Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, II, p. 323b-331a - Ans 632-636

 Édition : A. Borgnet (1869) - Présentation nouvelle, traduction et notes de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2021)

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ANS 632-636

ROIS MÉROVINGIENS - PRÉVÔTS - DIOCÈSE DE TONGRES - HÉRACLIUS - MAHOMET

 

A. Ans 632-633 = Myreur II, p. 323b-324a : Diocèse de Tongres : saint Remacle à Stavelot - Austrasie : succession du roi  Sigebert III (Dagobert II, Childebert, Childéric II)

 

B. An 633 = Myreur, II, p. 324b-328a : Diocèse de Tongres : long développement sur l'histoire de l'évêque Théodard

 

C. Ans 633-636 = Myreur, II, p. 328b-330a : Diocèse de Tongres : saint Lambert devient évêque - Mort de Mahomet - Monde franc : mort de Clovis II  (ses fils Clotaire III, Thierry III et Childéric II) ; des prévôts (Symbolus, Erchinoald, Anségisel, Ébroïn) se substituent progressivement aux rois mérovingiens ;  Andenne et sainte Begge - Divers : Héraclius et la Sainte-Croix ; Isidore de Séville

 

D. Digression hors chronologie = Myreur, II, p. 330b-331a : Précisions sur l'origine d'Ébroïn, de Dodon, d'Alpaïde et d'autres personnages, liés au meurtre de saint Lambert ; sur leur bannissement de Frise et leur arrivée en Hesbaye ; sur le roi Sébuste de Gothie, sur Sarconeux et le roi Polion de Frise

 


A. Ans 632-633 = Myreur, II, p. 323b-324a

Saint Remacle, abbé de Stavelot, fonde l'église de Saint-Trond - Après 5 ans, il transmet sa charge à Papolenus, tout en restant à l'abbaye - Succession de Sigebert III, roi d'Austrasie : son fils Dagobert II, tondu et exilé, meurt jeune - Childebert, couronné par son père Grimoald, est détrôné au profit de Childéric II (fils de Clovis II), couronné roi d'Austrasie - Successions au Danemark et à Louvain

 

Saint Remacle, abbé de Stavelot, fonde l'église de Saint-Trond

[II, p. 323b] [Sains Remacle fondat San-Tron] En cel an fut depart sains Remacle, abbeit de Stavelo, edifiiet l'engliese de San-Tron, enssi com dit est deseur, à la proier san Tron qui de la citeit de Mes estoit revenus ; et le fondat en l'honeur de sains Pire, et maintenant est-il de San Tron awec sains Pire et redicassié apres enssi, aussi bien que Stavelo est redicassié en l'honeur de sains Remacle et sains Pire, et Liege en l'honeur de sains Lambier et Nostre-Damme.

[II, p. 323b] [Saint Remacle fonda Saint-Trond] Cette année-là [632], saint Remacle, abbé de Stavelot, édifia l'église de Saint-Trond, comme on l'a dit ci-dessus, à la prière de saint Trond, revenu de Metz (cfr II, p. 312-313). Fondée en l'honneur de saint Pierre, elle a maintenant été redédicacée en l'honneur de saint Pierre et de saint Trond, tout comme l'église de Stavelot l'a été en l'honneur de saint Remacle et de saint Pierre, et celle de Liège, en l'honneur de saint Lambert et de Notre-Dame.

Après 5 ans, il transmet sa charge à Papolenus, tout en restant à l'abbaye

[Sains Remacle, quant ilh oit esteit abbeis V ans, ilh y renunchat] Apres chu revient sains Remacle à Stavelo et resignat la digniteit de la croche, portant qu'ilh voloit del tout renunchier aux songnes mondaines ; et soy maintenoit mult saintement dedens l'abbie dont ilh avoit esteit abbeis V ans, et viscat apres chu LVIII ans, menant vie angelique.

[Saint Remacle, après avoir été abbé durant cinq ans, renonça à sa charge] Après cela, saint Remacle revint à Stavelot et renonça à la dignité de la crosse, parce qu'il voulait être complètement déchargé des soucis du monde. Il resta très saintement dans l'abbaye, dont il avait été l'abbé durant cinq ans, et vécut encore cinquante-huit ans, en menant une vie angélique.

[De IIe abbeit de Stavelo] Adont sains Remacle ordinat Papolomeus abbeit de Stavelo, qui bien le governat ; mains toudis ilh prendoit conselhe et congier à sains Remacle de chu qu'ilh devoit faire.

[Le 2e abbé de Stavelot] Alors saint Remacle ordonna Papolenus comme abbé de Stavelot, lequel dirigea bien l'abbaye ; cependant il agissait toujours sur le conseil et avec l'accord de saint Remacle (cfr II, p. 319).

Succession de Sigebert III, roi d'Austrasie : son fils Dagobert II, tondu et exilé, meurt jeune

[Sygibert, roy d’Austrie, morut, et de Dangobert] En cel an morut li bons roy d'Austrie Sygibers, qui mult saintement avoit regneit XIIII ans et avoit faite mult de biens, en augmentant sainte Engliese. Chis oit I fis qui fut nommeis, Dangobert, qui estoit jovenes ; se le mist le roy en la governanche de unc sien prinche qui oit nom Grimoars, le fis legitime à Pipin dont li promier Pipin, peire à sainte Beghe, estoit oncles ; et prist plaine fianche en ly de son enfant.

[Mort de Sigebert III, roi d’Austrasie - Dagobert] Cette année-là, [633] mourut le bon roi d'Austrasie, Sigebert III, qui avait vécu très saintement pendant quatorze ans et avait fait beaucoup de bien en développant la sainte Église. Il avait un fils, nommé Dagobert II, qui était tout jeune. Le roi Sigebert lui avait donné comme gouverneur un de ses princes, nommé Grimoald, fils légitime de Pépin (de Herstal), le neveu du premier Pépin (de Landen), père de sainte Begge. Le roi faisait entière confiance à Grimoald au sujet de son enfant.

[Dangobert fut tondus et Hildebers fut fait roy par trahison] Et chis Grimoars avoit I fis qui oit nom Hildebers, et, por faire de son fis roy d'Austrie, ilh envoiat le jovene roy Dangobert en exilhe dedens une abbie en Escoche, où ilh fut moyne tondus. Chis Dangobert, quant ilh fut tondus à moyne, ilh n'avoit que V ans d'eaige, si endurat mult de travalhe en terre estrangue, et mult oit à souffrir anchois que ilh morist.

[Dagobert fut tondu et Childebert fut traîtreusement désigné roi] Mais ce Grimoald avait un fils, nommé Childebert, et pour faire de ce dernier le roi d'Austrasie, il envoya le jeune Dagobert en exil, dans une abbaye d'Écosse, où il devint moine tondu, alors qu'il n'avait que cinq ans. L'enfant subit beaucoup de tourments en terre étrangère et eut beaucoup à souffrir avant de mourir.

