Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, II, p. 1-9a
Édition : A. Borgnet (1869) ‒ Présentation nouvelle, traduction et notes de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2021)
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REMARQUE GÉNÉRALE SUR L'ORGANISATION DU TOME II
La coupure introduite ici entre ce fichier et le précédent (I, p. 579-586) n'a rien à voir avec le contenu. Elle est tout à fait artificielle et reflète simplement la division adoptée par l'éditeur Ad. Borgnet. Pour des raisons matérielles, il a réparti sur deux volumes le Livre premier du Myreur des Histors. Le lecteur retrouvera ici la suite (et la fin) du récit épique commencé dans le fichier précédent et que nous avons appelé La Geste de Valentin, de Thomas et de Clodas.
Mais avant d'examiner la suite de cette Geste, un élément très important doit être signalé. Nous avons, à partir d'ici, assez profondément modifié la présentation du matériel. Dans les fichiers précédents, le texte de Jean était généralement précédé d'une série d'observations et de notes visant à en éclairer la lecture. En fait, ces développements prenaient parfois tellement d'importance qu'ils risquaient de rejeter le texte au second plan. Désormais, dans la section du Myreur retenue pour l'analyse, nous utiliserons une autre formule. Un fichier sera consacré exclusivement au texte et à la traduction, la lecture en étant facilitée par un système de sommaires, de titres, de sous-titres et d'intertitres. La nouveauté dans le tome II sera que lorsque cette analyse nécessitera des observations et des remarques trop abondantes, les développements nouveaux jugés intéressants seront rassemblés dans des fichiers annexes séparés, auxquels nous donnerons tantôt le titre de Notes de lecture (N), tantôt celui de Dossiers (D) en fonction de leur contenu.
Le lecteur ne devra pas se méprendre sur la nature de ces Notes de lecture et de ces Dossiers. On n'y trouvera pas un commentaire au sens propre, qui suivrait l'ordre d'apparition des notices. Elles sont le résultat d'un choix ‒ personnel, donc arbitraire ‒ d'observations, d'informations et de jugements dictés par l'optique de notre travail : faire comprendre le texte bien sûr en le situant dans son contexte, mais aussi essayer de déterminer la méthode de travail de Jean d'Outremeuse ainsi que sa place dans la tradition historiographique.
Pour prendre un exemple de Notes de lecture, celles qui concernent Myreur, II, p. 1-9 et qui sont rassemblées dans un seul fichier annexe, aborderont les questions suivantes : A. La Geste de Valentin, de Thomas et de Clodas (présentation générale); B. Les successions et les réalisations impériales (dans l'Histoire ; dans la vision de Jean ; le vallum écossais ; les frasques d'empereurs ; les questions religieuses) ; C. Les évêques de Tongres entre Materne et Servais ; D. La papauté ; E. Quelques passages parallèles (Martin et Orose).
Pour prendre un exemple de Dossiers (D), les D06, D11 et D13 seront consacrés exclusivement à saint Servais. Ils se rattachent à la présentation que Jean d’Outremeuse fait de cet évêque de Liège et cherchent à la replacer dans la tradition historiographique de ce saint. C’est un aperçu d’ensemble sur saint Servais dans l’histoire et dans l’ensemble de la littérature médiévale. À eux trois, ces dossiers pourraient très facilement constituer un article indépendant.
Les notes de lecture et les dossiers, on le voit, ne sont donc pas des commentaires au sens propre du terme. À la limite, le lecteur pourrait les laisser tomber et se limiter à la lecture des fichiers Textes et Traductions.
SOUS SEPTIME SÉVÈRE ET SES SUCCESSEURS : Suite ET FIN de la geste de Thomas de Bretagne et de Clodas - Empereurs - Papes - DIVERS
Ans 205-229 de l'Incarnation
Introduction
Nous avons maintenant sous les yeux le fichier Texte et Traduction des premières page du tome II, p. 1-9. Comme nous l'avons dit au début, la coupure introduite ici entre ce fichier et le précédent (I, p. 579-586) n'a rien à voir avec le contenu. Elle est tout à fait artificielle et reflète simplement la division adoptée par l'éditeur Ad. Borgnet. Le fichier annexe des Notes de lecture sera accessible plus loin.
texte et traduction
* Successions : Le pape Zéphyrin à
Rome - Le comte André à Louvain (204 ?)
* Septime Sévère persécute les chrétiens et se prémunit contre une
attaque des Bretons (207)
* Divers dans l’Église - Successions à Rome et en Gaule
(222)
Successions : Le pape Zéphyrin à Rome - Le comte André à Louvain (204 ?) |
|
[II,
p. 1] [Zephirus, le XVIe pape de Romme]
Apres la mort Victoir vacat ly siege XII jours, et puis le XVIe jour de junne
fut Zephirus consacreis à pape de Romme, qui fut de la nation de Romme, et
fut le fis Habundans de Marchiet, qui tient le siege XII ans II mois et X
jours. |
[II,
p. 1] [Zéphyrin, seizième pape de Rome] Après la mort de
Victor, le siège resta vacant douze jours et, le 16 juin, Zéphyrin fut
consacré pape de Rome. Originaire de Rome et fils de Habundans de Marché, Il occupa le siège douze ans, deux
mois et dix jours. |
[De conte de Lovay] En
cel an morut Ector, ly conte de Lovay ; si fut conte apres luy son fis
Andrier, lyqueis regnat XXVII ans. |
[Le comte de Louvain] Cette année-là (an 204 ?), Hector, le comte de Louvain mourut ; son fils
André devint comte après lui et régna vingt-sept ans. |
