Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, I, p. 285b-306a
Édition : A. Borgnet (1864) ‒ Présentation nouvelle, traduction et introductions de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2017)
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Digression II (liée à Auguste)
la mappemonde [Myreur, p. 285b-306a]
Introduction [sommaire et texte]
Pour l'essentiel, cette section n'est que la transcription en moyen français de Liège d'un chapitre entier d'un ouvrage de Brunetto Latini intitulé Li Livres dou Tresor. Ce Tresor est une encyclopédie en trois volumes, écrite en picard, rassemblant presque toutes les connaissances du temps et dédiée à Charles d'Anjou vers 1265. Elle comporte un chapitre intitulé « La Mappemonde » que Jean a transcrit.
En ce qui concerne l'original de La Mappemonde, nous avons utilisé l'édition moderne de B. Ribémont et S. Menegaldo, Le livre du Trésor : livre I. Brunetto Latini ; traduction en français moderne, introduction, notes, Paris, 2013, p. 264-307 (Traductions des classiques du Moyen Âge, 94). Elle n'est pas sur la Toile, mais la vieille édition de P. Chabaille, [Li] Livres dou Tresor, Paris, 1863, (Collection de documents inédits sur l'histoire de France. Première série. Histoire littéraire), est accessible en ligne chez Gallica.
Il est intéressant de confronter le texte du Myreur à celui du Tresor, non seulement sur le plan purement linguistique mais aussi en ce qui concerne la compréhension de l'original par son traducteur. Les limites de Jean dans la traduction de textes latins ont déjà été évoquées ; force est de constater que sa transcription du picard en liégeois n'est pas toujours très précise. Et, en l'occurrence, on ose à peine évoquer les nombreux noms propres écorchés, ce qui est peut-être dû à la piètre qualité de la copie dont il disposait. Nous avons en tout cas conservé les graphies du Myreur mais, dans notre traduction, nous n'avons pas hésité à introduire les termes géographiques du Tresor, lorsqu'ils nous paraissaient plus adéquats.
Quoi qu'il en soit, Brunetto Latini est la source essentielle de « La Mappemonde » de Jean d'Outremeuse. Une source secondaire a également été repérée. Elle concerne la partie que nous avons intitulée « Une autre description de l'Afrique et particulièrement de l'Éthiopie ». Cette section a été inspirée, voire copiée, du Livre III (Africa) du de Geographia de l'Anonyme de Ravenne. C'est elle qui contient le nom de Castorius. À toutes fins utiles, signalons que la vieille édition de Ravennatis Anonymi Cosmographia et Guidonis Geographica, par G. Parthey et M. Pinder, Berlin, 1860 (repr. Aalen, 1962) est accessible en ligne.
Nous n'avons pas découvert la provenance exacte de la dernière partie de cette section que, faute de mieux, nous avons intitulée « Appendices ». Elle contient d'abord des remarques personnelles de Jean d'Outremeuse sur la difficulté d'utiliser les textes géographiques, ensuite un développement sur les fontaines et les sources merveilleuses du monde. Parmi ces merveilles, l'auteur mentionne une source à Malmédy et une fontaine à Tongres, celle précisément dont parlait Pline et qui a déjà évoquée plus haut (p. 189-190). On connaît l'intérêt porté par l'Antiquité, bien avant le Moyen Âge, sur tout ce qui était perçu comme des merveilles (cfr les Paradoxographorum Graecorum reliquiae, éd. A. Giannini, Milan,1966, 432 p. [Classici graeci e latine. Sezione testi e commenti, 3]), ou la traduction anglaise, avec commentaire, du Peri Thaumasion de Phlégon de Tralles par W. Hansen, Exeter, 1966, 215 p. [Exeter Studies in History]).
Après ces deux longues digressions, Jean reviendra à la Judée des années 17-15 a.C.n.
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* Introduction : Les trois continents et la mer Océane
* Description de l'Asie (suite 1) : Le Moyen-Orient (Séleucie, Mésopotamie, Fleuves du Paradis, etc.)
* Description de l'Asie (suite 2) Terres lointaines - Inde
* Description de l'Asie (suite 3) : Autres régions et paradis terrestre - Diverses merveilles en Asie
* Autre description de l'Afrique (surtout l'Éthiopie) d'après Castorius
* Appendices : Les difficultés dans l'utilisation des textes géographiques - Fontaines merveilleuses
* Conclusion des deux digressions (César et Alexandre - Mappemonde)
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Introduction : Les trois continents et la mer Océane
[p. 285] [De tous paiis de monde] Portant que je suy chayus en chesti matere, et que pluseurs gens ne sevent mie queils paiis ilh at par le universe monde, si vos voray dire et declareir briefement solonc l'escriptures une partie des ysles, et enssi com Dieu qui tout le monde porta en sa main, qui est partis en trois par le mere, enssi le vos partirons ; et deviserons particulierement ches trois parchons, dont ly une, qui siet vers orient, medis et septentrion, at nom Aisie, et contient plus de la motié de la terre ; et li aultre, qui at nom Affrique, et la tirche, qui at nom Europpe, tinent l'autre motié, assavoir cascon I quartier. Et siet Affrique vers medis et occidens, et Europpe vers septentrion et occident. |
[p. 285] [Tous les pays du monde] Puisque je suis tombé sur cette question et que beaucoup ignorent quels pays existent dans l'ensemble de l’univers, je vais exposer et décrire brièvement, en suivant les textes, la répartition des terres. Nous partagerons le monde selon la façon dont Dieu le porta dans sa main, séparé en trois par la mer. Voici les trois parties du monde dont nous parlerons spécifiquement : l'une, qui s'étend vers l’Orient, le Sud et le Nord, se nomme Asie et constitue plus de la moitié de la terre. L'autre, appelée Afrique, et la troisième, appelée Europe, en constituent l’autre moitié, un quart donc pour chacune. L’Afrique s'étend vers le Sud et l’Occident, l’Europe vers le Nord et l’Occident. |
[Del mere et de ses bras] Terre est enchainte et environnée de la mere, et deveis savoir que ch'est la grant mere qui est appellée occeane, de quoy sont extrait les aultres qui sont parmy la terre en diverses parties, qui sont enssi com bras de li, dont chis qui vient par Espangne en Ytaile et en Greche est ly plus grans que les aultres. Et por chu est-ilh apeleis la grant mere, et est oussi appellée Miteraine, portant qu'ilh vat parmy la terre jusques vers orient, si devise et departe les parties de la terre, et chu sont Aisie, Affrique et Europpe. |
[La mer et ses bras] La terre est entourée et environnée par la mer. Il faut savoir qu’il s’agit de la Grande mer, appelée Océane, d’où proviennent toutes les autres mers qui se trouvent dans les diverses parties de la terre et qui en sont en quelque sorte les bras. Le bras qui part de l’Espagne vers l'Italie et la Grèce et qui est plus grand que les autres est pour cette raison appelé la Grande mer ou la mer Méditerranée. Il pénètre dans la terre en direction de l’Orient, et en sépare les parties : l’Asie, l’Afrique et l’Europe. |
Mains, enssi com j'ay dit desus, chu n'est mie parchon ingale, car Aisie tient ortant com les dois aultres, deis le lieu où li fluis del Nyl chiet en mere en Alexandrie ; et de cheli lieu où li fluis de Tanain chiet en mere [p. 286] à bras Sains-George vers orient, tout jusques en la mere occeane et en paradis terrestre. Les aultres dois parties sont le remanant de la terre vers occident partout jusques à la mere occeane. |
Comme je l’ai dit plus haut, ces parties ne sont pas d'égale étendue. En effet, l’Asie est aussi étendue que les deux autres : elle va de l'endroit où le Nil se jette dans la mer à Alexandrie et de l'endroit où le Tanaïs [= le Don] se jette dans la mer [p. 286] au Bras de Saint-Georges vers l’Orient, jusqu’à la mer Océane et au paradis terrestre. Les deux autres parties constituent le reste du monde vers l’Occident jusqu’à la mer Océane. |
Mains elles sont departies par la grant mere qui est entre dois ; et celle partie qui est de là vers medis jusques en occident, si est nommée Affrique ; et l'autre qui est dechà vers le transmontaine, qui est vers septentrion vers soleal cuchant, est Europpe. |
Elles sont séparées par la grande mer qui se trouve entre elles. La partie qui s’étend de là vers le Sud jusqu’en Occident est appelée l'Afrique ; l’autre, en deçà de la Méditerranée, vers la Tramontane au Nord et vers le soleil couchant, est appelée l’Europe. |
Description de l'Asie : L'Égypte et le Nil - La mer Rouge - Proche-Orient (Syrie, Judée, Mer Morte, Palestine, etc.)
[p. 286] [De paiis d’Aisie] Ors vos vorons declareir briefement de cascon partie por ly chu qu'ilh y at ; et promierement d'Asie, qui est la promier et la plus grant, et commencheray de chief qui est vers medis, où elle se part de Affrique à fluis del Nyl et à fluis de Tygris, qui est en Egypte. |
[p. 286] [Les pays d’Asie] Maintenant nous voudrions parler brièvement de ce qu’il y a dans chaque partie du monde, et d'abord de l’Asie, qui en est la première et la plus grande. Je commencerai par sa partie sud, là où elle est séparée de l’Afrique par le Nil et le Tigris, c'est-à-dire par l'Égypte. |
[De Egypte - Del Nyl ou Gyon] En Egypte est la citeit de Babylone, del Caire et Alixandre et pluseurs aultres vilhes ; et sachiés que Egypte est une terre qui siet contre medis, et s'extent vers le soleal levant. Et par-derier est Etyope, et par-desus court li fluis de Nyle ou Gyon, qui commenche desous la mere occeane, où ilh fait I lac qui est apelleis Nylides, et toutes chouses semblant à celles que nos veions à fluis del Nyle et environ de la terre d'Egypte. Et por chu dient ypluseurs que chis fluis est de chis lac, mains les aighes de lac s'en entrent par terre, en corant par voies clouses dedens la terre, tant que ilhs apairent à Chesaire, où ilhs soy demonstrent toutes ensemble à promier lac, et illuc soy entrent sous terre et s'en vont par lontaines terres qu'ilh n'en issent hours jusques à la terre de Etyoppes où ilh apert ; et fait là I fluis qui at à nom Tygris, qui devise la partie d'Aisie de la partie d'Affrique. En la fin soy part en VII, et s'en vat tout oultre par medis en la mere de Egypte, car ilh n'y at aultre fluis ne plues, raison comment. |
[L’Égypte - Le Nil ou Géon] En Égypte se trouvent Babylone, le Caire, Alexandrie et plusieurs autres villes. Sachez que l’Égypte est un territoire situé face au midi et s'étend vers le soleil levant. En-dessous se trouve l’Éthiopie, et au-dessus coule le Nil, ou Géon, qui prend naissance sous la mer Océane, où il forme un lac appelé Nilidès, qui ressemble en tous ses aspects à ce que nous voyons du Nil et des environs de l’Égypte. C'est pourquoi la plupart des gens disent que le fleuve sort de ce lac, mais les eaux du lac y pénètrent par la terre, s'écoulant par des conduites souterraines fermées, pour reparaître à Césarée, où toutes ensemble elles forment un premier lac. Ensuite elles pénètrent à nouveau sous terre et traversent des régions lointaines sans sortir de terre jusqu’en Éthiopie où elles reparaissent. Là elles forment un fleuve, nommé Tigre, qui sépare l’Asie de l’Afrique. Enfin le fleuve se divise en sept bras, et continue vers le midi dans la mer d’Égypte, car il n’y a pas d’autre fleuve, ni de pluies, et en voici la raison. |