Childebert, couronné par son père Grimoald, est détrôné au profit de Childéric II (fils de Clovis II), couronné roi d'Austrasie

Et quant Lohier, ly anneis fis le roy Cloveis [II, p. 324] de Franche, le soit que li fis de son oncle estoit enssi peris, ilh le racomptat à prevoste Symbolus, et ly dest que ilh alast à Mes, et amenast par forche le prinche Grimoart et son fis Hildebers. Et chis y alat, si trovat que Grimoart avoit coroneit Hildebert, son fis, à roy d'Austrie ; si les prist ambdois et les amenat à Paris, et furent mis en prison deleis le roy Cloveis, qui adont estoit en povre estat, car ilh estoit forsenneis, sicom dit est.

Et quand Clotaire III, le fils aîné du roi Clovis II [II, p. 324] de Francie, apprit que le fils de son oncle avait ainsi perdu la vie, il le raconta au prévôt Symbolus et lui dit de se rendre à Metz et de lui amener de force le prince Grimoald et son fils Childebert. Le prévôt se rendit à Metz et découvrit que le prince Grimoald avait couronné son fils roi d'Austrasie. Il s'empara des deux personnages et les amena à Paris, où ils furent mis en prison, près du roi Clovis II, qui alors était dans un triste état, car il avait perdu la raison, comme on l'a dit (cfr II, p. 321).

[Hilderich fut roy d’Austrie] Adont envoiat Lohier son frere Hilderich (?) en Austrie com roy, et chis y alat : si fut coroneis à roy d'Austrie, et regnat asseis firement, et fut de son conselhe sains Thyars, evesque de Tongre, et sains Arnus, et son fis Ansegis qui estoit maris à sainte Beghe.

[Childéric fut roi d’Austrasie] Alors Clotaire envoya comme roi en Austrasie son frère Childéric, qui s'y rendit. Il fut couronné roi d'Austrasie et régna très fermement. Saint Théodard, évêque de Tongres, saint Arnould et son fils Anségisel, l'époux de sainte Begge, faisaient partie de son conseil.

Anségisel : sur ce personnage, cfr aussi II, p. 306, p. 322, p. 329, p. 340 et p. 451

Successions au Danemark et à Louvain

 [De roy dannois] En cel an morut ly roy de Dannemarche Ysidoron ; si regnat Ector, son fis, apres luy LXIII ans.

[Le roi danois] Cette année-là, le roi de Danemark, Ysodoron, mourut. Son fils Hector lui succéda pendant soixante-trois ans.

[De conte de Lovay] Item, l'an VIc et XXXIII en mois de junne, morut Dangobert ly conte de Lovay ; si regnat Andrier, son fis, apres luy XIIII ans.

[Le comte de Louvain] En l'an 633, au mois de juin, mourut Dagobert, le comte de Louvain ; son fils André lui succéda durant quatorze ans.

 


B. An 633 = Myreur, II, p. 324b-328a

Saint Théodard, évêque de Tongres, son efficacité de gestionnaire, son assassinat, ses miracles, dont la guérison de la maîtresse de la bergère fileuse, à l'origine d'un lieu de pèlerinage dans le diocèse de Worms - Sa dépouille est ramenée à Maastricht par saint Lambert et à Liège par saint Hubert - Madalberte, nourrice de saint Lambert

Saint Théodard

[II, p. 324b] [De sains Thyars, li evesque de Tongre] En cel an, le Xe jour de mois de septembre, fut martyrisiet sains Thyars, evesques de Tongre : si vos dirons en queile manere et por quoy. Vos aveis bien entendut la manere deseur declarée, comment sains Remacle laisat son evesqueit por eistre abbeis de Stavelo, et comment sains Thyars fut apres luy evesque VI ans, et avoit esteit disciple à sains Remacle.

[II, p. 324b] [Saint Théodard, l'évêque de Tongres] Cette année-là [633], le dix septembre, saint Théodard, évêque de Tongres, fut martyrisé. Nous vous dirons de quelle manière et pour quelle raison. Vous avez bien entendu de quelle façon, décrite ci-dessus (cfr II, p. 317), saint Remacle quitta son évêché pour devenir abbé de Stavelot, et comment saint Théodard, son disciple, lui succéda comme évêque pendant six ans.

Sur saint Théodard : Cfr Anselmi Gesta episc. Leod., § 2, p. 192 Koepke, qui fait état d'Acta S. Theodardi, AASS Sept 3 col 593-599, utilisé aussi dans PL, 160, col. 747-758 ; cfr aussi J. Schumacher, Vita et passio sancti Theodardi episcopi et martyris, éd. critique dans Bulletin de la Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège, t. 51, 1975, p. 22-43.

Chis sains Thyars fut mult joians de chu qu'ilh fut sicom evesque ordineis et consacreis, nient par orguelhe, mains portant que chu estoit I des grandes digniteit de monde, où uns hons poioit miez useir sa vie en Dieu servant glorieusement, sicom ilh fist ; car, tout chu qu'ilh regnat, ilh ne menat que sainte et si pure vie, que la sainte escripture demonstre que uns evesque doit et puet meneir : ilh estoit tousjours songneux alle engliese, et de l'onne engliese au l'autre par toute sa dioceise, en visentant tous les lieu à luy apartinant ; et chu qui estoit à chu apartinant et necessaire ilh le faisoit faire. Et en tous lieu, dedens et entour sa dyoceise, où ilh savoit des paiiens ou mescreians, ilh les alloit prechier et les convertissoit volentires. Et, enssi qu'ilh faisoit chu, ilh enqueroit oussi des biens de ses englieses qu'ilh en estoit, et comment ilh estoient paiis.

Saint Théodard fut très satisfait d'avoir été ordonné et consacré évêque, non par orgueil, mais parce que c'était une des grandes charges en ce monde qui permettait à un homme d'avoir une meilleure vie au service de la gloire de Dieu. Ce qu'il fit. Durant tout son règne en effet, il mena la vie simple et pure que, selon la sainte écriture, doit et peut mener un évêque. Il était toujours soucieux des églises, de toutes celles de son diocèse, visitant tous les endroits qui dépendaient de lui ; et ce qui était nécessaire dans ce domaine, il le faisait faire. Partout, à l'intérieur et aux environs de son diocèse, là où il savait que se trouvaient des païens ou des mécréants, il allait prêcher et les convertissait facilement. Et, en faisant cela, il s'informait aussi de ce qu'il en était des biens de ses églises et de ce qu'elles rapportaient.

Son efficacité de gestionnaire

Et tant enquist sains Thyars, qu'ilh vient à sa cognissanche que, par l'espause de XXX ans, avoient demoreis alcuns en defaute de paiement ; et cheaux estoient tyrans d'Allemangne, [II, p. 325] demorans en sa dyoceise meismes, qui tenoient les terres qui asdittes englieses estoient obligiés en certaines rentes heretaibles. Et ses predicesseurs evesques, Johans Angneal, sains Amans et sains Remacle, avoient esteit de chu ignorans, et avoient leur entention si fort tourneit aux oevres divines, que de chu recachier ne les sovenoit.

Saint Théodard fit tant de recherches qu'il réalisa que certaines personnes étaient en défaut de paiement depuis trente ans. C'étaient des gens d'Allemagne, violents et despotiques, [II, p. 325] qui demeuraient dans son propre diocèse, où ils détenaient les terres de certaines églises auxquelles ils ne versaient pas les rentes héréditaires qu'ils devaient. Ses prédécesseurs, tels Jean l'Agneau, saint Amand et saint Remacle, ignoraient cette situation. Ils étaient si soucieux des œuvres divines qu'ils avaient oublié de réclamer ces rentes.

