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Anthologie Palatine : Présentation générale - Plan - Avant-propos - Biographies des poètes - Table des matières
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V, 101
Philodème ?, Une fille exigeante [1]
- Salut, fillette ! - Bonjour, oui.
- Qui est la femme que tu suis ?
- Mais, voyons, de quoi je me mêle !
- Bien, quelques raisons m'interpellent.
- Bon, il s'agit de ma maîtresse.
- Je peux ? - Mais au fait, que veux-tu ?
- Une nuit. - As-tu quelque chose ?
- De l'or - Oh ! c'est intéressant !
- Voilà ce que je te propose.
- Non, non, impossible vraiment !
[1] L’attribution à Philodème est probable car cette épigramme est très proche par le thème et le style de l’épigramme 46.
V, 102
Lucillius, La maigre Diokléïa
- Cette Diokléïa, Cypris bien maigrelette !
- Mais on dit que ses mœurs sont d'une fille honnête.
- Entre nous, je l'avoue, peu de chose, il est vrai ;
Mais quand sur ses seins plats, je viendrai me serrer,
Alors, je sentirai son cœur battre de près.
V, 103
Rufin, La nouvelle Hécube
Jusqu'à quand, Prodiké, devrais-je t'implorer ?
Jusqu'à quand, à genoux, devrais-je supplier,
Monstre ? Mais sur ton front il te pousse, je crois,
Quelques cheveux blanchis. Et bientôt, telle Hécube,
Enfin, tu t'offriras à Priam… bref à moi !
V, 104
Marcus Argentarius, Sous le voile
Enlève ce voile, ô Lysidiké,
Ne joue pas ainsi de ta hanche.
D'ailleurs, ta gaze en transparence
Révèle ton corps dans ses plis :
Ton corps à mes yeux s'éblouit
Puis disparaît. Eh ! moi aussi
Je vais jouer de mon objet
Qui, vois-tu, se tient roidement.
Mais je m'en vais le cacher :
Laisse-moi juste un moment…
V, 105
Marcus Argentarius, Une bouche céleste
La bouche de Ménophile est un ciel second :
Elle goûte en effet à toutes les orgies.
Venez donc Chaldéens, son ciel est le logis
Du chien et des gémeaux, ces constellations… [1]
[1] Épigramme plutôt leste : le mot grec désigne à la fois le palais et le ciel, la constellation du Chien évoque le membre viril et les Gémeaux les testicules.
V, 106
Diotime de Milet, On regarde seulement…
Oh ! toi, vieille nounou, pourquoi ces cris de rage
Quand je m'approche ? Tu redoubles mon malheur !
Tu conduis un beau brin de fille, et moi, très sage,
Vois, je suis mon propre chemin, n'ayant à cœur
Que de la contempler dans sa noble splendeur.
Quelle sévérité ! Tu jalouses mes yeux ?
C'est bête ! On scrute bien les statues de nos dieux ?
V, 107
Philodème, Ressentiment
Quand on m'aime, ô chérie, je deviens amoureux.
Mais qu'on ose me mordre et alors je mordrai.
Non, ne m'afflige pas autant que tu le peux,
N'attire pas sur toi l'ire des Piérides.
Ah ! que j'ai répété ces mots à l'infini.
Pour rien ! Autant parler à la mer d'Ionie.
Et maintenant, voilà, à ton tour de pleurer
Et de crier : « Hélas ! »
Quant à moi, je suis bien auprès de Naïas [1].
[1] Le poète feint de s'être précipité dans les flots - parmi les Naïades - par désespoir amoureux.
V, 108
Crinagoras, L'infortunée
Que dire tout d'abord ? Infortunée ? Et ensuite ?
Infortunée encore : le seul mot qui gravite
Autour de la douleur. Tu n'es plus, ma maîtresse,
Grande par la beauté et par la gentillesse.
On te nommait Protée : ce n'était que justice,
Car nul n'a dépassé tes insignes délices.
V, 109
Antipater de Thessalonique, Sans complications !
Pour un tarif fort menu,
Tu peux baiser Europé
Sans essuyer son refus ;
Son lit est doux et mœlleux ;
Son feu est chaud en hiver.
Non, te changer en taureau
N'est pas vraiment nécessaire ! [1]
[1] Rappel de la métamorphose en taureau de Zeus en vue de séduire Europe.
V, 110
Marcus Argentarius, La lune et les étoiles
Esclave, verse-moi dix cyathes [1] de vin :
C'est ainsi que je veux honorer Lysidiké.
Pour la belle Euphranté, un seul me désaltère.
Tu diras : « C'est Lysidiké que tu préfères ! »
Tu seras dans l'erreur :
Car, au nom de Bacchos, dont je bois la liqueur,
Euphranté en vaut dix, telle la lune au ciel
Qui plus que le cortège étoilé étincelle.
[1] Le cyathe mesurait quatre centilitres et demi.
V, 111
Antiphile, Une femme fatale
Ce n'était qu'une enfant, mais j'avais prévenu :
« Attention au brasier quand femme devenue ! »
Tu te moquais de moi ; or, vois le résultat :
Tu fixes son regard, te voilà enflammé.
Tu détournes les yeux, te voilà regrettant.
Tu lui parles d'amour, elle est effarouchée.
Holà, allons-nous-en !
V, 112
Philodème, Retour à la raison
J'ai beaucoup festoyé : qui donc me blâmerait ?
J'ai été amoureux : commune destinée !
J'ai failli tomber fou : des dieux c'est le secret !
Maintenant, c'est fini, le temps m'a ramené
À la raison. Mes cheveux sont tout blancs.
