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Anthologie Palatine : Présentation générale - Plan - Avant-propos - Biographies des poètes - Table des matières

MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


 

Anthologie grecque

Livre V, 1-100

 

 

 Traduction Philippe Renault (2004)


Plan

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25

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101-200 - 201-309 - Autres


V, 1

Anonyme (Képhalas ?), La flamme

Pour susciter l'extase au fond des jeunes âmes,

J'en appelle à l'Amour et commence par lui ;

Car dans chaque poème il nous livre sa flamme.


V, 2

Méléagre [?],  Le rêve suffit

Cette Sthénélaïs consume la cité

Et ne vend qu'à prix d'or sa chaude volupté.

Pourtant elle a couché nue et gratuitement

Près de moi, cette nuit dans un rêve charmant.

Nul besoin d'implorer cette femme implacable,

Ni de me lamenter puisque dans mon sommeil

Je me livre au plaisir d'un amour indomptable.


V, 3

Antipater de Thessalonique, L'odieux chant du coq

C'est l'aube, Chrysilla, et le coq levé tôt

Crie le lever prochain de la jalouse aurore.

Honte à toi, maudit coq, le pire des oiseaux,

Car, à cause de toi, je quitte ma maison

Pour retrouver l'école et donner mes leçons.

Tithon, tu te fais vieux, pour avoir de ton lit

Chassé, ce beau matin, l'Aurore, ton amie.


V, 4

Philodème, Le mystère de Cypris

Philénis, huile la lampe qui m'est pieuse,

Et ne reviens pas de sitôt.

Car Éros n'a que faire de ces curieuses.

Ceci fait, viens, Xantho,

D'un baiser je veux goûter la sensation ;

Et toi, lit familier à mes effusions,

Je m'en vais t'enseigner les préceptes ultimes

De la loi de Cypris qui m'étreint, me domine.


V, 5

Statyllius Flaccus, La lampe parle

Moi, je suis la lampe d'argent, la confidente

Loyale des amours nocturnes de Flaccus,

Celle qui fut donnée à Napé la méchante.

À côté de son lit, je fonds en découvrant

Toute l'infamie dans laquelle elle se vautre.

Rien qu'à cette pensée, Flaccus, tu te tourmentes

Et tu ne peux dormir : tous les deux nous brûlons,

Moi d'un côté, toi de l'autre.


V, 6

Callimaque, Les Serments rompus (I)

À Ionis, Callignote a fait le vœu suivant :

« J'en ai soupé des maîtresses et des amants. » 

Mais les dieux ont fait fi, il est vrai, du serment,

Et aujourd'hui son cœur brûle pour un garçon,

Et d'Ionis comme des Mégariens [1], plus question !

[1] C'est une allusion à la réponse de l'oracle de Delphes aux Mégariens qui désiraient savoir à quel rang le dieu les plaçait. Les Scholies de Théocrite (XIV, 73) nous rapportent que le dieu leur répondit ceci : « Le peuple buvant l'eau de l'Aréthuse est au-dessus de tout ; ensuite il y a les gens de Tyrinthe, les Arcadiens et les Argiens. En revanche, vous, Mégariens, vous ne comptez pour rien. » En fait l'expression « compter comme pour des Mégariens » est l'équivalent de notre moderne « compter pour du beurre » !


V, 7

Asclépiade, Adresse à la lampe

Ô lampe, devant toi Héraclée a juré

Par trois fois de venir cette nuit dans ces lieux.

Mais rien ne vient ! Objet, si tu es vraiment dieu [1],

Punis cette parjure ; et si la mijaurée

Baise avec un autre homme, éteins-toi sur-le-champ :

Prive-la de lumière inexorablement

[1] Les Grecs attribuaient aux lampes une puissance magique.


V, 8

Méléagre, Les serments rompus (II)

Nuit, et toi, lampe, vous êtes les seuls témoins

De nos serments : lui, jurait de m'adorer sans fin ;

Moi, je voulais ne le quitter pour rien au monde.

Or, pendant que toi, lampe, éclaires ses putains,

Il me dit que ces mots furent écrits sur l'onde [1].

[1] Expression proverbiale que l'on retrouve chez Sophocle notamment (Fragments, 769).


V, 9

Rufin, Lettre à la bien-aimée

J'adresse à Élpis, moi Rufin,

Du bonheur à profusion,

Si vraiment tu en veux

Car tu le sais, je suis bien loin...

J'en jure par mes yeux :

Dure est la séparation ;

Ma couche est solitaire,

Quelle amère privation...

Chez l'Artémis d'Éphèse

Ou sur le Coressos [1]

Mon amour est de braise.

Mais je sais que Samos

Me recevra bientôt ;

Et alors, sans attendre

Je m'envolerai vers tes yeux

Et mille fois, Élpis si tendre,

Je te ferai de beaux adieux.

[1] Le Coressos est une des collines de Delphes située au sud-ouest.


V, 10

Alcée, Vaine victoire

Ces traits, pourquoi les jettes-tu,

Éros, sur mon cœur abattu ?

Pourquoi mettre tant d'insistance

À pervertir ma conscience ?

Maudit Éros, quel est ton but ?