Et sains Thyars, qui de toutes chouses fut songneux, s'avisat que ilh ne poiroit nullement chu souffrir que chu ne fust en prejudiche de son arme ; si mandat à ches tyrans que ilhs vosissent faire raison à son engliese, et, se chu nom, ilh s'en yroit deplandre al roy Hildrich d'Austrie, et ne les deporteroit plus.

Saint Théodard, qui se souciait de tout, pensa qu'il ne pouvait absolument pas supporter cet état de choses sans nuire à son âme. Il fit savoir à ces personnages de bien vouloir donner raison à son Église ; sinon, il irait se plaindre au roi Childéric II d'Austrasie et ne les supporterait plus.

Son assassinat et son martyre

[Sains Thyars, porquoy ilh fut martyrisiiet] Adont dessent ches tyrans que de sa requeste ilh ne feroient riens, et, se de chu ilh soy plaindoit al roy, ilh n'en varoit de riens mies. Et quant li sains evesque entendit chu, si dest, por rechivoir mort, ilh ne seroit jà teis que son engliese fust par son defaulte de ses possessions alieneez ; si dest qu'ilh s'en yroit en Beawier, où li roy Hilderich estoit aleis, por espouseir la filhe al duc de Beawier Gloriande.

[Pourquoi saint Théodard fut martyrisé] Mais les intéressés dirent qu'ils ne tiendraient aucun compte de sa requête et que, s'il allait se plaindre au roi, cela ne lui servirait à rien. En entendant cela, le saint évêque dit que, même s'il devait en mourir, il ne garderait jamais secret le fait que son église fût par sa faute privée de ce qui lui revenait et il dit qu'il irait en Bavière, où s'était rendu le roi Childéric, pour épouser Gloriande, la fille du roi.

[Hilderich fut fel] Et deveis savoir que chis roy Hilderich fut asseis fel et crueux, et avoit faite, à tous les Sarasiens, qui là et entour ly habitoient, certains accordanches parmy tregut paiant à luy, qu’ih ne les devoit de riens greveir, sique ilh chevalchoit entre eaux jusqu'en Dannemarche oussi bien qu'ilhs fuissent cristiens ; si prendoit à femme la filhe al duc de Beawier deseurdit, et faisoit-ons les noiches en Saxongne.

[Childéric fut déloyal] Vous devez savoir que ce roi Childéric était déloyal et sans pitié. Il avait passé certains accords avec tous les païens qui habitaient cette région et ses environs, accords selon lesquels il ne leur infligerait aucun dommage moyennant paiement d'un tribut. Il pouvait ainsi chevaucher jusqu'au Danemark en passant parmi eux, comme s'ils étaient chrétiens. À cette époque, il prenait pour épouse la fille du duc de Bavière et les noces se célébraient en Saxe.

[Comment sains Thyars fut martyrisiet] Adont s'aparelhat sains Tlayars et soy mist al chemien, awec ly unc simple clerc, jovenes et ignorans, et dest sains Thyars par luy-meismes qu'ilh s'en yroit al roy Hilderich, se ne savoit del revenir, car ilh le covenoit alleir lonche, et portant ilh mettoit son evesqueit et ses gens en la garde de Dieu, qui li avoit cargiet et commandeit à governeir.

[Le martyre de saint Théodard] Alors saint Théodard s'équipa et se mit en route, accompagné d'un simple clerc, jeune et sans expérience. Il se dit en lui-même qu'il irait trouver le roi Childéric, sans savoir s'il reviendrait, car il devait faire longue route. C'est pourquoi il mit son évêché et ses gens sous la garde de Dieu qui lui en avait confié la charge et la gouvernance.

Et puis s'en allat passant sa dyocese, si entrat en la terre de Biwalt sour le chemien de Mes ; mains enssi qu'ilh passoit de costeit une vilhe qui oit nom Haud, et est maintenant appellée Spire, ilh regardat devant ly, sy veit venir XII hommes à chevalchant parmy une grant chauce, qui avoient leurs espeez toutes [II, p. 326] traites, et escrient l'evesque : A la mort ! à la mort ! car ilh le covenoit morir. Et chis estoit Gridualdien, li conte de chesti vilhe, qui estoit peire à Gridoiens qui avoit les rentes deseurdit detenues XXX ans, et là estoit Gridoiens presens et les altres tyrans.

Et puis il s'en alla, traversa son diocèse et entra dans le territoire de Biwalt, sur le chemin de Metz. Mais tandis qu'il passait à côté d'une ville, qui avait porté le nom de Haud et était maintenant appelée Spire, il regarda devant lui et vit venir sur une grande chaussée douze hommes à cheval, qui brandissaient tous leurs épées [II, p. 326], criant à l'évêque : À mort ! à mort !, car ils voulaient sa mort. C'était Gridualdien, le comte de cette ville, le père de Gridoiens, qui avait détenu pendant trente ans les rentes mentionnées ci-dessus. Gridoiens était là présent avec les autres mauvais seigneurs.

Sur Spire : cfr la note de Bo ad locum, renvoyant à un passage de la chronique d'Anselme : haut longe ab urbe Nemetensi, quae Spira nunc dicitur : « Augusta Nametum est en effet le nom latin de Spire. Haud doit être une faute de copiste, ou peut-être du traducteur qui n'aurait pas compris le texte d'Anselme. »

Et quant sains Thyars les veit et entendit leur cri, ilh fut tout enbahis, si astargat unc pau et puis se dest : « Saingnours, por Dieu que demandeis ? Aiiés merchi de moy et ne welhiés vos mains mettre sour moy, car je ne demande que droit et les biens de mon engliese, car c'este vostre salut de rendre chu qui n'est mie vostre, et welhiés en vos avoir cariteit ; si vos sovengne de la foid Jhesu-Crist et en ralleis toute en pais, si lassiés à mon engliese ses possessions. Et se chu ne voleis faire et soit li terme de ma fin venue, chu moy plaiste et ne welhe pais refuseir, por l'amour de mon Salveur Jhesu-Crist, la mort rechivoir, quant ilh ne wot refuseir la mort por moy. Se Dieu at chu disposeit, si soit faite sa sainte volenteit, et reporte-je sus le peuple qu’ilh m'avoit commandeit. »

Quand saint Théodard les vit et entendit leurs cris, il fut stupéfié, s'arrêta et leur dit : « Seigneurs, par Dieu, que voulez-vous ? Ayez pitié de moi et veuillez ne pas mettre les mains sur moi, car je ne demande que le droit et les biens de mon église. Il y va de votre salut de rendre ce qui n'est pas à vous ; veuillez ressentir un peu de charité. Souvenez-vous de la foi en Jésus-Christ, repartez en paix et laissez à mon église ce qui lui revient. Et si vous ne le voulez pas, si le terme de ma vie est arrivé, j'accepterai la chose et ne refuserai pas de mourir, pour l'amour de mon Sauveur Jésus-Christ, s'il ne veut pas refuser que je meure. Dieu le veut. S'Il en a décidé ainsi, que sa sainte volonté soit faite et je charge le peuple de faire ce qu'Il m'avait commandé. »

Adont dessent les tyrans : « Que wes-tu dire ? hons, que quieres-tu et que avons à faire de tes vaynes parolles ? Chu que tu dis soit tiens, nos ne volons que riens en soit à nous. » Atant les tyrans asalhent le sains evesque par teile manere, que chu fut une pitieux chouse à veioir, car enssi que leux eragiés assalheroient I angneal, enssi fut-ilh attrappeis et abatus et decopeis ; et là fut-ilh laidement murdris, et oit son chief en tant de pieches decoupeis que chu fut mervelhe, qui gisoient par les champs, et son dyademe fut tout decoupeis. Puis prisent tout chu que ly proidbons avoit aporteit, si l'enportarent com sacrilege, et s'en alarent parmy la vallée par où ilh estoient venus.