Suite de la Geste de Valentin, de Thomas et de Clodas - Expédition du chrétien Thomas de Bretagne contre les Romains de Septime Sévère - Les Bretons victorieux rentrent chez eux, sans assiéger Rome (205-206) |
|
[IIc et V - Ly roy Thomas entrat
en l’empire, où ilh fist grant damaige] Item,
l'an IIc et V en mois de may, assemblat ly roy Thomas de Bretangne ses
oust ; si passat mere et entrat à feu et à flamme en l'empire de Romme,
en mois de novembre, et commenchat à destruire la terre. Adont ardit-ilh tout
la terre de Calabre et de Pulhe, et puis s'en ralat vers Napples ; se
l'asseghat
[II,
p. 2] et fist tant qu'ilh le gangnat et l'ardit, et mist les gens à
mort por tant que ilh ne voirent croire en Dieu, ne eaux faire baptisier. Chu
fut l'an IIc et VI. |
[An 205 - Le roi Thomas entre dans
l’empire, où il cause de grands dommages] En l’an 205, au mois de mai, le roi Thomas de
Bretagne rassembla ses armées. Il prit la mer, pénétra tout enflammé d’ardeur
dans l’empire de Rome en novembre et commença à dévaster le territoire. Il
incendia toute la terre de Calabre et d'Apulie, puis s’en retourna vers
Naples. Il l’assiégea
[II,
p. 2], réussit à s’en emparer et à
l’incendier, puis mit à mort les gens parce qu’ils ne voulurent pas croire en
Dieu, ni se faire baptiser. Cela se passa en l’an 206. |
Enssi com ches chouses soy fesoient, fut-ilh nunchiet à
l'emperere Severus que les cristiens de Bretangne ly avoient laidement
destruite son empire, et que ilh fasoit mal que ilh ne le sourcoroit. Quant
l'emperere entendit chu, se fist semblant que riens n'en savoit, car ons ly
avoit dit, dès al promier que ly roy Thomas entrat en son paiis : mais
ilh dobtoit tant les Bretons que ilh les laissoit enssy. Mains ons ne le vot
plus souffrir ; si mandat ses gens et vient contre les cristiens, si oit
batalhe à eaux, l'an deseurdit, le XXVIe jours d'awoust. |
Tandis que se déroulaient ces
événements, on annonça à l’empereur Sévère que les chrétiens de Bretagne
avaient gravement dévasté son empire et qu’il agissait mal en ne lui portant pas
secours. Quand l’empereur entendit cela, il fit semblant de n’en rien savoir,
alors qu'on le lui avait dit dès que le roi Thomas était entré dans le pays ;
mais il redoutait tellement les Bretons qu’il les laissait faire. Toutefois
on ne voulut plus supporter cela. Sévère convoqua ses gens,
marcha contre les chrétiens et leur livra bataille, l’an susdit, le 26 août. |
[L’emperere fut desconfis] Et perdirent mult les Romans, car Clodas et Thomas les ochioient com chu
fussent brebis : nuls ne poioit avoir durée contre leurs coups qui
estoient sy grans. Des coups Thomas et Clodas furent les Romans
esmaiez ; mains ilh en estoit tant que ilh n'y paroit chouse que ons y fesist ;
et encordont ilh en fut ochis XVIIm, et encor ilh en fust plus mors, mains la
nuit les departit : chu fist aux Romans grant avantaige, car ilhs awissent
esteis tous mors. |
[L’empereur est défait] Les Romains subirent beaucoup de pertes : Clodas et Thomas les tuaient comme
s'ils étaient des brebis. Personne ne pouvait
résister à leurs coups, tant ils étaient forts. Ceux de Thomas et de Clodas
inquiétèrent les Romains ; mais les
victimes étaient si
nombreuses qu'il ne semblait pas qu'on puisse faire quelque chose. Il
y eut dix-sept mille tués, et ils auraient encore été plus nombreux si la
nuit n'avait pas séparé les combattants. Sans cela les Romains
auraient tous perdu la vie. |
Adont fist ly roy Thomas tendre ses treis et loghat là ; se
fist la nuit son ost gaitier, mains ilh ne l'en astoit pointe mestier, car
les Romans awec leur emperere, tantost que les Bretons furent retrais,
s'enfuyrent toute la nuit. Et lendemain, quant ilh fut jour, ly roy Thomas
fist ses gens armeir por combatre aux Romans. Mains Clodas et ses hommes ly
dessent que les Romans estoient enfuys et raleis. |
Le roi Thomas fit dresser ses
tentes et logea sur place ; il chargea son armée de
monter la garde, mais ce n’était pas
nécessaire, car les Romains et leur empereur, lorsque les Bretons s'étaient
retirés, s’enfuirent durant toute la nuit. Le lendemain, quand il fit jour,
le roi Thomas fit s’armer ses gens pour combattre contre les Romains. Mais
Clodas et ses hommes lui dirent que les Romains avaient fui et étaient
repartis. |
Adont fut ly roy Thomas dolans, si vot aleir apres vers Romme
por assegier la citeit ; mains ses hommes ly ont dit en teile
manere : « Sire, puisque Dieu nos at sy bien aidiet que nos avons
l'empire de Romme sy laidement exilhiés, et l'emperere awec tous ses hommes
enssi desconfis, ilh nos doit bien souffier car nos en avons l'honeur ;
et se nos allons à Romme, et ilh venist alcon socour à l'emperere por quoy
nos fussiens matteis une seul fois, nous auriens perdut tout l'honeur que nos
avons conquis. Si vos prions del ralleir en nos paiis par le melheur jusques
à l'autre fois. » |
Alors le roi Thomas, contrarié, voulut marcher vers Rome pour assiéger la cité, mais ses hommes
lui dirent : « Sire, avec l’aide de Dieu, nous avons fait
beaucoup de mal à
l’empire romain et vaincu l’empereur et tous ses hommes. Cela doit nous
suffire, car nous en retirons de l’honneur. Mais si nous allons à Rome et si
l’empereur recevait un quelconque secours qui nous vaudrait d’être battus
une seule fois, nous aurions perdu tout l’honneur que nous avons conquis.