V, 11

Asclépiade, Naufrage sur terre

Puisque tu peux sauver les hommes sur la mer,

Cythérée [1], sauve-moi d'un naufrage sur terre.

[1] Cypris Euploia, patronne des marins, avait un temple au Pirée.


V, 12

Rufin, Profitons...

Prodiké, baignons-nous,

Puis ceignons notre front de ces belles couronnes.

Goûtons à ce vin doux ;

Jouissons de l'instant avant que ne résonne

L'ennuyeuse vieillesse,

Avant que cette vie doucement nous délaisse...


V, 13

Philodème, Le nombre des années

Charito [1] a plus de la soixantaine

Mais elle a gardé sa brune toison ;

Sa poitrine demeure fort hautaine.

Sa chair a le parfum de l'horizon.

Elle va vous exciter, jeunes gens :

Oubliez donc le nombre de ses ans !

[1] Charito est dérivé d'un mot grec signifiant « grâce ». Pour le poète, ce nom est largement prédestiné.


V, 14

Rufin, Un baiser foudroyant

Quand le baiser d'Europé touche

Vos lèvres, la douceur vous prend ;

Il n'effleure que votre bouche :

Il reste doux, je le proclame.

Mais j'avoue que le plus souvent,

Ce doux baiser n'est point farouche :

De l'ongle il vient aspirer l'âme.


V, 15

Rufin, La divine beauté

Où est donc passé Praxitèle ?

Où est donc passé Polyclète ?

Où sont les dieux et les athlètes ?

Où sont ces statues immortelles ?

Qui refera la chevelure

Brune-bouclée de Mélité,

La gorge pleine de santé,

Et le brasier de ses prunelles ?

Vite, des sculpteurs authentiques :

Nous devons lui bâtir un temple

Comme pour nos statues antiques ! [1].

[1] Littéralement les xoana, s'appliquant aux vieilles statues de bois primitives.


V, 16

Marcus Argentarius, La meute de Cypris

Ô lune aux cornes d'or, et vous, astres luisants

Qu'accueille l'Océan [1], vous l'avez remarqué :

Aristé qui embaume a quitté son amant.

Elle est partie depuis six jours ; la magicienne

Est introuvable. Allons, recherchez-la, de grâce !

Moi, j'envoie les limiers de Cypris sur ses traces,

Des limiers de métal : une bourse bien pleine.

[1] Océan est à prendre au sens homérique du terme comme une masse liquide encerclant la terre.


V, 17

Gétulicus, À l'Aphrodite des mers

Toi qui lèves les yeux

Sur les rocs épuisés sous les flots ténébreux,

Vois ces quelques présents, ces gâteaux secs. Demain,

Je m'en vais m'élancer sur la vague effrénée

De la mer d'Ionie,

Car le port [1] d'Idothée [2] excite mon envie.

Éclaire mon vaisseau et viens illuminer

Mes amours, mes folies,

Ô divine Cypris, maîtresse incontestée

Des rivages marins et de la volupté.

[1] Le mot grec désigne à la fois le port et le sein féminin.
[2] Idothée est le nom à la fois de l'amie du poète et celui d'une divinité marine.


V, 18

Rufin, Les amours ancillaires

Nous cherchons nos maîtresses,

Non pas parmi les dames

De la haute noblesse,

Car nous ne goûtons point

Aux amours clandestins ;

Nous préférons, de loin,

Goûter à leurs servantes [1].

Une dame, il est vrai,

A la chair parfumée,

Son amour est léger

Jusqu'au jour du danger !

Une esclave est jolie

Et possède un bon lit.

Elle garde raison

Même après tous les dons

Que procure l'orgie.

En fait, je suis Pyrrhus,

Lui qui donna son âme

À l'esclave Andromaque

Et non pas à sa femme.

[1] Le même thème est traité par Horace (Satires, II, 1).


V, 19

Rufin, Le disque et le crotale

De goûter aux garçons j'ai perdu toute envie ;

Des femmes désormais me voici tout épris.

Je crois que c'est fatal :

Le disque est remplacé par l'éclat du crotale !

Je te quitte, chair nue et dénuée de soin !

Je préfère les fards et le rose d'un teint.

On verra le dauphin paître dans l'Érymanthe

Des cheveux de la femme et dans les fonds marins

Nager le cerf fougueux de façon fulgurante [1].

[1] Ce vers rappelle Horace (Art poétique, 30). Il est à rapprocher du Fragment 74 d'Archiloque qui évoque lui aussi des bêtes sauvages sur les flots et des dauphins sur les montagnes.


V, 20

Onestos, La beauté mûre

Je n'ai aucune envie d'épouser ni la vieille,

Ni la jeunette ; non, j'ai de la pitié

Pour la première ; et l'autre, je la respecte.

J'exècre le verjus autant qu'un raisin sec.

Pour le lit de Cypris, une beauté plus mûre

Est la seule vraiment qui convient et « assure »…


V, 21

Rufin, La tombe [1]

Prodiké, te souviens-tu, j'aimais à te dire :

« Hélas, nous vieillissons, les rides vont venir

Séparer les amants. » Mais en plus de ces rides,

Voici que se profile un visage livide,

Une blanche toison et un corps sans ardeur.

Ta lèvre désormais a perdu sa fraîcheur.