C'est pourquoi, aujourd'hui, après les jeux d'antan,
J'ai pris le doux parti de vivre calmement.
V, 113
Marcus Argentarius, Antidote à l'amour
Riche, tu étais amoureux !
Hélas, la pauvreté
Vient d'éteindre tes feux.
Il est vrai que la faim
Est un remède incontesté.
La femme qui t'appelait jadis
Son suave parfum,
Son superbe Adonis
Te demande ton nom,
« Qui es-tu ? Ta famille ?
Et quelle est ta patrie [1] ? »
Le proverbe a raison :
« Point d'argent, point d'amis ! »
[1] Reprise mot pour mot d'un vers répété cinq fois dans l'Odyssée.
V, 114
Mécius ou Philodème, Une fausse impression
Cette maudite Philistion,
Qui n'accueille sa clientèle
Que si l'argent tombe et ruisselle,
Me paraît - simple impression -
Aujourd'hui un peu plus aimable.
Mais le paraître est si facile !
A-t-elle changé de nature ?
À vrai dire, je n'en crois rien !
L'aspic, pourtant si intraitable,
Peut apparaître plus bénin
Mais sa morsure reste implacable.
V, 115
Philodème, Le nom prédestiné
D'une Démo native de Paphos
Je fus fort amoureux : bon, quoi de surprenant ?
Plus tard, je fus épris de Démo de Samos :
Vous me direz alors : « Rien de passionnant ! »
Puis je m'amourachai de Démo de Nyssa ;
Enfin d'une Démo, une fille d'Argos.
Le Destin m'aurait-il donc nommé Philodème
Dans le seul dessein que toutes les Démo m'aiment ?
V, 116
Marcus Argentarius, Conseil de virilité
S'éprendre d'une femme est vraiment merveilleux !
Pour un homme, après tout, c'est ce qu'on fait de mieux.
Toutefois, si d'un mec tu ressens quelque envie,
L'antidote à donner à cette fantaisie,
C'est ceci : oblige une femme à se tourner [1],
Puis prends-la, comme si tu baisais ton minet.
[1] Le même conseil est donné dans une épigramme de Martial (Épigrammes, XI, 43).
V, 117
Mécius, Du feu au brasier
Le beau Cornélios parvint à m'embraser
Et je crains que son feu ne devienne un brasier.
V, 118
Marcus Argentarius, Le symbole de la jeunesse
Ô ma tendre Isias à l'haleine embaumée,
Même si ton sommeil est le plus parfumé,
Éveille-toi et vois dans tes mains vénérées
Cette couronne, mon cadeau : Contemple-la !
Elle est fleurie ! Elle est superbe ! Elle est exquise !
Mais elle fanera…
C'est ta jeunesse, amie, que ces fleurs symbolisent.
V, 119
Crinagoras, Seul dans le lit
Pauvre Crinagoras,
Tu tournes sans arrêt dans ton lit froid et vide.
Le sommeil ? Non, hélas !
Tu t'épuises, c'est tout ! La seule alternative
C'est que ta Gémella
Revienne se coucher au milieu de tes draps.
V, 120
Philodème, Au milieu de la nuit...
Au milieu de la nuit,
Quittant mon compagnon,
Je suis venue malgré la pluie.
Plutôt que de dormir
À la manière des amants,
Nous papotons obstinément
Sans jamais réagir...
V, 121
Philodème, En attendant mieux...
Mon amie n'est pas grande; elle est un peu noiraude ;
Ses cheveux sont touffus mais sa peau est bien chaude.
Sa voix est de velours et peut vous rendre fou.
C'est avec naturel qu'elle se donne à vous
Sans demander salaire. Ô Aphrodite d'or [1],
Fais donc que cette enfant demeure ce qu'elle est,
Qu'elle sache me plaire et partage mon lit...
Jusqu'à ce que j'en trouve une autre plus jolie.
[1] Expression homérique.
V, 122
Diodore, L'enfant malicieux [1]
Mon ami, cesse donc de poser le grappin
Sur le beau Cléinos, fils de Mégistoclès :
Bien sûr, je te l'avoue, c'est un joli gamin,
Comme si les Grâces l'avaient sorti du bain.
Mais, à la vérité, il est plein de malice,
Il trouble bien des cœurs ; et il n'est pas novice
En matière d'amour. Aussi, pauvre imprudent,
N'entretiens pas le vice !
[1] De nouveau une épigramme visiblement garçonnière égarée dans le livre érotique !
V, 123
Philodème, À la Lune
Ô divine moitié de Lune, astre luisant,
Toi qui es le gardien de l'horizon nocturne,
Vois les amants aux corps embrasés de bonheur.
Verse-toi sans pudeur sur ma Callistion.
En cette nuit, rien ne doit t'échapper, déesse !
Toi, jalouse à l'excès de nos douces prouesses,
Toi qui te souviens tant de cette passion
Qui brûla ton âme, oui, le bel Endymion.
V, 124
Philodème, Incendie
L'été n'a pas encore ôté ses boutons frais
De rose, et la grappe, indicible sveltesse,
N'est pas encore noircie que déjà se pressent
Les volages Amours qui fignolent leurs traits,
Lysidiké ; le feu couve dessous la cendre.
Aussi, pauvres amants, détalons sans attendre,
Avant qu'une flèche de l'arc ne se décoche :
Car je pressens qu'un vaste incendie se rapproche.
V, 125
Bassus, Tout simplement !
Je ne vais surtout pas me changer en pluie d'or !
Si l'autre a le désir de muer en taureau
Ou, sur la rive, en cygne à la voix qu'on adore,
C'est son droit ! Et je laisse à Zeus [1] ses idées folles.
