Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, II, p. 512b-520a - ans 757-777 Édition : A. Borgnet (1869) ‒ Présentation nouvelle, traduction et notes de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2023) [BCS] [FEC] [Accueil JOM] [Fichiers JOM] [Pages JOM] [Table des Matières JOM]
VINGT ANNÉES DU RÈGNE DE CHARLEMAGNE AVANT SON COURONNEMENT COMME EMPEREUR - ANS 757-777 Myreur, II, p. 512b-520a
INTRODUCTION
Si le fichier précédent le faisait déjà intervenir, Charlemagne (Charles) n'y était pas le personnage principal. Cette place était tenue par Doon, le problème central étant la conquête de Vauclère et son mariage avec Flandrinette. En fait, Jean d'Outremeuse suivait un récit correspondant à la deuxième partie de la chanson intitulée Geste de Doon de Mayence. Il était dès lors normal que Doon soit au centre du développement. Dans les pages suivantes, on retrouvera ça et là là des traces du Doon de la chanson de geste, mais il ne jouera plus dans le récit un rôle majeur. On retrouvera à côté de personnages et de faits fictifs des personnages ayant réellement existé. Le lecteur aura l'impression de quitter le monde de la littérature pour retrouver des pays réels, des empereurs, des papes, des rois, des événements mentionnés par des textes qui ne relèvent pas de la littérature. Une place importante restera accordée à Charles/Charlemagne, concernant notamment ses opérations militaires et ses rapports avec la Papauté. Mais cela ne signifie pas qu'il s'agisse d'histoire authentique. Ly Myreur n'est pas une source historique. Jean d'Outremeuse n'est pas un historien, il se sert des textes historiques, comme il se sert des sources littéraires, pour raconter sa vision des choses. Et sa liberté est grande quand il s'agit de les utiliser. Devant un texte de Jean d'Outremeuse, l'idéal serait, nous y avons fait allusion plusieurs fois, de repérer ses sources et sa manière de les transformer, moins pour y rechercher l'histoire authentique que pour dégager ses caractéristiques d'écrivain, sa méthode de travail : ce qu'il omet, ce qu'il ajoute, ce qu'il transforme. Cela n'interdit évidemment pas d'aborder la question de la valeur historique des informations qu'il fournit. En fait, nous nous en sommes très vite rendu compte, l'idéal est impossible à atteindre. C'est seulement d'une manière occasionnelle et sans pouvoir aller très loin que nous avons exploré ces deux axes que sont l'historicité de son récit et l'utilisation de ses sources. Très souvent, faute de données ou faute de temps, nous avons dû nous borner à présenter simplement sa vision des choses, de la manière la plus claire possible, par une traduction en français moderne, un large jeu de titres et d'intertitres et quelques notes (plus ou moins développées) sur un certain nombre de questions. Nous avons bien conscience du caractère incomplet ‒ et parfois chaotique ‒ de cette manière de faire. Mais une autre approche nous a paru impossible.
RÉSUMÉ
A. Ans 757-759 - Myreur, II, p. 512b-514a : Charles l'emporte provisoirement sur les Bourguignons en Aquitaine (Bordeaux) et, à la demande du pape Paul Ier (757-767 n.è.), vainc à Pavie les Lombards, dont le roi hérétique Aistulf (roi de 749 à 756 n.è.) sera finalement tué par son beau-père, Doon de Mayence - Charles organise la vie politique et religieuse en Aquitaine B. Ans 760-762 - Myreur, II, p. 514b-515a : Événements divers : Fulcaire, évêque de Liège - Gelées - Mort d'Hélissent, reine de Vauclère - Mort du pape Paul Ier (757-767 n.è.), remplacé par Constantin II - Histoire de saint Gengulphe C. An 763 = Myreur, II, p. 515b-516a : Suite des tensions opposant le pape Paul Ier (757-767 n.è.) à l'empereur hérétique Constantin V Copronyme (741-775 n.è.), allié aux Lombards de Didier de Pavie, au roi hongrois Jean Asculphin et à ses fils - Charles, sollicité par l'empereur, refuse de l'aider au nom du droit - Victoire du pape et mort de l'empereur hérétique Constantin V Copronyme, à qui succède son frère Léon IV le Kahzar (775-780 n.è.), fidèle à la papauté D. Ans 764-767 = Myreur, II, p. 516b-517a : Guerre victorieuse des Hongrois contre les Saxons - À Antioche, guérisons miraculeuses, conversions de Juifs et institution de la fête du Précieux Sang - Phénomènes météorologiques E. Ans 768-769 = Myreur, II, p. 517 : Charles mène et remporte diverses campagnes contre les Gascons, et surtout contre les Saxons et leurs alliés, à qui il impose un tribut, aussi longtemps qu'ils resteront païens F. Ans 771-774 = Myreur, II, p. 517b-519a : Charles rentre en Francie et passe à Liège - Il aide le pape Étienne III (768-772 n.è.) contre l'empereur Constantin (VI (780-797 n.è.) en conflit avec sa mère Irène l'Athénienne (797-802 n.è.) - À Liège, mort de l'évêque Fulcaire - Charles intervint dans la désignation de son cousin Agilfride comme évêque de Liège et soutint la papauté contre l'empereur iconoclaste Constantin VI G. An 775 = Myreur, II, p. 519b : Conseils de Doon à ses douze fils, notamment celui de bien se conduire avec Dieu et l'Église, et celui de conquérir des terres sur les Sarrasins, sans compter lui succéder - Le cas de son fils aîné Geoffroy H. An 775-777 = Myreur, II, p. 519-520a : Divers événements centrés sur Liège - Les empereurs de Byzance (Irène et son fils Constantin VI) et le pape Adrien Ier (772-795 n.è.), aidé par Charles dans sa lutte contre les Lombards
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A. Ans 757-759 : Charles l'emporte provisoirement sur les Bourguignons en Aquitaine (Bordeaux) - À la demande du pape Paul Ier (757-767 n.è.), Charles vainc à Pavie les Lombards, dont le roi hérétique Aistulf (749-756 n.è.), sera finalement tué par son beau-père, Doon de Mayence - Charles organise la vie politique et religieuse en Aquitaine |
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[II, p. 512] [Gerre entre Franchois et Borgengnons] En cel an muet grant guere entre le roy Charle de Franche et le duc Hunalde de Borgongne et son frere Gaufier, duc de Bordeais ; et seiit tant devant Bordeais qu'ilh y fondat I castel fort et beal, et oit batalhe à eauz en novembre l'an VIIc et LVIII, et fut li dus de Bordeais tous desconfis et pris : là fut accordeis que ilh tenroit sa terre de roy Charle. |
[II, p. 512] [Guerre entre Francs et Bourguignons] Cette année-là [757] une grande guerre opposa Charles, le roi des Francs au duc Hunald de Bourgogne et à son frère Gaufier duc de Bordeaux. Son siège devant Bordeaux dura si longtemps, qu'il y fonda un magnifique château fortifié. Une bataille eut lieu en novembre 758 ; le duc de Bordeaux fut complètement vaincu et capturé. Il fut alors décidé qu'il détiendrait sa terre du roi Charles. |
Hunald et Gaufier : à propos de ces deux noms, on appréciera la remarque de Borgnet, qui en dit long sur le peu de confiance à prêter aux récits de Jean : « Voilà au moins deux noms historiques : Hunold et son fils Guaifer [...], bien connus dans les guerres des Caroloringiens ». |
