Bibliotheca Classica Selecta - Autres traductions françaises dans la BCS
Anthologie Palatine : Présentation générale - Plan - Avant-propos - Biographies des poètes - Table des matières
MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS
VI,162 - IX,161 - IX,286 - IX,440 - IX,443 - IX,554 - IX,770
X,21 - XI,7 - XI,29 - XI,328 - XII,53 - XII,82 - XII,83 - XII,113
XII,114 - XII,147 - XII,173 - XII,183 - XVI,213 - XV,35 - XVI,212 - XVI,388
Avant-Propos
Comme je le disais dans l'introduction générale à l'Anthologie grecque, le classement des épigrammes au sein du manuscrit palatin, reflet quasi exhaustif du travail de prospection de Képhalas, s'avère par moment fort aléatoire. Certes, notre moine avait du mérite à recueillir un foisonnement de pièces provenant de diverses sources et à tenter de les incorporer dans des rubriques bien déterminées. Mais sa rigueur avait des limites et lui - ou les autres compilateurs qui poursuivirent son œuvre - ont fait preuve parfois d'étourderie. Les épigrammes érotiques ne font pas exception à la règle : ainsi, on aura constaté, à la lecture de nos textes, que quelques pièces sans rapport avec l'amour des femmes se sont glissées dans le lot. Inversement, il existe, éparpillées à travers les autres tomes du texte palatin, des épigrammes d'essence incontestablement érotique et qui n'ont pas été incluses dans le livre V. En particulier, le livre XII renferme quelques pièces de nature « hétérosexuelle », donc égarées dans un manuscrit contenant des poèmes pédérastiques. En conséquence, j'ai ajouté ci-dessous cette petite vingtaine de pièces permettant ainsi de compléter la matière de notre livre V.
Philippe Renault
15 décembre 2004
VI, 162
Méléagre, À Aphrodite
Méléagre te donne, ô Cypris qu'il vénère,
Sa lampe initiée aux nuits de ton mystère.
IX, 161
Marcus Argentarius, Trop de travail !
Je déroulais d'Hésiode ce noble écrit,
Les Travaux et les Jours,
Lorsque Pyrrha me changea les esprits.
Alors là, sans détour,
Je rejetai le livre et déclarai :
« Hésiode, j'ai assez de travaux,
Pourquoi diantre m'en fourrer de nouveaux ! »
IX, 286
Marcus Argentarius, Le cri du coq
Coq, pourquoi m'as-tu réveillé ? Je dormais bien :
L'image de Pyrrha s'est envolée soudain.
C'est ainsi que tu paies les bienfaits et les soins
Dont tu m'es redevable ? Ah ! tu es misérable !
Pourtant, j'ai fait de toi le roi du poulailler.
Par Sérapis, par son autel, assez crié !
Je vais clouer ton bec : il faut te préparer
À mourir sur l'autel par lequel j'ai juré.
IX, 440
Moschos, Éros échappé [1]
Allons, que je vous donne le signalement
De ce petit enfant :
Il est aisé à reconnaître, assurément.
Il n'a pas le teint blanc
Et, pareil à la flamme il est tout rougeoyant.
Sa voix est suave comme le miel
Mais sa pensée est pire que le fiel.
Ce terrible marmot ment et ment toujours :
Ne croyez en aucun de ses discours.
Tout le porte vers des jeux mauvais.
Oui, c'est un enfant cruel, en effet !
Certes, il a de beaux cheveux
Mais son front est des plus malicieux.
Ses mains sont petites, il est vrai,
Mais elles frappent fort au point de résonner
Jusque sur l'Achéron et l'infernal palais.
Il arbore une belle nudité
Mais son âme est fort enveloppée.
Vers nous il aime à s'envoler
Et sur les cœurs il vient se déposer.
Il a un arc et des traits fort menus
Mais sa flèche s'élance jusqu'aux nues.
Sur son dos vous verrez un carquois d'or
Dont les traits m'ont touché et me touchent encor.
Son feu peut sembler misérable
Mais à Hélios lui-même il est fort redoutable.
Si tu me l'attrapes, n'aie pas peur
De me l'amener pieds et poings liés,
Cet infâme sans-cœur.
Pour lui n'éprouve aucune pitié.
S'il veut t'embrasser, fais attention,
Car sa bouche distille un terrible poison.