Alors ses assaillants lui dirent : « Homme, que veux-tu dire ? Que cherches-tu et qu'avons-nous à faire de tes vaines paroles ? Ce que tu dis te concerne, nous ne voulons rien avoir avec cela ». Ils attaquent alors le saint évêque d'une manière très pénible à voir. Comme des loups enragés s'en prendraient à un agneau, ainsi l'évêque fut attrapé, abattu et découpé. Il fut horriblement assassiné. Ils découpèrent sa tête en un nombre incroyable de morceaux qu'ils jetèrent dans les champs. Son diadème fut découpé. Ensuite les vauriens prirent tout ce que le sage avait avec lui, emportèrent leur butin sacrilège et s'en allèrent dans la vallée, par où ils étaient venus.

Adont prisent les sains angles l'arme de li, et si l'enportarent en paradis tout chantant ; et ly jovene clerc, qui là estoit mult esperdus de son maistre qui enssi estoit murdris, rasenblat tontes les pieches de corps de sains evesque qui estoit degetteez par le champs, et remis cascon pieche l'onne à l'autre en ordre à la terre, affin qu'elle ne fussent mie perdues.

Alors les saints anges prirent l'âme de saint Théodard et l'emportèrent au paradis en chantant. Alors le jeune clerc, qui était là tout perdu à cause de son maître ainsi mis à mort, rassembla les morceaux du corps du saint évêque jetés à travers champs, et remit chacun d'eux en place par terre l'un à côté de l'autre, pour qu'ils ne soient pas perdus.

Ses miracles dont la guérison de la maîtresse de la bergère fileuse

[Sains Thyars commenche à faire myracles] Apres avient une grant mervelhe, et qui al dire et al oiir est bon à noteire, car, quant ly enfés oit mis les pieches ensembles, ilh s'avisat que, s'ilh poioit avoir de fileit, ilh recosderoit les pieches de corps de son maistre en une [II, p. 327] de ses cottes, se les garderoit plus legirement jusqu'à tant qu'ilh auroit aiide ; si alat droit vers la vilhe de laqueile ilh estoit pres. Si avient que en sa voie ilh trovat une pucelle qui gardoit les brebis et filloit à I quenolhe ; si vient à lée et li dest : « Femme, je toy prie que tu moy don de ton filet por recosdre le chief et le corps de mon maistre sains Thyars, qui chi dewant est murdris et encors ilh giest en son sanc. »

[Saint Théodard commence à faire des miracles] Après se produisit un prodige étonnant, qui, à dire et à entendre, est bon à signaler. Quand le jeune clerc eut rassemblé les morceaux, il pensa que s'il pouvait avoir du fil, il recoudrait les morceaux du corps de son maître dans une [II, p. 327] de ses tuniques et les garderait plus facilement,  en attendant d'avoir de l'aide. Il se rendit directement dans la ville la plus proche. Et en chemin il rencontra par hasard une pucelle qui gardait ses brebis et filait une quenouille ; il vint vers elle et lui dit : « Femme, je te prie de me donner de ton fil pour recoudre la tête et le corps de mon maître saint Théodard, qui vient d'être assassiné et gît encore dans son sang. »

Quant la pucelle entendit chu, si fut enbahie de la hisdeur del faite que ly enfés ly racomptoit, sique tous les cheveals li drecharent, et respondit à l'enfant d'on vois lente, sicom femme enbahie et grandement esplorée : « Beaux fis, chu que tu moy demande ne toy poroy donneir, car chu n'est pais miens chu que je fais de labure, ains est à la maiestre que je serf, et, se je ne reportoie à la vesprée ortant de fileit com les altres vespreez, je seroy batue vilainnement, car je ay aconstummeit del reporteir ortant une fois que l'autre, et ma maiestre le mesure toutes les vespreez, et, se elle en truve moins, je suy batue ; mains nonporquant, se je devoie eistre batue trois fois, se en aras-tu por recosdre ton maistre. » Si l'en donnat.

Quand la jeune fille entendit cela, elle fut étourdie par l'horreur de ce que le garçon lui racontait, au point que ses cheveux se dressèrent sur sa tête et qu'elle répondit, d'une voix lente, comme celle d'une femme ébahie et fort attristée : « Beau fils, ce que tu me demandes, je ne pourrais pas te le donner, car le produit de mon travail n'est pas à moi, mais à ma maîtresse. Si ce soir je ne lui rapportais pas autant de fil que les autres soirs, je serais affreusement battue, car j'ai l'habitude de lui ramener la même quantité chaque jour. Elle mesure ce que je lui donne, et si elle trouve moins de fil, je suis battue. Mais quoi qu'il en soit, même si je devais être battue trois fois, tu auras du fil pour recoudre ton maître. » Et elle lui en donna.

[Des II chirges ardans al corps sains Thiars] Et chis le prist, si s'en vat corant vers son maistre, si trovat II grans chirges ardans al chief et as piés de son maistre, si reglatissans qu'ilh ne savoit comprendre la fachon.

[Les deux cierges allumés près du corps de saint Théodard] Le garçon prit le fil et courut vers son maître. Il trouva deux grands cierges allumés, l'un à la tête et l'autre aux pieds de son maître, des cierges si resplendissants qu'il ne comprenait pas comment cela s'était fait.

Et la puceIle s'en rallat en son maison la nuit, et sa damme mesurat le fileit, si trovat qu'ilh en estoit moins que les altres fois ; se le frappat sus le chief de sa quenelhe unc grant coup, mains oussitoist elle perdit sa veuwe, si fut mult enbahie. Et la pucelle li dest que chu qui falloit de son fileit elle l'avoit donneit por recosdre les pieches del corps d'on glorieux evesque, qui estoit murdrit tantoist emmy les champs.

Quant à la pucelle, elle retourna chez sa patronne la nuit. La dame mesura le fil et trouva qu'il y en avait moins que les autres fois. Alors, avec sa quenouille, elle frappa un grand coup sur la tête de la fille, mais aussitôt elle perdit la vue et fut tout étourdie. La pucelle alors lui dit que le fil qui manquait, elle l'avait donné pour recoudre les morceaux du corps d'un glorieux évêque, qui venait d'être assassiné dans les champs.