Corinne recevra de mes mains deux oboles :
Pour la baiser, pas question que je m'envole !
[1] Allusion aux différentes métamorphoses opérées par Zeus pour séduire des mortelles : en pluie d'or pour Danaé, en taureau pour Europe, en cygne pour Léda.
V, 126
Philodème, Tarifs divers
Il lui donne un talent
Pour coucher une fois :
Il continue pourtant
À ne pas la baiser.
Pour une bagatelle,
Avec une autre femme
Je peux, moi, douze fois,
Sans même me cacher !
Et sa beauté m'enflamme.
Suis-je devenu fou
Ou faut-il lui trancher
Les jumelles d'un coup ?
V, 127
Marcus Argentarius, À trois !
J'aimais si fort Alcippe qu'un beau jour,
Je proposais de lui faire l'amour.
Mais à la seule idée qu'un indiscret
Pût découvrir notre charmant secret,
Nous tremblions ! Et nous avions raison :
Sa mère, alors que nous nous embrassions,
Nous surprit. Et aussitôt de nous dire :
« Doux Hermès [1] ! Partageons le beau garçon ! »
[1] « Hermès ! » Expression utilisée fréquemment pour exprimer une chance inespérée. Dans le cas présent, la femme - d'un âge respectable - compte bien partager avec sa fille les faveurs de l'homme en question. C'est en effet pour elle une occasion en or...
V, 128
Marcus Argentarius, La lampe
J'ai collé mon corps à ses seins,
Pressé ma peau contre sa peau
Et joint mes lèvres sur les siennes.
Du reste je ne dirais rien :
La lampe seule en fut témoin.
V, 129
Automédon, Celle qui réveille les morts
Depuis l'aurore de sa vie,
Elle danse superbement.
C'est une femme de l'Asie
Qui, avec un art consommé,
Agite ses bras gracieux.
Mais elle sait aussi danser
Devant des sexes rabougris.
Les rides ne lui font pas peur :
Elle vous lèche, vous taquine,
Elle a une façon divine
De ranimer votre vigueur…
V, 130
Mécius, Les yeux qui parlent
Tu as l'air malheureuse,
Tu es échevelée,
Philénis, et pleureuse !
Est-il donc infidèle ?
Je veux te consoler.
Tu dis ne pas pleurer ?
Les yeux plus que ta voix
Méritent qu'on les croie [1].
[1] Proverbe souvent cité chez les Grecs.
V, 131
Philodème, Embrasement
Par son chant, par son babil,
Par son regard enchanteur,
Par son verbe si subtil,
Par la flamme qui jaillit,
Xanthippe t'embrase, ô mon cœur.
Comment donc cela se fit ?
Pour l'instant, je ne le sais.
Tu le sauras, pauvre ami,
Quand tu seras carbonisé !
V, 132
Philodème, Une femme sensuelle
Pour sa jambe et son pied je suis agonisant ;
Pour son cul, pour ses mains, pour son cou séduisant,
Pour ses hanches, ses seins, mon désir est ardent ;
Pour ses baisers subtils, pour le balancement
Élégant de son corps, pour ses cris de plaisir,
Tout mon être s'embrase ! Ah ! comment la décrire ?
Est-elle courtisane ou bien alors Opique [1] ?
Elle ignore, je crois, les poèmes sapphiques ;
Mais Persée, après tout, ne fut-il point l'amant
De l'Indienne Andromède, exotisme charmant ?
[1] Par ce mot les Grecs désignaient injurieusement les Romains. Philodème, quoique protégé par de riches Romains, dut subir maintes fois l'humiliation d'un grand nombre d'entre eux et pas des moindres comme Cicéron.
V, 133
Mécius, Le serment impossible
J'avais juré sur ta grandeur, ô Cythérée,
Que d'Hédylios, mon amie,
Je me reposerai,
Pendant deux nuits exactement.
Or, tu connais ma maladie
Et tu t'en moques vertement.
Comment tenir alors une seconde nuit ?
Au diable les serments !
Pour l'amour de m'amie, mieux vaut mourir maudit,
Que respecter en vain des serments impossibles.
V, 134
Posidippe, Le flacon (I)
Ô flacon de Cécrops [1], diffuse la substance
Magique de Dionysos et que notre assistance
Boive en se promettant jouissance et santé.
Fais silence, Zénon, toi le cygne d'Élée [2] ;
Cléanthe, il faut se taire :
Ne pensons qu'à l'Amour si doux et si amer.
[1] C'est un flacon en argile de l'Attique.
[2] Zénon d'Élée était réputé pour son éloquence parfaite.
V, 135
Anonyme, Le flacon (II)
Toi, l'amphore arrondie, au col bien effilé,
À une anse, au goulot menu qui me diffuse
Un grand éclat de rire, ô servante exaltée
De Bacchos, de Cypris et des sublimes Muses,
Récipient merveilleux, dis-moi donc la raison
Qui fait que je te vois débordante de vin
Quand je suis vide, et vide alors que je suis plein ?
Mais que fais-tu alors des lois de l'hospitalité ?
V, 136
Méléagre, La Couronne
Allons, verse du vin et dis : « Encore, encore,
Encore, à la santé de ma belle Héliodore ».
Hurle et mêle ce nom à la liqueur divine.
Et puis, accroche-moi cette couronne humide
Imprégnée des parfums, ces fleurs qui dégoulinent
De rosée ou qui pleurent…
Cette rose d'amour se plaint avec éclat
De la savoir ailleurs
Et non plus tendrement enlacée dans mes bras.