Aussi vous demandons-nous de retourner dans nos pays par le meilleur chemin,
jusqu’à la prochaine fois. » |
[Ly roy Thomas alat en son paiis
à grant joie] Adont remontat sour mere le roy
Thomas par le conselhe de ses hommes, car ilh creoit mult volentier bon
conselhe ; sy revient en son paiis à grant joie. |
[Le roi Thomas retourne dans son
pays avec grande joie] Alors
Thomas reprit la mer, suivant le conseil de ses hommes, car il acceptait
très
volontiers les bons conseils. Il rentra dans son pays avec grande
joie. |
Septime Sévère persécute les chrétiens et se prémunit contre une attaque des Bretons (207) |
|
Et quant l'emperere Severus soit por chertains que ly roy Thomas
et ses
[II,
p. 3] gens en estoient ralleis en leur terre, sy en fut mult joians,
portant que mult ilh les dobtoit. Et adont tantost ilh fist martyrisier sains
Julien, sains Policrome, sains Romain, sains Albin, sains Cyril et pluseurs
aultres, qui tous furent ensevelis en la cymiteir sains Calixte. |
Quand l’empereur Sévère fut bien
certain que le roi Thomas et ses [II, p. 3]
gens avaient regagné leurs terres,
il s’en réjouit beaucoup, parce
qu’il
les redoutait fortement. Il fit sans tarder martyriser saint Julien,
saint Polychrone, saint Romain, saint Albain, saint Cyrille et beaucoup
d’autres, qui furent tous ensevelis dans le cimetière Saint-Calixte. |
[IIc et VII - De l’emperere
Severus] Item, l'an IIc et VII, s'avisat ly emperere Severus, qui se
dobtoit que les Bretons ne venissent encor destruire son empire, por chu que
ilh avoit enssy martyrisiet pluseurs cristiens. Adont prist l'emperere grant
gens awec luy et en allat sour la mere ; et là fist-ilh en droit lieu où ilh
covenoit les Bretons passeir, se ilh voloient venir à Romme, et là fist-ilh
afondreir une grant vallée et le fist cent et XXIIm diestre de large et ortant de long,
de l'onne mere jusques à l'autre. Et chu faisoit-ilh por luy plus assegureir
que ilhs ne posissent entreir ne passeir sy legirement en son empire. |
[An 207 - L’empereur Septime Sévère]
En 207, l’empereur Sévère prit une décision, car il redoutait que les Bretons
ne reviennent encore dévaster son empire, parce qu’il avait ainsi martyrisé
beaucoup de chrétiens. Il prit alors avec lui de nombreuses troupes et
s'embarqua. À l’endroit exact où devraient passer les Bretons s’ils
voulaient venir à Rome, il fit creuser un grand fossé de cent vingt-deux
mille pas de large et autant de long,
d’une mer à l’autre. Il faisait cela pour être plus sûr encore que les
Bretons ne puissent plus entrer ni passer aussi facilement dans son empire
(cfr Notes). |
Ordonnances du pape Zéphyrin - Mortalité en Égypte - Mort de Métropole, quatrième évêque de Tongres - Désignation de Séverin, cinquième évêque de Tongres (208-210) |
|
[Tos cristiens de XII ans doient
prendre l’année
corpus
Domini] Item, l'an IIc et VIII, en mois de marche, ordinat ly pape Zephirus que tous
cristiens, deseur l'eaige de XII ans, presissent tos les ans une fois de
moins le vray corps Jhesu-Crist. |
[Tous les chrétiens de douze ans
doivent prendre une fois par an le corps du Seigneur] En mars 208, le pape Zéphyrin ordonna que
tous les chrétiens de plus de douze ans prennent chaque
année au moins une fois le vrai corps de Jésus-Christ. |
Item, l'an deseurdit IIc et IX, instituat lydit pape que tous
les vasseals, de quoy ons se doit aidier entour l'auteit, soient tous de
voire ou de stenc. |
L’an 209, ce pape ordonna que
les vases, dont on doit se servir à l’autel, soient
tous de verre ou d’étain. |
[De
sains Severius, le Ve evesque de Tongre]
Item, l'an IIc et X, en mois d'octembre, morut Metropolus, le IIIIe evesque
de Tongre, si fut ensevelis en l'engliese Nostre-Damme. Apres Metropolus fut
evesque consacreis uns sains proidhons, qui fut le fis d'unc prinche
senateur, qui oit nom Severius, de la nation de Tongre, de Mezonne la filhe
le conte de Lovay que ons nommoit Mezonne Antiste, et aussi le nommoit-ons
Severius Antiste : ly queis regnat XVIII ans. Chu ne fut mie sains
Severius, archevesques de Colongne, dequeile ilh fait mention en la vie sains
Martin ; mains chu fut uns altre mult sains proidhons, qui regnat mult
longtemps apres cesti. |
[Saint
Séverin, cinquième évêque de Tongres]
En octobre 210, Métropole, quatrième évêque de Tongres (cfr
I, p. 583), mourut
et fut enseveli dans l’église Notre-Dame. Après lui, un saint homme,
Séverin, fut sacré évêque. C’était le fils d’un prince sénateur,
originaire
de Tongres, qui était né de Mézonne, fille du comte de Louvain, et qui se
nommait aussi Mézonne Antiste ; c’est pourquoi Séverin était nommé aussi
Séverin Antiste ; il régna durant dix-huit ans. Il ne faut pas le confondre
avec saint Séverin, archevêque de Cologne, mentionné dans la vie de saint
Martin. Ce Séverin fut aussi un très saint homme, qui régna longtemps après
l’évêque de Tongres (suite II, p. 5). |
Le roi Thomas nomme Clodas roi d’Écosse - Clodas fait des conquêtes en Syrie et en Judée, devient roi de Jérusalem et massacre ceux qui refusent le christianisme (211-212) |
|
[II,
p. 3] [IIc et XI - Le roy Thomas fist Clodas roy de Scoche]
Item, l'an lIc et XI, ly roy Thomas de Bretangne donnat à Clodas le galois le
royalme de Scoche, et le coronat à roy. |
[II, p. 3] [An 211 - Le roi Thomas nomme roi d’Écosse Clodas] En 211, le roi Thomas de Bretagne donna à Clodas le Gaulois le royaume d’Écosse et le couronna comme roi. |
[Ly roy Clodas desconfist II
fois les Egyptiiens] En cel an meismes assemblat le
roy Clodas son oust, sy s'en allat sour cheaux d'Egypte, et destruite
grandement la terre, et oit batalhe à eaux II fois ; mains toudis furent
les Egiptiiens desconfis, et perdirent mult de
[II, p. 4] gens. Adont passat oultre ly
roy Clodas awec ses oust et entrat en la terre de Surie, sy en conquist une
grant partie ; et allat tant que ilh vint en Judée, se fichat ses trefs
devant la citeit de Jherusalem, l'an IIc et XII, en mois de junne. Adont
vowat ly roy Clodas à Dieu que jamais ilh ne s'en partiroit de là,
s'aroit-ilh conquis la citeit. |
[Le roi Clodas défait deux fois
les Égyptiens] Cette
même année, le roi Clodas rassembla son armée et s’en alla attaquer les
Égyptiens. Il dévasta une grande partie de leurs terres et leur livra
bataille à deux reprises. À chaque fois les Égyptiens furent battus et
perdirent beaucoup [II,
p. 4] de gens. Alors le
roi Clodas poursuivit sa route et entra avec ses troupes en Syrie, qu’il
conquit en grande partie. Il ne s’arrêta qu’en Judée, où il planta ses tentes
devant la cité de Jérusalem, en juin 212. Il promit alors à Dieu qu’il ne se
retirerait pas avant d’avoir conquis la cité. |
[Clodas assegat Jherusalem, et
le conquist, et fut roy de Jherusalem] Et ilh fut enssi, car ilh le conquist le XXVIIe jour de mois d'awoust, l'an
deseurdit. Adont fist-ilh toutes les gens ochiere qui ne vorent croire en
Dieu, et fut roy de Jherusalem. Si conquist asseis de pays là altour. Tant
com ilh viscat orent les Sarasins en luy mult malvais voisin, car ilhs
n'orent oncques paix à luy. |
[Clodas assiège Jérusalem, s’en
empare et devient roi de Jérusalem] Et il en fut ainsi, car il s’en empara le 27 août.