[Sains Thyars fist reveir l’avoile femme] Quant la damme l'entendit, si commenchat à crier : « Hahay ! je ne voy gotte, je prie merchi à Dieu et à sains martyr. » Puis soy fist meneir à lieu où li sains corps gisoit, si s'engenaulhat et y offrit cent deniers d'argent, et sa lumiere li fut rendue. Adont fut la chouse defamée par tout le paiis là altour.

[Saint Théodard rendit la vue à la femme aveugle] Quand la dame entendit cela, elle se mit à crier : « Au secours ! Je ne vois plus rien, je prie Dieu et le saint martyr d'avoir pitié de moi. » Puis elle se fit mener à l'endroit où gisait le corps du saint, s'agenouilla et offrit cent deniers d'argent. La lumière lui fut rendue. Alors la nouvelle se répandit dans tout le voisinage.

La chouse fut diffamée par tout le paiis ; si vinrent toutes gens là acorrant : Iepreux, avoigles, clos, paralitiques et de toutes altres maladies. Là commenchat Dieu à demonstreir ses myracles por l'amour de sains martyr, et fut li corps mis en I fietre de bois, qui fut enporteis par quattres hommes [II, p. 328] en unc lieu que ons nomme Hectumbe, et fisent là une capelle où ilh fut ensevelis de l'evesque de Warmaise en cuy dyoceise ch'estoit.

La nouvelle se répandit dans tout le pays. Beaucoup de gens accoururent sur les lieux : lépreux, aveugles, boiteux, paralytiques, et malades de toutes sortes. Dieu commença à se manifester par des miracles, pour l'amour du saint martyr, dont le corps fut placé dans un cercueil de bois et emporté par quatre hommes [II, p. 328] dans un endroit nommé Hectumbe. Ils firent là une chapelle où le saint fut enseveli par l'évêque de Worms dont c'était le diocèse.

Un lieu de pèlerinage dans le diocèse de Worms avec la constitution d'un trésor

[Des pelerins qui vinrent visenter sains Thyars] Là fist Dieu tant de myracles por l'amour de sains Thyars, que tous les gens venoient Ià de Spire, de Warmaise, de Straisborch, de Trive et de Maienche sicom pelerins. Et li propre evesque de Spire et de Warmaise y vinrent, et fisent grant fieste et reverenche à sains martyr ; là aportoient or et argent les gens à si grant fuison, qu’ilh assemblarent unc grand tressoire.

[Les pèlerins vinrent visiter saint Théodard] Là, pour l'amour de saint Théodard, Dieu fit tant de miracles que des foules de gens venaient de Spire, de Worms, de Strasbourg, de Trèves et de Mayence comme pèlerins. Les évêques de Spire et de Worms s'y rendirent en personne et firent grande fête et révérence au saint martyr. Les gens y apportaient or et argent en telle profusion qu'un grand trésor s'y constitua.

[Del oraige qui chaiit à cheaz qui prisent les offrandes sains Thyars] Adont s'avisat li evesque de Warmaise, si vient à grant gens dedens Ia capelle, et prist toute le tressoire et le wot emporteir, quant unc si terrible tempeiste de pire et de tonoire leurs chaiit devant eaux, qu'ilh quidarent eistre mors : si priarent Dieu merchi et lasserent le tressoire. Adont fisent-ilh le corps sains Thyars mettre en halt, en unc fietre d'or et d'argent mult noblement. Enssi demorat là saint Thyars.

[Un orage s'abattit sur ceux qui prirent les offrandes faites à saint Théodard] Alors l'évêque de Worms prit une décision : il se rendit avec un grand nombre de personnes dans la chapelle, prit tout le trésor et voulut l'emporter, lorsque se produisit devant eux une terrible tempête de pierres, accompagnée de tonnerre, au point qu'ils crurent mourir. Ils demandèrent pardon à Dieu et laissèrent là le trésor. Ils firent placer en hauteur, très dignement, le corps de saint Théodard déposé dans une châsse faite d'or et d'argent. Et c'est là qu'il resta.

Le transfert de sa dépouille à Maastricht par saint Lambert et à Liège par saint Hubert - Madalberte, la nourrice de saint Lambert

[Sains Thyars fut par sains Lambert reporteis à Treit, et par sains Hubert à Liege - Madalberte, la nouriche sains Lambert] Mains puis, par divine inspiration et revelation de Dieu, le fist sains Lambers, son successeur, raporteir à Treit, et apres le fist sains Hubers raporteir à Liege la citeit, et ilh giest dedens le fiestre qui siet en l'engliese de Liege, awec le corps sains Lambers et Madalberte, la nouriche sains Lambers.

[Saint Théodard fut transporté à Maastricht par saint Lambert, et à Liège par saint Hubert - Madalberte, la nourrice de saint Lambert] Mais par après, suite à une inspiration et à une révélation de Dieu, saint Lambert, son successeur, le fit ramener à Maastricht. Plus tard encore, saint Hubert le fit transporter à Liège, et il gît, avec le corps de saint Lambert et celui de sa nourrice Madalberte, dans la châsse qui se trouve dans l'église de Liège.

Madalberte : Sur cette nourrice de saint Lambert, cfr aussi II, p. 309-310 et p. 415 (notamment).

Enssi fut murdris sains Thyars, le Xe jour de septembre l'an VIc et XXXIII. Et à cel jour fait-ons encor sa sollempniteit en lieu où ilh fut murdris, tos les ans et à sainte Engliese.

Ainsi fut mis à mort saint Théodard, le dix septembre de l'an 633. Ce jour-là, tous les ans, on célèbre encore sa fête à l'endroit où il fut tué, ainsi que dans la sainte Église.

 


C. Ans 633-636 = Myreur, II, p. 328b-330a

Saint Lambert accède à l'épiscopat de Tongres sur ordre du roi Childéric II d'Austrasie - Mort de Mahomet - Mort de Clovis II (ses fils et successeurs : Clotaire III, Thierry III et Childéric II) - Isidore de Séville - La Sainte-Croix et Héraclius - Andenne et sainte Begge - Divers - Les prévôts d'Austrasie et de Neustrie (Symbolus, Erchinoald, Anségisel, Ébroïn) se substituent progressivement aux rois mérovingiens

Saint Lambert

[II, p. 328b] [Sains Lambert fut eslui à XXIXe evesque de Tongre] Apres la mort sains Thyars fut fais et consacreis à evesque de Tongre ly XXIXe, al commandement le roy Hilderich d'Austrie, ly glorieux sains Lambers, ly fis Aper, qui estoit conte d'Osterne, c'este le conteit de Louz, et sires de Siglant, que ons dist maintenant la ducheit de Cleyve. Mains ilh le refusat à la promier fois, sique ly peuple s'en alat plaindre de luy al roy d'Austrie. Et adont ly roy le mandat devant li en la citeit de Mes, et ilh y alat. Tantoist que le roy le veit, ilh soy levat encontre luy et ly dest : « Beaux cusins, seieis-vos chi. » Si l'asseit al desus de ly, et ly priat mult douchement, et ly commandat al derain tant, qu'ilh acceptat la digniteit en nom de la sainte Triniteit, et puis soy partit. Enssi fut sains Lambers evesque, et regnat XLI ans, et avoit jà XXX ans d'eiage, chu fut LXXI an qu'ilh avoit quant ilh fut martyrisiet. Vos saveis bien de queis gens fut sains Lambers de peire et de mere, car nos l'avons dit par-deseur, et awec chu y avons dit [II, p. 329] les myracles qu'ilh fist en sa jovente, siqu'ilh ne les faut mie reciteir.