V, 137
Méléagre, Le nom dans le vin
Je bois à la santé d'Héliodore-
Peitho [1], puis d'Héliodore-Cypris ;
À la Grâce qui parle d'une voix d'or,
Je veux boire de ce vin pur encor :
Car de déesse il n'y a qu'elle enfin,
Elle, dont je bois le nom dans le vin.
[1] Peitho (la Persuasion) était une déesse qui suivait le cortège de Cypris avec qui on la confondait souvent.
V, 138
Dioscoride, La citharède
J'ai écouté Homère et la fin d'Ilion
À travers la voix d'or de mon Athénion.
Et comme la cité j'ai vécu l'incendie.
D'un coup, je vous le dis,
Les Troyens et moi-même avons été surpris.
V, 139
Méléagre, Au feu !
Par Pan, le dieu de l'Arcadie, tu interprètes
Sur ta cithare une mélodie si parfaite
Que me voilà sous ton empire ! Tout entier,
Je suis pris de désir. Ah ! Comment t'éviter ?
Tu as trop de charme et ta voix est si sublime
Qu'en moi je sens monter comme une flamme intime.
V, 140
Méléagre, Don des grâces
Les Muses détenant la lyre mélodieuse,
La Persuasion et sa parole heureuse,
L'Amour, ce créateur de beauté, Zénophile,
T'ont remis le domaine insondable des cœurs,
Car ce trio exquis t'a donné trois faveurs.
V, 141
Méléagre, Préférence
Je préfère la voix d'Héliodore
Aux lyres d'Apollon, cet écho d'or.
V, 142
Anonyme, La perle de la couronne [1]
De sa couronne ou de Denys
Où lui-même est un lis,
Lequel est le plus beau ?
C'est Denys en un mot.
[1] Épigramme homosexuelle visiblement imitée de l'épigramme suivante.
V, 143
Méléagre, La couronne
Ta couronne se fane, Héliodore divine,
Mais qu'importe cela puisque tu illumines,
Toi, couronne de la couronne. [1]
[1] Ce vers a inspiré Hugo dans l'avant-dernière scène d'Hernani : « Non, mon duc, c'est ton cou qui sied au collier d'or. »
V, 144
Méléagre, Les parures inutiles
La blanche giroflée dans l'instant va s'ouvrir ;
La fleur aimant la pluie, le suave narcisse,
Éclot de même et sur les monts fleurissent les lis.
Zénophile, déjà fleur au milieu des fleurs,
S'épanouit d'amour, ô rose sans pareille !
Prairies qui secouez vos parures vermeilles,
Pourquoi plaisantez-vous devant cette splendeur
Qui vous défie malgré votre douce senteur ?
V, 145
Asclépiade, La rosée amère
Demeurez suspendues à la porte, couronnes,
En laissant écouler les pleurs d'un pauvre amant.
Et quand vous le verrez, épanchez sur l'enfant
Cette mienne rosée et que sur ses cheveux
On verse le présent qui coule de mes yeux.
V, 146
Callimaque, Les quatre Grâces
Nous dénombrons quatre Grâces au lieu de trois
Car le modeleur vient de rajouter Bérénice
À la chair parfumée, la plus belle, ma foi,
Celle pour qui je fais cette affirmation :
Sans Bérénice [1], ces trois beautés, selon moi,
Perdraient à tout jamais leur réputation.
[1] Épigramme flatteuse adressée à la reine d'Égypte Bérénice, femme de Ptolémée III, pour laquelle Callimaque composa la Chevelure de Bérénice, poème qui n'est pas parvenu jusqu'à nous mais que nous connaissons par une traduction latine de Catulle.
V, 147
Méléagre, La couronne et la chevelure
Je tresserai cette couronne
De giroflées et de narcisses ;
Je tresserai la rose qui fleuronne,
L'hyacinthe, le lis encor
Pour qu'une couronne embellisse
Les beaux cheveux d'Héliodore.
V, 148
Méléagre, Une voix d'or
Je dis bien haut qu'Héliodore,
Un beau jour, en conversant,
Prendra le pas sur les Grâces
Par son verbe caressant.
V, 149
Méléagre, Cadeau de la Grâce
Qui d'entre mes amis
M'offrit Zénophile [1], une Grâce, à mon avis,
Son auteur a fait là une œuvre gracieuse
En me donnant la Grâce à titre gracieux.
[1] Il s'agit d'un portrait de Zénophile.
V, 150
Asclépiade, L'attente
Elle m'avait promis de venir cette nuit,
Nico la vénérée.
Oui, par Thesmophore [1] elle me l'avait juré !
Or, point de femme ici
Et le guet va passer. Serait-elle infidèle ?
Éteignez la chandelle !
[1] Déméter.
V, 151
Méléagre, Les moustiques
Ô moustiques bruyants, ô pompeurs inlassables
De notre sang, monstres nocturnes,
Laissez d'un sommeil agréable
Dormir ma Zénophile. Acharnez-vous plutôt
Sur ma chair. Mais je parle et je laisse ces bêtes
Goûter à la tiédeur de sa peau si douillette.
Indociles créatures, je vous préviens,
Arrêtez ou sinon… voyez ces mains jalouses !
V, 152
Méléagre, Le messager
Moustique, messager habile,
Dépêche-toi chez Zénophile,
Répète ce que je t'ai dit :
« Il t'aime et souffre d'insomnies
Et toi, tu dors bien calmement ! »
Allons, envole-toi : surtout
Ne réveille pas son amant !
Oui, sachons éviter le drame
Éprouvant de la jalousie.
Si triomphant tu me reviens,
Ô messager, je le proclame,
Je déposerai dans tes mains
La massue, puis te couvrirai
De la pelisse de Némée [1].