Il fit alors tuer tous ceux
qui ne voulurent pas croire en Dieu et devint roi de
Jérusalem. Il conquit une bonne partie des environs. Aussi longtemps
qu’il vécut, il fut un très mauvais voisin pour les Sarrasins qui ne furent
jamais en paix avec lui. |
Assassinat de Septime Sévère par les Romains - Deux de ses fils, Dédius et Éphius, lui succèdent - Ils sont défaits en Judée par Clodas - Mort d’Éphius, auquel succède, comme adjoint de Dédius, Sévérus, troisième fils de Septime Sévère - Dédius, Éphius et Sévérus ne comptent que comme un seul empereur, le vingt-deuxième - Précisions sur les institutions impériales - Nouvelle défaite romaine par Clodas - Divers (212-213) |
|
[II,
p. 4] Adont vinrent les novelles à l'emperere de Romme que Clodas, ly
roy de Scoche, ly compangnon le roy Thomas de Bretangne, avoit conquis
Jherusalem et fait le peuple baptizier. Quant l'emperere entendit chu, se n'y
acomptat gaire ; mains les senateurs ly dessent que ilh assemblat ses
gens, sy alast sour cheluy qui enssi ly avoit fourfait. Et ly emperere
respondit que ilh n'y yroit jà tant que ilh visqueroit, se ilh poioit. Quant
les romans entendirent chu, sy en furent mult corochiés, et furent adont pris
entre eaux teile conselhe que ilh ochirent leur emperere en son palais
meisme, seant à tauble. |
[II,
p. 4] La nouvelle parvint
alors à l’empereur de Rome qui apprit ainsi que Clodas, le roi d’Écosse,
compagnon du roi Thomas de Bretagne, avait conquis Jérusalem et fait
baptiser le peuple. Tout d’abord l’empereur n’y attacha pas grande
importance. Mais les sénateurs lui dirent de rassembler ses gens et
d’aller attaquer celui qui l’avait
ainsi trompé. L’empereur répondit qu'aussi longtemps qu’il pourrait rester
en vie, il ne partirait pas. Ces paroles irritèrent très fort les
Romains qui, réunis entre eux, décidèrent de tuer leur empereur dans son
palais même, quand il serait à table. |
[Des empereres Dedius et Ephius]
Et quant ilh fut enssy ochis, si fisent son fis emperere, qui fut nomeis
Dedius et awec luy Ephius ; mains chis Ephius ne regnat que V mois et
IIII jours. Et Dedius regnat VI ans V mois et XIII jours |
[Les empereurs Dédius et Éphius] Le meurtre accompli, les Romains désignèrent
comme empereurs ses fils Dédius et Éphius. Cet Éphius ne
régna que cinq mois et quatre jours. Dédius, lui, régna
six ans, cinq mois et treize jours. |
[Clodas desconfit les dis
empereres] Et quant ches dois empereres furent enssy eslus, si ont
assembleis leurs oust, puis sont monteis sour mere à grant gens, et sont
venus en la terre de Judée, et commenchont la terre à destruire partout où
ons creit en Dieu. Mains quant Clodas le soit, se vint encontre eaux, sy oit
batalhe à eaux ; mains oncques les Romans ne porent à luy avoir
victoire, ains furent tous desconfis ; si y fut ly uns des empereres
ochis, qui oit nom Ephius. Adont s'enfuirent les Romans et rentront en leurs
naves ; se revinrent à Romme. Et quant ilhs furent revenus à Romme, si
fut remis en siege l'emperere Ephius, l'autre frere, qui oit nom Severus,
lyqueis ne regnat que III ans.
[II,
p. 5] Ches empereres Dedius, Ephius et Severus furent trois freres,
les enfans de viés emperere Severus. |
[Clodas défait les deux empereurs] Une fois élus, les deux empereurs rassemblèrent leurs armées, prirent la mer avec un grand nombre de gens, jusqu’en Judée, où ils commencèrent à faire des ravages partout où on croyait en Dieu. Quand Clodas le sut, il marcha contre eux et leur livra bataille. Les Romains ne réussirent jamais à avoir l’avantage sur eux : ils furent tous battus et un des empereurs, Éphius, fut tué. Alors les Romains s’enfuirent, remontèrent sur leurs navires et regagnèrent Rome. Une fois arrivés, ils mirent comme empereur sur le trône d’Éphius son autre frère, qui s’appelait Sévérus. Celui-ci ne régna que trois ans. [II, p. 5] Ces empereurs Dédius, Éphius et Sévérus étaient trois frères, fils du vieil empereur Septime Sévère. |
En cel an morut Brohades, ly roy de Hongrie ; si regnat
apres luy son fis Adolaus XL ans. |
Cette année-là mourut Brohades, roi de Hongrie ; son fils Adolaus
lui succéda
et régna quarante ans. |
[De Dedius, le XXIIe emperere de
Romme] Item, l'an IIc et XIII, en mois de may, assemblat l'emperere
Dedius et son frere Severus leurs oust por alleir en Judée. |
[Dédius,
vingt-deuxième empereur de Rome] En mai de
l’année 213, Dédius et
son frère
Sévérus assemblèrent leurs armées pour se rendre en Judée. |
Et deveis savoir, jasoiche qu'ilh awist enssi dois empereres
regnans ensemble, nonporquant se ne faisoient que unc seul en nombre. Car ly
promier coroneis, chis estoit compteis emperere, et ly aultre estoit compteis
com compangnons adjosteis awec luy ; sique Dedius, Ephius et Severus,
ches trois n'estoient compteis que por unc emperere, si est Dedius compteis
por le XXlle emperere. Et oussi ilh ne portoit coronne que ly uns ; et
maintenant le portoit Dedius. |
Vous devez le savoir : même si deux empereurs régnaient ensemble,
ils n’en faisaient toutefois qu’un. En effet, le premier couronné était
considéré comme empereur, l’autre comme un adjoint qui l'accompagnait. Ainsi
Dédius, Éphius et
Sévérus ne comptaient à eux trois que pour un seul empereur ; Dédius
était considéré comme le vingt-deuxième empereur. En outre, un seul portait
la couronne et, en ce moment, c’était Dédius qui la portait. |
[Clodas
desconfist encor les Romans] Et quant les Romans furent
assembleis, sy montont sour mere et sont entreis en la terre de Judée ;
mains chu ne leur vat, car Clodas vint encontre eaux à grant gens, qui tous
les desconfist ; sy retournarent arier à Romme. |
[Clodas
bat encore les Romains] Et quand les Romains furent
rassemblés, ils prirent la mer et entrèrent en terre de Judée. Mais cela ne
leur réussit pas : Clodas marcha
contre eux avec de nombreuses troupes. Ils furent tous battus et
retournèrent à Rome. |
[De sains Severin de Tongre]
En cel an, fondat li evesque de Tongre Severin une englise à Tongre en
l'honeur de sains Materne, où ilh mist XXII canones reguleres. |
[Saint Séverin de Tongres] Cette année-là [213], Séverin, l’évêque de
Tongres, fonda une église à Tongres en l’honneur de saint
Materne, où il installa vingt-deux chanoines réguliers
(suite II, p. 9). |
Dédius persécute les chrétiens et fait reconstruire Naples et Milan - Son frère Sévérus est tué - Il est remplacé par un sénateur, Lucinius, puis par Sévérus Afer - Ils règneront ensemble jusqu'à leur mort en 218 (214-215) |
|
[Persecution
sour cristiens] Item, l'an IIc et XIIII, fist ly emperere Dedius
martirisier pluseurs sains, en despit de la loy cristiene. Chis Dedius fut
asseis malvais ; ilh resemblat son peire en malvasteit de destruire sainte
Engliese et les gens cristiens. En cel an fist l'emperere Dedius reedifiier
la citeit de Naple, qui Thomas, ly roy de Bretangne, avoit destruite. |
[Persécution
contre les chrétiens] En l’an 214, l’empereur
Dédius fit martyriser de nombreux saints par hostilité à la loi chrétienne.