[Del acroisement de Nyle] Quant li soleal entre en signe del Greveche, XIIIIe jour en junne, chis fluis commenche à croistre, et tousjours croiste jusqu'à tant que ly soleal entre en Lyon, en mois de julet. IIh at si grant forche, de III jours devant les [p. 287] kalendes d'awoust jusques al XIe jour al entrée, qu'ilh ist outre le siet de son cours chà et là, tant que ilh arouse toute la terre, et enssi fait-ilh tant com ly soleal remaint en Lyon. Et quant ilh entre en la Vierge, si commenche à decroistre cascon jour, tant que li soleal entre el Libre en septembre ; adont rest ly fluis dedens ses metes. Portant dient les Egyptiiens que, en cel année que li fluis del Nyl croiste et que ses acroisement soy demonstre oultre XVIII piés de hault, que les champs ne portent nient tant de fruis, por la mosteur des aighes qui gisent trop longement sour terre ; mains quant ilh croiste moins de XIIII piés, adont ne puelent eistre les champs bangniés partout sicom est besongne, et por chu avient la famyne en cel terre et la defaute des bleis. Mains quant ilh croiste XVI piés ou là entour, adont est planteis de tous biens. Cheli est ly fluis d'Egypte de cuy dient ypluseurs que la nascenche de ly ne puet eistre trovée oultre che lieu où li Tygris soy part en VII, et que ly Nyl commenche à voie en paiis d'Arabe, qui s'apartient à la mere Roige. |
[La crue du Nil] Quand le soleil entre dans le signe du Cancer, le 14 juin, ce fleuve commence à grossir et continue à gonfler jusqu’à l’entrée du soleil dans le signe du Lion, en juillet. Trois jours avant les calendes d'août [p. 287] jusqu’au onzième jour suivant, il a une force si grande qu’il sort de son lit en divers endroits et arrose toute la terre. Et cela dure aussi longtemps que le soleil reste dans le signe du Lion. Ensuite, quand le soleil entre dans le signe de la Vierge, le fleuve décroît chaque jour, jusqu’à l'entrée du soleil dans le signe de la Balance, en septembre : alors il rentre dans son lit. C'est pourquoi les Égyptiens disent que l’année où le Nil croît et où ses crues atteignent plus de dix-huit pieds de haut, les champs produisent moins de fruits, à cause de l'humidité des eaux qui stagnent trop longtemps sur les terres. Par contre quand il atteint moins de quatorze pieds, les champs ne peuvent alors être inondés partout selon leurs besoins ; c'est pourquoi la famine et le manque de blés surviennent en ce pays. Mais quand le Nil atteint seize pieds environ, tous les produits abondent. Tel est le fleuve d’Égypte ; la plupart des auteurs disent que sa source ne peut se trouver au-delà de l'endroit où le Tigre se sépare en sept bras, et où le Nil commence sa route en Arabie, proche de la mer Rouge. |
[p. 287] [Del Rouge mer] [Del encens et canelle- Fenix - Jaffe] Sachiés que cel mere est roge non mie par nature, mains par les terres que sont roges où ilh fait son cours, et chis est regors goufle de la mere occeane, qui est devisée en dois bras : ly uns est de Perse, et l'autre d'Arabe. Et sachiés que, en la rive de la mere Roge, est une fontaine de teile nature que se berbis en boivent, tantoist ilhs commenchent à mueir de coleur de toison de la berbis et dedens la pelle ; et celle coleur croiste et nient ly aultre. En cel paiis croiste li encense, et li mastique, et la canelle, et là habit ly fenix, qui est I yoseais dont ilh n'at que I tout seul al monde. Encors est oultre cheli lieu ly mont de Casses où est Jaffé, le plus anchiene citeit de monde. |
[p. 287] [La Mer Rouge] [Encens - Cannelle - Phénix - Jaffa] Sachez que cette mer est rouge, non pas par nature, mais à cause des terres rouges qui l'entourent. C'est un petit golfe de la mer Océane, qui se divise en deux bras : l’un de Perse, l’autre d’Arabie. Sachez aussi que sur le rivage de la mer Rouge se trouve une source d'une nature spéciale : si des brebis en boivent, la couleur de leur toison et de leur peau à l'intérieur commence aussitôt à changer ; et c'est cette couleur qui l'emporte sur l’autre. Dans ce pays poussent l’encens, le mastic et la cannelle. Là aussi habite le phénix, un oiseau dont il n'existe au monde qu'un exemplaire. Il y a aussi, au-delà de cet endroit, le mont Cassius, où est Jaffa, la plus ancienne cité du monde. |
[Surie - Judée - Jherusalem - Fluis Jordain] [Del mere Morte - La mere Salinaire] Ancors y est Surie et Judée ; chu est I grant provinche, où li balme naste. Et si est la citeit de Jherusalem, Betheem et ly fluis Jordain, qui enssi est apelleis por dois fontaines, desqueiles ly une a nom Jor et li aultre Dan, qui se jondent ensemble, et font cel fluis ; et [p. 288] nassent sous le mont de Lybain, et devise le pays de Judée et d'Arabe, et en la fin chiet en la mere Mort pres de Jherico. Sachiés qu'elle est nommée mere Morte portant qu'ilh n'engendre et ne rechoit en lée nulle chouse vivant, et toutes chouses qui sont sens vie chient en font ; ne nuls vens ne le puet movoir, car elle est enssi tenant que bures, portant est-elle appellée oussi la mere Salinaire, et ly lac de Alfalet. Et sachiés que li bures de cheli lac est si glutineux que se uns hons en prendoit une fiole de voile ilh ne s'en partiroit jamais, ains se tenroit a la fiole sens partir, se ons ne le tochoit de sanc menstrueux de femme, qui tantoist le feroit departir ; et chis lac est en parties de Ynde. |
[Syrie - Judée - Jérusalem - Jourdain] [La mer Morte - La mer Saline] Il y a encore la Syrie et la Judée, une grande province où pousse le balsamier et où se situent Jérusalem, Bethléem et le Jourdain, un fleuve qu'on a appelé ainsi à cause des deux sources, le Jour et le Dain, qui se rejoignent pour former ce fleuve. [p. 288] Naissant sous le mont Liban, il sépare les pays de Judée de l’Arabie, et finalement il se jette dans la mer Morte près de Jéricho. Sachez qu’elle est appelée mer Morte parce qu’elle ne produit ni ne contient aucun être vivant, que toutes les choses sans vie tombent au fond : aucun vent ne peut la mettre en mouvement. Elle est aussi consistante que du bitume, raison pour laquelle elle est également appelée mer Saline et Lac Asphaltite. Sachez aussi que le bitume de ce lac est si gluant que si on en prenait dans un flacon de verre, jamais il ne s’en détacherait, mais y resterait collé, à moins d'y appliquer le sang de menstrues de femmes qui aussitôt le détacherait. Ce lac est dans la région de l'Inde. |
[Palestine - Ascalon - Philistiien - Sodomme - Gomor] Apres est Palestine, où est la citeit de Ascalon, qui jadis furent appelleis Philistiiens. Et y sont les V citeit de Sodomme et de Gomor dedens Judée vers soleal couchant. Les Esseniens qui par leur grant sapienche soy desevrarent des gens por escuweir les delis, car entre eaux n'at nuls femmes, ne monoie n'y court et n'y est conuwe : ilh vivent de palum, et jasoiche que nuls n'y voise, portant ne fault mie la multitude des gens, et se maintes gens y vinent, ons n'y puet manoir longement. |
[Palestine - Ascalon - Philistins - Sodome - Gomorrhe] Après vient la Palestine, où se trouve la cité d’Ascalon, dont les habitants étaient appelés jadis Philistins. Là se trouvent les cinq cités de Sodome et de Gomorrhe. En Judée, vers l'occident, les Esséniens, dans leur grande sagesse, se sont isolés pour se soustraire aux plaisirs. Aucune femme ne vit parmi eux ; la monnaie n'y circule pas et n'y est pas connue ; ils vivent de palmes et bien que personne n’y naisse, ils sont très nombreux. Mais si beaucoup de gens viennent chez eux, nul ne peut y rester longtemps. |
Description de l'Asie (suite 1) : Le Moyen-Orient (Séleucie, Mésopotamie, Fleuves du Paradis, etc.)
[p. 288] [Seluche - Casse - Antyoche - Effrate - Mesopotanie - Tygris] Apres vient ly paiis de Seluche, où ilh at une montangne hault, qui est appellée Casse, qui siet asseis pres de Antyoche, qui est si hault qu'ilh toult le veue de soleal ; par là cour ly fluis de Effrates, qui naste en Hermenie le grant sour Zisanie, asseis pres de mont Catoten, et entre parmy Babylone et s'en vat en Mesopotanie, et si bangne tout le pays, tout enssi comme Nyl fait en Egypte, et en cel temps meismes. Saluste dist que Tygris et Euffrates issent de Hermenie d'unne meisme fontaine. |
[p. 288] [Séleucie - Casse - Antioche - Euphrate - Mésopotamie - Tigre] Après vient le pays de Séleucie, où se dresse une haute montagne, appelée Cassius, sise près d’Antioche, montagne si haute qu’elle empêche de voir le soleil. Par là coule l’Euphrate, qui naît en Grande Arménie, à Zisame, près du mont Capotès, traverse Babylone puis s'en va vers la Mésopotamie, où il irrigue tout le pays, comme le fait le Nil en Égypte, et cela durant la même période. Salluste dit que le Tigre et l’Euphrate proviennent d'Arménie, tous deux d'une même source. |
[Des IIII fluis de Paradis - Aretuse - Montoir - A Zemonde - Caspie - Hircain - Amasonie] Tygris et Euffrates, [p. 289] le Nyl c'on nom Gyon, et Phison c'on nom Ganges, sont les IIII fluis qui issent de la fontaine de paradis terrestre ; et d'elles vinent toutes les douches aighes et fontaines de monde. Et portant at I fontaine en Hermenie, qui naste de Tygris ; et Tygris se relive illuc, et court par le marche des Mondiens tant qu'ilh chiet en lac qui est apelleis Aretuse, qui soustient toutes chouses, et court si fort parmy chi lac que les peissons del unc n'entre mie en l'autre. En cest manere s'en vat Tygris corant com effoudre, tant qu'elle true montoir al encontre ; adont entre-ilh desous terre, et iist fours d'altre part à Zemonde ; puis entre desous terre et appert de Arabiens et Jabeniens. Apres vient Ciliche, une grant terre où montoir siet, qui à diestre regarde septentrion ; de cel part est Caspie à seniestre, et regarde medis. En cel partie est Amasonie les rengnes des femmes. Et ses frons regarde medis, et enchaufe fort por le soleal. Mains de l'autre part, qui regarde septentrion, n'at que vens et ploue ; là est la terre des citeis où li moins de Chiniere est qui par nuit fat grant fumée. |
[Les quatre fleuves du Paradis - Aréthuse - Montagne - Zomode - Caspie - Hircanie - Amazonie] Le Tigre et l’Euphrate, [p. 289] le Nil nommé Géon, et le Phison, nommé Gange, sont les quatre fleuves dont la source est dans le paradis terrestre ; et de cette source proviennent toutes les eaux douces et toutes les sources du monde. En effet une source en Arménie donne naissance au Tigre ; là il sort de terre et traverse les marches du pays des Mèdes et se jette dans le lac Aréthuse où flottent divers objets ; son courant est si fort que les poissons du lac ne passent pas d'un côté à l'autre. Ainsi comme la foudre, le Tigre coule jusqu’au mont Taurus, rentre sous terre, en ressort ailleurs, à Zomode ; puis il disparaît sous terre et reparaît chez les Arabes et les Adiabéniens. Ensuite vient la Cilicie, un vaste territoire où se trouve le mont [Taurus] qui, sur la droite, est tourné vers le nord ; de ce côté, à gauche la Caspie, qui regarde vers le sud, où se situe l’Amazonie, royaume des femmes. La face orientée au midi est très exposée au soleil. Mais le côté nord ne connaît que vent et pluie ; c'est le pays des Scythes où se dresse le mont Chimère qui la nuit produit une abondante fumée. |
[Ephesum - Galache - Bithyne - Perfelgoste - Capadoche - Assire - Arbelit - Mede] Et la terre de Aisie la petite, où est Ephesum et Euroie et la terre de Galache, de Bithyne et la terre de Perfelgoste, et cel de Capadoche et la terre de Assire en quoy est Arbelit, une region où Alixandre venquit le roy [p. 290] Daire. Et la terre de Mede est à diestre de montoir et le porte de Caspie, où ons ne puet aleir que I petit sentier qui fut fais à forche par mains d'hommes. Chis sentiers at bien de long VIIIm toises ; puis y at une espase de VIIIm passe de terre, par où ilh n'at ne puches ne fontaines. Et sachiés que quant printemps vient les serpens de paiis si vinent celle part, porquoy nuls homme ne puet aleir aux portes de Caspie, se chu n'est en yvier. |