Personne à ton égard n'a de propos courtois :

Comme devant la tombe on passe devant toi.

[1] Épigramme imitée par Ausone (Épigrammes, 13).


V, 22

Rufin, Le taureau soumis

Oui, l'amour m'a comblé : de fait, j'ai renoncé

À toute liberté pour toi, ô Boôpis :

Taureau, j'ai pris le joug du désir ; j'obéis,

Je me soumets, docile ; et ma seule pensée

Est de n'être jamais plus libre car j'aspire

À conserver ma chaîne aux confins de ma vie.

Surtout, que l'œil mauvais n'étende son empire

Sur nos vœux infinis !

[1] Boôpis signifie « œil de vache », et c’était le nom - ou le surnom - de la maîtresse de Rufin.


V, 23

Callimaque, Vengeance capillaire

Puisses-tu, toi aussi, dormir sous ce portique

Conopion [1] ! Puisses-tu, ô âme maléfique

Sommeiller au lieu même où mon être se ronge.

Et que nul n'ait pitié de toi, pas même en songe.

Les voisins sont émus ; toi, pas un sursaut, rien,

Même en songe ! Or, bientôt, quelques cheveux tout blancs

Te feront le rappel d'un mépris sidérant.

[1] Conopion signifie « moucheron » : la jeune femme qui était affublée de ce surnom devait être de petite taille.


V, 24

Méléagre, Faiblesse

Mon âme m'avertit de fuir Héliodore

Sachant que cet amour me causera du tort.

Or, m'enfuir, je ne puis et mon âme elle-même,

L'effrontée, tout en me prévenant, l'aime encor !


V, 25

Philodème ou Méléagre, L'amour rend téméraire

Quand le soir tombe ou quand le jour scintille,

Je m'élance toujours vers les bras de Cydille ;

Bien sûr, je sais que je cours vers un précipice

Bien sûr, cette lubie peut m'être peu propice.

Mais que m'importe !

Il ne craint plus rien, même en rêve, le type

Qu'Éros emporte.


V, 26

Rufin, Cheveux noirs ou cheveux blonds ?

Que tu sois blonde ou alors brune,

Tes cheveux brillent comme lune.

Et même quand ils seront blancs

Éros y viendra sûrement.


V, 27

Rufin, Le déclin d'une courtisane

Mélissa [1], où est ta radieuse beauté ?

Où est cette insolence et cette moue vantée ?

Où est l'or qui ornait ton pied majestueux ?

Aujourd'hui quelle pauvreté dans tes cheveux ;

À tes pieds je ne vois qu'une triste pelisse.

Amère destinée des grandes séductrices !

[1] Mélissa signifie « abeille ».


V, 28

Rufin, La rose et l'épine

Ainsi, tu me salues :

Or, ta beauté n'est plus.

Tu voudrais maintenant

T'amuser avec moi :

Mais vois ta chevelure

Si sublime autrefois

Et aujourd'hui si laide.

Et que ton cou est raide !

Non, va-t-en, impure !

Triste métamorphose !

J'ai trouvé une épine

Et non plus une rose.


V, 29

Cillictor, Amour amer

Il est doux de baiser : pour ça, je suis d'accord !

Mais si l'amour désire être rémunéré,

Son goût est plus amer que l'amer ellébore.


V, 30

Antipater de Thessalonique, L'Aphrodite d'or et... d'argent !

La parole d'Homère est superbe, d'accord !

Mais il n'a, selon moi, jamais aussi bien dit

Qu'à l'évocation de l'Aphrodite d'or.

Tu viens avec des sous : tu es un bon ami !

Ni gardiens, ni cabots n'offrent leur vigilance.

Ils sont tous enchaînés ! Mais si ta bourse est vide,

Cerbère est aux aguets. Ah ! femelles cupides !

De combien de malheurs frappez-vous l'indigence !


V, 31

Antipater de Thessalonique, Les trois Âges

Il y eut l'âge d'Or,

L'âge d'Argent, l'âge d'Airain.

Cypris a frappé fort,

Accumulant ces âges un à un !

L'âge d'or, elle le vénère ;

Celui d'argent, ne dit pas non;

De bronze, assez pour la satisfaire.

Aphrodite est comme Nestor

Et Zeus n'a point parsemé d'or

La voie menant vers Danaé :

Notre dieu lui a ramené

Tout simplement des pièces d'or [1].

[1] On retrouve la même idée chez Horace (Odes, III, 16) et Ovide (Les Amours, III, 8, 30).


V, 32

Marcus Argentarius, L'abeille

Ô ma charmante,

Comme l'abeille amie des fleurs,

Ta lèvre ardente

Distille un miel plein de douceur [1].

Comme elle aussi,

Ton aiguillon est éprouvant

Quand tu me dis

Que ton amour vaut de l'argent.

[1] Ce thème est un lieu commun poétique grec.


V, 33

Parménion, Pluie d'or

Ô grand roi de l'Olympe, sous forme de pluie d'or,

Tu conquis Danaé afin que la donzelle

Crût à un pur miracle et ne criât bien fort [1],

Effrayée par la vue d'un pareil immortel.