Cet empereur fut très mauvais ; égal en méchanceté à son père, il voulut détruire la Sainte-Église et les chrétiens. Cette année-là, Dédius fit reconstruire
la ville de Naples, détruite par Thomas, le roi de Bretagne. |
[IIc XV]
Et, sour l'an IIc et XV, fist-il refaire la citeit de Melan que Clodas avoit
destruite. |
[An 215]
En 215, il
fit
reconstruire la ville de Milan, détruite par Clodas. |
Dédius reconstruit Pavie et nomme Palados roi de Pavie - Palados envahit la Bourgogne, mais il est vaincu et tué par le duc de Bourgogne, Simon - Repli des Lombards, et avènement de Jonab, frère de Palados (216) |
|
[II,
p. 5] [De roy de Pavie] Item, l'an IIc et XVI, fist l'emperere Dedius
refaire la citeit de Pavie ; si en fist roy de unc senateur qui mult haioit
sainte Engliese. Et quant ly roy de Pavie, qui fut nommeis Palados, oit
refaite toutes ses vilhes, ilh assemblat ses oust et entrat en la terre de
Borgongne. Se le commenchat à destruire ; mains Symon, qui en estoit dus,
vint encontre luy à gran gens. |
[II,
p. 5] [Le roi de Pavie] En l’an 216, l’empereur Dédius fit
reconstruire la cité de Pavie ; il y nomma comme roi un sénateur, très
hostile à la Sainte-Église, du nom de Palados. Et quand ce Palados eut
reconstruit toutes les villes de son royaume, il assembla ses
armées et pénétra en terre de Bourgogne. Il commença à la dévaster ;
mais Simon, qui en était le duc, marcha contre lui avec de nombreuses
troupes. |
[Symon, dus de Borgongne,
desconfit le roy de Pavie] Si oit batalhe à Iuy, en
laqueile les cristiens perdirent mult de gens ; mains encors en
perdirent plus les Sarasins de Pavie, car ilhs furent presque tous mors, et
fut
[II,
p. 6] leur roy Palados ochis. |
[Simon, duc de Bourgogne, défait
le roi de Pavie] Et il y eut un combat, au cours
duquel les chrétiens subirent beaucoup de pertes. Mais
les Sarrasins de Pavie en perdirent
plus encore, car presque tous moururent, [II, p. 6]
et leur roi Palados fut tué. |
[Jonab,
le IIe roy de Pavie] Adont s'en refuirent les
auItres vers Lombardie com desconfis, et refisent uns altre roy qui oit nom
Jonab, le frere le roy Palados. |
[Jonab,
deuxième roi de Pavie] Alors les autres, en vaincus, s’enfuirent vers la Lombardie où ils élurent
un autre roi, Jonab, frère du roi Palados. |
Papauté : Mort et institutions du pape Zéphyrin - Alexandre, évêque de Cappadoce, devient évêque de Jérusalem - Calixte, dix-septième pape (216) |
|
[II,
p. 6] En cel an, le XXVIe jour d'awost, morut ly pape Zepherus ;
si fut ensevelis en la cymiteir Sains-Calixte. |
[II,
p. 6] Le 26 août de cette année-là [216] mourut le pape Zéphyrin ; il fut
enseveli dans le cimetière Saint-Calixte. |
[Miracle]
En son temps allat en Jherusalem, par cause de devotion, Alixandre, evesque de
Capadoche ; si trovat Marchise, l'evesque de Jherusalem, qui
estoit mors le jour meismes qu'ilh entrat en Jherusalem. Si fut Alixandre
esluys evesques por le revelation de Saint-Esperit. |
[Miracle]
À cette époque Alexandre, évêque de Cappadoce, se rendit à
Jérusalem
pour y prier. Le jour même où il entra dans la ville, il arriva que
l’évêque de la ville, Narcisse,
mourut. Alexandre fut élu évêque
de Jérusalem sur l'inspiration du Saint-Esprit. |
[Status papale]
Chis pape Zephirus statuat que nuls patriarche ou metropolitain, à l'encontre
de l'evesque accuseis, ne donnast sentenche, se chu
n'estoit par mandemens apostolique, observant le ordinanche des preistres et
des dyaques. |
[Ordonnance papale]
Ce pape Zéphyrin avait décidé qu’aucun patriarche ou
métropolite
ne pourrait prononcer de sentence contre un évêque accusé, sans un mandement
apostolique, respectant les dispositions sur les prêtres et les diacres. |
[Calixte, pape, le XVIIe]
Item, apres la mort Zephirus VII jours, fut consecrés à pape I proidhons qui
fut nommeis Calixte, qui fut de la nation de Romme, le
fis Demetrie, del region de Ravenne ; et tient le siege VIII ans II mois XI
jours, et, solonc Martinian, VI ans ; et sains Jerome dist V ans et VI mois,
et Damascenus dist VI ans. |
[Calixte, dix-septième pape]
Sept jours après la mort de Zéphyrin, fut sacré pape un sage,
portant le nom de Calixte, originaire de Rome, fils de Démétrius, de la
région de Ravenne. Il
occupa
le siège durant huit ans, deux mois et onze jours
et durant six ans, selon Martin. Saint Jérôme dit cinq ans et six mois, et Jean Damascène six ans. |
L’empereur Dédius reconstruit les villes de Calabre et de Pouille - Clodas conquiert la Palestine et la Syrie - Les sénateurs tuent Dédius et son collègue Sévérus Afer - Antoninus et Aurélius, leurs fils, règnent comme vingt-troisième empereur pendant 18 jours - Macrin (remplacé en 219 par un Antoninus) et Aurélius règnent ensuite comme vingt-quatrième empereur (217-219) |
|
[II,
p. 6] [IIc et XVII - De l’emperere Dedius] Item, l'an IIc et
XVII, fist l'emperere Dedius refaire toutes
les vilhes que le roy Thomas avoit destruite en la terre de Puilhe
et de Calabre. |
[II,
p. 6] [An 217 - L’empereur Dédius] En 217, l’empereur
Dédius
fit reconstruire toutes les villes que le roi Thomas avait détruites
en Pouille et en Calabre. |
[Clodas fist chi mervelhe]
En cel an,
conquist
Clodas, ly roy de Jherusalem et de Scoche, toute la terre de Surie et de
Palestine, et les fist baptisier. |
[Clodas fait des merveilles] Cette année-là, Clodas, roi de Jérusalem et d’Écosse, conquit toute la Syrie et la Palestine qu'il fit baptiser. |
[Les II empereres furent ochis
des senateurs] Item, l'an IIc et XVIII, vorent
les II empereres de Romme remettre la chevalerie de Romme en servaige, où
ilh
