Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, II, p. 367b-375a - ans 674-675

Édition : A. Borgnet (1869) ‒ Présentation nouvelle, traduction et notes de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2021)

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Ans 674-675

MEURTRE DE SAINT LAMBERT ET PUNITION DES ASSASSINS (DODON ET LES AUTRES) - SAINT HUBERT ET LE PAPE SERGE À ROME - L’ÉTOLE ET LA CLEF - AUTOUR DE L’ÉPISCOPAT DE SAINT HUBERT - PÉPIN - CHILDEBERT III - PLECTRUDE - DÉVELOPPEMENT DE LIÈGE, DEVENUE LIEU DE PÈLERINAGE - SAINT WILLIBRORD

Myreur, II, p. 367b-375a


A. An 674 = Myreur, II, p. 367b-371a : Autour du meurtre de saint Lambert

B. Ans 674-675 = Myreur, II, p. 371b-374a : Autour de l'épiscopat de saint Hubert

C. An 675 = Myreur, II, p. 374b-375a : Autour du développement de Liège


 

A. An 674 = Myreur, II, p. 367b-371a

 

Autour du meurtre de saint Lambert

1. Les conspirateurs et leurs rôles, dont Dodon, Guy d'Ans avec son épouse Sabine (histoire des coqs)

2. Le meurtre de saint Lambert : les criminels cherchent à pénétrer dans la chapelle et l'un d'eux, par le toit, frappe mortellement d'un coup d'épée le saint qui est résigné à mourir

3. Les autres tuent les deux serviteurs de saint Lambert, dévalisent la chapelle, puis s'entre-tuent

4. Guy d'Ans, devenu enragé, est guéri par saint Lambert, dont c'est le premier miracle après sa mort

5. Retour et ensevelissement des corps des martyrs à Maastricht

6. Pépin II est très affecté par ce meurtre et Plandris venge son frère par une série de massacres et d'incendies

7. Les coupables sont affreusement punis, particulièrement Dodon

8. Disparition de tout le lignage de Dodon, à l'exception notamment d'Alpaïde et de son fils Charles

 

 

1. Les conspirateurs et leurs rôles, dont Dodon, Guy d'Ans avec son épouse Sabine (histoire des coqs)

[II, p. 367b] [Dodo assemblat ses amis à Bolsée] Adont fist Dodo grant assemblée de ses amis à Bolsée, et là fut ordineit la mort sains Lambers, car ses despies li avoient racompteit que sains Lambers estoit venus en la capelle de sains Cosme et sains Damiain, en bois où ilh devoit dire messe lendemain qui seroit venredi. Adont fut la chose teilement ordinée que, droit à meenuit, s'assembleroient tous armeis tout droit en Publemont ; et enssi fut la chouse fermée, si soy sont departis.

[II, p. 367b] [Dodon rassembla ses amis à Bolsée] Alors Dodon réunit un grand nombre de ses amis à Bolsée, où fut décidée la mort de saint Lambert. En effet, ses espions lui avaient dit que saint Lambert était arrivé dans la chapelle Saint-Côme et Saint-Damien, dans le bois, où il devait dire la messe le lendemain, qui serait vendredi. Alors la chose fut organisée ainsi : à minuit exactement, tous se rassembleraient en armes directement en Publémont. Puis, une fois l'affaire conclue, ils se séparèrent.

[De sires d’Ains] Et Guyon, li sires d'Ains, priat à Sabine sa femme que elle l’envoilhast aux promiers cos chantant ; car ilh devoient prendre venganche de l'evesque Lambers qui avoit leur soreur deviloneit.

[Le seigneur d’Ans] Guy, le seigneur d'Ans, pria Sabine, sa femme, de l'éveiller aux premiers chants des coqs parce qu'ils devaient se venger de l'évêque saint Lambert, qui avait outragé leur soeur.

[Les cos qui devoient desperteir le sires d’Ains devinrent tous fontaines] Quant Sabine entendit son marit, qui estoit une sainte femme, se dest à bien, mains elle fist I altre chouse, sycom une loial femme doit faire à son marit ; car oussitost que son marit fut endormis, elle portat et fist emporteir tous les cos d'Ains et de Molins bien long fours de la vilhe, et responit là les cos, si devinrent fontaines par myracle, et encors sont là belles et bonnes fontaines : l'Escripture et la legent sains Lambers que ons Iyst à sainte Engliese le tesmongne. Enssi dormit Guyon jusqu'à jour.

[Les coqs qui devaient réveiller le seigneur d'Ans devinrent tous des fontaines] Quand Sabine, qui était une sainte femme, entendit son mari, elle acquiesça comme une femme loyale doit le faire, mais elle agit tout autrement. En effet, une fois son mari endormi, elle rassembla et fit emporter bien loin de la ville tous les coqs d'Ans et de Molin. Là où on les déposa, ils devinrent par miracle des fontaines belles et utiles, qui sont encore en place. En témoignent les textes et la légende de saint Lambert qu'on lit en la Sainte-Église. Ainsi Guy dormit jusqu'au jour.

[Les noms des tyrans qui murdrirent sains Lambers] A meenuit vinrent les tyrant de linaige Dodon : et promier vint Dodo, et Carahus son fis, et Bavon son genre, qui avoit à femme Angeline sa filhe ; apres vint Ebuch, li sires d'Embour, et Lanchelos et Sapiens, ses II fis ; apres vint Caleais, li sires de Vileir et Breton de Bolseez, qui estoit canoine et prevoste d'Outreit. Sains Lambers fut evesque et prelains de sainte Engliese ; si estoit venus oussi li prevoste del engliese d'Outreit, qui oussi estoit prelais de sainte Engliese, pour aidier sains Lambers murdrir, chu fut double mal.

[Les noms des criminels qui assassinèrent saint Lambert] À minuit arrivèrent les criminels du lignage de Dodon : en premier lieu Dodon, son fils Carahus et son gendre Bavon, époux de sa fille Angeline ; ensuite Ebuch, seigneur d'Embourg, et ses deux fils, Lancelot et Sapiens ; enfin Caleais, seigneur de Villers et Breton de Bolsée, qui était chanoine et prévôt d'Utrecht. Ainsi, alors que saint Lambert était évêque et prélat de la Sainte-Église, le prévôt de l'Église d'Utrecht, qui était aussi prélat de la Sainte-Église, était venu pour aider à mettre à mort saint Lambert. C'était un double méfait.