[1] Dans le Dialogue des dieux de Lucien, Zeus est en effet irrité par le fait que les mortelles qu'il poursuit de ses ardeurs sous une autre apparence, sont souvent terrorisées une fois qu'il a repris sa forme divine.


V, 34

Parménion, L'amour acheté

Zeus obtint Danaé

Grâce à une pluie d'or.

Moi, je t'ai, c'est fatal,

Avec une monnaie

Fondue dans ce métal.

Je ne vais pas donner

Plus que le dieu ? Normal !


V, 35

Rufin, Concours de beauté

Moi Rufin, je dus faire un choix très délicat :

Le plus joli derrière

Parmi ceux divulgués par trois charmants minois.

Révélant leur splendeur

Et sans perdre de temps, mes amies s'effeuillèrent.

D'abord, je vis la fleur

D'un derrière de rêve à la molle blancheur.

Les jambes écartées,

La seconde arbora la neige de sa chair,

Une rose subtile.

L'ultime fesse était une marée tranquille :

Elle se tortillait d'une douce manière.

Ah ! si Pâris eût vu des culs aussi luisants,

Il aurait renoncé au concours précédent. [1]

[1] Pâris avait à juger de la beauté d'Aphrodite, d'Héra et d'Athéna et donna finalement la palme à Aphrodite. Les concours de beauté étaient fort courants en Grèce, et Athénée (XII, 554a) nous en rapporte quelques-uns.


V, 36

Rufin, La triple couronne

Rhodope, Rhodoclée, Mélite,

Ainsi, toutes les trois m'invitent

À désigner leurs plus superbes amulettes.

Elles se tiennent devant moi,

Débarrassées de leurs voilettes :

Celle de Rhodope, ma foi,

Semble une rose épanouie

Dont le zéphyr fait s'ouvrir les pétales.

Celle de Rhodoclée est un cristal,

Une divine statue au fin poli

Qu'un artiste eût fait pour un temple.

Mais je ne puis juger...

Car plus je les contemple,

Plus je pense à Pâris, ô danger !

Aussi ai-je donné la palme à nos trois belles,

Gloire immortelle !


V, 37

Rufin, Le juste milieu [1]

Ne convoite jamais des femmes trop menues,

Ni celles dont le corps est par trop plantureux.

Le meilleur choix à faire est le juste milieu :

Car l'une est dispensée d'une saveur charnue,

Tandis que l'autre en a trop : d'un mot, je vous dis :

Ne cherchez surtout pas ni le moins, ni le plus.

[1] Le même thème a été traité par Martial (Épigrammes, XI, 100).


V, 38

Nicarque, L'amour des vieilles

Une femme élancée, belle, bien qu'un peu mûre,

Saura toujours me plaire en sa jeunesse pure.

Elle aura su m'aimer : si bien que, vieille un jour,

Ses rides toucheront encore mon amour.


V, 39

Nicarque, Un bon vivant [1]

La mort, chose inéluctable !

M'en fous si c'est en boiteux,

En athlète incomparable

Que je m'en vais chez les Ombres !

Car pour soulever mon corps,

Les bras seront en surnombre.

Laissez-moi donc boitiller

Car je ne veux pas manquer

De m'inviter au banquet.

[1] Cette épigramme n'ayant aucune connotation érotique devrait plutôt figurer au début du livre XI qui contient toutes les pièces dites « bachiques ».


V, 40

Nicarque, Conseils d’un sale type

Philomèle, fous-toi des propos de ta mère !

Si je m'en vais d'ici, surtout, ne tiens pas compte

De ces langues de pute : évite leurs manières !

Occupe-toi plutôt de ta condition.

Travaille pour manger et surtout veille

À ne pas oublier de m'envoyer des lettres,

Si, bien sûr, tu t'es fait une place au soleil.

Roule ta bosse et si tu as quelques moyens,

Pense à moi en payant mon loyer quotidien !

Si tu es en cloques, accouche de ton môme,

Et te fais pas du mouron : quand il aura poussé,

Il trouvera son père, ouais, et sans se forcer !


V, 41

Rufin, Le verrou

Qui donc t'a rejetée ? Qui donc t'a fouettée ?

Qui est cet homme affreux ? Mais t'a-t-il regardée ?

Ou alors, en entrant,

Il t'a surprise en train de baiser hardiment !

Bof ! Toutes les femmes font pareil, après tout !

Mais la prochaine fois, pour contrer les ennuis,

Pousse un peu le verrou !


V, 42

Rufin, La prude et la dévergondée [1]

Je n'apprécie pas la dévergondée

Et la prude, pareil, sans intérêt !

Car l'une, si elle s'offre en un instant,

L'autre se fait attendre trop longtemps.

[1] Poème traduit par Ausone (Épigrammes, 37).


V, 43

Rufin, Pauvre fille !

Tu le trompais, alors il t'a mise dehors

Et à poil ! Comme s'il ne connaissait pas les femmes !

Est-il sorti de l'école de Pythagore [1] ?

Tu pleures, tu te griffes la face et tu cries

À la porte de ce goujat. Essuie tes joues :

Nous allons essayer de te trouver quelqu'un

D'un peu moins impulsif et d'un peu moins jaloux.

[1] Les disciples de Pythagore avaient la réputation de pratiquer une stricte chasteté.