avoit jà esteit, de quoy ilh estoient
affranquis. Si en furent les senateurs mult corochiés, se les ochirent
ambdois en leur palais meisme, le XIXe jour de septembre |
[Les deux empereurs sont tués
par des sénateurs] En 218, les deux empereurs
de Rome (Dédius et Sévérus Afer ; cfr II, p. 5) voulurent
remettre les chevaliers de
Rome dans la servitude où ils s’étaient jadis trouvés et dont ils avaient été
affranchis (par Marc Aurèle, cfr
I, p. 571). Les
sénateurs, très irrités, tuèrent les deux empereurs dans leur palais, le 19
septembre. |
[Anthone et Aurelius empereres
XXIIIe] Puis enluirent II aultres et les coronont : ly promier oit nom
Anthone Catacelle, le fis de Dedius, et ly aultre oit
nom Aurelius, le fis Severus ; mains ilhs ne regnarent que XVIII
jours, qu'ilh furent tantoist ochis en leur palais meismes, portant qu'ilhs
vorent trahitement faire ochire cheaux qui avoient leurs peires mis à mort. |
[Antoninus et Aurélius, vingt-troisième
empereur] Puis ils en élirent deux autres et les couronnèrent : le premier
nommé Antoninus Caracalla, fils de Dédius, et l’autre nommé
Aurélius, fils de Sévérus ; mais ils ne régnèrent que dix-huit jours et
furent tués aussitôt dans leurs propres palais, parce qu'ils voulurent
traîtreusement faire tuer ceux qui avaient mis leur père à mort. |
[Martian et Aurelius emperere XXIIIIe] Apres la mort de ches II empereres, furent fais II aultres qui estoient senateurs. Et fut ly soverains qui estoit nommeis com drois emperere appelleis par son nom Martiain et l'autre [II, p. 7] Aurelius : chis Martiain ne regnat que I an et III jours, car ilh morut l'an IIc et XIX. |
[Macrin et Aurelius, vingt-quatrième empereur] Après leur mort, deux autres empereurs furent nommés, d’anciens sénateurs. Le principal, le véritable empereur, porta le nom de Macrin, et l’autre celui [II, p. 7] d’Aurélius ; ce Macrin ne régna qu'un an et trois jours, car il mourut en 219. |
Puis refuit coronneis comme emperere soverains Anthone, le fis
celuy Martiain, qui regnat VIII mois et XII jours. |
Ensuite, Antoninus, le fils de Macrin [Diaduménien ?] fut couronné empereur principal : il régna huit mois et douze jours. |
Succession au Danemark (mort de Jonadas, son fils Valentin lui succède) - Mort de Clodas - Antoninus reconquiert Jérusalem et persécute les chrétiens - Mort de Thomas, roi de Grande-Bretagne - Ses trois fils deviennent rois de Bretagne, de Cornouailles et d’Écosse (219-221) |
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[II,
p. 7] [De roy de Dannemarche]
En cel an morut Jonadas, ly roy de Dannemarche ; si fut
roy
apres son fis Valentin, qui regnat XXII ans. |
[II,
p. 7] [Le roi de Danemark] Cette
année-là [219] mourut Jonadas, le roi
de Danemark.
Son fils Valentin lui succéda comme roi pendant vingt-deux ans. |
[Clodas morut]
Item, l'an IIc et XX, en mois de may, morut Clodas, le roy de Jherusalem et de
Scoche,
ly plus valhant chevalier en tous cas qui fust oncques devant luy puis le
temps Julius Cesar. Adont fut-ilh ploreis de toutes gens qui le
cognissoient ; mains les Romans ne le ploroient mie. |
[Mort de Clodas]
En mai 220 mourut Clodas, le
roi de Jérusalem et d’Écosse. Il fut en tout cas le chevalier le plus
vaillant qui ait jamais existé depuis Jules
César. Il fut pleuré par tous les gens qui
le connaissaient. Mais les Romains ne le pleuraient pas. |
[L’emperere Anthone reconquestat
Jherusalem et mist tous cristiens à mort]
Et quant les Romans sorent por vray que Clodas estoit mors, sy assemblat ly
emperere Anthone, le IIIe de chi nom, ses gens, se passat
mere
et assegat Jherusalem ; mains ilhs soy rendirent tantoist, car ilh n'avoient
pointe de chief, et se ne ratendoient nuls sourcour. Quant l'emperere oit la
citeit reconquestée, se mist à mort tous les cristiens. Apres ilh mist en la
citeit I sien privost qui gardat la terre ; et remist à la loy zarasin toute
la terre de Palestine et de Surie que Clodas avoit conquis, et puis revint à
Romme l'an IIc et XXI, en mois d'avrilh. |
[L’empereur Antoninus reconquiert
Jérusalem et met tous les chrétiens à mort]
Quand les Romains furent vraiment
sûrs que Clodas était mort, l’empereur Antoninus, troisième de
ce nom (Élagabal, c.à.d. Marcus Aurélius Antoninus ?), rassembla ses troupes, traversa la mer et
assiégea Jérusalem. Mais les habitants, qui n'avaient pas de chef et n’attendaient
aucun
secours, se rendirent
aussitôt. Quand l’empereur eut
repris la cité, il mit
à mort tous les chrétiens. Puis il installa dans la ville un de ses prévôts,
pour surveiller le territoire. Il rétablit la loi païenne dans toutes les
terres de Palestine et de Syrie conquises par Clodas. Puis il revint à Rome
en avril de l’an 221. |
[Del mort le roy le bon Thomas -
Des rois de Bretangne, Cornualh et Scoche] En cel an, le XXVIe jour d'avrilh, morut ly noble
roy Thomas de la Grant Bretangne, qui avoit mult de bons cristiens en ses
pays. Apres le mort le roy Thomas fut coroneis son anneis fis, qui oit
nom Clodas, portant que Clodas ly gallois l'avoit leveis à sains fons. Chis
fut roy de la Grant Bretangne, et ly aulre qui oit nom Thomas fut roy de
Cornualhe ; et ly IIIe oit nom Symon, et fut roy de Scoche, car Clodas ly
galois estoit mors sens heures. |
[Mort du bon roi Thomas - Les
rois de Bretagne, Cornouailles et Écosse]
Cette année-là [221], le 26 avril, mourut le noble roi Thomas de Grande- Bretagne,
qui avait beaucoup de bons chrétiens dans ses territoires. Après sa mort,
son fils aîné fut
couronné
roi ; il se nommait Clodas, parce que Clodas le Gaulois l’avait tenu sur les
saints fonts baptismaux. Il fut le roi de la Grande-Bretagne. Son second