[En Publemont où fut fait l’engliese sains-Lorent où estoit la justice] Mains enssi qu'ilh estoient en Publemont à meenuit assembleis, en droit lieu où ly gibet de Liege fut apres assis promierement et y faisoit-ons le justiche, et apres où fut fondée ly engliese Sains-Lorent et encors y est, en cel lieu que je dis s'asemblat li parage Dodo, et là, ratendirent-ilh longement le chevalier de Molins et d'Ains, et en la fin desquendirent-ilh et vinrent à la capelle.

[En Publémont, où fut construite l’église Saint-Laurent et où se rendait la justice] Ils étaient ainsi rassemblés à minuit en Publémont, à l'endroit exact où fut dressé d'abord le gibet de Liège et où se rendait la justice, et où par la suite fut fondée l'église Saint-Laurent, qui s'y trouve encore. C'est en cet endroit dont je parle que se réunirent les parents de Dodon. Là ils attendirent longtemps le chevalier d'Ans et de Molin, et finalement ils descendirent et entrèrent dans la chapelle.

2. Le meurtre de saint Lambert : les criminels cherchent à pénétrer dans la chapelle et l'un d'eux, par le toit, frappe mortellement d'un coup d'épée le saint qui est résigné à mourir

Mains la lune luisoit, si en furent corochiés, car ilh avoit sour la capelle une crois qui estoit tout dorée qui reluisoit contre la lune, si quident que chu soit une fenestre qui soit aux teux, dont la clarteit ist fours ; [II, p. 368] si dest li uns aux aultres : « Grant clarteit at là dedens qui nos ferat vergongne, je croy qu’ilh ait là dedens grant gens de grant fierteit et de grant vassellaige ; se ly conte Plandris y estoit, nos sierions tous ochis. » Et dest ly altre : « Dieu toy donst honte et annoy, tu as jà paour, nuls ne seit parleir de nostre fait. Dont venroit là Plandris ? Ilh at nos cusins puis une an ochis Gallum et Riolum, qui sieront à nuit vengiet. »

La lune brillait, ce qui les irrita, car au-dessus de la chapelle brillait aussi, face à la lune, une croix toute dorée. Ils crurent que c'était une fenêtre sur le toit qui produisait cette clarté [II, p. 368] et ils se dirent entre eux : « Il y a là-dedans une grande clarté qui nous fera grande honte ; je crois que se trouvent à l'intérieur beaucoup de gens très fiers et très haut placés ; si le comte Plandris était là, nous serions tous tués. » Et d'autres disaient : « Que Dieu te donne honte et tristesse, tu as déjà peur, personne n'est au courant de notre affaire. Pourquoi Plandris serait-il là ? C'est lui qui, il y a un an, a tué nos cousins Gallus et Rioldus, qui, cette nuit, seront vengés. »

[Les tyrans descendent à la capelle] Atant desquendirent le bois, sy mainnent les armes grant bruit. En cel capelle avait une habitacle annexeit à la capelle que j'ay volut deseur deviseir, où demoroit uns des cusins sains Lambers, enssi com uns heremite, por gardeir la capelle et les joweais, en teile manere qu'en bois de Marlangne deleis Namur est la capelle Sains-George et li hermitaige enssi annexeit à lée.

[Les criminels descendent dans la chapelle] Alors, ils descendirent à travers le bois ; leurs armes faisaient grand bruit. Annexée à cette chapelle, il y avait une maison dont j'aurais voulu parler plus haut, où un des cousins de saint Lambert habitait en ermite, pour surveiller la chapelle et ses joyaux. C'est aussi le cas dans le bois de Marlagne, près de Namur, où se trouve la chapelle Saint-Georges et un ermitage qui lui est annexé.

[Ly garde del capelle aperchuit les tyrans] Et ly heremite, qui estoit en la capelle Sains-Cosme et Sains-Damien, estoit nommeis Andoliien, qui toudis sens departir gardoit la capelle. Et quant sains Lambers venoit por dire messe, si venoit le jour devant et voloit awec li ameneir adont Pire, son capellain, sicom celle fois l'avait ameneit. En la capelle sont eaux trois sens mescompteir dormans pasieblement, fours que Andoelien ly heremite qui de longtemps avait l'usaige de ly à leveir cascon jour et oreir en la capelle ; si estoit adont leveit, si oiit adont le frinte par le bois des armes, et oiit oussi grant parlement de gens.

[Le gardien de la chapelle aperçut les criminels] L'ermite qui était dans la chapelle Saint-Côme et Saint-Damien, appelé Andolet, la gardait tout le temps, sans jamais la quitter. Et quand  il venait pour dire la messe, saint Lambert arrivait la veille et voulait toujours amener avec lui Pierre, son chapelain. C'était le cas cette fois-là. On peut donc dire, sans risque de se tromper, que  trois personnes dormaient paisiblement dans la chapelle, sauf qu'Andolet l'ermite, qui depuis longtemps avait l'habitude de se lever chaque jour et d'y prier, était debout et avait entendu le bruit des armes dans le bois et des gens qui parlaient beaucoup.

[Comment sains Lambers fut martyrisiés] Andoelien oit paour, quant ilh entendit à cel heure teile bruit en bois : en sa ceyle est lanchiés et dest tou bas à sains Lambers : « Sires, leveis vos, car j'ay oiit des gens d'armes là dehors. » Quant sains Lambers l'oiit, si respondit : « Je croy que chu soit Dodo et les siens amis, ilh m'at manechiet de moy livreir à tourment, je moy defenderay en nom del sacrament, et vous awec moy defendeis-vos. » « En nom de Dieu, sires, volentier » dient cheaux. Cascon prent une espée en sa main, si sont aleis à la porte où les murdreurs frappoient de grandes congnies ; mains ilh ne fut pais abatue si toist, car ilh estoit mult forte.

[Le martyre de saint Lambert] Quand il entendit à pareille heure un tel bruit dans le bois, Andolet prit peur.  Il s'élança dans la cellule de saint Lambert et lui dit tout bas : « Seigneur, levez-vous, car j'ai entendu, dehors, des hommes armés. » À ces mots, saint Lambert répondit : « Je crois qu'il s'agit de Dodon et de ses amis ; il a menacé de s'en prendre violemment à moi ; je me défendrai, au nom du Saint Sacrement, et vous, avec moi, défendez-vous. » -- « Au nom de Dieu, seigneur, nous le ferons assurément », dirent-ils. Chacun prend en sa main une épée, et ils s'en vont vers la porte. Les meurtriers la frappaient à grands coups de cognées, mais elle ne fut pas abattue de sitôt, car elle était très solide.