[Éphèse - Galatie - Bithyne - Paphlagonie - Cappadoce - Assyrie - Arbèles - Médie] Il y a aussi la terre d’Asie Mineure, où se situent Éphèse et Troie et les territoires de Galatie, de Bithynie, de Paphlagonie, les pays de Cappadoce et d’Assyrie, où se trouve Arbèles, une région où Alexandre a vaincu le roi [p. 290] Darius. Et à droite du mont [Taurus], il y a la Médie et les portes de Caspie où l’on ne peut accéder que par un petit sentier fait de mains d'hommes. Ce sentier a au moins huit mille toises de long. On trouve ensuite un espace de huit mille pas, sans puits ni sources. Sachez que au début du printemps les serpents du pays se réfugient de ce côté ; c’est pourquoi personne ne peut aller vers les portes de Caspie, sinon en hiver. |
[De Caspie - Teremegite - Alixandre II - Celice] Et est la terre de Caspie vers orient, et est en unc lieu le plus plantiveux de toutes chouses qui sont sus terre, qui est appelleis Oliren. Apres est la terre de Teremegite, qui est si tres-douche et delitauble que Alixandre y fist faire sa promier habitation, qui at nom Alixandre, qui ors est appellée Celice. |
[Caspie - Termegire - Alexandrie la deuxième - Séleucie] Vers l’Orient c'est la terre de Caspie, et l'endroit le plus riche de tous les produits de la terre : il est appelé Diréum. Ensuite on trouve la terre de Termegire, si douce et si agréable qu’Alexandre y fit construire sa première résidence, nommée Alexandrie, aujourd'hui Séleucie. |
[Bautie - Parde - Alixandre le IIIe] Apres est Baudie, I paiis qui fiert contre la terre de Jude (Ynde ?) ; entres les Bautriens est Parde, une vilhe de Sogdiaman, où li roy Alixandre fit la tirche Alixandre, por demontrer le fin de ses ouvres et de ses aleures, car plus avant n'avoit nuls gens habitans par-delà. |
[Bactriane - Bactres - la troisième Alexandrie ] Ensuite on trouve la Bactriane, un pays qui touche la terre de l’Inde. Chez les Bactriens se trouve Bactres, une ville de Sogdiane, où le roi Alexandre fonda la troisième Alexandrie, marquant la fin de ses œuvres et de ses expéditions, car plus loin il n'y avait plus aucun habitant. |
Description de l'Asie (suite 2) : Terres lointaines - Inde
[p. 290] [Les grans desers - Les antrepofagiens - Situens - Les terres inhabitables] Et là soy retourne la mere de Seche et celle de Caspe en la mere Occeane ; et au commenchement sont les tres-grans nois et parfonde ; apres y sont les grans desers, et puis les antropefagiens : chu sont gens qui sont mult aspre et fires. Apres y at une grant terre qui est plaine de biestes savaiges, qui at nom Situens ; et ons n'y puet passeir por les biestes. Apres sont les grant solitudes et les terres [p. 291] inhabitables vers orient. |
[p. 290] [Les grands déserts - Anthropophages - Scythes - Les terres inhabitables] C'est là que la mer de Scythie et la mer Caspienne rejoignent la mer Océane. Là, il y a d'abord de vastes étendues de neige très épaisse. Viennent ensuite les grands déserts, pays des anthropophages, des gens très durs et très féroces, et un grand territoire nommé Scythie peuplé de bêtes si féroces qu'elles empêchent de le traverser. Puis s'étendent les grandes solitudes [p. 291] et les terres inhabitables en direction de l’Orient. |
[Sere - Mervelhe de vestimens - Noble marchandie] Apres toute chu est troveit une habitations de gens qui sont nommeis Sere, qui par leur subtiliteit font de fuelhes et de escorches d'arbres layne bonne et delye, dont ilh font vestimens, et en sont bien vestis. Ches gens sont amyables et pasiebles entre eaux, et refusent toutes compangnies d'aultres gens ; mains les marchans vont en leurs fluis, et trovent sour le rivaige toutes manieres de marchandieses que ons puet troveir altre part ; et le priesent justement par escript, se le mettent sour la denrée, et quant les marchans regardent le pris de chu qu'ilh welent avoir, se le mettent là, et enssi enportent leur marchandies, et en teiles manieres vendent-ilhs leurs denrez. |
[Sères - Vêtements merveilleux - Illustre marchandise] Après tout cela, on trouve une population de gens appelés Sères, qui grâce à leur habileté transforment les feuilles et les écorces d’arbres en une bonne laine très douce, dont ils font des habits. Ils sont bien vêtus. Ce sont des gens aimables et pacifiques entre eux, qui refusent toute compagnie d’étrangers. En fait nos marchands traversent leurs fleuves et trouvent sur leurs rives toutes sortes de marchandises qui peuvent provenir d'un peu partout ; ils en estiment le juste prix et l'écrivent sur le produit ; et quand les marchands voient le prix de ce qu’ils veulent acheter, ils le déposent sur place et emportent la marchandise. Voilà comment ces peuples vendent leurs denrées. |
[p. 291] [La terre de Orache - Symenitoine - Ynde - Des II esteis et II messons] Apres chu est la terre de Orache sour la mere, où ly aire est mult atempreis ; et ly paiis de Symenitoine est entre celle terre et Ynde ; et vient-ons de là en Ynde, qui dure des montangnes de Medes jusques à la mere de medi, où li aires est tant bons qu'ilh y at dois esteis en l'an et II messons. |
[p. 291] [La terre d'Arace - Simicoine - Inde - Deux étés et deux moissons] Vient ensuite la terre d’Arace sur la mer, où l’air est très doux. Le pays de Simicoine se situe entre ce territoire et l’Inde. C’est de là qu’on arrive en Inde, pays qui s’étend depuis les montagnes des Mèdes jusqu’à la mer du Sud, où l'air est tellement bon qu’il y a chaque année deux étés et deux moissons. |
[De noble paiis d’Ynde où ilh at Vm vilhes] Ly aires y est si bons en Ynde, que ilh n'y at point de yvert fours que uns douls vent et suef. En Ynde at V milhes vilhes bien peupleez et habiteez de gens. Et chu n’est mie mervelhe por les grans fluis qui sont en Ynde, com Ganges, ch'est Phison, Yndus et Hispanus, et les fluis de Gambendes, où Alixandra fichat ses bonnes sour la riviere, si qu'ilh monstrent apertement. |
[L’illustre pays d’Inde aux cinq mille villes] Le climat est si bon en Inde qu’il n’y a point d’hiver, mais seulement un vent doux et agréable. L'Inde compte cinq mille villes bien peuplées et habitées. Et ce n’est pas étonnant, vu les grands fleuves d'Inde, tels le Gange ou Phison, l’Indus, l’Hypanis et le fleuve des Gangarides, sur les rives duquel Alexandre enfonça ses bornes, et où elles se voient très clairement. |
[Les Gambendes - Ganges et Jupres] Chis peuple Gambendes est appelleis solonc la riviere, et est li derain peuple qui est en Ynde en l'isle de Ganges et en la terre de Jupres, et en Perliborde et en Moncinatel. |
[Les Gangarides - Gange et Jupres] Les Gangarides tirent leur nom de celui du fleuve. C'est le dernier peuple en Inde dans la région du Gange et dans la terre de Jupres, et en Paliborte et en Moncinatel. |
[Yndus - Mervelhe de II ysles] Les gens qui habitent entour le fluis de Yndus, devers medi, sont de verde coleurs ; et hours de Ynde sont dois [p. 292] ysles mult horrible et argeten, où ilh at mult grant avoir de tous metailles, et tant que yplusieurs quident que tout la terre soit ors et argent. Et sachiés que en Yndre, et en ches paiis de là oultre, at maintes diversiteit de gens, car ilh n'y at pluseurs qui ne vivent fours que de crus peissons, et de cheaux qui ochient leurs peires quant ilh sont viés et les mangnent, et des altres qui habitent ès montangnes, et ont unc piet si grant qu'ilh at VIII dois ; et là sont les contrefaites gens dont j'ay desus parleit que Alixandre conquist. |
[Indus - Deux îles merveilleuses] Les gens qui habitent au bord de l’Indus, vers le sud, sont de couleur verte. Au large de l’Inde, il y a deux [p. 292] îles très effrayantes, [Éride et Argite selon Brunetto Latini], où l'on trouve tous les métaux en si grande quantité que certains croient que toute cette terre est faite d'or et d'argent. Et sachez qu’en Inde et dans les pays au-delà vivent des gens très différents. Certains ne mangent que des poissons crus ; certains tuent leurs pères quand ils sont vieux, et les mangent ; d’autres habitent dans les montagnes et ont un pied si grand qu’il compte huit doigts ; là se trouvent aussi des êtres contrefaits, conquis par Alexandre, ce dont j’ai parlé plus haut (p. 282-284). |
[Là li poivre croiste] Et sachiés que en chis paiis, où ly soleal soy lieve, croiste li poivre. |
[Là pousse le poivre] Et sachez que le poivre pousse dans ce pays où se lève le soleil. |
[De Ynde Approbaine - Des piers prechieux] Encor at en Ynde une aultre Ynde qui est appellée Approbaine dedens la Roige mere, où ilh court parmy unc fluis, et d'unne part sont les oliffans et biestes savaiges, et d'altre part sont les hommes. Et y at mult de pieres prechieux de toutes les maneres qui sont et qui puelent eistre ; et sont les plus prechieux qui puelent eistre en monde. |
[L’Inde Taprobane - Les pierres précieuses] Il y a en outre en ce pays, une autre Inde, appelée Taprobane dans la mer Rouge, où coule un fleuve : des éléphants et des bêtes sauvages vivent d'un côté et des hommes de l’autre. Il y a aussi quantité de pierres précieuses de toutes les espèces existantes et possibles ; ce sont les plus précieuses qui peuvent exister au monde. |
Description de l'Asie (suite 3) : Autres régions et paradis terrestre - Diverses merveilles en Asie
[p. 292] [Carmenie - Les cacatris - Parthe et Caldée - Babylone et Babel] Se y est li desers de Carmenie où ilh at I terre roige entre Medis et Carmenie, où ilh at trois ysles, enqueiles nasquent le cacatris, qui tinent XX piés de long ; puis est la terre de Parthe et la terre de Caldée, où la citeit de Babylone et la thour de Babel siet à XI miles pres, et court en cely lieu li fluis de Euffrates, qui vient de paradis terrestre. |
[p. 292] [Carmanie - Crocodiles - Parthie et Chaldée - Babylone et Babel] Il y a aussi le désert de Carmanie, où se trouve une terre rouge entre la Médie et la Carmanie, et trois îles, dans lesquelles naissent des crocodiles longs de vingt pieds. Ensuite viennent la terre des Parthes et celle de Chaldée, où sont établies Babylone et la Tour de Babel [au périmètre de] onze mille pieds. En ce lieu coule l’Euphrate, venant du paradis terrestre. |
[De paradis terrestre] En paradis terrestre at de toutes maniers d'arbres, de fruis et d'herbes qui puelent ou sont en terre, et plus, car ilh y at des teils qui ne sont mie altre part ; maiement y est ly arbre de vie, que Dieu commandat à Adam qu'ilh n'en mangnast ; et n'y at ne froit ne chaut, mains y est perpetuel attempranche. Et emmy lieu est la fontaine qui toute arousinée par ses IIII fluis deseurdis. |
[Le paradis terrestre] Dans le paradis terrestre, on trouve toutes les espèces d’arbres, de fruits et d’herbes, qui poussent ou existent sur terre, et en outre des espèces inconnues ailleurs, de même aussi que l’arbre de vie, duquel Dieu ordonna à Adam de ne pas manger les fruits. Le climat ni froid ni chaud y est toujours doux. Au centre jaillit la source qui arrose tout grâce aux quatre fleuves cités plus haut. |
[Mervelheux fontaine] Item, ilh at en Aisie mult de fontaines et de riviers ; [p. 293] si est une en la terre de Samarie où at I fontaine qui mue sa coleur IIII fois l'année, assavoir : verde, sanguine, blanc turbes et limpidum, qui fait mervelheux et attemptable remuanche aux oeux des regardans. |