fils, nommé Thomas, devint roi de Cornouailles, et Simon le troisième, fut
roi d’Écosse, car Clodas le Gaulois était mort sans héritiers. |
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[II,
p. 7] [Des junnes des quatres temps]
Item, l'an IIc et XXII, en mois de may, instituat ly pape
Calixte
à junneir les IIII temps, cascon an, solonc l'assengnement de sainte
Engliese. |
[II,
p. 7] [Les jeûnes des Quatre-Temps]
En mai 222, le
pape
Calixte institua le jeûne des Quatre-Temps, chaque année, comme l’enseigne
la Sainte-Église. |
[De
Severin de Tongre] En cel an commenchat Severin,
evesque de Tongre, une engliese à edifiier en la citeit de Tongre, en
l'honeur de sainte Verone,
laqueile fut parfaite en l'an apres, le
XlXe jour de julle, et y metit des moynes grigois com reclus. |
[Séverin
de Tongres] Cette année-là [222], Séverin,
l’évêque de Tongres, commença à construire une église dans cettte ville, en
l’honneur de sainte Vérone. L’église fut achevée l’année suivante, le 19 juillet, et il y
installa des moines cloîtrés grecs. |
[Anthone l’emperere fut ochis
qui fut I des contraire de sainte Englise]
Item, en cel an fut ochis ly emperere Anthone en son palais : chis emperere
fut
trop
luxurieux, et esposat solonc sa loy sa mareste à femme, qui avoit à nom
Juliane. Chis Anthone, enssi com Boeche el [II, p. 8] Consolation de philosophie
escript, chu fut uns des contraires de sainte Engliese, car ilh fist plus
martyrisier des cristiens que nuls des altres empereres. |
[Mort d’Antoninus l’empereur,
un ennemi de la Sainte-Église] Cette
année-là [222], l’empereur Antoninus
fut tué dans son palais. Cet empereur, très débauché,
épousa sa belle-mère, appelée Juliane [ce détail concerne Caligula,
c.à.d. Marcus Aurélius Sévérus Antoninus]. Cet
Antoninus, comme l'écrit Boèce dans [II,
p. 8] la Consolation de la philosophie, fut un ennemi de la sainte Église, car il fit martyriser plus de
chrétiens qu’aucun autre empereur. |
[Alixandre, le XXVe emperere de
Romme] En cel an, le Xe jour apres la mort Anthone, fut coroneis à
emperere de Romme Alixandre son fis, qui regnat XIII
ans I mois et VI jours. Et fut mult crueux sour les chevaliers,
portant qu'ilh avoient mis à mort son peire ; et sy faisoit tousjours ses
chouses sy covertement que ons ne le poioit dechivoir. |
[Alexandre, vingt-cinquième empereur de Rome] Cette année-là [222], dix jours après la mort d’Antoninus, son fils Alexandre [= Sévère Alexandre] fut couronné empereur et régna treize ans, un mois et six jours. Il fut très cruel à l’égard des chevaliers, qui avaient mis son père à mort, et il agissait toujours de façon si secrète que on ne pouvait lui échapper. |
[De Marcones, le dus de Galle]
En cel an morut ly dus Franco de Galle, qui bien en pais tient
son
paiis tous les jours de sa vie ; sy fut dus apres luy Marcones, lyqueis
regnat XLIII ans. |
[Marcon, le duc de Gaule]
Cette année-là
[222], mourut le duc Franco de Gaule ; il avait maintenu son pays en
paix, pendant toute sa
vie.
Son fils Marcon lui succéda et régna quarante-trois ans. |
Saint Calixte, sainte Cécile,
saint Urbain à Rome -
|
|
[II,
p. 8] [De Nostre Damme à Romme ‘Trans Tyberim’] En cel an
consecrat ly pape Calixte une engliese que ilh avoit edifiiet en Trans
Tyberim en l'honeur de la benoite virgue Marie, en laqueile ilh celebrat la primier messe
le jour del Nativiteit Nostre-Saingnour, cel an meismes. |
[II,
p. 8] [Notre-Dame «Trans Tiberim» à Rome] Le pape Calixte
cette année-là consacra à Rome une église qu’il avait fait
construire Trans Tiberim en l’honneur de la
bienheureuse vierge Marie, église où il célébra la première messe, cette même
année, le jour de la Nativité de Notre-Seigneur. |
[A chi temps fut consecree la
cymitere Sains-Calixte - IIc XXIIII]
Item, l'an IIc et XXIIII, consecrat ly pape Calixte le cymiteir deseurdit, où
ons ensevelissoit les papes ; car adont ensevelissoit-ons les cristiens
enssi en terre benit com non benit. Et le nommat-ons
dedont
en avant le
cymetere Sains-Calixte ; mains nos l'avons devant nommeit enssi
la cymitere Sains-Calixte, affin que ons le cognist miés. |
[Consécration du cimetière Saint-Calixte
- An 224] En 224, le pape Calixte consacra le cimetière susdit, où
l’on ensevelissait les papes. C'est qu'en ce temps-là, on ensevelissait
les
chrétiens en terre bénite comme non bénite. Dorénavant, on l’appela le
cimetière Saint-Calixte. En fait nous avons déjà précédemment parlé du cimetière Saint-Calixte, afin qu’on le
reconnaisse plus facilement. |
[Ly pape sains Calixte fut
martirisiet] Item, l'an IIc et XXIIII
deseurdit, le XIIIIe jour d'octembre, fut martyrisiet à Romme le pape sains
Calixte ; sy fut ensevelis en sa cymitere propre que ilh
avoit benit en la voie de Apia à Romme. |
[Martyre du pape saint Calixte]
En l’an 224, cité ci-dessus, le 24
octobre,
le pape saint Calixte fut martyrisé à Rome. Il fut enseveli dans son propre
cimetière, qu’il avait béni sur la voie Appienne de Rome. |
[De pape Urbanus XVIIIe, et de
Capitole qui ardit] Et
vacat le siege XXX jours. Apres le XIIIe jour de novembre, fut
consecreis le pape Urbanus, qui fut de la
nation de Romme, et oit son peire à nom Ponche ; et tient le sige VIII
ans VII mois et XII jours. A temps de chi pape, l'an IIc et XXV, une partie
de Capitole de Romme ardit tout par devien feu, et ly seneistre main de leur
dieu, que ons nommoit Jupiteir, qui estoit d'or, fondit. |
[Urbain, dix-huitième pape, et
incendie du Capitole] Le siège pontifical resta vacant
trente jours. Après le 13 novembre fut consacré le pape Urbain. Il était