V, 44

Rufin, Traversée périlleuse

Deux hétaïres sont à mouillage en ce port :

Ô garçons, évitez ces putains d'Aphrodite :

Si vous les accostez, vous plongerez bien vite !


V, 45

Cillictor, Le naturel

La vertu la plus sûre

Chez la jeune pucelle

Ce ne sont point les fards,

Non, c'est le naturel.


V, 46

Philodème, Rendez-vous

- Salut !

- Salut aussi !

- Quel est ton nom, amie ?

- Et toi ?

- Tout cela va trop vite à mon avis !

- Toi aussi tu as l'air pressé !

- As tu quelqu'un à voir ?

- Certes, j'ai un amant !

- Veux-tu baiser ce soir ?

- Pourquoi pas !

- Je voudrais savoir combien tu prends !

- Hum, il est trop tôt !

- Ta réponse me surprend !

- Après l'amour, tu me donneras de l'argent !

- Ah ! que tu es honnête !

- Quand viendras-tu chez moi ?

- Dès que tu seras prêt !

- Maintenant ?

- Bon, je te suis, marche devant !


V, 47

Rufin, Défaillance

Ô Thaléia, en cette nuit d'été,

Je voulais te faire l'amour,

Puissant et furieux besoin !

Te voici nue et sans atours,

Voici tes jambes et tes mains

À mes côtés. Hélas, je tombe

De fatigue ; hélas, je succombe

Au sommeil. Allons, misérable,

Du nerf, toi qui voulais montrer

Tout ce dont tu étais capable.


V, 48

Rufin, Le cheveu blanc

Sa joue est de cristal, ses yeux d'or sont profonds,

Sa lèvre est une rose, une rose en bouton,

Son cou, ce pur albâtre est gracieux et lisse,

Son pied est plus léger que celui de Thétis.

Si toutefois, je vois parmi sa chevelure,

Quelques feuilles d'acanthe,

Ce n'est que chaume blanc et je n'en ai point cure.


V, 49

Gallus, Une pour trois

Moi, Lydé, sur mon lit je satisfais trois hommes.

J'offre au premier ma bouche, au deuxième mon sexe ;

Et au dernier mon cul ! À l'ami de Sodome,

Au marrant, au gros dur, je leur fais ces prouesses.

N'aie pas peur ! Viens dans ma chambre sans retenue ;

Tes deux amis seront aussi les bienvenus.


V, 50

Rufin, Amour et pauvreté [1]

La pauvreté et l'amour sont des maladies :

La première, je puis la supporter encore;

Mais les feux envoyés par Cypris, je les abhorre !

[1] Claudien a traduit par deux fois - mais de manière différente - ce poème (Épigrammes 37 et 39).


 

V, 51

Anonyme, L'amant timide

Oui, j'ai tout obtenu, et baisers, et caresses ;

Je suis aimé, je suis amant ;

--

Quant à son nom, sa famille et comment...

C'est le secret de la déesse [1].

[1] Aphrodite


V, 52

Dioscoride, L'amour trahi

Tous deux avez prêté serment au noble Éros :

Et la fidélité devait unir les mains

D'Arsinoé et de Sosipatros.

Or, elle l'a trompé et le serment est vain !

Lui, l'aime à la folie mais le ciel ne dit rien.

Hyménée, entends-le qui déverse sa peine

À la porte de la traîtresse :

Ce sont autant de sombres thrènes

Que sa victime lui adresse.


V, 53

Dioscoride, Le compagnon d'Adonis

Je fus séduis d'un coup par Aristonoé,

Quand je la vis soudain se taillader le sein

Auprès de ta chapelle, adorable Adonis.

Et si elle consent à pleurer, à gémir,

Sur mon tombeau, je suis fin prêt au sacrifice

Et jusqu'aux sombres lieux [1], tu iras me conduire.

[1] Les Enfers.


V, 54

Dioscoride, Grossesse

Quand la femme porte un enfant,

Ton plaisir sera limité

Si tu la baises par devant :

Tu ne pourras prendre ton pied

Que dans la rose de ses fesses.

Contente-toi de l'enfiler

Tout comme une mâle déesse.


V, 55

Dioscoride, L'amour épuisant

Sur ma couche écartée, Doris aux tendres fesses,

Doris à la peau rose et pareille à la fleur

M'a rendu immortel à force de prouesses !

Sans défaillance aucune et l'œil plein de vigueur,

Elle a su parcourir la course de Cypris,

Moi, me tenant serré entre ses belles cuisses !

Elle, avec ses yeux qui, comme la feuille frêle,

Bougeant au rythme incessant de sa hanche.

Notre jeu ne cessa que lorsque fut venu

Le doux épuisement quand notre âme s'épanche ;

Et Doris s'endormit, les membres tout rompus.


V, 56

Dioscoride, La proie

Je suis fou de ses lèvres

Dont le rose babille et me consume l'âme,

Ces lèvres, vestibule à sa voix de nectar ;

Je suis fou de ses yeux,

Lueurs sous les sourcils, ces filets d'un bel art

Où mon cœur fut piégé ; je suis fou de ses seins

À la teinte de lait,

Mignons, bien arrondis, qui semblent plus parfaits

Qu'un calice de fleur… Mais qu'est-ce que je fais ?