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[Charle alat devant Pavie à mandement de pape] Adont droit là vinrent [II, p. 513] les abbassateurs de Romme que li pape envoioit à roy Charle, et ly envoioit priier qu'ilh le venist sourcorir contre le roy de Pavie Asculphin, qui avoit à femme la filhe Doon de Maienche, Iyqueis Asculphin estoit parfais heretique avec l'emperere Constantin, et gueriat mult l'engliese et le voloit metre en tregut. Et Charle le dest à Doon, anchois qu’ilh respondist. Et Doon respondit : « s'ilh estoit malvais, s'en soit fait sicom de unc malvais, car je le penderoy anchois à mes mains que dont ilh escapat. » Adont respondit li roy Charle aux abbassateurs que tantoist ilh le sourcoroit, et soy metit al chemyn, si en alat cel part ; mains oussitost qu'ilh fut partis de Bordeais, ly dus Gaufier soy rendit al roy de Castel et relevat sa terre de luy, et renoiat Dieu et devient Sarasins. |
[Charles alla assiéger Pavie à la demande du pape] C'est alors précisément [II, p. 513] que des ambassadeurs de Rome arrivèrent auprès du roi Charles. Ils étaient envoyés par le pape [Paul Ier], qui le priait de venir l'aider contre le roi de Pavie Aistulf, l'époux de la fille de Doon de Mayence. Cet Aistulf était un parfait hérétique, comme l'empereur Constantin, et il faisait sans cesse la guerre contre l'Église, qu'il voulait soumettre. Charles, avant de répondre aux ambassadeurs du pape, fit part de la situation à Doon. Et Doon lui répondit : « S'il est mauvais, qu'il soit traité comme tel : je le pendrai avant qu'il ne m'échappe. » Alors le roi Charles répondit aux ambassadeurs qu'il aiderait le pape sans tarder et il se mit en route vers Pavie. Mais dès que Charles eut quitté Bordeaux, le duc Gaufier se rendit au roi de Castille et détint sa terre de lui ; il renia Dieu et il devint Sarrasin. |
Sur cet Aistulf, roi lombard, et qui n'a rien à voir avec un des fils d'Eudes d'Aquitaine, cfr II, p. 2633 ; II, p. 484 ; II, p. 488. En réalité, comme le signale Borgnet (n. 1, p. 513), à l'époque de Charlemagne, dans l'Histoire, ce n'était pas Aistulf, mais Didier, son fils, qui régnait sur les Lombards. C'est à Pépin le Bref qu'Aistulf, comme roi des Lombards, eut à faire (cfr II, p. 484). Sur un plan plus global, on soulignera aussi, avec Borgnet (n. 2, II, p. 513), que, dans le Myreur, « la chronologie de Charlemagne est entièrement fautive. Ainsi, en 759, date assignée par notre chroniqueur à l'expédition d'Italie, Charlemagne ne devait avoir que dix-sept ans et n'avait pas encore succédé à son père ». On est à nouveau face au problème des écarts entre la chronologie de Jean et la nôtre. |
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[L’an VlIc et LIX - Charle desconfist les Lombars] ] Et Charle vient à Pavie, le IXe jour de may, l'an VIIc et LIX, et l'asegat ; mains les Lombars issirent fours, quant ly roy Charle y oit seit VI samaines ; si orent batalbe ensemble, et furent les Lombars desconfis et ly roy Asculphin fut pris ; si fut fais I acors teile qu'ilh renderoit tous les damaiges qu'ilh avait fait à Rommans, et de chu ilh donnat XL ploiges, et Charle li dest se chu ne fust por l'amour de sa femme ilh l'awist pendus. |
[An 759 - Charles défit les Lombards] Le neuf mai de l'an 759, Charles arriva à Pavie et en fit le siège pendant six semaines avant que les Lombards ne sortent de la ville pour l'attaquer. Ils furent vaincus et leur roi Aistulf capturé. Un accord fut conclu, stipulant qu'Aistulf réparerait tous les dommages qu'il avait causés aux Romains. Il livra pour cela quarante otages et Charles lui dit que, sans l'affection qu'il avait pour sa femme [une fille de Doon], il l'aurait pendu. |
[Charle fist en Acquitaine des evesques et des abbeis et conteis] Atant revient Charle en Acquitaine, où ilh ordinat partout evesques, abbies et contées del generation de Franche, et privat tous les Lombars qui là estoient prelais : ilh y commist Hubers conte de Poitirs, Albone conte de Lymoge, Rogier conte de Piragoire, Guyton conte d'Avergne, et pluseurs altres, et puis se revient en Franche. |
[Charles institua en Aquitaine des évêques, des abbés et des comtes] Alors, Charles revint en Aquitaine, où partout il ordonna des évêques, des abbés et des comtes d'origine franque, destituant tous les prélats lombards. Il y installa Hubert comte de Poitiers, Albone comte de Limoges, Rogier comte de Bigorre (?), Guyton comte d'Auvergne, ainsi que beaucoup d'autres, puis il revint en Francie. |
[Doon ochist son filhast de Pavie] Mains ly roy Asculphin ne tient nient convens de chu qu'ilh avoit promis ; si le commist Charle à Doon de Maienche, qui alat à Pavie, si trovat que sa filhe estoit morte, et l'avoit son maris li roy ochis, portant qu'elle li blamoit de chu qu'ilh molestoit sainte Engliese. De quoy Doon fut corochiet ; se li copat le chief, si fist dire par le royalme qu’ilh estoit mors subitement. Ilh avait li fis, dont Doon estoit ayon : ly anneis, qui fut roy, oit à nom Desier, chis fut roy de Pavie ; et li altre Archades, chis fut conte de Florenche. |
[Doon tua son gendre de Pavie] Mais le roi (Asculphin) Aistulf ne respecta pas les engagements qu'il avait pris et Charles le fit savoir à Doon de Mayence, qui se rendit à Pavie. Doon découvrit que sa fille était morte, tuée par le roi son mari, parce qu'elle lui reprochait de nuire à la Sainte-Église. Doon en fut très irrité ; il décapita (Asculphin) Aistulf et fit dire à travers son royaume qu'il était mort subitement. (Asculphin) Aistulf avait deux fils, dont Doon était l'aïeul : l'aîné, qui fut roi de Pavie, avait pour nom Didier ; l'autre, Arcade, fut comte de Florence. |
[Les bastars de Pavie encachont les drois heurs] Mains quant Charle fut departis, si vient li frere bastars al roy Asculphin, fis de son pere [II, p. 514] Engorant, qui avoit à nom Desier, si decachat les li fis legitimes Desier et Archades ; mains Charle les vengat apres, enssi com vos oreis. Et les gens de Pavie pensont que chis bastars dewist bien faire ; mains ly et sa femme furent si malvais ambdois contre sainte Engliese, que plus ne porent. Et fist Doon le justiche devantdit l'an VIIc et LX, en mois de june. |
[Les bâtards poursuivent les héritiers légitimes de Pavie] Mais quand Charles fut parti, le frère bâtard du roi Aistulf, fils d'Enguerrand son père [II, p. 514], qui se nommait Didier, évinça les deux fils légitimes, Didier et Arcade ; mais plus tard, Charles les vengera, comme vous l'entendrez (cfr II, p. 520). Les habitants de Pavie pensaient que ce bâtard aurait dû bien agir ; mais lui et sa femme se comportèrent à l'égard de la Sainte-Église de la pire manière possible. Et Doon fit justice en juin 760. |