S'il veut te confier son armement,
Pas touche, car de feu il est toujours fumant !
[1] Ce poème qui dépasse largement le cadre étroit de l'épigramme fut imité par Boccace et Antoine de Baïf.
IX, 443
Paul le Silentiaire, L'Amour ravageur
À la Paphienne Cypris,
N'ouvre jamais ton esprit !
Si ton coeur est résistant,
Bientôt Éros te reprend.
Son dard est insinuant :
Un bout de son trait flambant,
Cela suffit pour entrer
Dans l'âme complètement.
Donc, ne laisse pénétrer
En toi nulle volupté
Car dans la même fureur
Il brûle et ton corps et ton coeur !
IX, 554
Marcus Argentarius, Fellation
Ainsi, belle Héraclée, dans un secret flagrant,
Tu aimes à sucer la queue de tes amants !
Et on jase en tous lieux sur de tels errements.
As-tu été forcée, traînée par les cheveux ?
Peut-être faut-il voir en ton nom si charmant,
Féminin d'Héraclès, la raison de ces jeux
Que tu sais pratiquer avec les jeunes gens.
IX, 770
Paul le Silentiaire, La coupe
Dans ma coupe Anicétéia
Trempe sa lèvre de douceur.
Ah ! puissé-je lui offrir, pourquoi pas !
Très bientôt la nuptiale liqueur.
X, 21
Philodème, Imploration
Ô Cypris, déesse des mers et des amants,
Cypris, amie des bonnes gens,
Cypris, mère des Désirs aux pieds de tempête,
Cypris, voilà qu'on me rejette
Du lit du mariage et que le froid celtique
Rend tout mon coeur mélancolique.
Ô Cypris, je suis calme et tiens des propos sages.
Pourtant sur tes flots titaniques,
Je suis abandonnée. Cypris des bons voyages
Et des mystères, ô déesse,
Livre-moi à bon port auprès de ma maîtresse.
XI, 7
Philodème, Il faut changer
Nul, cher Charidémos, n'éprouve en vérité
De joie à caresser sa femme tout au long
De sa vie : la nature aime à être excitée
Et à changer de peau. C'est loin de la maison
Qu'il faut chercher les plus belles liaisons.
XI, 29
Automédon, L'homme sans rame
Bon ! Tout est prêt [1] ! Les invitations...
Mais si l'on vient ! Que faire, Automédon ?
Regarde-le voyons ! C'est une vraie salade !
Oui, lui jadis rompu aux tendres exercices
Est recroquevillé au fin fond de tes cuisses.
Il a l'air bien malade !
On rira si tu prends la mer en ce moment
Car tu es un marin démuni d'instrument.
[1] L'auteur utilise ici, en le détournant, le vocabulaire propre aux préparatifs d'un festin. À la fin du poème, il est question de termes de marine, également détournés de leur sens originel.
XI, 328
Nicarque, La femme partagée
Avec elle nous avons fait un petit tour,
Hermogène, Cléobule et moi-même,
Pour lui faire l'amour. Nous l'avons partagée :
Dans sa bouche, moi, je devais surnager.
Hermogène explorait ses domaines arrières,
Sinistres, spacieux et remplis de mystères,
Un rivage des morts
Où tout est secoué par des souffles sonores.
Cléobule, vrai Zeus, lui, vint dans son palais,
Brandissant dans sa main son foudre, ce brasier.
Cette contrée était à nos trois corps commune :
Nous avions déposé un drap sur cette dune...
XII, 53
Méléagre, Le Message [1]
Vaisseaux marchands qui passez le détroit d'Hellé,
En accueillant au nord une brise subtile,
Si vous longez Cos et que vous voyez sur l'île
Phanion scrutant la mer, donnez-lui, ô navires,
Le message qui suit : « Sur l'aile du désir,
Je viens vers mon aimée, par terre et non par mer. »
Si vous lui rapportez ces mots, je vous l'assure,
Sans perdre de temps, Zeus gonflera les voilures.
[1] Cette épigramme ainsi que les deux suivantes consacrées à une certaine Phanion « petite torche » - d'où la confusion avec le phare scrutant la mer - ont été classées parmi les poèmes garçonniers par un copiste qui a cru qu'il s'agissait d'un nom masculin.