Je montre aux chiens des os [1],

Je parle : ai-je oublié Midas et ses roseaux ?

[1] Expression familière : faire voir une proie à un affamé.


V, 57

Méléagre, Psyché et Éros

Si tu me consumes de tout ton zèle,

Mon âme va s'enfuir, Éros,

Car, sais-tu, comme toi, elle a des ailes.


V, 58

Archias, Vide ton sac !

Éros, tu me fais mal ! Et pourtant c'est très bien !

Oui, vide ton carquois : qu'il ne te reste rien.

Quand je serai le seul

À subir le démon de ton oppression

Et que tu chercheras à percer d'autres cœurs,

Alors, tu n'auras plus nulle munition.


V, 59

Archias, La fuite inutile

« Fuyons le fourbe Amour, cet enfant dangereux ! »

Ô parole bien vaine !

Comment donc échapper à ce funeste dieu

Dont l'aile surhumaine est présente en tous lieux.


V, 60

Rufin, Fausse pudeur

La fille aux pieds d'argent

Se baignait, humectant

Les pommes de ses seins

À la blancheur lactée.

Quant à ses fesses rondes,

Elles étaient parcourues

Par un calme frisson,

Et leur chair paraissait

Aussi souple que l'onde.

Enfin, sa main tendue

Essayait vainement

De nous dissimuler

Son Eurotas de renflement [1]

[1] L'auteur en comparant le sexe de cette fille à l'Eurotas induit une largeur conséquente de cet organe…


V, 61

Rufin, Le javelot

Elle jouait au javelot

Quand je lui dis en ricanant :

« Je t'ai bien baisé douze fois,

Et je pourrais le faire encore

Douze fois : c'est ce que je crois. »

Par ma supplique toute émue,

Elle arriva et je lui dis :

« Pouvoir attendre cette nuit ! »


V, 62

Rufin, La beauté qui dure

Le temps n'a pas laissé d'ombres sur ta beauté ;

Les pommes de tes seins sont demeurées divines :

Leur rose se devine.

Éclatante, ai-je dit, ta jeunesse est restée ;

Voyons ! Combien d'amants

Ont consumé la fleur de ton regard charmant,

Fleur jadis de beauté ?


V, 63

Marcus Argentarius, Un jeu de mots

D'abord, Antigoné, tu fus ma Sicilienne :

Mais moi, de mon côté, je suis devenu Mède

Depuis que toi, tu fais office d'Étolienne. [1].

[1] Jeu de mots intraduisible. Antigoné la Sicilienne est devenue une Étolienne, en grec proche d’un mot signifiant « demandeuse ». Lui est alors devenu Mède, proche d’un mot grec voulant dire « non-donneur ».


V, 64

Asclépiade, Même Zeus !

Fais tomber neige et grêle, allume l'incendie

Sur le monde, ou provoque une foudre inouïe,

C'est sûr, j'arrêterai tout net si je péris !

Mais sache, cependant, que si je reste en vie,

Je vais continuer ma quête de folies.

Oui, Zeus, je sers Éros : lui aussi est ton maître ;

N'as-tu pas traversé, en pluie d'or transformé,

Des murailles d'airain seulement pour paraître

Devant ta bien-aimée ? [1]

[1] Allusion au mythe de Danaé.


V, 65

Dioscoride ou Posidippe, La double volupté

En aigle transformé, ce fut aisé pour Zeus

D'approcher Ganymède. Et métamorphosé

En cygne, il éblouit la radieuse Hélène ;

Ainsi, de ce désir dédoublé qui nous mène

Nous n'avons qu'à choisir :

Quant à moi, sachez-le, des deux j'aime à jouir !


V, 66

Rufin, L'amoureux doucement repoussé

Par chance je la vis seule : alors je lui dis

Me jetant à ses pieds suaves d'ambroisie :

« Aie pitié, sauve-moi, je perds toute vigueur !

Allons, rends-moi la vie ! Je viens te supplier ! »

Sensible à ma souffrance elle versa des pleurs.

Prenant ma main d'un geste délicat,

Dès que sa joue fut essuyée,

Jusqu'à sa porte elle m'accompagna.


V, 67

Capiton, Grâce et beauté

Sans grâce une beauté ne nous captive pas,

Nous le reconnaissons :

C'est comme si dans l'onde on plongeait un appât

Sans aucun hameçon.


V, 68

Lucillius, D'une chose l'une ! [1]

Éros, anéantis l'amour ou bien permets

Que toujours l'amoureux soit aimé en retour :

Ainsi donc, le désir ne pourra nous brimer.

[1] Cette épigramme a été traduite en latin par Ausone (Épigrammes, 80).


V, 69

Rufin, Déesses échaudées !

Athéna et Héra aux sandalettes d'or,

Ont scruté de la tête au pied Maionis

Non sans pousser un cri d'horreur ! « Ah ! Que finissent

Nos effeuillages : oui, le jugement jadis,

De ce berger suffit : quelle honte, en effet,

Si nous étions vaincues deux fois sur la beauté ! »


V, 70

Rufin, La quatrième Grâce

De Cypris tu as la beauté,

De Peitho la tendre bouche,

Du Printemps la fraîche santé,

De Calliope la voix douce,

De Thémis l'esprit toujours fin,

Et d'Athéné les blanches mains.