[1] Méléagre promet à ce moustique plein de gloriole ni plus, ni moins, que les attributs d'Héraclès.
V, 153
Asclépiade, Porte et fenêtre
Le visage de l'une, animée de désirs,
Se montre à la fenêtre, et l'autre aux yeux d'azur
Se présente à l'entrée : notre amant qui soupire
Est pris par les éclairs de leur douce nature !
V, 154
Méléagre, Tryphère
J'en atteste Cypris folâtrant sur les mers,
Ma Tryphère est aussi par la beauté « tryphère ». [1].
[1] Jeu de mot sur Tryphère qui signifie « gracieuse », donc intraduisible.
V, 155
Méléagre, L'âme de mon âme
Tout au fond de mon cœur,
L'amour a modelé, je le proclame,
Héliodore, oui, l'âme de mon âme
Dont le verbe est charmeur.
V, 156
Méléagre, La mer des amours
Asclépias dont les yeux ressemblent à la mer
Emporte les amants sur ses vagues amères.
V, 157
Méléagre, La griffe
Ta griffe est de l'Amour un signe
Et tout mon cœur il égratigne.
V, 158
Asclépiade, La ceinture [1]
Je faisais sans mesure
L'amour avec Hermione
Quand je vis sa ceinture
Portant l'inscription :
« Aime-moi toute entière,
Et qu'importe, zut !
Si d'autres me percutent ! »
[1] Cf. Ausone, Épigrammes, 94.
V, 159
Asclépiade ou Hédylos, Offrandes coûteuses
Cypris, deux courtisanes t'ont fait don
De leurs ceintures et de leurs portraits :
L'une est Pythias, l'autre est Boïdion,
La flûtiste. Marchands et matelots,
Le prix des ceintures et des tableaux ?
V, 160
Méléagre, Le rival juif
Oh, oui ! il prend son pied, le mecton qui te baise,
Démo. Quant à moi, je ne suis pas à mon aise.
Si l'éclat sabbatique [1] est pour toi si charmant,
C'est que, malgré son froid, son amour est brûlant
[1] En effet, Gadara, située en Palestine, comptait évidemment de nombreux Juifs au sein de sa population.
V, 161
Hédylos ou Asclépiade, Les corsaires d'Aphrodite
Les filles de Diomède, Euphro, Thaïs, Boïdion,
Galères détenant vingt rangées de rameurs,
Et ne se donnant qu'à de riches armateurs,
Ont plaqué chacune leurs amants, Cléophon,
Antagoras, Agis, les laissant sur la côte,
Démunis et à poil !
C'est un naufrage en pire ! Il faut mettre les voiles,
Et se prémunir des corsaires d'Aphrodite,
Des sirènes que tous doivent fuir au plus vite.
V, 162
Asclépiade, La vipère
Cette Philénion, véritable tourment,
M'a blessée ! Son venin pénètre dans mon sang.
Bien qu'invisible soit ma funeste morsure,
Je meurs car j'ai posé mon pied sur la vipère :
Si bien que je pressens mon passage aux Enfers.
V, 163
Méléagre, Le dard de l'Amour
Voyons, vilaine abeille,
Au lieu de butiner
Sur l'œuvre printanière,
Tu rôdes sur la peau
Superbe d'Héliodore
En vue de la piquer.
Bien sûr, tu me rappelles
Que le dard de l'Amour
Avec son mal, avec son miel,
Séjourne dans son cœur.
Abeille, arrête là !
Depuis longtemps déjà,
L'espoir n'est plus vainqueur.
V, 164
Asclépiade, Une femme perfide
Ô nuit, je te prends à témoin !
Vois l'outrage commis
Par Pythias aux mille perfidies :
Chez elle, je venais...
Ah ! Puisse-t-elle être humiliée de la sorte
En restant un beau jour plantée devant ma porte !
V, 165
Méléagre, À la Nuit
Ô Nuit, Mère des dieux [1], qui me tiens compagnie
Durant mes ébats, accorde-moi cette faveur :
S'il advient qu'un rival se couche dans le lit
De mon Héliodore et trouve la chaleur
Contre sa peau, l'objet de maintes insomnies,
Que la lampe s'éteigne et que dans les doux bras
De son amie, il reste inerte et mollasson…
Oui, je veux qu'il devienne un autre Endymion !
[1] C'est ainsi qu'Hésiode appelle la Nuit (Théogonie, 107).
V, 166
Méléagre, À la lampe
Héliodore, cause de mon insomnie,
Ô nuit, ô croupe encor brûlante dont l'image
Fait couler mes sanglots, dites-moi, je vous prie,
Aurait-elle oublié ce plus doux des ravages ?
Nos baisers d'autrefois rassurent-ils son cœur ?
Et comme compagnons, n'a-elle que ses pleurs ?
Enlace-t-elle en rêve un fantôme : moi-même ?
Ou… est-ce un autre qu'elle aime ?
Lampe, n'éclaire pas les amours que voilà
Mais garde le reflet de nos anciens ébats.
V, 167
Asclépiade, Pluie
La nuit ! Comme il pleuvait !
Moi, le pauvre amoureux
Je m'étais enivré,
Et dans ma solitude,
Boréas me glaçait.
Or, Moschos triomphait.
« Ah ! Puisses-tu errer
Et ne jamais trouver
Une porte s'ouvrir ! »
Ai-je crié, trempé,
À la superbe enfant.
Ô Zeus [1] jusques à quand
Devrais-je ainsi souffrir ?
Fais cesser mon tourment
Toi qui connus aussi
Les affres des amants !