Quelques notes complémentaires sur Aistulf/Aistolf et Didier extraites de Wikipédia : « Aistolf, roi des Lombards, étant mort sans enfants, Didier [Desiderius, né vers 710] rassembla une armée et força Rachis, frère d'Aistolf, à lui céder ses droits (757). Il attaqua ensuite le pape Étienne II, mais fut repoussé par Pépin le Bref. En 770, il donna sa fille à Charlemagne espérant avoir en ce prince un allié sûr ; mais dès l'année suivante, il eut la douleur de voir sa fille répudiée, et en 773 ses propres États furent envahis par son gendre, qu'avait appelé le pape Adrien Ier, menacé par les Lombards. Vaincu par les Francs de Charlemagne, assiégé et pris dans Pavie, capitale lombarde, Didier capitule en mars 774 avant d'être envoyé au monastère de Corbie (Picardie actuelle) ou de Liège jusqu'à la fin de ses jours, peut-être vers 786. » C'est le dernier roi des Lombards d'Italie : il régna de 757 à 774. |
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B. Ans 760-762 : Événements divers : Fulcaire, évêque de Liège - Gelées - Mort d'Hélissent, reine de Vauclère - Mort du pape Paul Ier (757-767 n.è.), remplacé par Constantin II - Histoire de saint Gengulphe |
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[II, p. 514] [L’an VIIc et LX - L’evesque Fulcars acquist grant bien à son englise] En cel an meismes acquist li evesque Fulcars de Liege tant de biens hiretables à son engliese de Liege, plus de VIIIc moy de spelte. |
[II, p. 514] [An 760 - L’évêque Fulcaire acquit de grands biens pour son Église] En cette même année, l'évêque Fulcaire acquit de grands biens héréditaires pour son Église de Liège, plus de huit cents mesures d'épeautre. |
[L’an VIIc et LXI] Item l'an VIIc LXI, fut une grant galée et long, car ilh durat del fieste de tous les sains jusqu'al XXIe jour de marche, sens relaxeir une heure, et s'aparurent tant de signes ens estoiles qu'ilh sembloit que ly siecle dewist defineir. |
[An 761] En l'an 761, il y eut une longue période de fortes gelées, qui dura de la fête de la Toussaint jusqu'au vingt-et-un mars, sans une heure d'arrêt. Tant de signes apparurent dans les étoiles, que l'on croyait arrivée la fin du monde. |
[L’an VIIc et LXII - Constantin ly XC et VIIIe pape de Romme] Apres, l'an VIIc LXII, morut Helissent, la royne de Vaucleir, la mere Flandrinete. En cel an morut li pape Paulus le XIIIe jour de mois de june, por le caleur de solea ; si fut ensevelis à Sains-Poul à Romme, où ilh demoroit ; mains pusedit fut-ilh translateit en l'engliese Sains-Pire. Et quant li siege oit vaqueit XII jours, si fut fais pape Constantin, ly secons de cel nom, qui estoit de la nation de Romme, de lais peuple, et tint le siege V ans VII mois et VI jours, et solonc Martin I an et I mois. |
[An 762 - Constantin, 98e pape de Rome] Après, en l'an 762, mourut Hélissent, la reine de Vauclère, la mère de Flandrinette. Cette même année, le treize juin, le pape Paul (Ier) mourut, à cause de la chaleur du soleil ; il fut enseveli à Saint-Paul de Rome, où il habitait ; mais par après, il fut transféré en l'église Saint-Pierre. Après une vacance de siège de douze jours, Constantin, le second de ce nom, fut nommé pape ; il était originaire de la région de Rome, d'un milieu laïc, et occupa le siège durant cinq ans sept mois et six jours, et, selon Martin, durant un an et un mois. |
Dans l'histoire, Constantin II, né à Nepi (près de Viterbe Italie), est un antipape, élu le 28 juin 767 et déposé le 6 août 768 (Wikipédia). Le successeur officiel de Paul Ier (757-767 n.è.) est Étienne III (768-772 n.è.) |
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[De sains Genguelhe le fis le duc de Borgongne] En cel an fist gran myracle sains Gengulphe, qui estoit le fis le duc de Borgongne. Et avoit chis I clerc qui le faisoit wihote de sa femme ; mains quant la femme entendit les parolles des myracles, si dest en gabant les myracles : « Se Gendulphe fait myracles, mon culs chant. » Et tantoist avint enssi, car, toutes les fois qu'elle parloit, son culs chantoit. |
[Saint Gengulphe, le fils du duc de Bourgogne] Cette année-là [762], saint Gengulphe, le fils du duc de Bourgogne, accomplit un grand miracle. Il avait un clerc qui le trompait avec sa femme. Mais quand la femme entendit parler de miracle, elle dit en se moquant des miracles : « Si Gengulphe en fait, mon cul chante. » Et aussitôt c'est ce qui se passa, car toutes les fois qu'elle parlait, son cul chantait. |
[Del fontane où on savoit se la femme faisoit adulteire]] Et avoit en Franche une fontaine où sains Gengulphe, quant ilh visquoit, li fist buteir dedens son bras, portant qu'ilh se mescreioit de lée, se li dest : « Bute en cel froide aighe ton bras, je vieray bien se tu es culpable de cel fait dont je t'enculpe. » Elle le fist volentier, et oussitoist qu'elle mist le bras en l'aighe de la fontaine, si ardit son bras, et portant fut-ilh ochis. |
[La fontaine où on sut si la femme commettait un adultère] Il y avait en Francie une fontaine à l'intérieur de laquelle saint Gengulphe, de son vivant, obligea sa femme à pousser son bras, parce qu'il la soupçonnait, et il lui dit : « Mets ton bras dans cette eau froide, et je verrai bien si tu es coupable de ce dont je t'accuse. » Elle le fit de bon gré, et dès qu'elle le mit dans l'eau de la fontaine, son bras prit feu. C'est pourquoi Gengulphe fut assassiné (cfr la note ci-dessous). |
Saint Gengulphe : Dans le propre des diocèses de Belgique du Missel quotidien des fidèles de J. Feder (Tours, 1957, p. 67), on trouve la mémoire de saint Gengulphe célébrée le 11 mai dans le diocèse de Namur. Le saint est présenté comme suit : « Gengulphe (ou Gengoul) est le fils d'une riche famille de Bourgogne. Maître de grands biens, il les administrait avec sagesse, n'oubliant ni la part de Dieu, ni celle des pauvres. Marié à une femme frivole, il montra une extrême patience à supporter ses moqueries, ses sarcasmes, et, pour finir, ses infidélités. Gengulphe fit tout ce qui était en son pouvoir pour ramener l'épouse à son devoir. En réponse, la malheureuse le fit assassiner le 11 mai 760. On l'honore comme martyr. Ses reliques sont vénérées à Florennes ». On voit qu'il n'est pas question dans le texte de la fontaine qui trahit la faute et qui fait songer à la Bocca della Verità romaine. |
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C. An 763 : Suite des tensions opposant le pape (Paul Ier ou Étienne II ?) à l'empereur hérétique Constantin (V Copronyme - 741-775 n.è.), allié aux Lombards de Didier de Pavie, au roi hongrois Jean Asculphin et à ses fils - Charles, sollicité par l'empereur, refuse de l'aider au nom du droit - Victoire du pape et mort de l'empereur hérétique Constantin V Copronyme (741-775 n.è), à qui succède son frère Léon IV le Kahzar (775-780 n.è.), fidèle à la papauté |
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[II, p. 514] [L’an VIIc et LXIII - Gran discors entre le pape et l’emperere por Desier qui destruoit l’englise] Item, l'an VIIc et LXIII, commenchat unc grant discors à Romme entre l'emperere et le pape, portant que li emperere Constantin sortenoit Desier de Pavie à chu qu'ilh destruoit sainte Engliese ; et li pape sortenoit l'Engliese, enssi com ilh devoit, et estoient les senateurs et ly peupJe awec le pape. Si avient que ly emperere mandat par mere Johan Asculphin, roy de Hongrie, et VI fis qu'ilh avoit, tous chevaliers, et son oust qu'ilh ly venist aidier. |