[Fontaine merveilleuse] Il existe en Asie de nombreuses sources et rivières. [p. 293] Ainsi coule en Samarie une rivière dont la source change de couleur quatre fois par an : verte, sanguine, blanchâtre et transparente, ce qui provoque un émoi prodigieux et perceptible chez ceux qui y portent leurs yeux. |
[Libain - Sabarique] Item, est deleis le mont Libain, entre II citeis, Siarchos et Raphanean, I fluis qui court mult radement, et qui habonde de grandement d'aighes, que ons nomme Sabarique, portant que VI jours en la samaine ilh ne donne point d'aighe ; et le semedis ilh en donne tant et si habundamment que c'est mervelhe. |
[Liban - Sabbatique] Près du mont Liban, entre deux cités, Arcée et Raphanée, coule un fleuve au courant très rapide et aux eaux abondantes. On l’appelle Sabbatique, parce que, durant les six jours de la semaine, il ne donne pas d’eau, mais le samedi, ses eaux sont tellement abondantes que c'est merveilleux. |
[Mervelhe d’one riviere] Ilh y at oussi une riviere qui par tous temps engalle del nuit si fort que ons vat bien sour le glache, et de jour retourne tout en aighe ; et y at vers orient I fluis qui jette eraines d'or. |
[Rivière merveilleuse] Il y a aussi une rivière qui par tous les temps gèle si fort la nuit qu’on peut marcher sur la glace, et qui fond pendant la journée. Vers l’Orient, un fleuve transporte des sables d’or. |
[De feu grigois] Item, ilh est une fontaine ès partyes d'orient de cuy aighe ons fait le feu grigois, qui est si ardant que ons ne le puet estindre, se chu n'est par vinaigre ou urine d'homme et savelhon, laqueile ons vent grant argent. |
[Le feu grec] Dans des régions de l’Orient, il existe une source dont on utilise l’eau pour faire le feu grec, si ardent qu’on ne peut l’éteindre, si ce n’est avec du vinaigre ou de l’urine humaine et du savon, que l'on vend à un prix élevé. |
[Nobles medicines] Ilh y at des fontaines qui medient et sanent les plaies, et des aultres qui sanent les mals des œux, et des aultres qui les rendent plus clers, et des altres qui rendent la memoire, et des altres qui font oblier toutes chouses, et des altres qui font sterilles femmes avoir enfant, et des altres qui luxure augumentent et des altres qui rafrenent luxure. |
[Remèdes célèbres] Il existe des sources qui guérissent et soignent les plaies, d’autres qui soignent les maux des yeux, d’autres qui les rendent plus clairs, d’autres qui rendent la mémoire, d’autres qui font oublier toutes choses, d’autres qui permettent à des femmes stériles d'enfanter, d’autres qui augmentent la luxure, et d’autres qui la réfrènent. |
[Mervelhes des lac et fontaines] Item, y at II fontains, quant brebis en bovent, si devient noire l'une, et li aultre devient blanche. Ilh y at des lac qui vinent de fontaines ; là nuls chouses de monde ne puet noier ne aleir desus, mains se traihent toutes aux fons. Ilh y at des aultres où tout chouse noie et riens n'y affondre. Item, ilh y at des lac enqueils trois fois le jour les aighes devinent ameire, et trois fois le jour douches. Ilh y at des fontaines chaudes qui sanent les œux, et aweglent les laurons, car qui noie unc larechien par seriment et ilh soit parjures, ladit aighe l'avoigle al regardeir. Ilh y at I fontaine qui est mult pasieble et coie, et se ons sonne par deleis I tymbre ou altres instrumens, ly aighe soy esleverat al son del instrument, com ilh soit vive. Item, ilh at une fontaine en Orient qui at nom Sapharon, et une en Nubie qui at nom Basiliscon, où ly coke [p. 294] basilique jette ses pires, quant ilh les at porteit son terme ; si nom-ons la pire Saphiron ou Basiliscon, lequeile que ons welt. En unc terreur d'Acre at unc sablon dont ons faite voire cleire et bon awec aighe de mere. Item, at des fontaines en Aisie, qui sont si chaude que por escodeir ; et tout pres at del si froid qui semble que chu soit glaiche. Si en fait-ons des beals bangnes, tout enssi com à Aise en Allemaigne, et ches bangnes font grant myracles, car qui dedens soy bangne trois fois ou plus, ilh donnent santeit aux gens. Et y at des noires fontaines que ons boit por puison, et font bonne purgation. Et y at pluseurs altres fontaines d'altres vertus. Item, ilh at une fontaine en Egypte mult mervelheux qui chandelles esprise estindent, et les estintes resprendent. |
[Sources et lacs merveilleux] Il y a deux sources : quand les brebis y boivent, l'eau d'une des sources devient noire et celle de l’autre devient blanche. Des lacs proviennent de sources, à la surface desquels rien ne peut nager ni flotter : tout tombe au fond. Il en est d’autres où tout surnage et rien ne s’enfonce. Dans certains lacs, trois fois par jour les eaux deviennent amères, puis, trois fois par jour aussi, elles redeviennent douces. Certaines sources chaudes guérissent les yeux et aveuglent les brigands, car celui qui sous serment nie un larcin et se parjure, devient aveugle s'il la regarde. Il est une source très paisible et très calme, mais lorsqu'un tambourin ou un quelconque instrument se fait entendre, l’eau se soulève à ce son comme si elle était vivante. En Orient, il existe une source nommée Sapharon et, en Nubie, une autre source nommée Basiliscon, où le coke [p. 294] basilique jette ses pierres, quand il les a portées le temps requis ; la pierre se nomme soit Saphiron soit Basiliscon, comme on veut. En un endroit d’Acre, un sable, mêlé d'eau de mer, rend la vue claire et bonne. En Asie, il y a des sources si chaudes qu’elles peuvent brûler, et non loin de là des sources si froides qu’elles semblent de glace. On en fait des bains magnifiques, comme à Aix en Allemagne. Ces bains font de grands miracles, car si des gens s’y baignent trois fois ou plus, ils retrouvent la santé. Certaines sources sont noires et, si on les boit comme potion, elles font de bonnes purges. Il y a encore beaucoup d’autres sources, dotées d’autres vertus. De même en Égypte une source merveilleuse éteint les chandelles allumées et rallume celles qui sont éteintes. |
[Des serpens - Des merveilheux gens] Apres sont en Aisie mult de monstres et de serpens que nos avons deviseit par-desus, et pluseurs aultres que nos deviserons chi-apres. Promier ilh y at monstre que ons apelle Senachor, qui at faiche d'homme et corps d'homme, mains ilh vat à terre de piés et de mains, et at II grandes cornes en chief ; et est chu en Ynde del costeit de la Roige mere. Et là meismes at des sagittars, le motié devantrains d'homme et le derains de cheval qui trait. |
[Serpents - Êtres merveilleux] L'Asie compte aussi un grand nombre de monstres et de serpents, dont nous avons parlé plus haut, et beaucoup d’autres dont nous parlerons ci-après. Il y a d’abord un monstre appelé Senachor, ayant un visage et un corps d’homme, mais foulant le sol de ses pieds et de ses mains ; il a de grandes cornes sur la tête. Tout cela se passe en Inde, du côté de la mer Rouge. Il y a même des sagittaires, mi-homme par devant et mi-cheval de trait par derrière. |
[Des Gromates] Item, asseis pres at des arbres de soleal et de la lune qui parlont al roy Alixandre, des monstres que ons nom Gromates, qui ont corps et fache d'hommes, et sont cornus et tinent I heppe en leurs mains, et mult d'aultres monstres et serpens, com cokes basilisque, dragons, griffons, pantheire, alerions, linx qui voit sa proie oultre trois mures, dont ly compte soy tairat. |
[Les Gromates] Il existe aussi, très près des arbres du soleil et de la lune qui parlèrent au roi Alexandre, des monstres nommés Gromates, à face et à corps d’homme, portant des cornes et un couperet à la main ; et aussi une foule d’autres monstres et serpents, tels cokes basiliques, dragons, griffons, panthères, alerions, lynx voyant sa proie à travers trois murs. L'énumération s’arrêtera ici. |
Si volrat parleir des altres partiez de la terre, et tout promirs d'Auffrique. |
On en viendra maintenant à parler des autres parties de la terre, et tout d’abord de l’Afrique. |
Description de l'Afrique : La partie nord de l'Afrique - L'Éthiopie - Les mers du monde - Compléments sur l'Éthiopie et l'Atlas
[p. 294] [De paiis d’Affrique - Maritaine] Auffrique est la seconde partie de la terre qui gieste à diestre, quant ons se tourne vers orient. Si vos disons promierement que d'Espangne est li trespas en Libe, qui est terre de Auffrique, où est la terre de Maritaine. Et sont III Maritaines : ly une fut la citeit de Sitin, l'autre où fuit Cesaire de Tingi, et celle que nos avons devant dit, qui finist en la hault mere [p. 295] d'Egypte. |
[p. 294] [Pays d’Afrique - Mauritanie] L’Afrique est la deuxième partie du monde, à droite, quand on se tourne vers l’Orient. Nous vous disons pour commencer que d’Espagne on passe en Libye, terre d’Afrique, où se trouve la Mauritanie. Il y a trois Mauritanies : l'une où se trouvait la cité de Sitifis, l’autre où se trouvait Césarée de Tingis, et celle dont nous avons parlé précédemment, qui se termine à la haute mer [p. 295] d'Égypte. |
[Mervelhe de haute mere - Athlanus - Mynudi] Et commenche chesti Libe, où ilh at grant mervelhe, car la mere y est asseis plus grant et plus hault qui n'est la terre ; et se soy sourtient dedens ses metes en teile manere, qu'ilh ne chiet et ne gote sour la terre. En cel paiis est Athlanus le montangne emmy les nues, qui dure jusques à la mere Occeane, et puis y est Mynudi, qui est une mult hault montangne. |
[Merveille de la haute mer - Atlas - Numidie] Cette Libye commence à un endroit où se produit un fait très étonnant : la mer y est beaucoup plus vaste et plus élevée que la terre et pourtant elle reste dans ses limites, sans que la moindre goutte n’en tombe sur la terre. Dans ce pays l'Atlas est une montagne au milieu des nues, qui s’étend jusqu’à la mer Océane. Puis vient la Numidie, une très haute montagne. |
[Chano - Sirtes] Et sachiés que toute Auffrique commenche sus la mere Occeane, aux columbes Hercules, et de là se tournet-ilh vers Tunes et vers Bugée et vers la citeit de Ceptis, tout encontre Sardangne, jusqu'à la terre qui siet contre Sezilhe ; de là soy devise en deux parties, une qui est appellée la terre Chano, et l'autre qui s'en vat entre les dois Sirtes, les terres où ons ne puet alleir en nulle manere por les fluis de mere qui ors croissent, ors descroissent si peruelheusement, que nuls n'auroit poioir là por la diversiteit des fluis qui ne vienent pas ordinéement. |
[Terre Chane - Syrtes] Et sachez que toute l’Afrique commence aux colonnes d’Hercule, sur la mer Océane ; de là elle s'étend vers Tunis, vers Bougie et vers la cité de Septis, juste en face de la Sardaigne, jusqu’à la région qui fait face à la Sicile. De là, elle se divise en deux parties, l’une est appelée terre Chane, l’autre s’étend entre les deux Syrtes, terres totalement inaccessibles, à cause des flots de la mer, qui tantôt se gonfle, tantôt se dégonfle si dangereusement que personne ne pourrait rester là, à cause de la variation des vagues qui n’ont aucune régularité. |
[p. 295] [Des desiers de Etyoppe] En teile manere dure tout le paiis d'Auffrique, entre Egypte et le mere d'Espangne, en coisté nostre mere ; mains par-derier, vers medis, sont les desiers de Etyoppe sus la mere Occeane, et le fluis de Tygris qui engendre à l'unc costeit qui devise la terre d'Affrique et cel de Etyoppe. Et sachiés que tout la terre qui regarde vers medis, est sens fontaines et nue d'aigbes et povre terre ; mains devers orient est là crasse et plantiveux de tous biens. Dedens les partyes d'Auffrique sont comptées les dois ysles Cirtes de cuy li comte at fait mention, et se muche (?) en l'isle de Mene, où est ly fluis Lechen ; de quoy les anchiens dient que ch'est ly fluis d'Ynfeir, et que les aymes qui [p. 296] en boivent perdent les ramembranches de chouses passées, et ne n’ont plus mémoire quant elles entrent dedens, solonc le opinion des mescreans. Là sont les gens de Muazona et Trogoidete, et les gens des Amans qui font les maisons de seth (?). |