[1] Sur l'Hymette il y avait l'autel de Zeus Pluvieux.
V, 168
Anonyme, Désespoir d'amour
Que la neige, le feu,
La foudre, si tu veux,
Viennent m'anéantir ;
Jette-moi dans l'abîme
Ou dans les flots marins,
Je suis saoul de désirs
Car l'amour me domine !
Et ce feu, l'Olympien
Jamais ne l'extermine.
V, 169
Asclépiade, Gloire à l'Amour
On aime à s'abreuver d'une eau fraîche en été ;
On aime en fin d'hiver l'approche du printemps ;
On aime plus encor la douce volupté
De cette couverture abritant les amants
Et la louange faite à Éros triomphant !
V, 170
Nossis, À l'Amour
L'amour est la chose en ce monde la plus belle :
Le reste, ce n'est rien, à tel point que le miel
Est objet qui m'écœure.
Et Nossis d'ajouter : « L'ennemi de Cypris
Ne peut trouver la rose au beau milieu des fleurs. »
V, 171
Méléagre, La coupe et l'âme
Cette coupe a souri :
Elle vient d'effleurer
Cette lèvre bénie,
Celle de mon adorée.
Si je pouvais coller
Ma bouche sur la sienne,
J'affirme que, sans peine,
Elle boirait mon âme
De toute son haleine ! [1]
[1] Ronsard a repris ce thème (Odes, II, 7).
V, 172
Méléagre, À l'étoile du Matin (I)
Toi, si dure aux amants, Étoile du matin,
Pourquoi venir si tôt ?
À peine je venais de réchauffer ma peau
Sur celle de Démo !
Ah ! Ne pourrais-tu pas reprendre le chemin
Et paraître à nouveau
Sous l'Étoile du soir si plaisante pour moi.
N'oublie pas qu'autrefois
Tu triplas la nuit d'amour de Zeus et d'Alcmène ;
Reviens donc sur tes pas :
Tu sais renouveler une nuit souveraine !
V, 173
Méléagre, À l'étoile du Matin (II)
Étoile du matin, toi, funeste aux amants,
Tu tournes désormais pour moi trop lentement
Depuis que ce rival s'est fourré sous les draps
De Démo. Jadis, quand je tenais cette fille
Aussi mince qu'un fil par la taille, très vite,
Tu te précipitais, pressée visiblement
De m'offrir tes lueurs pour me narguer ensuite [1].
[1] C'est la contre-partie de l'épigramme précédente.
V, 174
Méléagre, La jalousie
Ma Zénophile, ô ma douce plante, tu dors.
Ah ! que je voudrais tant comme un Sommeil sans ailes [1]
Visiter tes paupières
Pour empêcher Hypnos de t'avoir toute entière.
[1] Le dieu Hypnos était représenté comme un beau jeune homme avec des ailes.
V, 175
Méléagre, Après l'orgie
Je sais tout, oui tout, et tes serments sont vains :
Tes cheveux diffusant un insolent parfum,
Tes couronnes partout, tes boucles emmêlées,
Tes prunelles enfin que la fatigue fauche,
Sont témoins que ta vie s'use dans les débauches ;
Tes membres enivrés tout prêts à chanceler
Te dénoncent aussi ! Ordure ! Hors d'ici !
L'instrument des orgies, la harpe, te réclame ;
Les crotales, aussi, font entendre leur cri.
V, 176
Méléagre, Feu et eau
« L'Amour est une plaie vive ! »
Mais pourquoi proférer une telle invective :
« L'Amour est une plaie vive ! »
L'Enfant n'a que faire d'être insulté ;
D'ailleurs il apprécie ces plaintes répétées
Et de nos injures il se repaît.
Or, je suis étonné !
Comment toi, ô Cypris née de l'onde qui luit,
Tu as pu donner jour au grand feu que voici ?
V, 177
Méléagre, Le signalement de l'Amour
Je vais vous donner le signalement [1]
D'Éros, cet intolérable aigrefin.
Sans rien me dire, cet impertinent
A osé fuir ma couche, ce matin.
Le décrire : c'est un enfant boudeur,
Il batifole et son rire est moqueur.
Il porte sur son dos carquois et flèches.
De la terre il n'est pas originaire.
Il n'est pas non plus sorti de la mer ;
Pourtant avec ses traits il assassine.
Attention, voici l'archer habile
Qui vibre dans les yeux de Zénophile
[1] Le même thème est traité dans l'Éros échappé de Moschos.
V, 178
Méléagre, Éros aux enchères !
Même endormi dans les bras de sa mère,
Que l'on vende cet enfant aux enchères !
Il est né camus et porte des ailes ;
De ses ongles, il griffe votre chair ;
Il éclate d'un rire frénétique
Alors qu'autour de lui, tout n'est que pleurs ;
Il est obtus, bavard et fureteur,
Quel monstre ! Et sa mère n'a plus le cœur
De le tenir ! Qu'on vende cet enfant
Et pressons-nous ! S'il est quelque marchand
Intéressé par cette âme bien vile,
Qu'il s'avance ! Mais voyez-le qui pleure !
Bon ! Je ne le vends point mais qu'il demeure
En ces lieux dans les bras de Zénophile.
V, 179
Méléagre, Le loup dans la bergerie
Éros, dans ce feu, je jette ton armement :
Ton carquois de Scythie [1], et ton arc, et tes traits ;
Tu m'as bien compris, au feu je les livrerai !
Mais pourquoi pouffes-tu, espèce de dément ?
Bientôt, je te le dis, tu cesseras de rire !
Car je vais te couper les ailes du désir
Et te brimer les pieds par des chaînes d'airain.