[II, p. 514] [An 763 - Grande discorde entre le pape et l’empereur à cause de Didier qui nuisait à l’Église] Et en l'an 763, à Rome, une grande discorde s'éleva entre l'empereur et le pape, parce que l'empereur Constantin soutenait Didier de Pavie qui, en fait, faisait grand tort à la Sainte-Église ; le pape soutenait l'Église, comme il devait le faire, et les sénateurs et le peuple étaient avec lui. Et un jour, l'empereur fit demander par sa mère au roi Jean Asculphin de Hongrie de venir l'aider, avec ses six fils, tous chevaliers, et avec son armée. |
[Des XVI enfans Johan Asculphin, roy de Hongrie] Chis Johan avoit à femme, enssi com je vos ay dit, Florentine la filhe l'emperere Lyon Sanson, peire à l'emperere Constantin, sique Constantin estoit oncle des VI chevaliers de [II, p. 515] Hongrie, car ilh n’en avoit plus qui posissent porteir armes ; mains quant ilh les oit tous, si furent XV fis et une filhe cuy on appellat Beatris, qui fut femme à Gaufrois de Dannemarche et mere à Ogier li excellent. |
[Les seize enfants de Jean Asculphin, roi de Hongrie] Ce Jean avait pour épouse, comme je vous l'ai dit (II, p. 414 ; p. 428-429, p. 430), Florentine, la fille de l'empereur Léon Samson, le père de l'empereur Constantin ; et ainsi donc, Constantin était l'oncle des six chevaliers de [II, p. 515] Hongrie. Jean, [à cette époque], n'avait pas d'autres enfants capables de porter des armes ; mais quand tous ses enfants furent nés, ils étaient quinze garçons et une fille, Béatrice, qui épousera Geoffroi de Danemark (cfr III, p. 3) et sera la mère de l'excellent Ogier (cfr III, p. 4). |
Chis roy Johans alat sorcorir à Romme son seroge à XXXm hommes. Apres, ly emperere mandat Charle, le roy de Franche, dont ilh estoit oncle, frere à sa mere ; mains ilh respondit qu'ilh ly aideroit s'ilh avoit droit, mains contre droit ilh ne poroit. Et ilh avoit tort, et sortenoit les heretiques qui destruoient les englieses, lesqueiles ilh devroit coregier, sique Charle n’y alat point. Si le tinrent les Romans por si proidhons et feable, qu'ilh l'en amerent fortement ; et bien ly monstrarent puisedit, quant temps fuit. |
Ce roi Jean (Asculphin) avec trente mille hommes alla secourir à Rome son beau-frère, [l'empereur Constantin]. Ensuite, l'empereur fit appel à Charles, roi des Francs, dont il était l'oncle, étant le frère de sa mère ; mais Charles répondit que, s'il en avait le droit, il l'aiderait mais qu'il ne pourrait pas le faire contre le droit. Or, l'empereur avait tort de soutenir les hérétiques destructeurs d'églises, alors qu'il devrait les remettre sur le droit chemin. Aussi n'alla-t-il pas l'aider. Les Romains le jugèrent si sage et si digne de confiance qu'ils l'aimèrent beaucoup ; ils le lui montrèrent bien par la suite, quand en vint le temps. |
[L’emperere Constantin assegat Romme awec les Hongrois] Atant vient li emperere Constantin assegier Romme, et y seit VI mois, anchois qu'ilh fesist aultre couse que de exilhier le plat palis. |
[L’empereur Constantin, avec les Hongrois, assiégea Rome] Alors l'empereur Constantin vint assiéger Rome, et y resta six mois, mais il ne fit rien d'autre que ruiner le plat pays. |
[Les Romans ont ochis l’emperere et desconfis ses gens] Et al derain, en mois de decembre le XXVIIe jour l'an deseurdit, issirent fours les Romans, et les corurent sus et les desconfirent, sique li emperere fut ochis et awec mult de ses gens. Et ly roy Johan de Hongrie y perdit Xm hommes, si s'en ralat et ses enfans awec, dont ly anneis, qui oit à nom Gorlubas, fut navreis en pis et el trieste (sic). |
[Les Romains tuèrent l’empereur et vainquirent ses gens] Et finalement, le vingt-sept décembre de l'an cité plus haut [763], les Romains sortirent de la ville, attaquèrent les assiégeants et les défirent ; l'empereur fut tué, ainsi que beaucoup de ses hommes. Et le roi Jean de Hongrie, qui avait perdu dix mille hommes, s'en retourna avec ses fils, dont l'aîné, nommé Gorlubas, était blessé à la poitrine et à la tête. |
[Lyon emperere ly LXXIIIe] Atant ont les Romans esluit Lyon le quart, qui estoit frere germain à Constantin l'emperere ; mains ilh estoit contre luy en la guere, et aidoit les Romans loialment, et regnat VII ans IIII mois et XXII jours, et solonc Martin V ans. |
[Léon, 73e empereur] Alors les Romains élurent Léon IV, frère germain de l'empereur Constantin. Mais Léon était l'adversaire de Constantin dans la guerre et aidait loyalement les Romains ; il régna sept ans, quatre mois et vingt-deux jours, et cinq ans selon Martin. |
D. Ans 764-767 : Guerre victorieuse des Hongrois contre les Saxons - À Antioche, guérisons miraculeuses, conversions de Juifs et institution de la fête du Précieux Sang - Phénomènes météorologiques |
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[II, p. 515] [L’an VIIc et LXIIII - Grant gerre entre Hongrois et Saxongne] Item, l'an VIIc et LXIIII, en mois d'avrilh esmut grant guere entre le roy Johan de Hongrie et le roy de Saxongne, mains Johans estoit plus subtilh gueroier. Ilh orent bien ensemble, dedens li ans, XXI batalhe, mains toudis fut li dus de Saxongne desconfis ; et s'acordarent al dierain par teile condition que ly roy de Hongrie oit I conteit de dus de Saxongne qui estoit deleis Hongrie, que ons nommoit la conteit de Mample. Et finat cel gerre en mois de jule l'an VlIc et LXV. |
[II, p. 515] [L’an 764 - Grande guerre entre Hongrois et Saxons] En l'an 764, au mois d'avril, une grande guerre éclata entre le roi Jean de Hongrie et le roi de Saxe, Jean étant le plus habile à la guerre. Durant deux ans, ils se livrèrent au moins vingt-et-une batailles, mais chaque fois le duc de Saxe fut vaincu. Finalement ils conclurent un accord stipulant que le roi de Hongrie détiendrait du duc de Saxe un comté voisin de la Hongrie et appelé comté de Mample. Et cette guerre prit fin en juillet de l'année 765. |
[L’an VIIc et LXV - Del ymaige de crucifi par queile les juys sont convertis à Jhesu-Crist] En cel an oit grant batalhe en Antyoche des juys contre les cristiens, si furent les cristiens desconfis et tous encachiés fours de la citeit. Si avient que alcuns Juys entrarent en la maison de unc cristiens, si troverent une ymaige de Jhesu-Crist, laqueile ilh prisent et li fisent tant de laidurs que leurs anticesseures avoient fait à Jhesu-Crist, quant ilh fut mis en la crois. Et quant ilhs orent enssi l'ymage ferue, et deleidengiet par despit et [II, p. 516] derachiet, ilh ly ferirent des claux ens ses mains et en ses piés ; et, apres chu, ly unc prist une lanche et le ferit en son costeit, mains oussitoist qu'ilh l'oit ferut, ly sanc vermeais commenchat à degoteir de la plaie et de toutes les altres pluies qu'ilh avoient faites, et, quant ilh veirent chu, si s'enfuyrent tous esmaiés. |