[p. 295] [Déserts d’Éthiopie] Ainsi se prolonge tout le territoire de l’Afrique entre l’Égypte et la mer d’Espagne, du côté de notre mer ; mais à l'arrière, vers le Sud, s’étendent les déserts d’Éthiopie, entre la mer Océane et le fleuve Tigre, qui commence du côté qui sépare la terre d’Afrique de celle d’Éthiopie. Sachez aussi que toute la partie orientée vers le Sud ne compte ni sources ni eau : c'est une terre pauvre. Mais vers l’Orient, la terre est grasse et regorge de tous les biens. Parmi les parties d’Afrique, on compte les deux îles Syrtes, mentionnées dans le récit, et l'île de Menne, où coule le fleuve Léthé ; les Anciens disent que c’est le fleuve de l’Enfer et que les âmes qui en boivent perdent le souvenir des choses passées et n’en ont plus mémoire, quand elles pénètrent en d'autres corps. Telle est l’opinion des mécréants. On trouve là les Nasamons et les Troglodytes, et les habitants de Amans, qui font des maisons de sel (?). |
[Gersemens - Mervelhe d’une fontaine] Puis est apres Gersemens, une vilhe où ons truve une mervelheuse fontaine ; car ly aighe en est si tres-froide par jour que ons ne le puet souffrir, et del nuit el est si tres-chaude c’on ne le puet endureir, et vient par une seul eraine. |
[Garama - Source merveilleuse] Vient ensuite Garama, une ville où se trouve une source merveilleuse : en effet, durant le jour l’eau en est terriblement froide, et durant la nuit elle est très chaude, impossible à supporter. Elle sort par un seul conduit. |
[p. 296] [Des meres qui sont sour terre] Ors aveis oiit comment li comte devise le region de la terre d'Auffrique, et comment el est environnée de la grant mere : celle grant mere est appellée Occeane, jasoiche que ses nom cange et mue en pluseurs lieu, solonc les nommes des paiis où elle vat. Car promierement là ilh vat à la terre d'Arabe, ons le nom le mer d’Ynde, et puis la mere de Hircaine, et puis le mere de Caspie, et puis le mere de Scite, et la mere d'Allemangne, et puis la mere de Galle, et puis le mere d'Engleterre, et puis la mere de Achaus, et puis la mere de Libe, et puis la mere d'Egypte ; et c'est tout une mere qui at nom Occeane. |
[p. 296] [Les mers de la terre] Vous avez entendu comment le récit décrit la région de la terre d’Afrique, et comment elle est environnée par la grande mer : cette grande mer est appelée mer Océane, même si son nom change et se transforme en de nombreux endroits, selon les pays qu'elle baigne. Tout d'abord, là où elle touche la terre des Arabes, on la nomme mer d’Inde, puis mer d’Hyrcanie, puis mer de Caspie, puis mer de Scythie, mer d’Allemagne, et mer de Gaule, et puis mer d’Angleterre, puis mer Atlantique, et puis mer de Libye, et puis mer d’Égypte. L'ensemble de cette mer s'appelle mer Océane. |
Et sachiés que, ès parties d'Ynde, ceste mere croiste et decroiste mervelheusement, et fait si grant fluis por chu que la forche de chaut le sortient en haulte sicom pendant, ou por chu que en chis paiis at grant habundanches de fluis et de fontaines. Et sour chu dobtent les saiges, porquoy chu est que la mere Occeaine faice ches fluis, et puis les retrait une fois ou II entre jour et nuit sens defineir. |
Et sachez que dans certaines parties de l’Inde, cette mer croît et décroît de façon étonnante, faisant des vagues énormes parce que la force de la chaleur les soutient en hauteur, comme si elles étaient suspendues, ou parce que cette région possède en abondance fleuves et sources. À ce propos, les sages se demandent pourquoi la mer Océane soulève et retire ces flots, une fois ou deux par jour et par nuit, indéfiniment. |
[p. 296] [Etyoppe - Du mariage] Encor y est Etyoppe, qui est une grant terre, et des Athalans qui sont noirs com Moires, et por chu sont-ils appelleis Mors, por la prochaineteit de soleal. Et sachies que les gens de Etyoppe et de Garemans ne sevent que ch’est de mariage ; mains ilh ont commonement [p. 297] entre eaux les femmes trestoutes li uns apres l'autre, et portant n'y at nuls qui cognosse son peire ; si sont por chu appelleis les avanis nobles de monde. Et sachiés que en Etyoppe est unc grant toron, qui jette grant planteit de feu ardant sens estindre ; entre Etyoppe et Affrique sont tres grans desiers, où nuls ne puet alleir, jusques en Arabe. Etyoppe siet al deseur d'Affrique, apres Nubie, deleis la Roige mere, qui est I gran paiis. |
[p. 296] [Éthiopie - Du mariage] Il y a encore l’Éthiopie, qui est un grand pays, et des habitants de l'Atlas, qui sont, à cause de leur proximité avec le soleil, noirs comme des mûres, et appelés pour cela Maures. Et sachez que les habitants d’Éthiopie et de Garama ne savent pas ce qu’est le mariage : ils possèdent en commun [p. 297] toutes les femmes, l’un après l’autre, et dès lors, aucun d’entre eux ne connaît son père ; pour cela on les appelle les moins nobles du monde. Sachez aussi qu’en Éthiopie, un grand tertre crache en abondance du feu ardent, qui ne s’éteint pas. De très grands déserts, où personne ne peut aller, séparent l'Éthiopie et l'Afrique, jusqu’en Arabie. L’Éthiopie, un très grand pays, est au-delà de l’Afrique, après la Nubie, près de la mer Rouge. |
Autre description de l'Afrique (surtout l'Éthiopie) d'après Castorius
[p. 297] Etyoppe est une partie d'Affrique ; à une partie meridionale deleis la mere Occeane est uns paiis de grant espausse, Etyoppe, que ons nom aultrement Auxinitana, et Candacis et Troglotidos, lesqueiles parties ypluseurs ont descripte des philosophes, et nos, solonc l'hystoire del Castoire, vos weulhe demonstrer enqueiles parties et quantes citeis sont et ont esteit teiles com sont Auxime, Pronuastria, Philoseph, Marcon, Marata, Adulum. |
[p. 297] L’Éthiopie est une partie de l’Afrique, dans la zone méridionale, près de la mer Océane. C'est un pays d'une grande étendue qu’on nomme par ailleurs Auxinatana et Candacis et Trogloditos. La plupart de ces régions ont été décrites par des savants, et nous, sur base de l’histoire de Castorius, nous voulons vous exposer où et en quel nombre existent et ont existé des cités comme Auxime, Pronuastria, Philoseph, Marcon, Marata, Adulum. |
Item, par cel partie passent pluseurs fluis, assavoir Gyon, Nyli, Cheremetis et Nuchul. Al front de Etyoppe Trogloditoire est I grans hermitage c'on nom Trevesis, et siet devers Egypte, qui li gieste à seniestre, où ilh sont ches citeis : Alixandre, Exaole, Nyleodin, Ermupolis, Arsino, Bucolia, Naucreatis, Ermucis, Corumbo, Phiche, Armos, Pichin, Sale, Necropolis, Miche, Ybion, Secta, Pholotetis, Marelon et pluseurs aultres, jusques al somme de IIc et LXXIIII citeis, tout par nom qui seroient long por escrire chi. |
Cette région est traversée par de nombreux fleuves, à savoir le Gyon, le Nil, le Cheremetis et le Nuchul. Face à l’Éthiopie Trogloditaire, un grand ermitage, nommé Trevesis (Thébaïde ?), est tourné vers l’Égypte, s’étend sur la gauche, où on trouve les cités : Alexandrie, Exaole, Nyleodin, Ermupolis, Arsino, Bucolia, Naucreatis, Ermucis, Corumbo, Phiche, Armos, Pichin, Sale, Necropolis, Miche, Ybion, Secta, Pholotetis, Marelon et beaucoup d’autres, au total deux cent soixante-quatorze cités, toutes portant un nom, qu’il serait long de transcrire ici. |
[Jet] Item, par-deleis les rains de Etyoppe, vers la mere Occeane, est Etyoppe Garamantum, que ons dist establiste, qui est confine de Etyoppe et de Trigloditaine ; en laqueile partie Garamantum, nient long de la mere Occeane, ly fluis de Jet court fortement. Et là sont les montangnes que ons nom Nannanon. Et y at I lac qui at nom Letum, et I aultre qui at nom Augita, que les gens qui là habitent escrient por le [p. 298] grandeur. |
[Niger] Au-delà des limites de l’Éthiopie, vers la mer Océane, se situe l’Éthiopie des Garamantes, dite Establiste, voisine de l’Éthiopie et des Troglodytes. Dans ce pays des Garamantes, non loin de la mer Océane, le fleuve Jet coule avec un courant puissant. Là se dressent des montagnes nommées Nannanon, un lac nommé Letum et un autre nommé Augita, que les habitants de l'endroit mentionnent pour leur [p. 298] l'étendue. |
Item, à front de Garamant sont des desiers seches, et montangnes que ons appelle Narmarides, Nassamenes, Lotofagi et Blegimes ; et ne fut oncques là fait citeis por le secheur de desers. |
Face aux Garamantes s’étendent déserts arides et montagnes appelées Marmarides, Nasamones, Lotophages, Blegmmyes. Jamais on n'y construisit de villes, vu l'aridité des déserts. |
ltem, deleis la mere Occeane est Etyoppe Biblobatis, qui se confine awec les desers c'on dist Garamant, en laqueile est li lac de Tanges, où ilh at mult de desiers. Et là sont les montangnes de Tulliatodi ; et court asseis pres le fluis de Jet. Item, al front de cel partie Biblobatis at mult de desers jusques as pays que ons appelle Affrique, où ilh at mult de philosophes qui escrient le pays et chu qu'ilh y avient de jours en jours. Auffrique est uns pays où ilh at grant planteit de clers, entre lesqueils ilh y fut Castorius, apres cuy escripture nos avons escripte chu que nos faisons ou disons de paiis d'Affrique, voire en partie ; car tout son escripture n'avons mie pris por la prolixiteit, enssi bien com nos n'avons faite del escripture d'Asie, qui est trop long chouse. |
Près de la mer Océane, se trouve l’Éthiopie Biblobatis, voisine des déserts appelés Garamantes, dans laquelle se trouvent le lac Tanges et de nombreux déserts et aussi les montagnes de Tulliatodi. Le fleuve Niger coule dans les environs. Face à la région de Biblobatis, de nombreux déserts s’étendent jusqu’au pays appelé Afrique, où vivent beaucoup de philosophes, qui décrivent le pays et ce qui s’y passe jour après jour. L’Afrique est un pays comptant de nombreux clercs, parmi lesquels Castorius, sur les écrits de qui nous avons basé, du moins en partie, notre description des pays d’Afrique. Nous n’avons toutefois pas repris tous ses écrits, vu leur prolixité. Nous avons procédé de même pour ses écrits sur l’Asie, également trop longs. |
Je vos nommeray en partie des citeis d'Auffrique, solonc Castorium, qui toutes les nom ; si en est cent. Promiers y est Tragulis, qui est confine à rivaige de la mere grant, Arissilenoir, Sirencasium, Sagassanie, Palma, Ysiri, Sacomadis, Pretorium, Misal, Disio, Nadalus, Leptis, Poreo, Orea, Neapolis, Cartaige le grant, Tyraria ; et al aultre costeit at oussi des citeis teils, apres Cartaige qui siet sour mere emmy lieu del rengne : Marche, Afais, Agarius et mult d'altres. |
Je vous citerai une partie des cités d’Afrique, selon Castorius, qui les nomme toutes ; elles sont au nombre de cent. La première est Tragulis, voisine du rivage de la Grande mer, puis Arissilenoir, Sirencasium, Sagassanie, Palma, Ysiri, Sacomadis, Pretorium, Misal, Disio, Nadalus, Leptis, Poreo, Orea, Neapolis, Carthage la grande, Tyraria ; de l’autre côté, des cités comparables, après Carthage sur la mer, au centre du royaume : Marche, Afais, Agarius et bien d’autres. |