[II, p. 328b) [Saint Lambert fut élu 29e évêque de Tongres] Après la mort de saint Théodard, le glorieux saint Lambert, sur ordre du roi Childéric d'Austrasie, fut consacré évêque de Tongres. Il était le fils d'Aper, comte d'Osterne, aujourd'hui comté de Looz, et seigneur de Siglant, appelé maintenant duché de Clèves. Mais, une première fois Lambert refusa la charge, si bien que le peuple alla se plaindre au roi d'Austrasie. Alors, celui-ci lui ordonna de se présenter devant lui, dans la cité de Metz, et il y alla. Dès que le roi le vit, il se leva et alla à sa rencontre en lui disant : « Beau cousin, asseyez-vous ici. » Il l'installa au-dessus de lui, le pria d'abord avec grande douceur, et finalement lui donna l'ordre d'accepter la dignité épiscopale au nom de la sainte Trinité. Puis il le quitta. C'est ainsi que saint Lambert fut évêque. Il avait alors trente ans ; il régna quarante-et-un ans et fut martyrisé à septante-et-un ans. Vous savez bien quel genre de personnes étaient son père et sa mère, nous l'avons dit plus haut (cfr II, p. 309-310). Nous avons parlé aussi [II, p. 329] des miracles qu'il accomplit dans sa jeunesse. Pas besoin de nous répéter.

Mort de Mahomet

[II, p. 329b] [Machomet morut, ly dieu des Sarasins] Item, l'an VIc et XXXIIII morut Machomet, li dieu des Sarasins, qui estoit roy d'Arabe et fut devoreis d'on troie, en teile manere com dit est devant.

[Mort de Mahomet, le dieu des Sarrasins] En l'an 634 mourut Mahomet, le dieu des Sarrasins, qui était roi d'Arabie. Il fut dévoré par une truie, comme nous l'avons dit plus haut (cfr II, p. 296-297).

Mort de Clovis II - Ses fils et successeurs : Clotaire III, Thierry III, Childéric II

[Lohier, li XVIe roy de Franche] En cel an morut ly roy Cloveis de Franche, qui avoit esteit forsenneis ; mains ilh revienet en son sens et en sa memoire, XXI jour anchois qu'ilh morist. Chis avoit III fis : Lohiers, ly anneis, qui fut roy de Franche apres son peire, si regnat trois ans ; ly altre oit nom Thyris, qui puis fut roy de Franche ; et li thiers fut ly roy Hilderich d'Austrie, qui puis fut roy de Franche

[Clotaire III, 16e roi de Francie] Cette année-là [634] mourut Clovis II, le roi de Francie. Il était devenu fou mais avait retrouvé son intelligence et sa mémoire vingt-et-un jours avant de mourir. Il avait trois fils : Clotaire III, l'aîné, qui devint roi de Francie après son père et régna durant trois ans ; l'autre s'appelait Thierry III, qui devint ensuite roi de Francie, et le troisième Childéric II d'Austrasie, qui fut après lui après roi de Francie.

Mort de Clovis II : pour souligner la discordance entre la chronologie de Jean et la nôtre, relevons que Clovis II est mort en 657 n.è.

Isidore de Séville

A cel temps estoit en grant auctoriteit Ysidorus, qui fut si grans clerc et fut evesque de Yspalensis, qui fist unc libre de ethymologie et oussi des croniques biens veritables, de temps sains Jeromme jusqu'à sa fin, lesqueis sont tous en chis present libre.

En ce temps-là, Isidore jouissait d'une grande autorité. C'était un très grand clerc qui fut évêque de Séville. Il écrivit un livre d'étymologies, ainsi que des chroniques, pleines de vérité, qui vont du temps de saint Jérôme jusqu'à sa mort, lesquelles ont toutes été utilisées dans le présent livre.

La Sainte-Croix et Héraclius

[Del sainte Crois] Item, l'an VIc et XXXV fist li emperere Eracles, por le doubtanche des Sarasins cuy ilh guerioit, la sainte vraie crois aporteir de Jherusalem en Constantinoble, de laqueile crois fut depuis une grant partie aportée à Paris, al proiier sains Lowi le roy de Franche.

[La Sainte-Croix] En l'an 635, l'empereur Héraclius, par crainte des Sarrasins contre qui il guerroyait, fit amener la Sainte-Croix véritable de Jérusalem à Constantinople. Une partie importante de cette croix fut par la suite apportée à Paris, à la prière de saint Louis, le roi de France.

Divers : Clotaire III, Childéric II, Thierry III : rois et prévôts - Fondation d'Andenne - Ébroïn

[Les roys Lohier et Hilderich furent enchaciés] En cel an morut Symbolus, ly prevoste de Franche, sens heures ; si muet grant discord entres les Franchois del faire unc prevoste, car ly roy Lohier disoit qu'ilh voloit eistre sires de son paiis, et estoit de son opinion ly roy d'Austrie Helderich, son frere. De chu orent les Franchois si grant duelhe et si grant despit, qu'ilh encacharent le roy Lohier et Hildris de leurs rengne, et, por eaux à faire plus grant despit, ilh eslisirent unc prevoste en Neustrie et I en Austrie ; si fut esluys en Neustrie, que ons dist Franche, unc prinche qui oit nom Ercanewans, et d'Austrie le fut Ansegis, ly fis sains Arnus et maris à sainte Beghe et peire à Pipin le Gros, à cuy fut fis natureile Carle Marteile.

[Les rois Clotaire III et Childéric II furent chassés] Cette année-là [635], Symbolus, prévôt de Francie, mourut sans héritiers. Une grande querelle éclata entre les Francs au sujet de la désignation d'un prévôt : en effet, le roi Clotaire III disait qu'il voulait être le seigneur de son pays, et le roi d'Austrasie Childéric II, son frère, était du même avis. Les Francs en éprouvèrent une si grande douleur et un si grand dépit qu'ils chassèrent les rois Clotaire III et Childéric II de leur royaume, et élurent un prévôt en Neustrie et un autre en Austrasie. En Neustrie, qu'on appelle aussi Francie, fut désigné un prince nommé Erchinoald, et en Austrasie, ce fut Anségisel, fils de saint Arnould, mari de sainte Begge, père de Pépin le Gros, lequel eut comme fils naturel Charles Martel (cfr II, p. 340).

Anségisel : sur ce personnage, cfr aussi II, p. 306, p. 322, p. 324, p. 340 et p. 451.

[La fondation d’Andenne] Et ceste sainte Beghe fondat l'engliese d'Andenne-sour-Mouse et la vilhe, et y mist des gentilhes dammes.

[La fondation d’Andenne] Et cette sainte Begge fonda l'église et la ville d'Andenne-sur-Meuse et y installa des dames de la noblesse (répété en II, p. 342).