[An 765 - L'image du crucifix qui fit les Juifs se convertir à Jésus-Christ] Cette année-là, il y eut à Antioche une grande bataille entre les Juifs et les chrétiens ; les chrétiens furent vaincus et furent tous chassés de la cité. Un jour, un certain nombre de Juifs entrèrent dans la maison d'un chrétien, où ils trouvèrent une image de Jésus-Christ, cloué sur la croix ; ils la saisirent et lui firent subir les outrages que leurs prédécesseurs avaient infligés à Jésus-Christ, quand il fut mis en croix. Et après avoir, par mépris, frappé et insulté l'image, [II, p. 516] puis craché sur elle, ils lui enfoncèrent des clous dans les mains et dans les pieds. Après cela, l'un d'eux prit une lance et frappa l'image au côté, mais dès qu'il eut porté le coup, un sang vermeil se mit à couler de cette plaie et de toutes les autres qu'ils avaient faites. Quand ils virent cela, ils s'enfuirent tout troublés. |
[Grant myracle de ymage] Mains encors ne porent-ilh croire que chu fust vraie myracle, et toutvoie ilh misent une buret desous por rechivoir le precieux sanc ; et, encors por miés exproveir, ilh assemblarent tous les Juys qui malaides estoient, et les ondirent de cel sanc, et tantost ilh furent saneis et garis. Atant se sont convertis les Juys, et vinrent al evesque del citeit, et li racomptarent le fait, et ilh les baptizat, et envoiat l'ymaige en Jherusalem, et mist le sanc en une engliese, et commenchat à celebreir cel fieste le IXe jour de mois de novembre. |
[Grand miracle de l'image] Toutefois sans pouvoir encore croire à un vrai miracle, ils placèrent sous l'image un récipient pour recueillir le Précieux Sang ; et de plus, pour avoir une preuve plus certaine du miracle, ils rassemblèrent tous les Juifs malades, les oignirent de ce sang, et instantanément tous furent soignés et guéris. Alors les Juifs se convertirent et vinrent trouver l'évêque de la cité, à qui ils racontèrent ce qui s'était passé. L'évêque les baptisa, puis envoya l'image à Jérusalem et déposa le sang dans une église. On se mit alors à célébrer cette fête le neuf novembre. |
[L’an VIIc et LXVI] Item, l'an VIIc LXVI, chalit pires oussi gros que oux, qui conbriserent tous les teux des maisons et les arbres des bois et des jardiens, et flastirent les bleis ; s'en fut, l'année apres, mult chier li temps. |
[An VIIc et LXVI] En 766, des pierres, grosses comme des oeufs, tombèrent ; tous les toits des maisons, les arbres des bois et des jardins furent brisés ; tous les blés furent versés. L'année suivante, la vie fut très chère. |
[L’an VIIc et LXVII]] En cel an assegat Johans, li roy de Hongrie, la citeit de Assegia, qui seioit en la conteit de Brandeborch : si y seiit VIII mois, puis le prist l'an VIIc et LXVII en mois de may. En cel an fut ly nighe si grant, qu'ilh avoit onques esteit depuis le deluve Noé. |
[An 767] En cette année, Jean [Asculphin], le roi de Hongrie, assiégea la ville de Assegia, située dans le comté de Brandebourg : il y resta six mois, puis s'en empara en l'an 767, au mois de mai. Cette année-là la neige fut très abondante, comme cela n'était jamais arrivé depuis le déluge de Noé. |
E. Ans 768-769 : Dès l'an 768, Charles mène et remporte diverses campagnes contre les Gascons, et surtout contre les Saxons et leurs alliés, à qui il impose un tribut, aussi longtemps qu'ils resteront païens - Élection du pape Étienne III (768-772 n.è.) pour remplacer le pape Constantin |
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[II, p. 516] [L’an VIIc et LXVIII] Item, l'an VIIc LXVIII, s'en alat ly roy Charle à grans gens vers le royalme de Gascongne, où li roy Lupus le ratendit à grant visaige et le corit sus anchois qu'ilh awist assegiet la citeit de Strates ; mains ly roy de Gascongne fut desconfis, et s'acordat por tregut rendre à Charle tous les ans IIII denier d'argent en une burset loiié al coul d'on falcon. Et puis vient à Besenchon celebreir la fieste de Noyel, et apres revint à Paris. |
[II, p. 516] [An 768] En l'an 768, le roi Charles, avec des troupes nombreuses, partit vers le royaume de Gascogne ; le roi Lupus l'y attendait à visage découvert et l'attaqua avant qu'il ait mis le siège devant la cité de Strates. Mais le roi de Gasgogne fut battu et accepta de payer chaque année à Charles un tribut de quatre deniers d'argent dans une bourse liée au cou d'un faucon. Ensuite, Charles se rendit à Besançon pour célébrer la fête de Noël, avant de revenir à Paris. |
Item, l'an VIIc et LXIX assemblat li roy Charle ses oust, et s'en alat en Austrie et vient droit en Saxongne ; si assegat la citeit de Agotha, et y seiit bien VIII mois. Et li roy Fruscar de Saxongne mandat le roy Ogier de Dannemarche, le roy Ector de Suaire, et Adolart le duc de Sclaves qu'ilh venissent li faire socoure contre Charle qui venroit apres. |
Et en l'an 769, le roi Charles rassembla ses armées, se rendit en Austrasie et arriva directement en Saxe ; il assiégea la cité d'Agotha, dont le siège dura au moins huit mois. Et le roi Fruscar de Saxe demanda au roi Ogier de Danemark, au roi Hector de Souabe, à Adolart, le duc des Slavons, de venir lui porter secours contre l'arrivée prochaine de Charles. |
[Estienne, li XCI pape]] Item, à cel temps regnoit à Romme com pape Estienne, le thirs de cel nom, car Constantin estoit mors l'an VIIc et LXVII le promier jour de fevrier, si fut apres luy esluys chis Estiene qui estoit de la nation de Romme. Et ly altre [II, p. 517] dist que chu fut ly fis Heluie le jugleur. Et tient le siege VI ans VI mois et XXVIII jours. |
[Étienne, 91e pape] À cette époque régnait à Rome le pape Étienne, le troisième du nom. Constantin étant mort le premier février de l'an 767, c'est cet Étienne qui fut élu ; il était originaire de la région de Rome. Un autre (auteur) [[II, p. 517] dit qu'il était le fils d'Hélie le jongleur. Étienne occupa le siège six ans, six mois et vingt-huit jours. |
Esclavonie : situation géographique, I, p. 3011 ; les Huns y sont battus (II, p. 24) ; envahie par Julien le Danois, II, p. 134 ; citée ici en II, p. 516 ; également en V, p. 283 (index Bormans) Constantin : le Constantin en question (Constantin II) est un antipape 767-768 n.è. (cfr supra, II, p. 514) |
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[L’an VIIc et LXX] Item, quant li roy Charle oit tenus le siege VIII mois devant la citeit de Agotha, se vient li socour le promier jour d'avrilh l'an VIIc et LXX, et vinrent par mere, et le conselhe Ogier le Danois, qui estoit ly plus sayge roy qui fust entre tous les paiens, et si estoit jovene de XX ans. Adont soy remisent tous les oust sour mere, et alerent ariveir à la citeit de Gombo, sique les Franchois ne le sorent onques, car la citeit seioit sour mere al altre costeit, et les Franchois estoient logiez à costeit dechà ; ilh arivont à terre, et vinrent tous rengiés vers l'ost des cristiens. |