Item, del aultre part, en paiis c'on dist Munidiam, at IIIIxx et V citeis, que nos ne nommons nient par briefteit, et XXV fluis. Et al aultre costeit at tant de citeis qu'ilh en est tout ensemble XIIII paiis et III royalmes, dont Cartaige est soveraine, et sans compteir Etyoppe et Nubie et Egypte, qui ne sont mie del rengne d'Auffrique ; mains ilhs sont située en l'isle d'Affrique, assavoir dedens la tirche part de la terre. Et si at IIII ysles, trois lac et XXXII fluis et Vc IIIIxx et II citeis. |
D'autre part, dans le pays appelé Numidie il y a quatre-vingt-cinq cités, que nous ne nommons pas par souci de concision, ainsi que vingt-cinq fleuves. De l’autre côté, des cités très nombreuses forment un ensemble de treize pays et de trois royaumes, soumis à Carthage. Et c'est sans compter l’Éthiopie, la Nubie et l’Égypte, qui ne font pas partie du royaume d’Afrique, bien que situées dans la zone d’Afrique, la troisième partie du monde. Et il y a en outre quatre îles, trente-deux fleuves et cinq cent quatre-vingt-deux cités. |
[Des femmes d’Affrique - Mervelhe de serpent] Item, en Affrique at pluseurs diversiteit et fontaines, car là sont tous les monstres semblans en tous cas à cheaux d'Orient, et si sont les femmes qui portent leurs enfans, quant ilh sont neis, devant unc serpent en celle paiis ; s'ilh est bastars, ilh l'eztranglent, et s'ilh est de son marit, ilh le fiestient ; et y at I serpent que [p. 299] ons appelle vivere, qui estrangle les hommes, et puis se les pleurs tant qu'ilh muert. Et si est oussi li linx, et des aultres mervelhes tant que ons n'en croiroit mie la motié ; portant nos en tairons à present. Item, ilh y at mult de fontaines entres lesqueiles est I en Etyoppe, qui fait pire de l'aighe si bonne que por faire mures. |
[Femmes d’Afrique - Serpents merveilleux] Il y a en Afrique une grande variété de choses et des sources. On y trouve tous les monstres ressemblant en tout à ceux d’Orient. En outre, dans ce pays, les femmes présentent leurs enfants, une fois qu'ils sont nés, à un serpent ; si l'enfant est un bâtard, le serpent l’étrangle, et s'il est du mari, il lui fait fête. Il existe aussi un serpent [p. 299] appelé vipère, qui étrangle les hommes, et puis pleure sur eux au point d'en mourir. Il y a aussi le lynx, et d’autres choses si extraordinaires, qu’on n’en croirait pas la moitié ; c’est pourquoi nous les tairons ici. Il existe de nombreuses sources : l'eau de l'une d'elles, en Éthiopie, peut se changer en pierres bonnes à faire des murs. |
Description de l'Europe : Introduction - Italie - Grèce et régions du sud-est de l'Europe - Nord-est de l'Europe - Europe centrale et occidentale (Allemagne - France - Espagne) - Grande-Bretagne et îles
[p. 299] [De paiis de Europe] Ors nos tairons atant d'Auffrique, si vorons parleir de la partie de Europe, jasoiche chouse que Alixandre ne conquist rien en Europe ilh conquist en Aisie, où ilh at bien maintenant plus de IIc regions. Et si conquist Auffrique, enssi com nous avons dit ; mains portant que Europe est li tirche parchon de la terre, et que c'est nostre paiis, je le deviseray de grasce, et enssi cogniscerons miez le paiis. |
[p. 299] [Pays d’Europe] Nous ne dirons plus rien sur l’Afrique. Nous parlerons de l’Europe, même si Alexandre ne conquit rien en Europe et fit des conquêtes en Asie, qui comprend maintenant plus de deux cents pays. Il conquit aussi l’Afrique, comme nous l’avons dit ; mais comme l’Europe constitue la troisième partie du monde et comme elle est la nôtre, j'aurai plaisir à en parler. Ainsi nous la connaîtrons mieux. |
[Le bras Sains George - Contantinoble, Gresche - En Espangne - Romme] Europe fut li parchon Jafet, le fis Noé. Europe est divisée de la terre d'Aisie, là ou est li destrois de bras Sains-George, et ès parties de Constantinoble et de Gresche, et s'en vient vers septentrion par tout le mere dechà jusques en Espangne sus le mere Occeane. En chesti partie est Romme, qui est li chief de toute cristiniteit. |
[Le Bras de Saint-Georges - Constantinople, Grèce - Espagne - Rome] L’Europe fut la part de Japhet, fils de Noé. L’Europe est séparée de l’Asie, là où se trouve le détroit du Bras de Saint-Georges du côté de Constantinople et de la Grèce ; puis elle s'étend vers le Septentrion sur toutes les terres au-delà de la mer [Méditerranée] jusqu’en Espagne, sur la mer Océane. Là se situe Rome, la capitale de toute la chrétienté. |
[p. 299] [Ytalie - Venise - La mere Adriain] Et por chu dirons tout promier de Ytalie, ch'est ly paiis entour Romme, qui est vers medis, la Grant mere en costé. Et vers septentrion vat la grant mere de Venise, qui est appellée la mere Andriane por la citeit de Atri, qui fut là fondée. Et chel milieu est ès chans de la citeit de Roiante. |
[p. 299] [Italie - Venise - Mer Adriatique] C’est pourquoi nous parlerons d'abord de l’Italie, le pays autour de Rome, vers le sud, près de la Grande mer (Méditerranée). Et vers le nord il y a la Grande mer de Venise, appelée Adriatique à cause de la cité d’Adria, fondée à cet endroit. Et au centre du pays, s'étendent les plaines de Rieti. |
[Greche - Vers Provinche, vers Franche, Allemagne - Des II fontaines - Eridaine - Padus] Et sachiés que Ytaile fut jadis appellée Greche la grant, quant les Grigois le tenoient. Et est la fin vers le soleal couchant, et vers soleal levant, vers les montangnes de Provenche et vers Franche et vers Allemangne où ilh at grant terres ; entres les aultres y at II fontaines, del une vers Lombardie naist I fluis mult gran, qui se passe par Lombardie et rechoit en ly XXX fluis, et si entre en la mere Adriane. Et ch'est li fluis que les gens appellent Eridaine, mains en latin ilh est appelleis Padus. |
[Grèce - Vers Provence, France, Allemagne - Deux sources - Eridan - Pô] Sachez aussi que l’Italie jadis fut appelée Grande-Grèce, quand les Grecs l'occupaient. Et ce sont ses limites vers l'Occident et vers l'Orient, et vers les montagnes de Provence, tournées vers la France et l'Allemagne, où se trouvent de vastes étendues ; parmi d'autres, il y a deux sources : de l’une d'elles, dans la Lombardie qu'elle traverse, naît un très grand fleuve, qui reçoit trente affluents et se jette dans la mer Adriatique. Les gens l'appellent Éridan, mais en latin on l'appelle Padus. |
[Le Roine - Borgongne - La mere de Provenche] De l'autre montangne vers Franche est li fluis del Roine, qui s'en vat vers Borgongne et par Provenche, tant qu'ilh soy entre en la grant mere de Provenche, si roidement qu'ilh enporte les nefs dedens la [p. 300] mere pres de V lieues, et si detient sa doucheur jusques là. Et por chu dist-ons que ch'est unc des III gringnour fluis de Europe. |
[Rhône - Bourgogne - Mer de Provence] De l'autre montagne naît le Rhône qui coule vers la France, arrose la Bourgogne et traverse la Provence, avant de se jeter dans la Grande mer de Provence, avec une puissance telle qu’il emporte les bateaux sur la [p. 300] mer à une distance de presque cinq lieues, en conservant son eau douce. C'est pourquoi on en fait un des trois plus grands fleuves d’Europe. |
[Ytaile - Toscaine - Romme - Tyberis - Hostie - Albane - Savine - Tusculane - Palestine] [Des cardinals de Rom]En Ytaile at pluseurs provinches dont Toscaine est li promier, où Romme est tout devant. Et parmy Romme court ly Tybre, et soy entre en la Grant mere, et des citeis sicom Hostie, Albane, Portes, Savine, Tusculane, Palestine qui furent mult bonnes citeis anchienement ; mains Romme les at à ly submise. Ches citeis sont toutes pres, et dedens la citeit de Romme y at XLVII englieses, où ilh at XXVIII priestres et XXVIII dyaques qui tous sont cardinals de Romme. Et des VII citeis deseurdittes sont VII evesques cardinals. Apres chu sont XXI evesques sens Pise qui est uns archevesques, et at III evesques desous luy. |
[Italie - Toscane - Rome - Tibre - Ostie - Albe - Sabine - Tusculum - Préneste] [Des cardinaux de Rome] L’Italie comprend plusieurs provinces, dont la première est la Toscane et dont Rome est la capitale. Le Tibre, qui se jette dans la Grande mer, traverse Rome et des cités comme Ostie, Albano, Porto, Sabina, Tusculum, Palestrina. Anciennement cités très puissantes, elles furent ensuite soumises par Rome. Ces cités sont toutes proches de Rome. Dans la ville il y a quarante-sept églises, où officient vingt-huit prêtres et vingt-huit diacres, cardinaux de Rome. Et dans les sept autres cités, il y a sept évêques cardinaux. En outre il y a vingt et un évêques, sans compter l'archevêque de Pise, qui a trois évêques sous ses ordres. |
[Jenenes - Champangne - Alangne - Gaiete - Aprus] Et sachiés que ly deraine evesqueit de Tuscane est cel de Lune qui marchist à Jenenes. Et oultre Romme est la marche de Champangne, où est la citeit de Alangne et de Gaiete et VII aultres evesqueit. Apres est la terre de Aprus, où ilh at VII archevesques. |
[Gênes - Campanie - Anagni - Gaète - Abruzzes] Sachez encore que le dernier évêché de Toscane est celui de Luni, à la limite du pays de Gênes. Au-delà de Rome s'étend la marche de Campanie, où se situent les cités d’Anagni et de Gaète ainsi que sept autres évêchés. Après vient la terre des Abruzzes, qui compte sept archevêchés. |
[Ypolite - Aisie - Reate - Anchone - Asculi et Orbins - Labour - Bonivent - Salerne] Apres est la ducheit de Ypolite, où est la citeit de Aisie et Reate, et VII aultres evesqueit. Apres y est la marche de Anchone, où est la citeit de Asculi et Orbins, et XI aultres evesqueit. Apres est la terre de Labour, où est la citeit de Bonivent et Salerne, et pluseurs altres citeis mult grant, où ilh at VII archevesqueit. |
[Spolète - Assise - Rieti - Ancône - Asculi et Urbino - Labour - Bénévent - Salerne] Après, on trouve le duché de Spolète, avec les cités d’Assise et de Rieti, et sept autres évêchés. Après vient la marche d’Ancône, et les cités d’Ascoli et d’Urbino et onze autres évêchés. Ensuite la terre de Labour où se trouvent Bénévent et Salerne, ainsi que plusieurs autres très grandes cités, qui comptent sept archevêchés. |
[Puilhe, Otrent - Calabre - Cosens] Apres est ly rengne de Puilhe, où est la citeit de Otrent, sus la seniestre costeit de Ytalie. Et sachiés que en Puilhe at VIII archevesques et XXX evesques. Apres est Calabre où est l'archevesque de Cosens et II aultres archevesques et XVI evesqueit. |
[Apulie, Otrante - Calabre - Cosenza] Ensuite c’est le royaume d'Apulie, avec la cité d’Otrante, sur la côte gauche de l’Italie. Sachez que l'Apulie compte huit archevêques et trente évêques. Après vient la Calabre, avec l’archevêque de Cosenza, deux autres archevêques et seize évêchés. |
[Sezilhe - Palerne - Gibel - Aratuse - Vulcane] Apres est l'isle de Sezilhe entre le mere Adriane et la nostre, où est l'archevesqueit [p. 301] de Palerne, et celle de Meschine et de Mont-royal, et IX evesquiet. Apres est li mont Gibel qui toudis jet feu par II bouches, et y at noise desus tousjours. Et sy y est la fontaine de Aratuse. Et sachiés que entre Sezilhe et Ytalie at I petis bras de mere emmy qui est appelleis li far de Messine, porquen ypluseurs dient que Sezilh n'est mie de Ytaile, ains est I paiis par ly. En la mere de Sezilh siet ly ysle de Vulcane, qui est del nature de feu ; et tient toute la terre de Sizelh VIIc milles que les Franchois appellent liewes, mains ilh ne sont mie parelhes. |