Adont commencharent lesdis prinches à regneir en Austrie et en Neustrie. Quant les roy Lohier et Hilderis veirent chu, si s'acordarent à leurs gens, et revinrent en leur paiis en grant servaige, car ilh fut adont ordineit que les roys ne soy melleroient de riens, fours que boire et de mangnier, et del donneir des beaux dons tous les ans, [II, p. 330] les kalendes de may, et les prinches del palais governeroient la royalme entirement.

Alors les dits princes commencèrent à régner en Austrasie et en Neustrie. Quand les rois Clotaire III et Childéric II virent cela, ils se mirent d'accord avec leurs gens et revinrent dans leur pays comme de simples sujets. Il fut en effet décrété que les rois ne se mêleraient de rien, si ce n'est boire et manger, et faire des dons importants tous les ans, [II, p. 330] aux calendes de mai, tandis que les princes du palais gouverneraient totalement le royaume.

Thierry III et Ébroïn

[Thyris, li XVIIe roy franchois] Item, l'an VIc et XXXVI, prist une maladie de coroche al roy Lohier, dont ilh languiste une an, portant que ons les avoit si asservis, et al chief de l'an ilh morut. Et adont fut fais roy Thyris, son frere.

[Thierry III, 17e roi de Francie] En l'an 636, le roi Clotaire III fut frappé d'une violente fièvre dont il souffrit durant un an, du fait qu'on l'avait très mal soignée. Il mourut au début de l'année. Alors Thierry, son frère, devint roi.

Le sens exact du mot coroche (habituellement colère ? indignation ?) dans ce contexte n'est pas clair. Au chapitre 2 de la Continuation de la Chronique de Frédégaire, on trouve  « le roi Clotaire, emporté par une violente fièvre, s'éteignit dans sa jeunesse après avoir régné quatre ans ».

[De Ebroien] Chis Thyris avait unc chevalier qui estoit son gran amis, mains chu estoit ly piour personne qui fust en monde : si fut nommeis Ebroien, qui par son malisce et ses dons fist tant à cheaux qui le duc ou le prevoste de Franche eslisoient, qu'ilh fist priveir Ercanewans, et fut en lieu de luy mis chis Ebroien qui fut unc trahitre, murdreur, tyrans, lauron, et plains de toute malvaisteit, et li piour de monde.

[Ébroïn] Ce Thierry III avait un grand ami, un chevalier, mais c'était la pire personne qui soit au monde. Il s'appelait Ébroïn. Par sa malice et ses talents, il causa tant de maux à ceux qui étaient désignés par le duc ou le prévôt de Francie qu'il réussit à priver Erchinoald de son poste. Et, à la place de ce dernier, fut nommé cet Ébroïn, qui fut traître, meurtrier, tyran, voleur, plein de méchanceté, et le plus mauvais du monde.


 

D. Digression hors chronologie = Myreur, II, p. 330b-331a

Précisions sur les rapports généalogiques et l'origine géographique d'Ébroïn, de Dodon, d'Alpaïde et d'autres personnages, liés au meurtre de saint Lambert - Sur le roi Sébuste de Gothie, Sarconeux et le roi Polion de Frise - Sur leur bannissement de Frise, ses causes, leur arrivée en Hesbaye et leurs fondations dans ce pays

[II, p. 330b] [Le generation Ebroien et Dodo et Alpays] Si vos compteray cuy Ebroien estoit, si le poreis aprendre à congnoistre. A cel temps que Dangobert, li roy de Franche, visquoit, rengnoit en stroite Gothie unc roy qui estoit nommeis Sebustes, et si estoit varians al loy de Dieu, si estoit issus del generation des Huens. Chis oit II fis et une filhe : ly anneis fis oit nom Sebustes, qui tient la terre apres son peire, de cuy grant generation issit tous trahitres ; et li aultre fis oit nom Sarconeux, qui oit la filhe le roy de Sclavonie à femme, qui avoit à nom Dodonne, de laqueile ilh oit trois fis et une filhe qui fut nommée Alpays. Si fist puis ceste Alpays fornication et adulteir awec Pipin le Gros, de quen fut murdris sains Lambers.

[II, p. 330b] [La généalogie d'Ébroïn, de Dodon et d'Alpaïde] Je vais vous dire qui était Ébroïn, ainsi vous pourrez apprendre à le connaître. Au temps du roi de Francie, Dagobert, régnait en petite Gothie un roi nommé Sébuste (cfr II, p. 307 ; II, p. 334) qui s'écartait de la loi de Dieu et était issu des Huns. Il eut deux fils et une fille : l'aîné, appelé lui aussi Sébuste, succéda à son père en tant que roi du pays ; il donna naissance à une importante famille de traîtres ; le fils cadet, nommé Sarconeux, épousa Dodonne, la fille du roi de Sclavonie, dont il eut trois fils et une fille. La fille, appelée Alpaïde, forniqua et commit l'adultère avec Pépin le Gros, ce qui causa le meurtre de saint Lambert.

La Gothie et Sébuste : On retrouve ici, très allusivement,  Sébuste et la Gothie. La Gothie, « pays des Goths », est un terme vague, les Goths ayant traversé ou occupé plusieurs parties de l'Empire. Les Goths de l'Ouest (les Wisigoths) ayant fini par occuper l'Espagne, la « petite Gothie » pourrait ici désigner ce pays.  Quelle que soit son ascendance lointaine (les Huns, pour Jean), le Sébuste de II, p. 307, après avoir défait les Perses, serait venu s'établir dans ce pays. En tout cas, en II, p. 334, ce Sébuste est étroitement lié à  l'Espagne, on en reparlera. Mais pour en venir à la présente notice, c'est sur le fils du Sébuste, vainqueur des Perses, qu'elle met l'accent. Dans un but bien précis, le placer à l'origine d'une famille dont certains membres jouèrent un rôle détestable dans le diocèse de Tongres-Maastricht. De cette famille de traîtres, le Myreur parlera beaucoup dans la suite. Avec ce tableau généalogique, Jean introduit en quelque sorte un nouveau sujet.

[La fundation d’Avroit par Dodo] Item, des trois fis fut Guyon ly anneis, qui d'Ains et de Molins fut sire, et le nommoit-ons le chevalier as cos ; et li secon oit nom Dodo, qui fondat Avroit et en fut sire ; et li thiers oit nom Feolanche, chis fut sires d'Embour.

[La fondation d’Avroy par Dodon] En ce qui concerne les fils, l'aîné, Guy, fut le seigneur d'Ans et de Molin ; on l'appelait le chevalier au coq (cfr II, p. 367). Le second, nommé Dodon, fonda Avroy et en fut le seigneur. Quant au troisième, Féolanche, il fut le seigneur d'Embourg.

[Trahitres contre trahitres - Dodo et Alpays furent banis fours de Frise] Ors avient que Polions, ly roy de Frise, fut teilement infurmeis de Sarconeux, que ilh le fist pendre aux forches ; si vous dirons le cause por quoy. Sarconeux regnoit en Frise, car ly roy Polions estoit son cusins, si soy maintenoit si orgulheusement, que ons ne poioit dureir por luy. Adont se vont aviseir trahitre contre trahitre : ilh avoit là de trahiteurs oussi bien que Sarconeux estoit, qui racontarent al roy Polion que Sarconeux le voloit murdrir ; et avoient tesmons à chu afaitiés, dont ilhs provont leurs propoises, si que li roy Polion fist pendre Sarconeux, et ses trois fis et sa filhe Alpays ilh fist crieir fours de son paiis banis. Si vinrent en Hesbay où les fis prisent femmes à leurs volenteit, car ilhs estoient de si grant sanc [II, p. 331] que les riches barons les donnarent leurs fiIhes et leurs terres.