Et quant sains Lambers aparchut, si fait tornoiement, si dest mult humblement : « Se li jour est venus que je doie morir, je le welhe en greit prendre en nom de mon salvement, sicom loial martyr et altrement non. » Et [II, p. 369] adont jettat-ilh jus son espée, et puis s'est aleis revestis sicom por dire messe, portant qu'ilh quidoit eistre deporteis des trahitres tyrans, car ilh n'estoit mie encors jour, mains ilh ne s'en falloit mie granment. Atant s'est estendus devant l’auteil en orant Dieu de cuer, si remannit là longement ; et les larons talhent laidement la porte, et ly heremite et Piron defendent bien la capelle.

Quand saint Lambert se rend compte de la situation, il change d'avis et dit très humblement : « Si le jour où je dois mourir est arrivé, je veux pour mon salut l'accepter de bon gré, en martyr sincère, et non autrement. » Et [II, p. 369] alors, il jeta son épée à terre et alla s'habiller comme pour dire une messe. Il croyait être loin des traîtres assaillants, car il ne faisait pas encore jour, mais il ne s'en fallait plus que de peu. Alors, il s'étendit au pied de l'autel en priant Dieu de tout son coeur et resta là longtemps. Les canailles fracassaient vilainement la porte, tandis que l'ermite et Pierre défendaient bien la chapelle.

[Sains Lambert fut chis ochis] Mains entres eaux oit unc tiran qui oit nom Silvestre, chis montat sour le teux où la lune luisoit sour la crois et quidat que chu fust une feniestre, mains ilh ne trovat là nulle feniestre, si at brisiet le teux et descovert, si regardat aval, si voit l'evesque en genos ; et quant ilh le voit si prent une glave, si l'avalat aval si droitement que ilh arestat à la canol de coul, et chis le buttat mult fort, si qu'ilh le passat tout parmy le cuer de ventre jusques al dos desous et issit fours par le fondement. De chil seul cop morut sains Lambers.

[Saint Lambert fut tué] Mais parmi les criminels se trouvait un nommé Silvestre, qui monta sur le toit où la lune se reflétait sur la croix ; il crut que c'était une fenêtre. Mais n'en voyant aucune, il brisa le toit, y fit une ouverture, regarda vers le bas et aperçut l'évêque à genoux. Quand il le vit, il prit un glaive, le laissa tomber avec tant d'adresse que l'arme atteignit la nuque de l'évêque, le frappant si fort qu'elle le pourfendit entièrement, lui traversant le coeur et le ventre, jusqu'au bas du dos, et  en sortant par le fondement. C'est de cet unique coup que mourut saint Lambert.

3. Les autres tuent les deux serviteurs de saint Lambert, dévalisent la chapelle, puis s'entre-tuent

[Les deux servans sains Lambers furent ochis] Quant Andoelien et Pire ont la glave aparchut, si corirent aidier le sains evesque qui jà estoit mors, et, demytant qu'ilh furent là ensongniés, entrarent en la capelle tous les tyrans, et ont ferut Pire et Andoeliien de cuteals et d'espeez et de fachons, assavoir que Dodo at ferut Pire d'on cuteal parmy les flans, et Ebuch ferut d'on fachon Andoelien sus le tieste, et le navrat teilement que li cerveal en issit, et puis le referit en coul, se li trenchat le chief jusqu’à motiet et plus. Enssi furent-ils tous trois mors, si vinrent les angeles de ciel qui enportarent les armes en paradis.

[Les deux serviteurs de saint Lambert furent tués] Quand Andolet et Pierre aperçurent le glaive, ils coururent aider le saint évêque qui était déjà mort ; tandis qu'ils étaient occupés à le soigner, tous les tueurs entrèrent dans la chapelle et attaquèrent Pierre et Andolet avec des couteaux, des épées et des crochets. Sachez que Dodon frappa le flanc de Pierre avec un couteau et qu'Embuch frappa Andolet à la tête, avec un crochet. Il le blessa si fort que sa cervelle en sortit ; puis, il l'attaqua au cou et lui trancha plus de la moitié de la tête. Ainsi moururent-ils tous les trois, et les anges descendirent du ciel pour emporter leurs âmes au paradis (cfr II, p. 483).

[Les garchons derobont la capelle] Atant soy levat li jour, et les tyrans s'en vont fuiant parmy le bois, car ilh orent paour des bresseurs et des hosteliers, qui demoroient sus Merchoul, qu'ilh ne fussent d'eaux attrappeis. Adont ilh s'en rallarent à lieu où ilh avoient fait leur assemblée, mains VI de leurs garchons sont retourneis arriere, et ont devestis les sains martyres et prisent leurs vestimens, joweals, calix, et les propres chandels qu'ilh trovont là furent toutes embleis et emporteit, et puis s'en vont fuant.

[Les valets dévalisèrent la chapelle] Alors le jour se leva. Les meurtriers s'enfuirent à travers le bois, de peur d'être attrapés par les brasseurs et les hôteliers qui habitaient Merchoul. Ils regagnèrent l'endroit où ils s'étaient réunis. Mais six de leurs serviteurs retournèrent sur leurs pas, déshabillèrent les saints martyrs et prirent leurs vêtements ; les joyaux, les calices et même les chandelles qu'ils trouvèrent là furent dérobés et emportés, et ils s'en allèrent en fuyant.

[Les VI garchons se sont ochis] Les garchons que je dis fisent I grant mervelhe, car, por lesdis joweals al departir, entrarent en teile discorde qui se sont l'unc l'aulre tous ochis, et les joweals sont remanus desus l'erbe.

[Les six valets se sont tués] Les serviteurs dont je parle firent une chose très étonnante, car, au moment de partager les joyaux en question, ils se disputèrent tellement qu'ils s'entre-tuèrent et que les trésors restèrent sur l'herbe.

4.  Guy d'Ans, devenu enragé, est guéri par saint Lambert dont c'est le premier miracle après sa mort

[De Guyon d’Ains qui enragat] Et li soleais se lieve, qui fait le chevalier d'Ains envoilhier ; si voit le jour luire, si at appelleit sa femme et li dest que ilh l’at trahit. Et elle jurat, en respondant qu'elle n'oiit à nuit cos [II, p. 370] chanteir. Atant soy lieve Guyon, et est armeis, et monteis sour son cheval, si le fait fort corir tant qu'ilh vint en la plache où les garchons soy ochioient, et de eaux tant de pieches faisoient qu’ilh en fussent plains III hanstes.