[Sicile - Palerme - Gibel - Aréthuse - Volcano] Ensuite vient l’île de Sicile, entre la mer Adriatique et la nôtre [la Méditerranée], avec les archevêchés [p. 301] de Palerme, de Messine et de Monreale ainsi que neuf évêchés. Ensuite, il y a le mont Gibel [Etna], crachant sans arrêt du feu par deux cratères, et au sommet toujours couvert de neige. On y trouve aussi la fontaine d’Aréthuse. Entre la Sicile et l’Italie, il y a un petit bras de mer, appelé le phare de Messine, ce qui pousse la plupart à dire que la Sicile n’est pas en Italie mais un pays en soi. En mer de Sicile se situe l’île de Vulcain, de nature ignée. La Sicile occupe sept cents milles, appelées lieues par les Français, mais les mesures ne se correspondent pas. |
[Romangne - Arime - Ravenne - Lombardie - Bolongne - Melan - Savoie - Albige - Ferreire - Truise - Jarre - Dalmarche] Encor est en Ytalie la terre de Romangne sus la mere Adriane, où est la citeit de Arime et Ravenne et Ymele et X aultres evesqueit. Apres y est Lombardie, où est Bolongne le Crasse, et III aultres evesqueit, et l'archevesqueit de Melan qui dure jusques à Guyne, et la citeit de Saone et de Albige, et puis jusques à la terre de Ferraire, où ilh at XVIII evesqueit. Apres y est la marche de Truise, qui est al patriacle de Aquilée. En cel marche de Truise at XVIII evesqueit, qui touchent les parties d’Allemangnes et de Jarre et de Dalemache sus la mere. |
[Romagne - Rimini - Ravenne - Lombardie - Bologne - Milan - Savone - Albenga- Ferrare - Trévise - Zadar - Dalmatie] Il y a encore en Italie la Romagne sur la mer Adriatique, avec les cités de Rimini, Ravenne et Imola et dix autres évêchés. Ensuite c'est la Lombardie, avec Bologne la Fertile, trois autres évêchés, et l’archevêché de Milan qui s’étend jusqu’aux cités de Gênes, Savone et Albenga, et ensuite jusqu’à la région de Ferrare, aux dix-huit évêchés. Après vient la marche de Trévise, dépendant du patriarche d’Aquilée. Elle compte dix-huit évêchés, qui touchent aux frontières de l'Allemagne, de Zadar et de Dalmatie près de la mer. |
[Jenes - Sardangne - Corsique - Distre - Jardre] Encor est en Ytaile l'archevesquiet de Jenes, awec III evesques, et puis si est l'isle de Sardangne et de Corsique, où ilh at III archevesqueit et XV evesqueit. Et là où Ytaile finist à la mere de Venise, si est la terre d'Istre, de l'atre part de la mere, où est l'archevesqueit de Jardre, et II aultres archevesqueit et XV evesqueit. |
[Gênes - Sardaigne - Corse - Istrie - Zadar] L'Italie comprend encore l’archevêché de Gênes, avec trois évêques, ainsi que les îles de Sardaigne et de Corse, où se trouvent trois archevêchés et quinze évêchés. Et là où finit l’Italie, sur la mer de Venise, de l’autre côté de la mer, se trouve l’Istrie, avec l’archevêché de Zadar, deux autres archevêchés et quinze évêchés. |
[Sclavoine - Hongrie - Pulaine] Apres est la terre de Sclavoine, où ilh at dois archevesques et XIII evesqueit. Apres y est la terre de Hongrie, où ilh at II archevesques et XI evesqueit. Apres y est la terre de Pulaine, où ilh at IIII archevesques et VIII evesqueit. |
[Slavonie - Hongrie - Pologne] Ensuite vient la Slavonie, où l'on compte deux archevêques et treize évêchés. Après c'est la Hongrie, avec deux archevêques et onze évêchés. Ensuite, c’est la Pologne, qui compte quatre archevêques et huit évêchés. |
Ors soy tairat li conte de de chu, si [p. 302] retournerat à sa mateire desus, où ilh le laisat de Sezilh à la fin d'Ytaile. |
Maintenant le récit s'arrêtera là et [p. 302] retournera à son sujet, à savoir la Sicile à la limite de l’Italie. |
[p. 302] [Gresche - Tressal - Machidone - Athenne - Olimpe] Oultre Sezilh est dedens Europe la terre de Gresche, qui commenche aux mons de Rames, et define sus les pors : là est la terre de Tressale, où Julius Cesar soy combatit à Pompeiius, et Machidone, en quoy est la citeit de Athenne, et mont Olimpe qui tous jours reliust. Et est plus hals que li airs en quoy lez oysels volent, solonc chu que les anchiens dient que alcunne fois par subtiliteit montarent sus. |
[p. 302] [Grèce - Thessalie - Macédoine - Athènes - Olympe] Outre la Sicile, la terre de Grèce, qui commence aux monts Cérauniens et s’achève sur l'Hellespont, fait partie de l'Europe. Là se situe la Thessalie, où Jules César affronta Pompée, et la Macédoine où se trouvent la ville d'Athènes, et le mont Olympe qui brille sans arrêt et s'élève aussi plus haut que l’air où volent les oiseaux, selon les dires des Anciens qui réussirent parfois à y monter, grâce à leur agilité. |
[Traiche - Les Barbarins - Le Danube] Apres est la terre de Trache où les Barbarins sont en Romanie et en Constantinoble. Et sachiés que en la terre de Traice vers septentrion court la Danube : ch'est I grant fluis neis en Allemangne. |
[Thrace - Les Barbares - Danube] Ensuite, il ya la terre de Thrace où les Barbares vivent en Romanie et à Constantinople. Sachez aussi qu'en Thrace, du côté du septentrion coule le Danube : c'est un grand fleuve né en Allemagne. |
[Calistre - Galdade - Oritige - Cribria -Minoa - Flaxon - Athos] Puis est dedens la nostre mer l'isle de Gresche, où le Aes regnat promier, solonc chu que ons true en escript. Apres est Calistre et l'isle de Galdade, qui est apellée Oritige, où les Grigois enterin furent promierement troveis. Puis est ly isle de Cribria et Minoa et Flaxon et Melo et Carpathe et Levino, où li mons Athos est, qui est plus hauls que les nues. |
[Callisté - Cyclades - Ortygie - Cribria - Minoa - Naxos - Athos] Ensuite on trouve dans notre mer l'île de Crète où Aes fut le premier à régner, selon les textes. Après viennent Callisté et l’île des Cyclades, appelée Ortygie, où les cailles grecques furent découvertes. Ensuite on rencontre les îles d'Eubée, de Paros, de Naxos, de Melos, de Carpathos et de Lemnos, où se dresse le mont Athos, qui s'élève plus haut que les nuages. |
[De VIII paiis de Greche] A chu puet-ons bien entendre que en Greche at-ilh VIII paiis ; ly promier est Dalmache vers occident, ly secons est Piros, ly thiers est Flados, ly quars Tensale, ly Ve Machidone, ly VIe Aquaie et dois en mere : chu sont Creta et Cyglades. Et si at en Greche VI diversiteit de lengaiges. |
[Les huit régions de Grèce] On comprend donc bien que la Grèce compte huit régions ; la première est la Dalmatie, vers l’occident, la seconde l’Épire, la troisième l'Hellade, la quatrième la Thessalie, la cinquième la Macédoine, la sixième l’Achaïe, et il y en deux en mer : la Crète et les Cyclades. Et en Grèce on parle six langages différents. |
[p. 302] [Del altre partie de Europe - Goulfe] Droit chi commenche I altre partie de Europe sus le pors : ch'est I lieu en la mere qui depart Aisie et Europe, et n'at plus de larges que VII estages, où ly roy Cyrches fist I pont de nefs où ilh passat, puis si [p. 303] enlargist la mere desmesuréement ; mains chu fut I pou long car ilh devient estroit unc pou oultre que ilh ne tient que Vc pas ; si est nommée Goulfe de Greche, par où li roy Daire portat là grant habundanche. |
[p. 302] [Autre partie de l’Europe - Golfe] Ici commence une autre partie de l’Europe, au-dessus de l'Hellespont : un bras de mer qui sépare l’Asie de l’Europe et ne fait pas plus de sept stades de large, que le roi Xerxès traversa grâce à un pont de bateaux. Ensuite la mer [p. 303] s’élargit considérablement, sur une courte distance, maisse rétrécit un peu plus loin, ne mesurant plus que cinq cents pas. On appelle Golfe de Grèce cet endroit où le roi Darius fit traverser une grande armée. |
[Isdre] Et sachiiés que ly Danuwe est I fluis qui altrement est appellée Ysdre, qui naist ès grans mons d'Allemangne vers Lumbardie, et rechoit en ly XL fluis, trestous si grans que nuls n'y puet alleir, tant que ilh se part en sept, et s'en entre vers orient, dont les IIII y entrent si roidement qu'ilh maintinent leurs doucheurs XX lieues dedens la mere. |
[Danube] Sachez que le Danube, aussi appelé Ister, naît dans les hauts monts d’Allemagne, du côté de la Lombardie ; il a pour affluents quarante fleuves, tous si grands, que nul ne peut le franchir, avant qu'il ne se divise en sept bras et se jette dans la mer vers l'est. Quatre de ses bras y pénètrent si puissamment que leurs eaux restent douces sur vingt lieues. |
[Site - Boiffre - Traiche - La mere congalée] Et oultre chu, al entrée d'orient, est la terre de Site ; desous est li mons Rifer et li Perborier où les oyseias grif nassent ; mains ilh est proveis por les saiges que la terre de Site est de Aisie, solonc chu que li conte dist chi-devant, jasoiche que ly isle de Site, qui sont dechà la Danuwe LXX miles pas lons de Boiffre et Traiche, où est la mere Morte. |
[Scythie - Bosphore - Thrace - La mer morte] Et au-delà, à la porte de l’Orient, se trouve la Scythie, et dessous, les monts Riphées et l'Hyperborée, où naissent les oiseaux griffons. En fait les sages ont prouvé que la terre de Scythie est en Asie, comme l'a dit précédemment le récit, bien que les régions de Scythie, en deçà du Danube, soient éloignées de soixante-dix miles pas du Bosphore et de Thrace, où est la mer Morte. |
[p. 303] [Trive - Maienche - Colongne - Franche - Galle - Burgongne - Quarentaine - Besenchon - Viane] Apres tantoist est la terre de Senne sus la Danuwe, qui dure jusques à fluis del Rien. Et sachiés que en Allemangne est l'archevesqueit de Maienche et Trive et Colongne, et VII aultres archevesqueit, et bien LIIII evesqueit jusques à Mes et Verdon, qui sont en paiis de Loheraine. Apres Allemangne, oultre le Rien, est France, qui fut jadis appellée Galle ; en quoy est promierement Borgongne, qui commenche aux montangnes entre Allemangne et Lombardie, à fluis del Roine, al archevesqueit de Quarentaine et de Besenchon et de Viane et de Umbrom, où ilh at XI evesqueit. |
[p. 303] [Trèves - Mayence - Cologne - France - Gaule - Bourgogne - Tarentaise - Besançon - Vienne] Aussitôt après on trouve depuis le Danube la terre des Saxons, qui s’étend jusqu’au Rhin. Sachez aussi qu’en Allemagne on trouve les archevêchés de Mayence, de Trèves et de Cologne et sept autres, ainsi qu'au moins cinquante-quatre évêchés, jusqu’à Metz et Verdun, en Lorraine. Après l’Allemagne, au-delà du Rhin, se trouve la France, autrefois la Gaule. Il y a d’abord la Bourgogne, qui commence aux montagnes entre l’Allemagne et la Lombardie, au fleuve Rhône, avec les archevêchés de Tarentaise, Besançon, Vienne et Embrun, où l’on trouve onze évêchés. |
[Lyon - Flandre - Picardie - Normandie - Bretagne - Poitou - Bordeal] Et puis commenche la droit Franche à la citeit de Lyon sour le Royne, et dure jusqu'en Flandre et la mere d'Engleterre, en Picardie, en Normandie, en la Petit-Bretangne, et Angou et Poitou, jusques à Bordeal sour Geronde, et jusques à [p. 304] Nostre-Damme de Puys, où ilh at VII archevesqueit et chinquant et unc evesqueit. |
[Lyon - Flandre - Picardie - Normandie - Bretagne - Poitou - Bordeaux] Ensuite la France proprement dite commence à la ville de Lyon sur le Rhône et s’étend jusqu’à la Flandre sur la mer d’Angleterre, en Picardie, en Normandie, en Petite-Bretagne, en Anjou, en Poitou, jusqu’à Bordeaux sur la Gironde, et Notre-Dame du Puy [p. 304]. On y compte sept archevêchés et cinquante et un évêchés. |
[Ays - Provenche - Arle - Nerbonne - Monpelier] Apres est Provenche jusques à la mere, où est l'archevesqueit de Ays en Provenche et de Arle, awec XIII evesqueit, de Nerbonne où est ly paiis de Tolouse, et Monpellier et IX aultres evesqueit. |
[Aix - Provence - Arles - Narbonne - Montpellier] Ensuite, jusqu’à la mer s'étend la Provence, avec l'archevêché d’Aix-en-Provence et Arles, treize évêchés, puis celui de Narbonne avec les régions de Toulouse et Montpellier et neuf autres évêchés. |