[An 770] Et quand le roi Charles eut tenu durant huit mois le siège devant la ville d'Agotha, le premier jour d'avril 770, les secours arrivèrent par la mer, ainsi que le conseil (?) d'Ogier le Danois, qui, âgé de vingt ans, était le roi le plus sage parmi tous les païens. Alors toutes les armées reprirent la mer et étaient près d'arriver à la cité de Gombo, à l'insu des Francs, car cette cité était située de l'autre côté de la mer, alors que les Francs étaient installés du côté opposé ; ils [= les secours des Saxons] débarquèrent et se dirigèrent tous, bien rangés, vers l'armée des chrétiens. |
le conselhe Ogier le Danois : phrase tronquée selon Bo ad locum. |
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[Charle at desconfis les Sarasins] Si estoit Doon de Vaucleir aleis al champs wardemaneir, sy les aperchuit, si envoyat en l'oust IIII chevaliers nunchier à Charle le fait, qui tantost fist ses gens armeir et rengier en trois batalhes : Doon menast la promier, et Garin de Monglanne la lie et li roy Charle la tirche ; et vinrent aux champs contre leurs anemis, sy les ont corut sus. |
[Charles a vaincu les Sarrasins] Doon de Vauclère, qui était allé en reconnaissance dans la contrée, aperçut les secours saxons et envoya quatre chevaliers de l'armée annoncer la chose à Charles. Celui-ci fit immédiatement armer ses gens et les rangea en bataille en trois groupes : Doon dirigeait le premier, Garin de Monglane le second, et le roi Charles le troisième ; ils marchèrent à travers champs contre leurs ennemis et les attaquèrent. |
[Charle mist chi pluseurs saingnours en son tregut] Là oit grant batalhe et pessante, là oit mult de gens d'ambdois pars ochis et navreis, là furent les Sarasins si desconfis qu'ilh soy misent tous al fuir ; mains Doon prist le roy Ogier et le roy de Saxongne, et Garin prist le roy de Suaire et le duc de Sclaves com prisonnieres, qui tos s'acordarent à roy Charle parmi certain tregut, teils l'un com l'autre : assavoir que cascon d'eaux devoit envoier le jour del Triniteit, à Paris, à la court del roy tous les ans, I blanc levrier et IIII deniers d'argent en une burse loiié à coul de cesti levrier, tant et si longement qu'ilh tenroient la loy sarasine et non plus avant. |
[Charles imposa un tribut à plusieurs seigneurs] Il y eut là une grande bataille éprouvante, qui causa des deux côtés de nombreux morts et blessés ; et les Sarrasins furent si défaits qu'ils s'enfuirent tous. Cependant Doon s'empara du roi Ogier et du roi de Saxe, tandis que Garin fit prisonniers le roi de Souabe et le duc des Slavons. Ils s'accordèrent tous avec le roi Charles sur le versement d'un tribut bien précis. Chacun d'eux enverrait chaque année, le jour de la Trinité, à la cour du roi, un lévrier blanc portant, liée à son cou, une bourse contenant quatre deniers d'argent, et cela aussi longtemps qu'ils resteraient fidèles à la loi sarrasine. |
F. Ans 771-774 = Myreur, II, p. 517b-519a : Charles rentre en Francie et passe à Liège - Il aide le pape Étienne III (768-772 n.è.) contre l'empereur Constantin VI (780-797 n.è.) en conflit avec sa mère Irène l'Athénienne (797-802 n.è.) - À Liège, mort de l'évêque Fulcaire - Charles intervint dans la désignation de son cousin Agilfride comme évêque de Liège et soutint la papauté contre l'empereur iconoclaste Constantin VI |
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[II, p. 517] [Charle vint à Liege - Charle, quant ilh vient à Liege, li capitle li presentat I salmon à II tiestes ] Enssi revient Charle à Mes en Loheraine, où ilh celebrat Pasque cel année ; et puis revient à Liege, où ons li fist honneur. Et estoit adont venus à Liege unc I pisson, c'on apelle samon, qui avoit II tiestes, II cowes et II corps tous parfais et tenoit ensemble, par unc venredis en june ; si costat à capitle de Liege V sols de gros. Si le presentat à roy Charle avec des altres salmons, bars et luches, et une cowe de vin de VI aime ; si le rechuit en grant greit, puis soy partit et s'en ralat vers Franche por Brabant. |
[II, p. 517] [Charles vint à Liège - Quand Charles vint à Liège, le chapitre lui présenta un saumon à deux têtes] Alors Charles revient à Metz en Lorraine, où il célébra cette année-là la fête de Pâques ; puis il revient à Liège où on lui fit honneur. À ce moment-là, un vendredi de juin, était arrivé à Liège un poisson, appelé saumon, muni de deux têtes, deux queues et deux corps, l'ensemble parfaitement cohérent. Il coûta au chapitre de Liège cinq sous de gros. On le présenta au roi Charles, avec d'autres saumons, barbeaux et loches, et un fût de vin d'une grande capacité. Charles reçut le tout avec grand plaisir, puis s'en retourna en Francie par le Brabant. |
Le terme aime est « une mesure de capacité pour les liquides (surtout le vin) » [DMF sans autre indication] |
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[L’an VIIc et LXXI - L’empereur Lyon morit subitement por le coronne qu’ilh mist sor son tieste] Item, l'an VIIc et LXXI, en mois de may le XVIIIe jour, morut l'emperere Lyon des fievres, por une coronne d'on engliese qu'ilh pilhat et le mist sus sa tieste, où ilh avoit des carboucles et des altres nobles pires, et tantost [II, p. 518] qu'ilh le mist sour sa tieste, li fievre li prist et morut. |
[An 771 - L’empereur Léon mourut subitement à cause de la couronne qu’il avait placée sur sa tête] En l'an 771, le dix-huit mai, l'empereur Léon IV mourut de fortes fièvres, à cause d'une couronne volée dans une église et qu'il avait posée sur sa tête. Elle était ornée de rubis et d'autres pierres précieuses, et aussitôt [II, p. 518] la couronne placée sur sa tête, la fièvre le prit et il mourut. |
Léon IV, dit le Khazar, fut empereur de Constantinople de 775-790 (n.è.). Il fut remplacé par Constantin VI (780-797 n.è.), auquel succéda sa mère, Irène l'Athénienne (797-802 n.è.). Sur cette période, cfr La splendeur de Byzance, p. 76-78. |
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[Constantin li LXXIIIIe emperere de Romme] Apres sa mort fut esluis Constantin li VII (sic) awec Yrane, sa mere, car c'estoit ly fis Lyon, et tient l'empire XII ans I mois et XII jours. |
[Constantin, 74e empereur de Rome] Après la mort de Léon, Constantin VI fut empereur avec sa mère Irène, car il était Ie fils de Léon. Il dirigea l'empire durant douze ans, un mois et douze jours. |
[L’an VIIc et LXXII] Item, l'an VII et LXXII mandat li pape Estiene à roy Charle que ilh le vosist sourcorir contre l'emperere Constantin, qui avoit debat à sa mere Yrane, qui devoit regneit awec li par election : si estoient en discors portant que ly pape li avoit blameit, si avoit jureit qu'ilh le feroit de mal mort morir. |
[An 772] En l'an 772, le pape Étienne demanda au roi Charles de lui porter secours contre l'empereur Constantin, en conflit avec sa mère Irène, qui devait régner avec lui, suite à une élection. Ils étaient en désaccord parce que le pape avait blâmé Constantin, qui avait juré de le faire mourir de mauvaise mort. |