[Guy d’Ans devint enragé] Le soleil levant réveille le chevalier d'Ans ; il voit le jour briller, appelle sa femme et lui dit qu'elle l'a trahi. Elle répond en jurant qu'elle n'avait entendu aucun coq [II, p. 370] chanter. Alors Guy se lève, s'arme, monte son cheval, et le fait galoper jusqu'à l'endroit où les valets s'entre-tuaient et se réduisaient en morceaux si nombreux qui auraient pu remplir trois mannes.

Quant Guyon veit chu, si retournat vers sa maison et remerchiat sa femme qu’elle l’avoit gardeit de mal. Quant la damme le veit venir, se li demandat : « Sire, est li mal murdre fait ? » Et chis ly resspondit : « Oilh. » Et en disant chu ilh vat enragier, et salhit jus de son cheval en disant : « Grand mal m'apresse, alleis en sus de moy. » Et commenchat à chi mot à mordre en ses mains, mains ses servans le tinrent fortement cuchiés sour une table. Atant vint là li preistre qui avoit dit messe, qui dest sour luy une orison ; et la damme soy promist à Dieu et à sa mere qu’elle amenderat le fait de la mal volenteit son marit. Adont vinrent les gens de la vilhe, s'aportarent des herbes et fisent leurs sorcheries entours Guyon, qui riens ne li aidont.

Voyant cela, Guy retourna chez lui et remercia sa femme qui l'avait gardé de mal agir. Quand elle le vit, elle lui demanda : « Seigneur, le mauvais meurtre a-t-il été accompli ? » Il lui répondit : « Oui. » Et en disant cela, il est pris de rage et saute de son cheval en disant : « Un grand mal m'oppresse, éloignez-vous de moi ». Et à ces mots, il commença à se mordre les mains, mais ses serviteurs le maintinrent solidement couché sur une table. Alors arriva le prêtre qui avait dit la messe et qui prononça sur lui une prière ; et la dame promit à Dieu et à sa mère qu'elle réparerait la mauvaise intention de son mari. Alors des gens de la ville arrivèrent, apportant des herbes. Ils firent autour de Guy leurs sorcelleries qui ne l'aidèrent en rien.

[Le promier myracle que sains Lambers fist apres sa mort] Mains Sabine, sa femme, par l'inspiration divine espirée, at unc messagier envoiet awec I pot plain d'aighe en la capelle des martyres, et li dest qu'ilh lavast en l'aighe la chair del saint evesque martyr. Et li messagier s'en vat, qui oit nom Gawain, si vint à la capelle et de propre sanc l'evesque at butteit en son pot al aighe ; si revint atant, et le donne à la damme qui le prent et en jettat trois fois sour le viars de Guyon. Et chis tantost salhit sus tout garis, si at Dieu et le sains martir regrachiiet et adoreis. Et fut chu ly promirs myracle que sains Lambers fist apres sa mort.

[Le premier miracle de saint Lambert après sa mort] Mais Sabine, sa femme, inspirée par l'esprit divin, a envoyé un messager avec un pot rempli d'eau dans la chapelle des martyrs, en lui disant de laver avec cette eau le corps du saint martyr. Et le messager, nommé Gauvin, arrive à la chapelle et verse dans l'eau de son pot du sang de l'évêque. Il revient, donne le pot à la dame, qui le prend et, à trois reprises, asperge avec cette eau le visage de son mari. Celui-ci aussitôt se redresse ; complètement guéri, il remercie et adore Dieu et le saint martyr. Ce fut le premier miracle accompli par saint Lambert après sa mort.

5. Retour et ensevelissement des corps des martyrs à Maastricht

[Cheaux de Treit vinrent quere les sains corps et les ensevelirent à Sains-Pire à Treit] Ly linage maldis de Dodo et des altres riens ne savoient de chu, ains sont departis et est chascon ralleis en sa maison, qui quidoient bien eistre en pais. Et quant cheaux de Treit sorent le murdre, si en furent corochiés et dolans, si vinrent requiere les trois corps awec grant procession, et les ont enporteit à Treit en l'engliese Sains-Pire, c'on dist maintenant l'engliese Nostre-Damme, les ont ensevelis.

[Les gens de Maastricht vinrent rechercher les corps saints et les ensevelirent à Saint-Pierre à Maastricht] Le lignage maudit de Dodon et des autres ne savait rien de tout cela. Ils étaient partis ; chacun était retourné chez lui et croyait être bien en paix. Et quand les habitants de Maastricht apprirent le meurtre, ils en furent irrités et peinés. Ils vinrent rechercher les trois corps, en grande procession, les emportèrent à Maastricht et les ensevelirent dans l'église Saint-Pierre, qu'on appelle maintenant l'église Notre-Dame.

[Les vestimens sains Lambers furent raporteis à Treit] Adont li sains evesque fut revestis de ses vestimens qui avoient esteit embleis, enssi com dit est, car ilh furent raporteis à Treit ; et fut ensevelis en sepulcre son peire Aper, et Pire et Andoelien furent ensevelis asseis pres.

[Les vêtements de saint Lambert furent rapportés à Maastricht] Alors le saint évêque fut revêtu des vêtements qui, comme cela a été dit, lui avaient été enlevés et puis ramenés à Maastricht. Il fut enseveli dans le tombeau de son père Aper ; Andolet et Pierre le furent tout près de lui.

6. Pépin II est très affecté par ce meurtre  et Plandris venge son frère par une série de massacres et d'incendies

[Pipin oit mult grand duelh de mort sains Lambert] Ors avient que en chi temps ly dus Pipin estoit à Mes, et Gandus, son chamberlain, venoit de Jupilhe ; si [II, p. 371] entendit les dites novelles, si revint à Mes et dest à Pipin comment sains Lambers avoit esteit murdris, de quoi Pipin oit teile duelhe pres que ilh n'enragast, si at jureit et dit que à mal heure fut onques li fait porpenseis ne fais, et Alpays en serat decachiet, ne jamais ne serat à li recompangniet, et s'il ne le laisoit por Charlot son fis, ilh le feroit ardre.

[Pépin fut très affecté par la mort de saint Lambert] À ce moment-là, le duc Pépin était à Metz et Gandus, son chambellan, revenait de Jupille. Il avait [II, p. 371] appris les nouvelles et, une fois rentré à Metz, il raconta à Pépin comment saint Lambert avait été assassiné. Pépin en éprouva une telle douleur qu'il en devint presque enragé. Il affirma solennellement que cette affaire avait été pensée et réalisée pour leur malheur, qu'Alpaïde serait chassée, qu'elle ne reviendrait jamais en sa compagnie et que, n'était son fils Charles, il la ferait brûler.