[Espangne - Aragon - Navaire - Portingal - Castel - Tolède - Compostel] Apres ches terres commenche le paiis de Espangne, qui dure par tout le terre de roy de Aragon et del roy de Navaire, et de roy de Portingal et de Castel, jusques à la mere Occeane, où est la citeit de Toletes, et Compostel où gieste li corps sains Jaque le Gran. |
[Espagne - Aragon - Navarre - Portugal - Castille - Tolède - Compostelle] Après ces territoires commence l'Espagne, qui s’étend sur toutes les terres des rois d’Aragon, de Navarre et de Portugal et de Castille, jusqu'à la mer Océane. Là sont situées la cité de Tolède et celle de Compostelle où repose le corps de saint Jacques-le-Majeur. |
[Calpe - Albine] Et sachiés qu'ilh at en Espangne IIII archevesques et XXXVIII evesques de cristiens, sens les Sarasiens qui sont là entours, et qui est la fien de la terre, solonc chu que les anchiens l'ont proveit. Et meismes le tesmongne la terre de Calpe et de Albine, où Hercules fist jadis ses columpnes, quant ilh vanquit tout la terre, en lieu où nostre mere est de la mere Occeane, et s'en vient parmy ches dois mons où sont les ysles grandes et les columpnes Hercules ; en teile manere qui laisse les marches et la terre de Auffrique à diestre et Espangne et tout Europe à seniestre, où ilh n'at pais VIIIm passe de large et XVm de long ; et ne fine jusques ès parties d'Aisie, et se conjoint à la mere Occeane. |
[Calpé - Abyla] Sachez aussi qu’il y a en Espagne quatre archevêques et trente-huit évêques pour les Chrétiens, sans compter les Sarrasins qui sont dans les environs. Là aussi se situe la limite de la terre, comme l’ont montré les Anciens, et comme en témoigne la terre de Calpé et d'Abyla, où Hercule établit jadis ses colonnes, après avoir conquis le monde entier. À cet endroit, notre mer Méditerranée venant de la mer Océane passe par les deux montagnes où sont les grandes régions et les colonnes d’Hercule. Elle laisse ainsi les marches et la terre d’Afrique à droite et toute l’Europe à gauche, formant un détroit de moins huit de mille pas de large et quinze mille de long. Elle s'achève en Asie et rejoint la mer Océane. |
[p. 304] [La Grant-Bretagne, c’est Engleterre - Cantorbie] D'aultre part, par le terre de Franche, vers septentrion, vat la mere Occeane, et por chu ilh fut jadis la fin de la terre habitée, jusques atant que les gens crurent et multipliarent, et qu'ilh passarent en une isle qui est en mere, et at de long VIIIc miles : chu est la Grant-Bretangne, qui ors est appellée Engleterre, où est l'archevesqueit de Cantorbie, et cel de Bruic et XVIII evesqueit. |
[p. 304] [La Grande-Bretagne, c’est l’Angleterre - Canterbury] De l'autre côté de la France, la mer Océane s'étend vers le nord. C'est pour cela que la France fut autrefois considérée comme la fin de la terre habitée, avant que les populations croissent, se multiplient et traversent en pleine mer vers une île, longue de huit cents mille pas : la Grande-Bretagne, dite aujourd’hui Angleterre, avec les archevêchés de Canterbury, de York et dix-huit évêchés. |
[Yrlande - Marchie - Casseles - Tuem - Escoche - Norwenge] Apres est Yrlande où est l'archevesqueit de Marchie et de Dintelin et de Casseles et de Tuem et XXXVI evesqueit. Apres est Escoche où ilh at IX evesqueit. Apres est la terre de Norwenge, où ilh at uns archevesqueit et X evesqueit. Et sachiés que la plus grant partie de toutes ches isles, et especialment en Yrlande n'at nuls serpens, et por chu dient les persans se ons leur porteit des pires de la terre de Yrlande, nuls serpens ne poroit là demoreir. |
[Irlande - Armagh - Cashel - Tuam - Écosse - Norvège] Vient ensuite l’Irlande, avec les archevêchés d’Armagh, de Dublin, de Cashel et de Tuam, ainsi que trente-six évêchés. Puis vient l’Écosse, qui compte neuf évêchés. Après c’est la Norvège avec un archevêché et dix évêchés. Et sachez que dans la plupart de ces îles, et spécialement en Irlande, on ne rencontre pas de serpents. C'est pourquoi les Persans disent que si on leur apportait des pierres venant d’Irlande, aucun serpent ne pourrait rester chez eux. |
[Thisle] Ilh at mult de ysles oultre Bretangne [p. 305] et oultre la terre de Norwenge, mains l'isle de Thisle est la derain qui est si durement en profont de septentrion que en esteit, quant li soleal entre en signe de Cancre, al plus long jours la nuit y est si petit qu'ilh est enssi que nient ; et en yvert, quant li soleal entre en Capricorne, as longes nuit li jour y est si petis qu'ilh at pou d'espasse entre levoir et cuchier. Et est cel marche congallée. |
[Thulé] Au-delà de la Bretagne [p. 305] et de la Norvège se trouvent beaucoup d’îles, dont celle de Thulé est la dernière. Elle est si profondément enfoncée dans le nord qu’en été, quand le soleil entre dans le signe du Cancer, au plus long jour, la nuit est si courte qu'elle semble inexistante ; et en hiver, quand le soleil entre dans le Capricorne, pendant les longues nuits, le jour est si court et il y a peu d’espace entre le lever et le coucher du soleil. Cette région frontalière est gelée. |
[Budes - Orchades] Apres est l'isle de Budes où les homines qui y habitent n'ont nulles bleis, mains ilhs vivent de poissons et de lait. Encors y sont les ysles Orchades où nuls gens n'abitent par nuls temps. |
[Hébrides - Orcades] Après on trouve l’île d’Hébride, dont les habitants ne connaissent pas le blé, mais vivent de poissons et de lait. Il y a en outre les îles Orcades, où personne n’habite, en aucun moment. |
Appendices : Les difficultés dans l'utilisation des textes géographiques - Fontaines merveilleuses
[p. 305] Apres deveis savoir que nos awisiens bien plus declareit de Europe des archevesqueit et vesqueit, et des aultres paiis et citeis, fluis et riviers que nos n'aions, mains en astons à tant passeis enssi bien com d'Aisie et d'Auffrique por dois chouses : l'une si est qu'ilh en fust tant d'escriptures que ons n'en venist nient à fin, car ilh n'at en monde citeit, fluis, riviere, lac, fontaine, monstres, arbres ne aultre diversiteit que les philosophes ne les nomment par nom ; et l'autre cause si est que ilh sont en latin si savage, que nos ne les poions remanchier, maiement les citeis et les fluis. Si vos dis qu'ilh at seulement en Europe milhe IIIIc et LXXV citeis toutes nommées par nom, sens les vilhes fermées, casteals, opide et forteres. Et si at LII parties de paiis, et de fluis cent et XLVIII, uns isle ; mains es fins des marches sus la mere at Europe mult de ysles : ilh y est l'isle de Sardine où ilh ne vint nuls serpens, et se ons en y porte ilhs morent. Item, y est l'isle de Thile, où les arbres sont todis folhus, ne se n'y chaient oncques les fuelhes jus des arbres. Item, ilh y est Sezilh où la montangne de Ethna art toudis. Item, y est Ybernie où ly purgatoire Sains-Patris est. |
[p. 305] Ensuite, sachez que, sur l'Europe, nous aurions eu beaucoup plus à dire concernant les archevêchés et les évêchés, les autres pays et cités, les fleuves et les rivières, mais nous en avons laissé de côté autant que pour l'Asie et l'Afrique, et cela pour deux raisons. La première est que les écrits sont si nombreux qu’on n’en vient pas à bout, car il n'est rien au monde, cité, fleuve, rivière, lac, source, monstres, arbres et autres choses, que les savants n'ont pas dénommés. L’autre raison est que ces noms sont écrits en un latin très sauvage, intraduisibles en roman. C'est le cas surtout pour les noms de villes et de rivières. Et rien qu'en Europe, il y a mille quatre cent soixante-quinze villes, toutes citées par leur nom, sans compter les villes fermées, châteaux, places-fortes et forteresses. Et il y a aussi cinquante-deux divisions de pays et cent quarante-huit cours d’eau. Aux confins de ses bords de mer, l’Europe compte aussi beaucoup d’îles. Ainsi la Sardaigne, qui est sans serpents, car ils meurent si on les y introduit ; ainsi l’île de Thilos, où les arbres sont toujours verts et ne perdent jamais leurs feuilles ; ainsi la Sicile, où l’Etna est toujours en activité ; ainsi l’Irlande avec le Purgatoire de saint Patrick. |
Item, ilh y at pluseurs mervelheux fontaines, entre lesqueils ilh at une en la petite Bretangne, de cuy aighe encontre une pire jettée fait plovoir et thonoir. Item, ilh at une fontaine en septentrion, qui fait ardre I feu al jetteir dedens. |
Il existe beaucoup de fontaines merveilleuses, dont une en Petite-Bretagne : son eau, quand on y jette une pierre, provoque la pluie et le tonnerre. Dans le nord, une fontaine fait s’embraser un feu quand on y jette quelque chose. |
[De Mamedie - Tongre] Item, ilh at une à Malmondie deleis Stavelot, cuy ly aighe [p. 306] devint pire si grant ou si petit c'on weult ; car ons fait une fosse en la terre, et jet-ons dedens la fosse del aighe, el soy convertit en bonne pire por mureir. Item at une à Tongre en Allemangne, qui garist de toutes maladies, sicom Plinius li philosophe dist. |
[Malmédy - Tongres] Il y a aussi, à Malmédy, près de Stavelot, une source dont l’eau [p. 306] se change en pierres, grandes ou petites, selon ce qu'on veut : en effet, on creuse une fosse dans la terre et on y jette de l’eau, qui se transforme en pierre solide comme pour fabriquer un mur. À Tongres, en Allemagne, une fontaine guérit toutes les maladies, comme le dit Pline le philosophe. |
Item, ilh est une fontaine en Ytaile, qui garist des surons qui vinent dedens lez oeux. Item, ilh at une fontaine en Norwe qui convertit en pire tout chu que ons mette dedens, queilconques chouses que chu soit, et les propres draps ; et si fut chu exproveit par l'emperere Fredrich. Ilh at I en Loheraine de cuy aighe, se vos le boleis en une paile, ilh devenrat seil beal et bon. |
En Italie aussi une source guérit des cirons qui viennent dans les yeux. En Norvège également, une fontaine change tout en pierre, quoi qu'on y jette, même ses propres vêtements ; l’empereur Frédéric en fit l'expérience. En Lorraine, une fontaine donne de l’eau qu'on fait bouillir dans un seau et qui devient du beau sel de bonne qualité. |
Conclusion des deux digressions (César et Alexandre - Mappemonde)
[p. 306] Ilh at des chouses mult mervelheux à monde, qui seroient long à racompteir ; si nos en tairons droit chi, et retournerons à nostre mateire, où nos l'aviens lassiet, al an Vc et LXXII. Vos aveis oiit chu que nos avons declareit del mappemonde, por le champt qui astoit esleveis d'Alixandre et de Julien Cesar al ocquison d'eaux, de quoy ly emperere Augustus prist le perilh sour luy, et dest que les comparations sont odieux ; mains les dois empereres Alixandre et Julien Cesaire avoient esteit valhans et preux en tous cas, et avoient mult conquis, et li uns plus que li aultre, mains ilh n'en diroit plus ; atant soy partirent de la plaiche. |
[p. 306] Le monde comporte des merveilles qu'il serait trop long d'exposer ; nous arrêterons donc ici ce sujet, et retournerons à notre matière, à l'endroit où nous l’avons laissée, en l’an 572 (17 a.C.n.). Vous avez entendu ce que nous avons exposé sur la mappemonde, pour le débat qui s’était élevé à propos d’Alexandre et de Jules César et qu’Auguste avait pris sur lui de régler. Il avait déclaré qu'il fallait rejeter les comparaisons, que les deux empereurs Alexandre et Jules César avaient été valeureux et preux en toutes circonstances, qu'ils avaient fait beaucoup de conquêtes, l’un plus que l’autre d'ailleurs, mais il n’en dirait pas plus. Le débat prit ainsi fin. |
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