C'est ainsi qu'avec toi, ô Philé bien-aimée,

Les Grâces dénombrées sont quatre désormais.


V, 71

Rufin, Micmac [1]

Tu t'es uni à la fille de Protomaque

Et de Nicomaque,

Depuis, chez toi, Zénon, c'est un parfait micmac !

Aussi, va donc chercher ton ami Lysimaque

Un baiseur, un vrai mac !

Il te délivrera sous peu de la gueuse Andromaque,

Fille de Protomaque.

[1] Jeux de mots sur le suffixe « maque », bataille. Protomaque « premier à combattre » ; Nicomaque, « la victorieuse au combat » ; Lysimaque, « celui qui termine un combat » ; Andromaque « celle qui se bat avec son époux ».


V, 72

Rufin, La vie c'est le plaisir ! [1]

La vie, voyons, c'est le plaisir ! Allez, ouste, chagrins !

La vie humaine est brève. Aussi, vite, du vin !

Des chœurs, des fleurs partout et des femmes enfin !

Aujourd'hui, de la joie : on ne sait pas demain…

[1] Cette épigramme serait mieux placée parmi les épigrammes bachiques du Livre XI.


V, 73

Rufin, Aphrodite surprise au bain !

Diantre ! Je ne savais pas que Cypris se baignait.

Je ne savais pas que la déesse eut daigné

Devant des yeux mortels ses cheveux dénouer.

Ah ! ne me châtie pas de ma curiosité [1],

Cypris ! Mais... ce n'est point ta divine beauté

Que j'ai surprise au bain, ce n'est que Rhodoclée !

Pour être si splendide et si pleine d'altesse,

Aurais-tu dépouillé notre grande déesse ?

[1] C'était un sacrilège que de surprendre une divinité à son bain : Actéon en fit d'ailleurs les frais.


V, 74

Rufin, Envoi de couronne

Je t'envoie, Rhodoclée, cette jolie couronne,

Bel objet que je fis : tu y verras des lis,

Des roses en bouton, de fraîches anémones

Vibrant au Vent du Sud, mais aussi des narcisses,

Des violettes foncées. Pose-la sur ton front !

Ainsi tu cesseras de me faire souffrir,

D'avoir à mon égard cette âpreté de ton

Car comme la couronne, on te verra fleurir.


V, 75

Rufin, Le goujat !

Amymoné était une voisine,

Vierge et belle comme le jour.

Et, répondant à ma flamme divine,

Sans plus attendre elle me fit la cour !

L'occasion se présenta soudain :

Non sans effort, je pus la culbuter.

Aujourd'hui, j'apprends qu'elle a un gamin !

Que décider ? Fuir ou bien rester ?


V, 76

Rufin, Comme le temps passe...

Elle avait une peau dévouée à l'amour ;

Sa gorge était fleurie et ses pieds gracieux,

Une taille exemplaire et de jolis sourcils ;

Et qu'ajouter sur ses boucles sublimes ?

Or, le temps a passé et la belle a vieilli :

De ses anciens attraits plus rien ne se devine :

Elle porte perruque, et ses joues et son front

Si ridés nous la font ressembler aux guenons.


V, 77

Rufin ou Claudien, Après le mariage

Si la femme gardait sa grâce après l'hymen,

D'une cour assidue l'homme la poursuivrait.

Mais après le mariage, elle n'a plus d'attraits.


V, 78

Platon, L'envol de l'âme [1]

Quand j'embrassais mon Agathon,

Sur sa lèvre jaillit mon âme :

Et puis, soudain, telle une flamme,

On la vit prendre sa raison.

[1] Épigramme homosexuelle qui devrait se trouver dans le livre XII.


V, 79

Platon, La belle pomme (I)

Vois-tu cette pomme mûre ?

Elle est à toi si tu m'aimes.

Tes sentiments sont peu sûrs ?

Garde ce beau fruit quand même,

Et dis-toi que son éclat

Ne se prolongera pas.


V, 80

Platon, La belle pomme (II)

Moi, je suis une pomme et celui qui soupire

Pour toi me lance. Allons, Xanthippos, cède !

Car toi comme moi-même allons vite flétrir.


V, 81

Denys le Sophiste, La jolie fleuriste

Ô toi, marchande de roses,

Tu es pareille à cette fleur !

Mais veux-tu, parlons d'autre chose :

Vends-tu des bouquets radieux ?

Ou alors vends-tu ta splendeur ?

Mais peut-être vends-tu les deux ?


V, 82

Méléagre ou Denys le Sophiste, Le bain de feu

Ô toi qui vibres dans ce bain

Chaud, je ne suis pas encor nu

Que déjà toute ma peau sue.


V, 83

Denys le Sophiste, Être le vent !

Puissé-je être le vent et toi, poitrine à l'air,

Recueillir ma fraîcheur marchant dans la lumière.


V, 84

Anonyme, La rose rouge

Ah ! que j'envie la rose aux teintes purpurines :

Ta main me couperait et tu me poserais

Sur ta blanche poitrine.


V, 85

Asclépiade, La virginité

Tu rêves de virginité !

Imagines-tu qu'aux Enfers

Tu trouveras la volupté ?