[Plandris ochis IIIIm hommes et ardit leurs vilhes por sains Lambers] Et li conte Plandris, quant ilh le soit, si assemblat grant gens et vint com eragiés à Ains et à Molins, si les at tous jus ars jusqu'en terre : Avroit, Frangnée, Embour, Bolsée, Vileir, Fiies et Lexi at ars et exilhiés, et si ochist bien IIIIm hommes ; mains Dodo et ses freres furent touz fuys en Condros, là n'allat mie Plandris, sy remanirent pres d'on an.

[Plandris tua quatre mille hommes et incendia leurs villes pour venger saint Lambert] Quand il sut cela, le comte Plandris rassembla un grand nombre de gens et vint comme un enragé à Ans et à Moulin. Il brûla tout jusqu'au sol : Avroy, Fragnée, Embourg, Bolsée, Villers, Fexhe et Lexhy, qui furent incendiés et rasés ; il tua au moins quatre mille hommes. Mais Dodon et ses frères s'étaient tous enfuis en Condroz. Ils y restèrent près d'un an et Plandris ne s'y rendit pas.

7. Les coupables sont affreusement punis, particulièrement Dodon

[Les tyrans ont mis unc despie pour ochier Plandris] Puis ont pris entre eaux conseIhe comment ilh poront eistre de conte Plandris vengiés. Là dest unc vies chevalier, qui estoit nommeis Garion, que Plandris hantoit à Blise où ilh amoit une damme, et là demoroit VIII jours bien sovent : qui l'y (corr. li) poroit sorprendre tant qu'ilh fust mors, les altres seroient tous apasenteis. A che sont tous acordeis et ont mis une despie à Blise, tant que, droit al chief del an que sains Lambers avoit esteit martyrisiet, à la somont del despie, si sont assembleis en propre jour XVIe de septembre et en propre lien deseurdit.

[Les meurtriers ont placé un espion pour tuer Plandris] Ensuite ils se sont demandé comment ils pourraient se venger du comte Plandris. Un vieux chevalier, du nom de Garion, leur dit que Plandris fréquentait à Bilsen une dame qu'il aimait, et qu'il demeurait souvent là une huitaine de jours : celui qui pourrait s'emparer de lui et le mettre à mort rassurerait tous les autres. Ils se mirent tous d'accord et placèrent un espion à Bilsen ; et, exactement au début de l'année suivant le martyre de saint Lambert, sur un signal de l'espion, le seize septembre précisément, ils se rassemblèrent à l'endroit en question.

[Tos ches qui ochirent sains [Lambers] à chief de l’année enragont en propre lieu où ilh s’asenblont] Et quant ilh furent tous venus cheaux qui avoient esteis presens à la mort sains Lambers, excepteit lez garchons qui enragarent et soy ochisent, si prist Dieu venganche de tous eaux ; car tout promier ilh amortit leur sens, et enragarent tous, et ne savoient qu'ilh les falloit, et soy ochisent li unc l'autre, tout sens deporteir, et finablement ilh furent tous mors.

[Au début de l’année, tous ceux qui tuèrent saint [Lambert] devinrent enragés à l'endroit même où ils se rassemblèrent] Et quand furent arrivés tous ceux qui avaient été présents à la mort de saint Lambert (à l'exception des valets qui étaient devenus enragés et s'étaient entre-tués), Dieu se vengea d'eux tous. D'abord il leur fit perdre la raison : tous devinrent enragés ; ils ne savaient plus que la raison leur manquait et s'entre-tuèrent, sans pouvoir se maîtriser. Tous finalement moururent.

[Comment Dodo morut terriblement et les siens] Mains Dodo en morant jettat toutes ses entralhes fours par le bouche, et quant ilh les oit vomit, ilh les commenchat à remangier et soy estranglat.

[Mort affreuse de Dodon et des siens] Mais Dodon en mourant rejeta par la bouche toutes ses entrailles et, quand il les eut vomies, il se mit à les remanger et il s'étrangla.

8. Disparition quasi complète du lignage de Dodon, à l'exception notamment d'Alpaïde et de son fils Charles

[La venganche del mort sains Lambert] Enssi fut prise la venganche depart Dieu de la mort sains Lambers, et fut là tous ly linaige ochis, excepteit Alpays et Carle son fis, et Geneline le filhe le chevalier de Molins, qui avoit Harduart de Cuchi à marit : celle demoroit en Franche, et de lée issit ly linage Gennulhon.

[La vengeance de la mort de saint Lambert] C'est ainsi que Dieu vengea la mort de saint Lambert, et que tout le lignage du meurtrier fut tué, à l'exception d'Alpaïde, de Charles son fils, et de Géneline, la fille du chevalier de Moulin, laquelle avait  épousé Harduart de Coucy (cfr II, p. 331). Cette Géneline demeurait en Francie, et c'est d'elle qu'est issu le lignage de Ganelon (cfr II, p. 331).


 

B. Ans 674-675 Myreur, II, p. 371b-374a

 

Autour de l'épiscopat de saint Hubert

1. Au moment du meurtre de saint Lambert, son disciple Hubert, s'interrogeant sur son avenir, prie intensément dans diverses églises de Rome - Un ange annonce au pape Serge (687-701 n.è.) le meurtre de saint Lambert en lui tendant la crosse et l'anneau du martyr et en lui disant de désigner Hubert comme son successeur - Le pape en informe saint Hubert et entame les cérémonies nécessaires - Il lui confère successivement les divers ordres sacerdotaux après l'avoir libéré des obligations liées à la chevalerie

2. Un problème surgit lorsque le pape veut donner à saint Hubert l'étole qui lui est indispensable pour agir comme évêque - Le diable contrarie cette procédure, en arrachant systématiquement des mains du pape l'étole nécessaire, et cela à quatorze reprises - Finalement un ange descend pour lui apporter du ciel une étole ainsi qu'une clé d'argent qui permettra au nouvel évêque de guérir diverses maladies - Cette étole et cette clé sont encore des objets de vénération dans la région -

3. Saint Hubert revint à Maastricht, devenant le trentième et dernier évêque de Tongres et le premier évêque de Liège

4. Il oblige Pépin à reprendre son épouse Plectrude et accomplit beaucoup de miracles durant un saint ministère, très actif

 