[Charle sorcorit le pape] Charle escript à Constantin, le fis de son oncle, qu'ilh traitiaste le sains peire cortoisement et li laisast faire chu qu'ilh devoit, ou, s’ilh ne le laisoit, ilh le destruroit de corps entirement. Et portat la lettre ly valhans Garin de Monglane, et awec ly XXX chevaliers. Enssi s'apasentat Constantin l'emperere. |
[Charles secourut le pape] Charles écrivit à Constantin, le fils de son oncle, de traiter courtoisement le Saint Père et de le laisser faire ce qu'il devait, car sinon il le ferait mourir. Le vaillant Garin de Monglane, accompagné de trente chevaliers, porta la lettre. Ainsi l'empereur Constantin se calma. |
En cel an fut troveit en Constantinoble une lamme de fin or el sepulture d'on homme mort, en laqueile ilh avoit escript : Christus nascetur ex Maria virgine et credo in eum : c'este à dire en franchois : Christe nascerat de la virge Marie et croy en li. |
Cette année-là [772], on trouva à Constantinople, dans la sépulture d'un défunt, une lame d'or fin sur laquelle était écrit : Christus nascetur ex Maria virgine et credo in eum, c'est-à-dire en français : Le Christ naîtra de la Vierge Marie, et je crois en lui. |
[II, p. 518] Item, l'an VIIc et LXXIII, morut à Liege ly evesque Fulcaire, le XVIIe jour de mois de jule ; si fut ensevelis en la crotte del engliese Sains-Lambers, en sareut dont ons avoit osteit le corps sains Floribers. |
[II, p. 518] En l'an 773, le dix-septième jour du mois de juillet, mourut à Liège l'évêque Fulcaire. Il fut enseveli dans la crypte de l'église Saint-Lambert, revêtu du surplis dont on avait retiré le corps de saint Floribert. |
[Agilfris, li IIIIe evesque de Liege] Or, avint que ly roy Charle avoit unc cusin qu'ilh amoit grandement et estoit de son conselhe, et estoit uns gran clers qui oit nom Agilfris de Borgongne, car ilh estoit fis à frere le duc de Borgongne de la filhe le conte d'Avergne, Helaine. A cely donnat Charle l'evesqueit de Liege, et escript en priant à Liege que ons le vosist postuleir ; et ilh le fisent et Charle le confirmat, si fut ly quars evesque de Liege et regnat XXXIIII ans. |
[Agilfride, quatrième évêque de Liège] Le roi Charles avait justement un cousin, qu'il aimait beaucoup et qui faisait partie de son conseil. C'était un grand clerc, dénommé Agilfride de Bourgogne, fils du frère du duc de Bourgogne, né de la fille du comte d'Auvergne, Hélène. Charles lui donna l'évêché de Liège et écrivit à Liège en demandant qu'on veuille faire appel à lui ; ce qui fut fait et ce que Charles confirma. Agilfride fut le quatrième évêque de Liège et son règne dura trente-quatre ans. |
Agilfride : selon Wikipédia, évêque de Liège, de 765 (ou 769) à sa mort en 784 (ou 787). Voir Biographie Nationale, Tome I, 1866, p. 125-126 (accessible sur la Toile). Cfr aussi Gilles d'Orval, Gesta episcoporum Leodiensium, II, p. 47, ed. Heller, qui fait mention du séjour de Charlemagne à Pâques à Liège et à Herstal |
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[L’an VIIc et LXXIIII - L’emperere Constantin fist martyrisier le pape Estienne, et tos ches qui adoroient Dieu et sa mère] Item, l'an VIIc et LXXIIII le VIe jour de fevrier, fist li emperere Constantin martyrisier le pape Estiene, et tout cheauz qui les ymagines de Dieu adoroient et qui le mere Dieu reclamoient, et qui les vigieles des sains voilhoient, et qui les reliques des sains honoroient faisoit-ilh tous martyrisier ; et voloit que moynes et preistres et toutes gens de sainte Engliese soy mariassent, ou ilh estoient tous martyrisiés. Et portant que li pape l'excommengnat, si fut-ilh mis à mort. |
[L’an 774 - L’empereur Constantin fit martyriser le pape Étienne, et tous ceux qui adoraient Dieu et sa mère] En l'an 774, le six février, l'empereur Constantin fit martyriser le pape Étienne et tous ceux qui adoraient les images de Dieu et invoquaient la mère de Dieu. De même, il faisait martyriser tous ceux qui veillaient lors des vigiles des saints et honoraient leurs reliques ; il voulait aussi que les moines, les prêtres et les membres de la Sainte-Église se marient, sous peine d'être martyrisés. Et c'est parce le pape Étienne l'avait excommunié qu'il fut mis à mort. |
[Andrian li Ce pape de Romme] Apres chu vacat li siege III jours, et puis fut consacreit Andriers, ly promier de cel nom, qui estoit cardinal de Preneste et del nation de [II, p. 519] Romme, de la region del Large Voie ; liqueis tient le siege XXIII ans X mois et XXVIII jours. |
[Adrien, 100e pape de Rome] Après cela, le siège resta vacant durant trois jours, et puis Adrien, premier de ce nom, fut consacré. Il était cardinal de Préneste et originaire de [II, p. 519] Rome, de la région de la Large Voie. Il occupa le siège durant vingt-trois ans, dix mois et vingt-huit jours. |
G. An 775 = Myreur, II, p. 519b : Conseils de Doon à ses douze fils, notamment celui de bien se conduire avec Dieu et l'Église, et celui conquérir des terres sur les Sarrasins, sans compter lui succéder - Le cas de son fils aîné Geoffroy | |
[II, p. 519] [L’an VIIc et LXXV - De Gaufrois, le fis Doon] Item, l'an VIIc et LXXV Gaufrois, li fis Doon de Vaucleir ou de Maienche, avoit XVII ans d'eiage et estoit fors, puissans, apers et hardis, car ilh estoit oussi gran que Doon : ilh estoit halt de XII piés et estoit li plus beais enfes de monde, et de XX ans avoit-ilh tout son grandeche sens plus croistre, et chevalchoit awec son peire. |
[II, p. 519] [An 775 - Geoffroy, le fils de Doon] En l'an 775, Geoffroy, le fils de Doon de Vauclère ou de Mayence, âgé de dix-sept ans, était fort, puissant, vif et hardi. Haut de douze pieds, il était aussi grand que Doon. C'était le plus beau garçon du monde et, dès sa vingtième année, il avait atteint sa taille définitive et cessé de grandir. Il chevauchait avec son père. |
[Des XII fis Doon - Doon aprent les XII enfans] Si avient qu'en cesti an, unc jour al Triniteit, que Doon et sa femme Flandrine estoient à Vaucleir en palais, si avoient olit messe, et Doon commenchat à regardeir ses enfans, dont ilh en estoit XII mult beais et tous vestis d'on vestiment ensemble, dont li plus jovene avoit pres de IX ans, se leur dest : « Mes enfans, welhiés moy escuteir. Enfans, dest Doon, loiet soit Dieu vos esteis mult beais ; si vos prie que vos soiiés curieux de Dieu servir et sainte Engliese ameir et honnoreir, et fiers et orgulheux encontre les Sarasins et les trahitres, et de conquere leur palis convoitable ; soiiés proidhons en la loy de Dieu, soiiés aux veves et aux orpheniers tous jours aidans et confortans, soiés à tous proidhommes debonnaire et caritable, soiés aux povres larges et de douches parolles, soiés loials et fermes et ne convoitiés mie terre des cristiens à conquere ne à le miene propre ne tendeis nient à avoir, car chu vos feroit grant mal et vos seroit trop nuisant, et vos feroit demoreir en l'estable sens riens conquere. J'ay unc filhou qui porte mon nom, qui aurat Maienche apres moy, et de Vaucleir je feray une evesqueit ; mains soiiés preux et hardis et conquereis terre sour les Sarasins, si aureis honneur et profit. » |