Cependant, c'est une victoire à la Cadmos [2] :
Car de notre âme, hélas, tu restes le voisin !
Oui, nous mettons le loup dans notre bergerie :
Mets tes souliers ailés, ô dieu toujours vainqueur,
Prends ton vol et poursuis ton œuvre de malheur !
[1] Les Scythes avaient la réputation d'être de fameux archers.
[2] Une victoire à la Cadmos pour les Grecs avait le même sens qu'une victoire à la Pyrrhus chez les Romains.
V, 180
Méléagre, Le feu, le fer et l'eau
Il n'est pas étonnant
Qu'Éros, mortel fléau,
Lance des traits de feu :
Il rit cyniquement
En ayant dans les yeux
De multiples flambeaux :
Aphrodite, sa mère,
Est éprise d'Arès,
Le grand dieu de la guerre ;
Et c'est l'épouse aussi
Du noble Héphaïstos :
Elle passe toujours
De la flamme à l'airain.
Sa mère Thalassa
Fouettée par les vents
Pousse des cris cinglants.
Son père, quant à lui
N'est pas connu de nous.
Donc, Éros, voyez-vous
A les feux du Vulcain ;
Quand il est en courroux,
Il ressemble à la mer ;
Ses flèches sont souillées
Par le sang de la Guerre.
V, 181
Asclépiade, La commission
- Va, achète-nous pour trois chénices [1] de noix,
Cinq couronnes de roses, des roses de choix ...
- Mais, maître, je n'ai que...
- Quoi tu n'as plus d'argent ?
Mais tu nous as volé ou quoi ? À quel moment,
Va-t-on me le rouer, ce Lapithe [2] ? Un voleur
Voilà ce que tu es, et non un serviteur !
Hein ! tu ne voles point ?
- Non, je n'ai point volé.
- Apporte-nous le compte. Eh ! plus vite, Phryné,
Amène les jetons à compter. Mais quel filou !
Mais quel renard ! Pour le vin, cinq drachmes en tout.
Saucisson, deux, sésame, oreilles de cochon,
Thon, petits gâteaux au miel, et tutti quanti...
Demain, nous réglerons la chose, mon ami.
En attendant, rends-toi au logis d'Aïschra
La parfumeuse, et prends quelques pièces d'argent ;
Tiens ! en guise de mot de passe, tu lui diras :
«Ton Bacchon [3] t'a sautée plusieurs fois d'affilée :
Son lit encore chaud vient nous le rappeler.»
[1] Le chénice est une mesure de capacité qui valait environ un litre et qu’on utilisait pour les corps solides.
[2] On appelait "Lapithe", un menteur, un escroc.
[3] Bacchon est bien entendu le nom de celui qui parle.
V, 182
Méléagre, Pas clair du tout !
Dorcas, dis-lui cela,
Dis-lui deux ou trois fois.
Ne tarde pas, va !
Mais... attends, attends,
Ne pars maintenant
Je ne t'ai pas tout dit !
Ajoute encor ces mots,
Ou alors bien plutôt...
Non, non, je suis idiot !
Après tout, ne dis rien
Rien du tout. Néanmoins...
Non, rapporte en entier
Tout ce que je t'ai dit !
Mais pourquoi t'envoyer
Puisque chez ma chérie
Je vais t'accompagner !
V, 183
Posidippe, Beuverie
Quatre buveurs accompagnés de leur amie :
Pour un nombre de huit, un Chios ne suffit.
Esclave, cours chez Aristion et puis, dis-lui
Qu'il nous livre un demi.
Cela nous fera deux conges à mon avis,
Davantage peut-être.
Allez ! Dépêche-toi ! Car à la cinquième heure
Toute la compagnie se devrait de paraître.
V, 184
Méléagre, Enfermée à double tour !
Je sais tout, rien n'a failli à ma vigilance !
Tu invoques les dieux ! Mais je sais tout, te dis-je !
À quoi bon ressasser tes serments pour défense !
Dire que tu voulais toute seule dormir ?
Quel toupet ! Quoi, tu te permets de me redire :
« Non, j'étais seule » Il ne t'a pas niquée ? Et si…
Ah ! pourquoi menacer ! Fous-moi le camp, roulure !
Ou plutôt non, car tu serais bien trop heureuse
D'aller le retrouver. Le verrou, c'est plus sûr !
V, 185
Asclépiade de Samos, Invitation
Démétrios, rends-toi au marché et achète
Quelques hiboux de mer [1], des mulets, des crevettes.
Et puis, chez Thauborios achète six couronnes.
Puis… fais venir Tryphère, et cela est un ordre !
[1] Les hiboux de mer étaient des sortes de blades.
V, 186
Posidippe, Les fausses larmes
Tu crois m'amadouer avec tes pleurs infâmes,
Philénis ! Oui, bien sûr, tu es pleine de flamme
Quand nous faisons l'amour, et tu n'aimes que moi.
Qu'un autre homme survienne et je ne suis plus roi.
V, 187
Méléagre, Le temps et l'amour
Dorcas, à Lykénis, tu dis ces mots :
« En fait, son amour n'était qu'apparence
Et tu en fis l'amère expérience,
Or, le temps ne veut pas d'un amour faux. »
V, 188
Léonidas de Tarente, Légitime défense
Contre Éros, je n'ai commis nulle offense :
Je suis toute douceur, toute constance ;
Cypris en est témoin.
Mais lui, muni de son arc implacable,
Me lance des flèches de feu sans fin.
Et moi, mortel, j'ai surpris le coupable
Dans mon logis consommant l'adultère.