[Traîtres contre traîtres - Dodon et Alpaïde furent bannis de Frise] Il se fit que Polion, le roi de Frise, reçut de telles informations sur Sarconeux qu'il le fit pendre. Nous vous dirons pourquoi. Sarconeux, dont le roi Polion était le cousin, vivait en Frise et s'y comportait avec tant d'arrogance que cette situation ne pouvait durer. On allait voir alors des traîtres agir contre d'autres traîtres. Il y avait là en effet des gens aussi traîtres que Sarconeux, lesquels racontèrent au roi Polion que Sarconeux voulait le tuer et qu'ils avaient des témoins prêts à fournir des preuves de ce qu'ils disaient. Il en résulta que le roi Polion fit pendre Sarconeux et proclamer le bannissement de ses trois fils et de sa fille Alpaïde. Ceux-ci vinrent en Hesbaye, où les fils prirent les épouses qu'ils voulaient, car ils étaient de sang si noble [II, p. 331] que les riches barons leur donnèrent leurs filles et leurs terres.

[Guyons oit Ains, Feolanche Embour, Dodo Avroit et Alpays awec] Guyons oit Ains et Molins, et Feolanche oit Embour, et Dodo fondat Avroit, devant Mouse la riviere, et Alpays demoroit awec ly. Guyon, li sires de Molins, oit une belle filhe, qui oit à marit Harduars de Cuchi dont ilh issit unc fis qui fut appelleis Guys ; chis fis oit à femme Andelis de Avergne, filhe à conte, de laqueile ilh oit IIII fis : Hardreis et Amaris et Abbuens et Griffons.

[Guy eut Ans, Feolanche Embourg, Dodon Avroy avec Alpaïde] Guy eut Ans et Molin, et Féolanche eut Embourg, Dodon fonda Avroy, devant la Meuse, et Alpaïde resta avec lui. Guy, seigneur de Molin, avait une fille ; elle était belle et avait pour époux Harduars de Coucy (elle s'appelait Géneline, cfr II, p. 371) ; ils eurent un fils qui fut appelé Guy ; ce fils eut pour femme la fille du comte d'Auvergne, Andelis, qui lui donna quatre fils : Hardreis, Amaris, Abbuens et Griffon.

[De trahitre Gennulhon] Des trois moy tairay tant com à present, jusqu'à tant qu'ilh en serat temps del parleir ; mains de Griffons vous diray, qui oit Berengine, la filhe Ysonart d'Autrefuelhe, si en oit IIII fis : Griffon, Hardreis, Gennelhon et Berengier, dont Gennulhon fut cheluy qui les barons de Franche vendit à Rencheval. Enssi aveis l'origination de faux linaige Gennulhon ; si vos dirons de Ebroien.

[Le traître Ganelon] Je ne dirai rien des trois premiers fils (il sera temps plus tard d'en parler, cfr II, p. 394) pour n'évoquer ici que le cas de Griffon. Il eut quatre fils de Bérengine, fille d'Ysonart de Hautefeuille, à savoir : Griffon, Hardreit, Ganelon et Bérenger. Ganelon fut celui qui vendit les barons de Francie à Roncevaux. Ainsi vous connaissez l'origine du perfide lignage de Ganelon (cfr II, p. 371). Nous vous parlerons maintenant d'Ébroïn.

Ganelon est un personnage littéraire. C'est un comte franc qui joue un rôle de traître dans la Chanson de Roland et qu'on retrouvera dans le Tome III du Myreur où il sera cité plus de trente fois. On notera le soin avec lequel le chroniqueur fait de la famille de Dodon et d'Alpaïde une famille de traîtres. L. Michel (Les légendes carolingiennes dans l'oeuvre de Jean d'Outremeuse, Bruxelles, 1935, p. 140-141) note que « le nom de Dodon, dans la tradition liégeoise, [est] devenu synonyme d'assassin ». 

[De Ebroien et ses frères] Sachiés que ly roy Sebustes oit une filhe qui fut nommée Ebroiene, et celle estoit soreur à Sarconeux, qui fut pendus en Frise, le peire Dodo. Celle Ebroine oit unc chevalier à marit qui oit à nom Wandelagus de Potiers, si en oit III fis : Ebroien fut ly anneis, Walfoan fut li second et Brodiach fut li thiers : chis fut ly linaige Ebroien, et Dodo et ses freres estoient cusiens germains à Ebroien, de freres et de soreur issus ; si revenray à ma mateire.

[Ébroïn et ses frères] Sachez que le roi Sébuste avait une fille portant le nom d'Ébroïne, qui était la sœur du Sarconeux pendu en Frise et frère de Dodon. Cette Ébroïne épousa un chevalier, nommé Wandelagus de Poitiers, dont elle eut trois fils : Ébroïn était l'aîné, Walfoan le second, et Brodiach le troisième (cfr II, p. 340) : tel fut le lignage d'Ébroïn ; Dodon et ses frères étaient les cousins germains d'Ébroïn, issus de frère et de sœur. Maintenant je reviendrai à ma matière. [suite d'Ébroïn, II, p. 331b]

Ébroïn : À  la différence de beaucoup d'autres personnages cités dans les notices qui précèdent et qui sont inventés (on a parlé de Sébuste, mais il y a aussi Sarconeux, Polion et bien d'autres), Ébroïn est un personnage historique qui joua un rôle très important dans le monde franc, essentiellement comme maire du palais de Neustrie depuis 637 n.è., à l'époque des rois Clotaire III, Thierry III et Childéric II. Il sera assassiné vers 680 n.è. La généalogie que lui donne ici Jean d'Outremeuse est fantaisiste. Ses frères, Walfoan et Brodiach, qui reviendront plus loin dans le récit (cfr II, p. 340), sont des personnages inventés, tout comme sa mère d'ailleurs (Ébroïne !) ainsi que son père. En faisant remonter Ébroïn à Sébuste (personnage fictif lui aussi), Jean  a tenu à rattacher le maire du palais de Neustrie à une famille de méchants, de mauvais et de traîtres.

Jean d'Outremeuse le fait intervenir dans le Myreur, ici (en II, p. 330), et aussi en II, 331, II, 339, II, 340, II, 341, II, 342, II, 345), mais il occupait déjà une large place dans la Geste de Liège, vers 8595-9302 passim, des vers dont Jean s'est manifestement inspiré dans le Myreur. Il est aussi question d'Ébroïn dans le Liber historiae Francorum, § 45-47, p. 153-161, éd. Lebecq, dans Frédégaire, Continuations, § 2-4, p. 203-209, éd. Devillers-Meyers et dans les Grandes Chroniques, T. 2, livre IV, § 23-24, p. 199-208, éd. Viard.


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