originaire de Rome et son
père se nommait Ponce. Il occupa le
siège durant huit ans, sept mois et douze jours. Au temps de ce pape, en
225, une partie du Capitole de Rome fut entièrement détruite par le feu
divin, et la main gauche de leur dieu, nommé Jupiter, qui était en or,
fondit. |
[IIc XXVI]
Item, l'an IIc et XXVI, estoit à Romme sainte Cecile, une glorieux virgue ;
et, l'an IIc
XXVII, l'emperere Alixandre fist refaire le Capitole de Romme. |
[An 226] En l’an 226 vivait à Rome sainte Cécile, une vierge glorieuse. En l’an 227, l’empereur Alexandre fit refaire le Capitole de
Rome. |
[Des grans biens le pape Urbain
qu’il fist à Rome] En cel an, edifiat ly pape
Urbain, en la large voie à Romme, pluseurs belles englieses, et convertit
oussi alle loy Jhesu-Crist mult gran
peuple. Item, en cel an fist faire ly pape Urbain tous les vasseals des
englieses de la large voie, tous d'or et d'argent et de stenc. |
[Les grands bienfaits du pape Urbain à Rome] Cette année-là [227], le pape Urbain édifia à Rome, sur la Via Lata, plusieurs belles églises. Il convertit aussi à la loi de Jésus-Christ une très nombreuse population. Cette année encore, le pape Urbain fit faire les vases sacrés des églises de la Via Lata, tous en or, argent et étain. |
[Sainte Cecile se mariat]
En cel an,
soy
mariat sainte Cecile, virgue, et prist à marit sains [II, p. 9]
Valeriain, qui estoit noble hons. |
[Mariage de sainte Cécile]
Cette même année [227], la vierge sainte Cécile se
maria. Elle prit pour époux [II,
p. 9]
saint Valérien, un homme de la noblesse. |
[De sains Floren, le VIe evesque
de Tongre] Item, l'an IIc et XXVIII, en mois en may, morut sains Severin, ly Ve evesque de Tongre ; si fut ensevelis en l'eglise
Sains-Materne qu'ilh avoit fondeit. Apres sains Severin fut consacreis
evesques de Tongre VIe Florens, qui regnat XLI an. |
[Saint Florentin, sixième évêque de Tongres] En mai 228 mourut saint Séverin, cinquième évêque de Tongres. Il fut enseveli dans l’église Saint-Materne, qu’il avait fondée. Après lui fut consacré le sixième évêque de Tongres, Florentin, qui régna quarante et un ans (cfr II, p. 20 et II, p. 29). |
Clodas, roi de Bretagne, fils du roi Thomas et filleul de Clodas d’Écosse - Ses opérations militaires en Afrique et à Carthage - Le roi de Carthage demande de l’aide à l’empereur de Rome, au roi de Perse et au roi d’Égypte - Seul ce dernier répond positivement (228-229) |
|
[II,
p. 9] [Ly roy Clodas de Bretangne conquist en Affrique et assegat
Cartage] En cel an, assemblat ly roy Clodas de la Grant Bretangne ses
oust, sy entrat en l'empire de Romme par-delà mere, et commenchat à
destruire la terre d'Affrique et les citeis abattre, et tant qu'ilh asseghat
Cartaighe et seiit devant XVI mois, et se
n'en oit pointe, car ly roy Tyberius de Cartage mandat sourcour à l'emperere de
Romme, et à roy de Persie, et al roy d'EgypteDe tous cheaux ne vient nuls sourcour, fours que ly roy
d'Egypte ; car ly roy de Persie respondit aux messagiers que ilh n'yroit jà
en lieu où ilh quideroit faire l'emperere de Romme honneur ne profit. Et oussi les messagiers qui
durent alleir à Romme n'y alarent mie, car I oraige les prist sour mere, qui
les jettat altre part. |
[II,
p. 9] [Le roi Clodas de Bretagne fait des conquêtes en Afrique et
assiège Carthage] Cette année-là [228], le roi Clodas de Grande-Bretagne
rassembla ses armées et pénétra dans l’empire romain au-delà de la mer. Il commença à dévaster le territoire
d’Afrique et à anéantir les cités, jusqu’à ce qu’il assiège Carthage, seize mois
durant, sans en venir à bout. Le roi Tibérius de Carthage avait demandé du secours à
l’empereur de Rome, aux rois de Perse et d’Égypte. |
[IIc XXIX - Clodas desconfist
les Egiptiiens] Mains ly roy Frigons de Egypte
vient à Cartaige à grans
gens, l'an IIc et XXIX, en mois de
novembre. Si avoit li siege dureit XV mois. Adont oit grant batalhe entres
les cristiens de Bretangne et les Sarasins d'Egypte, en laqueile batalhe ly
roy d'Egypte fut ochis et II de ses freres : Gadus et Florions, et ses III
fis : Gadus, Florions et Banores ; et furent tous les Sarasins mors et
desconfis. Si en avoient les cristiens toute l'honour, quant cheaux de
Cartaige issirent fours de la citeit et assalhirent les cristiens al dos.
Si en furent mult ochis, et ly roy Clodas fut grandement navreit en la
potrine. |
[An 229 - Clodas défait les
Égyptiens] Mais le roi Frigons d’Égypte vint à Carthage avec une grande
armée, en 229, au mois de novembre. Le siège avait duré quinze mois. Il
y eut alors
entre les chrétiens de Bretagne et les Sarrasins d’Égypte une grande
bataille dans laquelle furent tués le roi d’Égypte et deux de ses frères,
Gadus et Florion, ainsi que ses trois fils, Gadus, Florion et Banores. Tous
les Sarrasins furent tués et battus. Les chrétiens en avaient tout
l’honneur, quand ceux de Carthage sortirent de la ville et les attaquèrent
par l’arrière. Beaucoup furent tués et le roi Clodas fut grièvement blessé à
la poitrine. |
[Bretons
furent desconfis de ches d’Affrique]
Adont covient les Bretons fuyr, car ilhs furent desconfis ; mains nuls ne les
cachat, si que ilh soy rasemblarent et
soy
remisent ensemble ; et puis s'en rallont en leurs paiis, portant que Clodas
leur saingnour estoit navreis. |
[Les Bretons furent vaincus par les Africains] Vaincus, les Bretons durent alors fuir, mais personne ne les poursuivit. Ils se rassemblèrent, se regroupèrent, puis regagnèrent leur pays, à cause de la blessure de Clodas, leur seigneur.
|
[Texte
précédent I, p. 579-586] [Vers les notes] [Texte
suivant II, p. 9-17]