[Les douze fils de Doon - Doon instruit ses douze enfants] En cette année, le jour de la Trinité, Doon et sa femme Flandrine se trouvaient justement dans le palais de Vauclère et avaient entendu la messe. Doon se mit à regarder ses enfants : ils étaient douze, très beaux et tous vêtus de la même manière. Le plus jeune avait presque neuf ans. Doon leur dit : « Mes enfants, veuillez m'écouter. Dieu en soit loué, vous êtes très beaux. Je vous prie de vouloir toujours servir Dieu, aimer et honorer la Sainte-Église, être intrépides et vaillants face aux Sarrasins et aux traîtres et conquérir leur pays qui est digne de convoitise. Soyez sages, respectueux de la loi de Dieu, soyez toujours prêts à aider et à réconforter les veuves et les orphelins, soyez bons et charitables envers les braves gens, soyez généreux envers les pauvres et parlez-leur avec douceur, soyez loyaux et fermes, ne cherchez pas à conquérir la terre des chrétiens et n'espérez pas non plus posséder ma propre terre, car cela vous ferait grand tort, vous serait trop nuisible et vous pousserait à rester chez vous, inactifs sans rien conquérir. J'ai un filleul qui porte mon nom ; il sera seigneur de Mayence après moi et je ferai de Vauclère un évêché ; quant à vous, soyez preux et audacieux ; partez à la conquête de terres chez les Sarrasins ; vous en retirerez honneur et profit. » |
Enssi disoit Doon à ses enfans qui estoient encors jovenes, se n'y acontent riens ; mains Gaufrois, ly anneis, estoit plus saige, si battoit les altres quant ilh les veioit faire alcon chouse qui ne li plaisoit mie, et les nommoit garchons, et si dest qu'ilh aurat la conteit apres son peire. Si en at Doon oiit novelle, si dest à Gaufrais qu'ilh n'en auroit point « car je welhe que tu conquier novelle terre, quant temps serat. » Enssi demorat la chouse. |
Ainsi parlait Doon à ses enfants, encore jeunes, qui ne tenaient pas compte de ses conseils. Mais Geoffroy, l'aîné, était plus avisé et frappait les autres quand il les voyait faire une chose qu'il désapprouvait ; il les traitait de valets, déclarant qu'un jour, il serait le maître du comté après son père. Doon l'apprit et dit à Geoffroy qu'il n'en serait rien, « car je veux que tu conquières une nouvelle terre, quand le temps en sera venu. » Et les choses en restèrent là. |
H. Ans 775-777 = Myreur, II, p. 519-520a : Divers événements centrés sur Liège - Les empereurs de Byzance (Irène et son fils Constantin VI) et le pape Adrien Ier (772-795 n.è.), aidé par Charles dans sa lutte contre les Lombards |
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[II, p. 519] [Grant vent] Item, en cel an corut-ilh si gran vent, que toutes les chemeneis par toutes les parties d'Austrie chayrent, et se chayrent IIII citeis en mois de fevrier en la royalme de Dannemarche. |
[II, p. 519] [Grand vent] En cette année [775], un vent souffla si fort qu'il fit tomber toutes les cheminées dans toutes les régions d'Austrasie et, au cours du mois de février, quatre cités furent détruites au royaume de Danemark. |
[L’an VIIc et LXXVI. Charle vint à Liege] Item, l'an VIIc et LXXVI vient Charle, roy de Franche et d'Allemangne, à Liege celebreit sa Paske, et remanit l'octave à Hersta ; et adont fist li evesque Agilfris copiier la vie sains Lambers. |
[An 776 - Charles vint à Liège] En 776, Charles, roi de Francie et d'Allemagne, vint célébrer la fête de Pâques à Liège, et resta à Herstal pendant l'octave de Pâques. C'est alors que l'évêque Agilfride fit copier le texte de la vie de saint Lambert. |
[Persecution] En cel an fist [II, p. 520] l'emperere Constantin tant de mals qu'ilh ne poioit plus, et par especial de faire cristiens martyrisier. Et li pape Andrian fist unc libre contre luy et ses erreurs, por luy retourneir al vraie foid, mains ilh laborat en vain. |
[Persécution] Cette année-là, [II, p. 520] l'empereur Constantin causa tant de maux ‒ il n'aurait pu en faire davantage ‒, tout spécialement en faisant martyriser les chrétiens. Le pape Adrien écrivit un livre contre lui et ses erreurs, pour le ramener à la vraie foi, mais ce fut en vain. |
[Charle conquist Pavie] En cel an li pape Andrian mandat al roy Charle qu'ilh le venist sourcorir contre le roy Desier, le bastars de Pavie, qui guerioit l'engliese de Romme. Et Charle y alat à grant gens, si assegat la citeit de Pavie qui li fut tost rendue, car li peuple haioit le tyrant bastars, qui les II fis legitimes avoit decachiet par sa malvaiseteit. |
[Charles conquit Pavie] Cette année-là [776], le pape Adrien demanda au roi Charles de venir lui porter secours contre le roi Didier, le bâtard de Pavie, en guerre contre l'Église de Rome. Charles, avec une grande armée, alla assiéger Pavie qui se rendit aussitôt, car le peuple haïssait le cruel bâtard, qui avait par sa méchanceté détrôné les deux fils légitimes. |
[Ly roy de Pavie fut en exilhe à Liege] Et quant la citeit fut rendue, Charle prist ledit bastars et Joie, sa femme, si les envoiat en exilhe à Liege à l'evesque Agilfris, où ilh morurent, et furent ensevelis en l'engliese d'Ays, devant le grant husserie de xhour, desous une grant piere. Adont revinrent Desier et Archades en leur terre, et deleis cesti Desier demorat Ogier li Danois, quant ilh gueriat le roy Charle. |
[Le roi de Pavie fut exilé à Liège] Quand la cité lui fut rendue, Charles saisit ledit bâtard et sa femme Joie, puis les exila à Liège, auprès de l'évêque Agilfride. Ils y moururent et furent ensevelis sous une grande dalle de pierre, dans l'église d'Aix, devant la grande entrée du choeur. Alors Didier et Arcade rentrèrent dans leur pays. Ogier le Danois resta aux côtés de ce Didier, quand il guerroya contre Charles. |
[L’an VIc et LXXVII – Ly soleal obscurat XVII jours] Item, l'an VIIc LXXVIII (?) l'emperres Hiranne avoiglat son fis l'emperere Constantin, qui ly avoit faite mult de griefeteit. En cel an obscurat li soleal par l'espaise de XVII jours, que ilh ne fut aparchus de nuls hommes à monde. |
[An 777 - Le soleil cessa de briller durant dix-sept jours] En l'an 777, l'impératrice Irène aveugla son fils Constantin, qui l'avait très gravement maltraitée. Cette année-là, le soleil cessa de briller pendant dix-sept jours, sans être aperçu par personne au monde. |
[Hyranne crevat ses enfans les oux] Adont Hyranne l'emperres soy dobtat que chu ne fut por le pechiet qu'elle avoit fait de son fis à avoigleir, et que grans mals ne l'en posist encor advenir, si alat les enfans de son fis creveir les yeux, si que ilh ne li posissent alcon mal faire por leur peire ; laqueile Hyranne morut subitement. |
[Irène creva les yeux de ses enfants] Alors l'impératrice Irène craignit que cet événement ait pour cause le péché qu'elle avait commis en aveuglant son fils, et que de grands malheurs puissent encore advenir. Aussi alla-t-elle crever les yeux des enfants de son fils, pour qu'ils ne puissent lui faire aucun mal pour venger leur père. Cette Irène mourut subitement. |
[Texte précédent II, p. 494b-498a] [Texte suivant II, p. 520b-523a]