Laërce, I, 79)


XII, 198

Straton, La beauté partagée

Les jeunes gens sont ceux que je préfère.

Mais loin de moi tout jugement.

La beauté n'est pas l'unique critère

Et chacun a son argument.


XII, 199

Straton, La double vision

J'ai bu bien plus qu'il ne faudrait !

Ma langue, mes idées, tout semble s'effondrer !

La flamme de ma lampe est divisée en deux :

Voyons ! J'essaie de décompter,

Je dénombre le double d'invités.

Non seulement je suis ému par l'échanson,

Mais devant le verse-eau je sens comme un frisson...


XII, 200

Straton, Un amant difficile

Je déteste un baiser imploré longuement ;

J'ai horreur des discours prolongés et bruyants ;

Je n'aime pas ces bras hostiles, violents.

Mais le «oui» trop rapide et le don trop facile

Ne sont chez un garçon le meilleur de son style.

Car je veux que l'aimé, tout en offrant son corps,

Résiste à mon élan et se refuse encor.


Trad. 1-100 - 201-258

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