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MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


Ps-LUCIEN DE SAMOSATE

Lucius ou l'âne  

Une nouvelle traduction annotée (1999)

par

Michel Dubuisson

Professeur à l'Université de Liège (Belgique)


Plan


 

Introduction

 

L'antiquité romaine ne nous a laissé que deux romans, mais tous deux sont également célèbres et ont eu une influence et une postérité considérables. Si le Satiricon, sans cesse imité depuis la redécouverte, au XVIIe s., du « Banquet de Trimalcion », a largement contribué, avec Fellini et d'autres, à façonner une certaine image fantasmatique de la « décadence » romaine, l'âne d'or (ou Les métamorphoses) n'a pas moins fouetté les imaginations, surtout depuis qu'on s'accorde à y voir, à côté d'un récit picaresque bien mené, une oeuvre initiatique baignée de mysticisme oriental. Mais Apulée, on le sait depuis longtemps, a retravaillé un récit antérieur. Les allusions aux diverses formes de magie et à la religion égyptienne qui donnent à son roman tout son sens, le conte d'Amour et de Psyché où beaucoup en voient aujourd'hui la partie essentielle, l'épiphanie finale d'Isis, autant d'éléments insérés dans une trame préexistante, à laquelle le néo-platonicien carthaginois n'a pas, en définitive, changé grand-chose. Or ce texte primitif, ce modèle, nous l'avons. Il s'agit d'un court récit transmis dans le corpus de Lucien et intitulé Loukios ê Onos, Lucius ou l'âne.

À vrai dire, le lien exact entre les deux textes n'est pas clairement établi. L'érudit byzantin Photios (le même qui fut largement responsable du schisme orthodoxe), rendant compte d'une de ses lectures, mentionne à la fois un âne dû à un certain Lucius de Patras et un texte plus court de même titre, qu'il attribue à Lucien. Photios ne sait pas bien lui-même si le texte mis sous le nom de Lucien est un abrégé de l'autre ou si, au contraire, celui de Lucius de Patras en serait un développement. Il est même possible, du reste, que Photios ait mal analysé le titre et qu'il faille comprendre Les métamorphoses de Lucius de Patras comme renvoyant en réalité au nom du personnage (comme chez Apulée, précisément) et pas à celui de l'auteur.

Peu importe, en somme. Lucius de Patras, quel qu'il soit, est perdu ; le texte qui nous reste, celui qui est mis sous le nom de Lucien, nous intéresse seul ici. Mais faut-il bien y voir une oeuvre de l'admirable « Voltaire grec » ? La chose est plus que douteuse. Le style de Lucien est, comme on sait, atticisant, c'est-à-dire qu'il cherche à reproduire le plus fidèlement possible les particularités du grec classique des Ve et IVe siècles, la langue de Platon et de Démosthène ; ce n'est pas un hasard si ses oeuvres les plus anodines du point de vue du fond, comme les Dialogues des morts, ont longtemps servi à l'initiation des jeunes hellénistes. L'âne, au contraire, comporte de nombreuses particularités de vocabulaire et même de syntaxe, relevées dès le XVIIIe, qui ressortissent au démotique, c'est-à-dire à cette langue parlée au début de notre ère qui est l'ancêtre du grec moderne. Une oeuvre byzantine, donc, qui pastiche assurément Lucien, mais qui se rattache aussi à la tradition du roman grec, celle de Xénophon d'Éphèse ou de Longos.

C'est d'ailleurs à Paul-Louis Courier, traducteur aussi de Daphnis et Chloé, qu'on doit la version française la plus connue de notre âne. Publiée en 1824, elle est certes élégante et pleine de charme, mais souvent approximative, voire inexacte. Elle suffit cependant à se persuader que ce petit écrit ne mérite pas d'être complètement rejeté dans l'ombre par le succès d'Apulée. Bien plus dépouillé et plus direct que les imposantes Métamorphoses, il a ses qualités propres, que j'ai essayé de rendre accessibles au lecteur d'aujourd'hui en lui fournissant, sans vaine érudition, les quelques indications indispensables à la compréhension.

 


Apulée et l'Onos : comparaison thématique

 

(En italiques : addition ou développement propre à Apulée)

 

Les  Métamorphoses

L'Onos

I Aristomène et Socrate
Hypata ; la maison de Milon

§ 1-3


Hypata ; la maison d'Hipparque
II Byrrhène ; Photis
Thélyphron
§ 3-11 Abroia ; Palaistra
III Le faux procès
Métamorphose et départ
§ 11-17
Métamorphose et départ
IV Vers la caverne des bandits
Trois histoires de bandits
Éros et Psyché, I
§ 17-23 Vers la caverne des bandits
V Éros et Psyché, II

-

-

VI Éros et Psyché, III
Fuite et reprise
§ 23-26
Fuite et reprise
VII Tlépolémos sauve Charitè et Lucius
À la ferme
§ 26-33 La fille et Lucius sauvés
À la ferme
VIII

Mort de Charitè
Nouvelles aventures (les prêtres)
Trois incidents


§ 34-39

Nouvelles aventures (les prêtres)
IX Prêtres, boulanger, jardinier
Quatre histoires d'adultère
La mort du boulanger
Mort du propriétaire et de ses enfants
§ 40-45 Prêtres, boulanger, jardinier
X Belle-mère et beau-fils
Lucius et la cuisinière
Histoire de la condamnée
Le jour de l'exhibition (Corinthe)
§ 46-53
Lucius et la cuisinière

Le jour de l'exhibition (Thessalonique)
XI Métamorphose grâce à Isis ; initiation et rituel § 54-56 Métamorphose lors des jeux ;
appel au gouverneur ;
rebuffade de 'Pasiphaé' ;
retour dans sa patrie.


 

Indications bibliographiques

 

Texte : M. D. MacLeod, Oxford Classical Texts (t. II [1974]).

Traductions : fr., P.-L. Courier, 1824 (Oeuvres complètes, Bibl. de la Pléiade) ; E. Chambry (Garnier, t. II) ; angl., MacLeod, Loeb Classical Library (t. VIII, 1967 [d'après un texte qui n'est pas toujours le même que celui de l'OCT]) ; ital., Cl. Consonni (Classici greci e latini, Milan, Mondadori, 1994) ; lat., M. Gesner (1877, coll. Didot).

Études : B. E. Perry, The Ancient Romances. A literary-historical Account of their Origins, Berkeley, 1967 ; M. D. MalLeod, Lucianic Studies since 1930, dans Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, II, 34, 2 (1994), p. 1362-1421 ; H. J. Mason, Greek and Latin Versions of the Ass-Story, ibid., p. 1665-1707.


Traduction


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Commentaires éventuels : Michel Dubuisson <mdubuisson@ulg.ac.be>

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