1. Le pape Serge (687-701 n.è.), averti du meurtre de saint Lambert, consacre comme évêque de Tongres saint Hubert, présent à Rome 

[Chi commenche la vie sains Hubers - Sains Hubers entrat en Romme] Ors revenons à nostre matere, chu est de sains Hubers d'Aquitaine qui s’envat vers Romme, et alat tant, awec ly Fouques et Renart, qu'ilh entrat en Romme le jour devant que sains Lambers fut mors, et entrat al nuit en [II, p. 372] l'engliese Sains-Pire, en unc repars lieu où la tumbe sains Pire seioit. Et là orat-ilh tout nuit, en depriant à glorieux apostle sains Pire que ilh ly vosist impetreir à Dieu le grasce de avoir teile lieu de religion où ilh posist Dieu servir, et que ilh li veulhe espireir le melheur por son arme à salveir. Et fut en teile manere que ilh estoit là en orison à la propre heure que sains Lambers fut murdris, et, quant ilh fut jour, ilh soy levat et alat visenteir les englieses parmy Romme, et awec luy sains Agauz, et son clerc Boduen, et Frongniut son capellain ; et quant vint l'heure de disneir, si allerent disneir à son hosteit al maison Colon Boche.

[Ici commence la vie de saint Hubert - Saint Hubert entra à Rome] Maintenant revenons à notre matière, c'est-à-dire à saint Hubert d'Aquitaine, qui partit pour Rome, accompagné de Foulque et de Renard. Il y arriva la veille du jour du meurtre de saint Lambert et entra la nuit dans [II, p. 372] l'église Saint-Pierre, dans un lieu retiré où se trouvait la tombe de saint Pierre. Là il pria toute la nuit le glorieux apôtre Pierre de demander à Dieu de lui faire la grâce d'obtenir un lieu sacré où il pourrait le servir, et de vouloir aussi lui inspirer la meilleure façon de sauver son âme. Et saint Hubert était là en prière à l'heure même où saint Lambert fut assassiné. Quand il fit jour, saint Hubert se leva et alla visiter les églises de Rome, en compagnie de saint Agauz, de son clerc Boduen et de Frongnut, son chapelain ; puis, quand vint l'heure de manger, ils allèrent dîner à son hôtel, dans la maison Colon Boche.

[L’angle s’apparut à pape] Apres disner s'en rallat Hubers en l'engliese Sains-Pire, et là fut-ilh tout nuit orans et la tirche nuit tot enssi. Si avient à la tirche nuit que li angle de chiel apportat à pape Sergien, en sa chambre, le croche et l'aneal de sains Lambers, et ly dest : « Sergien, depart Dieu toy suy anunchans, et toy dis et fais savoir que Lambers, l'evesque de Tongre, fut hier à matien devant le jour ochis par murdreres, por raison et droit sourtenir, et est son arme jà seiant en chiel et le lieu des martyres possessans. Or toy commande Dieu qu'en l'engliese plaisant, sus la tumbe sains Pire, quant ons chanterat matien, unc proidons que Dieu est eslisant pour succedeir Lambers, qui est nobles et sains : si est nommeis Hubers, fis le dus Bertrant d'Acquitaine, et est bons chevalier ; ors le sois dispensans et ordinans à evesque, voischi croche et anyel qu'en la capelle je fuy prendans. » Atant sonnent matines et ly angle soy depart ; li pape est leveis et en remerchiat Dieu, tout plorant de chu que ly angle li avoit racompleit.

[L’ange apparut au pape] Après le dîner, Hubert retourna à l'église Saint-Pierre et resta là en prière durant toute la nuit, ainsi que la nuit suivante. Et pendant cette troisième nuit, un ange du ciel apporta au pape Serge, dans sa chambre, la crosse et l'anneau de saint Lambert et lui dit : « Serge, de la part de Dieu je viens t'annoncer, te dire et te faire savoir que, hier matin, avant le lever du jour, Lambert, l'évêque de Tongres, a été tué par des meurtriers, parce qu'il soutenait la raison et le droit. Son âme siège déjà au ciel, à l'endroit réservé aux martyrs. Maintenant Dieu te fait savoir qu'un homme sage choisi par Dieu pour succéder à Lambert sera présent dans l'église, sur la tombe de saint Pierre, à l'heure du chant des matines. Il est noble et saint ; il s'appelle Hubert ; il est fils de Bertrand d'Aquitaine et bon chevalier. Dispense-le des charges de la chevalerie et ordonne-le comme évêque ; voici la crosse et l'anneau que j'ai pris dans la chapelle ». À ce moment  les matines sonnèrent et l'ange s'en alla. Le pape se leva et remercia Dieu en pleurant, suite à ce que l'ange lui avait raconté.

Cet épisode romain, avec saint Hubert et le pape Serge, est raconté en détail dans la Geste de Liège, vers 10320-10468

Hubiers dis d'Aquitaine estoit en genos devant la tumbe sains Pire. Sergien soy levat, en plorant de la grant pieteit que li angle li dest, si en oit grant mervelhe et dest : « Hée ! peire Dieu glorieux, qui tout le monde fesist, comment aveis soffert si desloial fait ? Mains nonporquant bien doit souffier à tous chu qui vous souffie. » Ses camberlains vinent atant à grant masnie, et aportent chierges ardans. Et li pape regarde le croche et l'anel ; si en fist grant joie, quant ilh le veit molhié en sanc, car sains Lambers l'avoit deleis li, quant ilh fut ochis.

Hubert, dit d'Aquitaine, était à genoux devant la tombe de saint Pierre. Le pape Serge, en pleurs, se leva, très ému du message que l'ange lui avait apporté. Il s'émerveilla de tout cela et dit : « Hé ! Dieu père très glorieux, qui avez créé le monde, comment avez-vous supporté un acte aussi injuste ? Mais néanmoins, tous doivent être contents de ce qui vous satisfait. » Ses chambellans vinrent alors en grand nombre portant des cierges allumés. Le pape regarda la crosse et l'anneau. Il ressentit une grande joie quand il les vit humides de sang, car saint Lambert les avait près de lui, quand il fut tué.