Si ce dieu est mortel, j'aurai donc ma vengeance
Puis ferai valoir la légitime défense [1].
[1] La loi permettait de tuer l'adultère pris en flagrant délit.
V, 189
Asclépiade, Amour d’hiver
L'hiver, ô longue nuit ! Et le soleil se couche
Au milieu des Pléiades.
Et moi, tout ruisselant de pluie, malade
De sa beauté, voilà que je fais les cent pas
Près du logis d'Hélène.
Cypris n'a pas offert l'amour mais son tracas :
Une flèche inhumaine.
V, 190
Méléagre, Une autre Scylla
L'amour ! Une mer où je me sens dériver !
Sans gouvernail, je navigue sur l'onde amère,
Ô vents inapaisés, que va-t-il m'arriver ?
Vais-je sur mon chemin croiser Scylla-Tryphère [1] ?
[1] Scylla (comme Charybde auquel elle est associée) provoquait de catastrophiques tempêtes de mer.
V, 191
Méléagre, Les couronnes mouillées de larmes
Ô astres éclairant nos folles coucheries,
Et toi, doux instrument [1], témoin de mes orgies,
Regrette-t-elle mon absence auprès de sa chandelle ?
Ou dort-elle près de son amant, la donzelle ?
Voilà ! J'ai rapporté ces couronnes baignées
De larmes et je vais les mettre sur sa porte
Avec ces quelques mots d'un cœur qui a saigné :
« Pour toi noble Cypris qui guidas mes orgies,
Ma tendresse ci-gît ! »
[1] Une flûte.
V, 192
Méléagre, La double lettre
Si donc tu as vu Callistion toute nue,
Passant, tu te dois d'ajouter : « La double lettre
Propre aux Syracusains est chose révolue [1]. »
[1] La double lettre des Syracusains est X = ch, inventée par Épicharme de Syracuse. Au lieu de Callischion « fille aux belles hanches », on n’a plus que Callistion : la double lettre a disparu puisqu’elle est nue.
V, 193
Dioscoride ?, La Veillée d'Adonis
Adonis, en frappant sa poitrine de lait,
La charmante Cléio m'a vite subjugué :
Cela se produisit au cours de ta veillée
Et face à ta statue. S'il faut que je sois mort,
Soit, pourvu qu'elle pleure ainsi sur mon tombeau :
Sans délai, je suis prêt à partir avec elle
Jusques aux sombres bords [1].
[1] Adonis passait six mois de l’année aux Enfers avant de renaître au printemps.
V, 194
Hédylos, Les flèches de l'amour
Tous les Amours quittant la chambre d'Aphrodite
Ont vu Irénion dans sa grâce intégrale.
Quelle plante divine [1] ! On eût dit une image
De marbre, une image aux beautés virginales.
Aussitôt, de la corde empourprée de leur arc,
Ils jetèrent leurs traits vers nos jeunes volages.
[1] Expression homérique.
V, 195
Méléagre, Le triple don (I)
Les trois Grâces ont fait le don à Zénophile
De trois présents : une peau douce, un corps bien fait,
Un parler délicat. Trois fois heureuse celle
Dont Cypris fait le lit, dont la voix étincelle,
Et dont Éros a fait le sublime portrait.
V, 196
Méléagre, Le triple don (II)
À Zénophile, la Beauté
Est un doux présent de l'Amour.
Le feu dont sa couche est dotée
Est un cadeau de Cythérée
Et sa grâce est celui des Grâces.
V, 197
Méléagre, Jusqu'au dernier souffle
J'en jure par les cheveux frisés de Timo,
Par la chair parfumée de la belle Démo,
Qui trompe le sommeil, sur les amusements
Sensuels d'Ilias, par le feu vigilant
De ma lampe, témoin de toutes mes orgies,
Le souffle qui me reste est faible désormais :
Pourtant, ce souffle, Éros, est prêt à s'exhaler.
V, 198
Méléagre, Le carquois vide
Les boucles de Timo,
Le sourire si beau
D'Anticlée aux yeux pleins
D'une douce langueur,
Le suave parfum
Qui monte de l'entrée
De ma Demarion,
Les couronnes de fleurs
Fraîches de Dorothée,
Bref, ces merveilleux traits,
Sachez que d'autres cœurs
En seront bien frustrés
Car dans mon propre cœur
Ils ont tous pénétrés.
V, 199
Hédylos, Lutte d'amour [1]
Le vin, les beuveries, ces beuveries salaces,
Ont eu raison de la belle Aglaoniké ;
Pareil pour les ardeurs de son Nicagoras.
Et voici pour Cypris les restes parfumés
De la lutte : souliers, soutien-gorge, hop-là !
Ces témoins du repos mais aussi du combat.
[1] Cette épigramme ainsi que la suivante seraient mieux placées dans le livre VI (épigrammes votives). Mais on comprend la raison pour laquelle elles ont été rangées parmi les épigrammes érotiques, puisqu'il s'agit d'offrandes de prostituées.
V, 200
Anonyme, Les offrandes à Priape
Alexo vient d'offrir au Priape filou
Son voile de safran, sa ceinture mouillée
De parfums, ainsi que ces couronnes floues,
Tous, charmants souvenirs de la sainte Veillée [1].
[1] Ces veillées sacrées étaient propres aux religions orientales pour célébrer Adonis, Cybèle ou l'Aphrodite Paphienne. Elles s'introduisirent dans le cadre des fêtes grecques, puis arrivèrent jusqu'à Rome. Ces fêtes étaient souvent le prétexte à des débordements en tous genres dont nous parle Cicéron (Des Lois, II, 14-15).
Trad. 1-100 - 201-309 - Autres
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