Non, l'amour est sur cette terre.

Aussi jouissons sans attendre :

En bas, nous ne serons que cendres.


V, 86

Claudien, Apollon vaincu

Donne-moi tes faveurs, Apollon ! Après tout,

Toi qui lances au loin des traits vindicatifs,

Tu en reçus d'Éros qui furent assez vifs ! [1]

[1] Allusion aux amours innombrables d’Apollon qui aima Coronis - mère d’Asclépios -, Daphné, Clymène, etc. N’oublions aussi qu’il aima des garçons comme Hyacinthe.


V, 87

Rufin, Le corps témoin de l'amour

Mélissias prétend se rire de l'amour ;

Or, son corps crie bien fort que des traits l'ont percée…

Elle bégaie, son souffle est haletant et lourd,

Et ses yeux sont cernés.

Ô Désirs, au nom de votre mère Cypris

Brillamment couronnée, flamboyez de plus belle ;

Bientôt : « Je suis brûlée ! » dira notre rebelle.


V, 88

Rufin, Transfert

Ô Éros porte-feu,

Si vraiment tu ne peux

Dans deux cœurs à la fois,

Susciter même feu,

Éteins celui qui brûle

Pour un seul, puis envoie

Cette braise chez l'autre.


V, 89

Marcus Argentarius ou Rufin, Le véritable amour

Ce n'est pas de l'amour que d'avoir près de soi

Une fille en beauté :

Dans ce cas, le regard seul a force de loi.

Mais donner tout son cœur à une mocheté

Voilà donc de l'amour, des feux qui vous honorent !

Car un charme secret se dévoile parfois

Quand on en fait l'effort.


V, 90

Anonyme, La femme et le parfum (I)

Voilà : je t'expédie ce suave parfum,

Te célébrant, toi le parfum, par un parfum [1] :

On offre bien du vin à Bromios, dieu du vin

[1] Lieu commun poétique qu'on retrouve dans l'épigramme suivante.


V, 91

Rufin ou Marcus Argentarius, La femme et le parfum (II)

Je t'adresse ce merveilleux parfum.

Mais c'est au parfum que je donne du plaisir :

Pas à toi, non ! Car c'est toi le parfum

Qui donne sa douceur à ce noble élixir.


V, 92

Rufin, La dédaigneuse

Rhodope sait qu'elle est belle et charmeuse :

Quand elle me salue elle me fait la moue,

Simplement dédaigneuse !

Que je suspende des couronnes à sa porte,

La voilà qui s'emporte !

Ô rides, ô vieillesse hideuse, hâtez-vous !

Car vous seules mettrez cette femme à genoux !


V, 93

Rufin, L'amour et le vin

Contre l'Amour, me voici prémuni

Par ma seule raison.

Je vaincrai ce divin ennemi

De toutes les façons !

Mais si Dionysos secourt notre dieu,

Que pourrais-je faire, moi, tout seul contre deux !


V, 94

Rufin, Le but suprême

Ô Mélité, d'Héra tu as les yeux,

De Thétys les pieds, d'Athéna les mains,

D'Aphrodite les seins harmonieux.

Heureux celui qui découvre ton teint,

Heureux celui qui te touche et t'embrasse,

Et immortel le chanceux qui t'enlace.


V, 95

Anonyme, La dixième Muse

On dénombre quatre Grâces, deux Aphrodites,

Dix Muses ; Derkylis est dans tous les registres :

Muse, Grâce, Aphrodite !


V, 96

Méléagre ou Denys le Sophiste, Glu et feu

Ton baiser, Timarion,

Est une glu sans nom

Et tes yeux un brasier.

En fixant mon regard,

Tu ne peux que brûler

Et lorsque, imprudemment,

Tu viens à me toucher,

Alors là, tu me prends...


V, 97

Rufin, Les deux cibles

Amour, tu es un dieu

Si tu lances tes traits sur deux cœurs à la fois ;

Un seul cœur atteint : tu es un dieu à la noix !


V, 98

Archias ou Nicarque, Plus de place !

Éros, range ta flèche et toi, Cypris, va-t-en

Chercher une autre cible :

Il n'y a plus de place en mon cœur tout souffrant

Pour vos traits invisibles !


V, 99

Méléagre ou Nicarque, La détente [1]

Ô joueuse de lyre,

Je veux tout comme toi

Ne promener mes doigts

Que sur ton divin corps :

En haut caresser fort,

Au milieu, donner du plaisir.

[1] Poème on ne peut plus explicite et qui fut traduit en latin - pour ne pas choquer les prudes lecteurs - par l'incorrigible Déhèque dans son édition de l'Anthologie en 1863.


V, 100

Méléagre ?, La bonne excuse

À celui qui me blâme

D'être esclave d'Éros

Qui porte dans ses yeux

Charme et séduction,

Qu'il sache que les dieux,

Hadès, Poséidon

Et Zeus, maître suprême,

Sont esclaves eux-mêmes

Des Désirs indomptables.

Or, si les Olympiens

- Qu'on offre pour modèles

À la gente mortelle -

Se comportent sans fin

D'une telle façon,

En quoi suis-je coupable

De faire ce qu'ils font ?

 

Trad. 101-200 - 201-309 - Autres

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