[Ly pape s’en vat vers Hubers] Atant s'envat ly pape à [II, p. 373] l'engliese jusqu'en la tumbe sains Pire ; là at troveit sains Hubers orant, par les bras l'at pris et saisit, et ly dest : « Hubers d'Aquitaine, lieve-toy sus et rechuis la digniteit que Dieu t'envoie depart nos, et en nom de Dieu toy proveions delle engliese de Tongre, com pape de Romme qui le siege tenons. »

[Le pape va vers Hubert] Alors le pape se rend dans [II, p. 373] l'église, jusqu'à la tombe de saint Pierre. Là il trouva Hubert en prières, le prit et le saisit par les bras et lui dit : « Hubert d'Aquitaine, relève-toi et reçois la dignité que Dieu t'envoie par notre intermédiaire. Au nom de Dieu, en tant que pape de Rome dont nous occupons le siège, nous te chargeons de l'église de Tongres ».

Quant sains Hubers entendit chu, si respondit : « Sires peire tres-sains, sachiés que nos venons de Treit, si vos devons demandeir depart l'evesque lyqueis ilh vaut mies, ou mentir por plus longement vivre et faire contre le fourme de sainte Engliese, ou morir en tenant tout sens corruption droiture et veriteit ; car chu li est mestier, et par ma foid ch’est uns sains hons et je suy son disciple, sy ne say porquoy vos le voleis oisteir. » 

Quand saint Hubert entendit cela, il répondit : « Seigneur, père très saint, sachez que nous venons de Maastricht ; nous devons vous demander de la part de l'évêque ce qu'il vaut mieux faire : mentir pour vivre plus longtemps mais en agissant contre les règles de la Sainte-Église, ou mourir en respectant le droit et la vérité, sans les pervertir. C'est ce qu'il désire savoir. Et, par ma foi, c'est un saint homme, je suis son disciple et je ne sais pas pourquoi vous voulez lui ôter sa charge. »

[Li pape parole à sains Hubers] « Amis, dest ly pape, nos ne le volons mie oisteir, mains ilh est murdris, et chu nos at dit l'angle de chiel : voischi croche et aneal que nos avons apporteis, enssi com li angle le nos at livreit : en nom del sainte Triniteit al commandement de Dieu, nos le presentons. »

[Le pape parle à saint Hubert] « Ami, dit le pape, nous ne voulons pas le priver de sa charge, mais il a été tué. Cela nous a été dit par un ange du ciel. Nous avons apporté ici sa crosse et son anneau, dans l'état où l'ange nous les a remis : au nom de la sainte Trinité, sur l'ordre de Dieu, nous te les présentons. »

[Li pape emenat Hubers à l’auteit - Sains Hubers prist tous ses ordres] Quant sains Hubers entendit chu, si commenchat à ploreir tenrement en jettant grant souspirs. Et ly pape prist Hubers par le main, et le menat devant l'auteit ; si sont mis en genos et dient leurs orisons, et puis l'at dispenseis del ordre de chevalerie. Et puis li pape l'ordinat acolite, et les altres menuez ordres ; apres l'ordinat subdyake, dyake et preistre.

[Le pape emmena Hubert vers l’autel - Saint Hubert reçut tous les ordres] Quand saint Hubert entendit cela, plein d'émotion, il se mit à pleurer et à pousser de profonds soupirs. Le pape le prit par la main et le mena devant l'autel. Ils s'agenouillèrent et firent leurs prières. Puis, après l'avoir libéré de l'ordre de la chevalerie, le pape le nomma acolyte et lui conféra les ordres mineurs avant de l'ordonner sous-diacre, diacre et prêtre.

2. La question de l'étole et de la clef

[Del stoile et le cleif sans Hubers] Atant fut-ilh jour ; mains ly dyables les faisoit grant destoublier, car ilh embloit toutes les stoiles que ly tressorier aportoit : ilh en emblat jusqu'à XIIII estoiles. Atant soy mist li pape en orison et tous cheaux qui là estoient, en depriant Dieu qu'ilh leur fache sourcour. Là fist myracle li vraie Dieu, car ly sains angle aportat de paradis une estoile à son evesque por ordineir preistre, et le presentat al pape en disant : « Dieu envoie ceste estoile à son evesque, et qu'elle soit siene, et ceste clef d'argent qui est de grant virtu, qui donne puissanche à Hubier qu'ilh en aurat poioir delle sanneir toutes gens lunatiques et forsenneis et plains de raige, et qui sieront vexeis de dyable, por unc pou fendre en leurs frons et mettre dedens la plaie del estoile ». 

[L'étole et la clef de saint Hubert] Alors le jour se leva. Mais le diable causait de grands troubles, car il enlevait toutes les étoles que le trésorier apportait : il en enleva jusqu'à quatorze. Alors le pape et toutes les personnes présentes se mirent en prières, demandant à Dieu de les secourir. Alors le vrai Dieu fit un miracle, car le saint ange apporta du paradis une étole à son évêque pour lui permettre d'ordonner les prêtres. L'ange la présenta au pape en disant : « Dieu envoie à son évêque, pour qu'elles lui appartiennent, cette étole et cette clef d'argent, dorée d'un grand pouvoir, car elle permettra à Hubert de guérir tous les lunatiques, les forcenés, les enragés et les possédés du diable. Il suffira de faire une petite fente sur leur front et d'y poser un morceau de l'étole. »

Ors nos dist li croniques que sains Hubers donnat la cleif à l'engliese Sains-Pire à Liege, et ly estoile est en l’abbie Sains-Hubiers en Ardenne. Celle estoile ont veyut mult de gens puisedit, où ilh at fait mult de myracles.

Alors la chronique nous dit que saint Hubert donna la clef à l'église Saint-Pierre à Liège, et que l'étole se trouve dans l'abbaye Saint-Hubert, en Ardenne. Beaucoup de gens ont vu par la suite cette étole qui a fait beaucoup de miracles.

Plus de détails sur l'étole et la clef sur Wikipédia. Concernant la clef de saint Hubert, on verra l'ouvrage de Philippe George, La clé-reliquaire de saint Hubert, LTO, 2019, 80 p.

3. Saint Hubert, trentième évêque de Tongres et premier évêque de Liège

[Sains Hubers fut ly XXXe evesque de Tongre et li dierains et li promier de Liege] Et puis fut, sains Hubers consacreis à evesque, si dest messe en l'engliese Sains-Pire à Romme, et apres, par le congiet de pape, ilh revint à Treit, où [II, p. 374] ilh fut rechus à evesque de Tongre le XXXe et li derains. Si les governat XIII ans, et, apres les XIII ans, ilh fist translateir le corps sains Lambers quant ilh fondat la citeit de Liege ; si en fut ly promier evesque, et tient le siege de Liege XXX ans ; chu fut XLIII ans qu'ilh viscat evesque de Tongre et de Liege.