XII, 82
Méléagre, La fuite impossible
Je voulais fuir Éros mais cet affreux marmot
Réussit dans la cendre à créer ce flambeau :
Fort chétif à vrai dire, il parvint cependant
À trouver ma cachette. Et le voilà jetant
Sur moi un peu du feu que sa main vient d'extraire :
Une flamme en jaillit et dévore ma chair !
Un immense brasier est issu du brandon,
Oh ! Mon petit flambeau, terrible Phanion !
XII, 83
Méléagre, La femme-flambeau
Éros, pour une fois,
N'a pas jeté ses traits
Et vidé son carquois,
Ni mis quelque brandon
Dans mon coeur éploré.
Il a tout simplement
Rapporté cette torche
Petite et vacillante,
Compagne assurément
Des Désirs les plus fous,
Une enfant de Cypris
Parfumée et brillante.
Or, Éros, d'un seul coup,
Me jeta dans les yeux
La pointe de sa flamme.
Ô Phanion, ô feu
Terrible de mon âme
Qui me brûle et me damne !
XII, 113
Méléagre, L'Amour capturé
L'Amour ailé, oui l'Amour fut pris dans les cieux :
C'est Timarion qui l'a capturé par les yeux.
XII, 114
Méléagre, À l'Étoile du Matin (III)
Étoile du matin, allons, transforme-toi
En Étoile du soir et ramène en secret
Celle que tu me prends quand le jour se recrée.
XII, 147
Méléagre, Au voleur !
Au voleur ! Ah ! Qui fut assez audacieux
Pour lutter contre Éros ! Vite, allume les feux.
Mais j'entends comme un bruit ! C'est toi, Héliodore !
Ah ! Reviens dans mon coeur, ô femme que j'adore !
XII, 173
Philodème, Le goût de la complication
Démo et Thermion : qu'elles me désespèrent !
Sans souci Thermion de son corps fait le don.
Démo n'a rien appris de la loi de la chair.
Je touche l'une alors que l'autre me dit « non ».
Ah ! sur ton nom, Cypris, je ne sais vraiment pas
Sur laquelle des deux porter l'attention !
C'est peut-être Démo, cette vierge farouche
Que je cueille et dépose au détour de ma couche.
En fait, je n'aime point la fille que je touche
Sans trop me fatiguer, préférant m'attarder
Sur celle qui paraît, selon moi, bien gardée [1].
[1] Lieu commun littéraire qu'on retrouve chez Ovide, Amours, III, 4, 25.
XII, 183
Méléagre, Le baiser tiède
Mon baiser était fort
Mais le tien, Héliodore...
À m'embrasser ainsi quel plaisir trouves-tu ?
Tu effleures ma joue et voilà, rien de plus !
Ta bouche sur la mienne a grand-peine à s'ouvrir
Et tes baisers sont ceux d'une image de cire.
XVI, 213
Méléagre, Inévitable !
Bien que sur toi
De vives ailes se déploient,
Que ton carquois
Regorge de ces mille traits
Qui visent bien,
Sache, Éros, que j'échapperai
Au feu malin :
Mon refuge sera la terre.
Or, tout est vain
Puisque le prince des Enfers,
Ce grand dompteur,
Subit les assauts téméraires
De tes ardeurs.
XV, 35
Théophane, Le lis
Ah ! Que je voudrais être un lis plein de candeur
Afin de caresser de ton corps le bonheur !
XVI, 212
Alphée de Mytilène, Révolte
Éros, je vais te dérober
Ce flambeau, ce carquois ;
Je te dépouillerai
Si tu dors comme un roi,
Si nous avons la paix,
Un répit dans tes traits.
Cependant,
Je ne suis pas tranquille,
Car en dormant, tu trames
Sûrement,
Ô troublion habile,
Quelque nouveau tourment !
XVI, 388
Julien, préfet d'Égypte, L'Amour avalé [1]
Je tressais une couronne
Quand apparut, ô surprise,
Un Amour, beauté exquise !
Je le saisis par les ailes
Et le plongeai dans mon vin,
Puis l'avalai plein de zèle.
Maintenant dans mon sein,
Il s'amuse avec ses ailes.
[1] Cette épigramme recensée par Planude se retrouve aussi parmi les poèmes anacréontiques (Anacreontica, 57).
Trad. 1-100 - 101-200 - 201-309
[Retour]
Anthologie Palatine : Présentation générale - Plan - Avant-propos - Biographies des poètes - Table des matières