[Saint Hubert fut le trentième et dernier évêque de Tongres et le premier évêque de Liège] Puis saint Hubert fut consacré évêque. Il dit une messe en l'église Saint-Pierre à Rome, et ensuite, avec la permission du pape, revint à Maastricht où [II, p. 374] il fut reçu comme trentième et dernier évêque de Tongres. Il gouverna pendant treize ans, après quoi il fit transférer à Liège le corps de saint Lambert quand il fonda la ville. Il en fut le premier évêque et occupa le siège de Liège pendant trente ans. Il vécut donc quarante-quatre ans en tant qu'évêque de Tongres et de Liège.

Ors fut sains Hubers evesque de Tongre, et dient pluseurs gens qu’ilh fut fels et orgulheux ; mains chu fut ly plus douls, piteux, caritable et vraie catholique que ons posist troveir..

Saint Hubert fut évêque de Tongres. Beaucoup disent qu'il fut fourbe et orgueilleux, mais c'était l'être le plus doux, le plus pieux, le plus charitable que l'on puisse trouver, un vrai catholique.

4. Saint Hubert oblige Pépin de reprendre son épouse légitime - Nombreux miracles durant son ministère très actif

[Pipin rechut à grant honneur sains Hubers l’evesque] Quant Pipin li privoste soit la veriteit de sains Hubers, ilh en fut mult liies, et vint à Treit, et li fist grant reverenche, et soy presentat à luy del fair toute serviche et amisteit ; mains sains Hubers ly dest, en jurant grant seriment, qu'ilh ne voloit avoir à ly nulle amisteit, se ilh ne reprendoit sa femme Plectris et luy portast honneir, foid et loialteit, enssicom ilh ly avoit jureit quant ilh l’esposat. « Et se tu ne fais chu, je toy excommengneray par toutes les englieses d'Austrie, et apres par tout Franche. »

[Pépin reçut avec grand honneur l'évêque saint Hubert] Quand Pépin le prévôt connut la vérité concernant saint Hubert, il fut très satisfait, se rendit à Maastricht, lui témoigna beaucoup de respect et lui proposa de le servir et d'être son ami. Mais saint Hubert lui dit alors ‒ et lui en fit le grand serment ‒ qu'il ne voulait avoir avec lui aucun lien d'amitié, s'il ne reprenait pas sa femme Plectrude pour lui assurer honneur, fidélité et loyauté, comme il l'avait juré lorsqu'il l'épousa. « Et si tu ne le fais pas, je t'excommunierai de toutes les églises d'Austasie et ensuite de toute la Francie. »

[Pipin reprist sa femme al proïer sains Hubers] Quant Pipin, qui estoit proidhons et bon cristien, entendit chu, se li respondit : « Sires cusins, je le vos otroie et jure del faire tout chu que vos moy requereis del faire. » Atant remandat Pipin Plectris sa femme, et le tient deleis luy sicom ilh afferoit, tant com ilh Pipin viscat, et furent en grant pais dedont en avant.

[Pépin reprit sa femme à la prière de saint Hubert] Quand Pépin, qui était un sage et un bon chrétien, entendit cela, il lui répondit : « Seigneur, mon cousin, je suis d'accord et je vous jure de faire tout ce que vous me demandez ». Alors Pépin rappela sa femme Plectrude, la garda chez lui, comme cela convenait, le restant de sa vie et dorénavant ils vécurent en paix.

Puis at sains Hubers prechiet parmy son evesqueit, et at mult de gens retrait de malvaisteit, et Dieu at par luy fais mult de myracles, car ilh garissoit tous les forsenneis et les lunatiques, et portoit toudis awec ly son clef et son estole.

Ensuite, saint Hubert prêcha dans son évêché et arracha un grand nombre de gens à une mauvaise vie. Par son intermédiaire, Dieu fit de nombreux miracles, car il guérissait tous les forcenés et les lunatiques, et il portait toujours avec lui sa clef et son étole.


 

C. An 675 = Myreur, II, p. 374b-375a

 

Autour du développement de Liège

1. Childebert III succède à Thierry III comme roi de Francie

2. Des guérisons miraculeuses ont lieu à l'endroit  du martyre de saint Lambert et attirent de nombreux pèlerins

3. Cela contribue au développement de Liège

4. Saint Willibrord, évêque d'Utrecht, met par écrit la passion de saint Lambert et place dans la chapelle une illustration en or de son martyre

5. On vient à Liège de partout, on y assiste à des miracles et la visite vaut d'importantes indulgences

6. Décision du pape Serge (687-701 n.è.) sur l'Agnus Dei

 

 

1. Childebert III succède à Thierry III comme roi de Francie

[II, p. 374b] [L’an VIc LXXV - Hildebers li roy de Franche XVIIIe] Item, en cel an, en mois de decembre morut Thyris, ly roy de Franche, si fut ensevelis en l'engliese Sains-Waust d'Aras ; et fut apres luy fais roy son fis Hildebers, lyqueis regnat XIII ans et dois mois.

[II, p. 374b] [An 675 - Childebert, dix-huitième roi de Francie] Cette année-là, au mois de décembre, Thierry (III), le roi de Francie, mourut et fut enseveli dans l'église Saint-Vaast d'Arras ; après lui, son fils Childebert (III) devint roi, et régna durant treize ans et deux mois.

Dans l'Histoire, Thierry III, souverain de Neustrie-Burgondie (de 673 à 691) et d'Austrasie (de 687 à 691), meurt en 691 - Son fils, Clovis IV, le remplace dans les trois régions de 691 à 695 - À sa mort, il est remplacé par le second fils de Thierry, Childebert III, toujours, dans les trois régions, de 695 à 711. Chez Jean d'Outremeuse, la chronologie des souverains est différente. Thierry III meurt en 675 et est directement remplacé par son fils Childebert III, qui règne, sur les trois régions, jusqu'à sa mort en 687 (cfr II, p. 392). Jean d'Outremeuse fait donc l'impasse sur le règne historique de Clovis IV et propose une chronologie qui n'est pas conforme à l'Histoire : Thierry III meurt chez lui en 675 (au lieu de 691 n.è.) et Childebert III meurt en 687 (au lieu de 711 n.è.), 16 ans d'écart d'un côté, 25 ans d'écart de l'autre.

2. Des guérisons miraculeuses ont lieu à l'endroit du martyre de saint Lambert et attirent de nombreux pèlerins

[Sains Lambert commenchat à garir tous malades al capelle de Liège - Des myracles sains Lambers qui se fasoient à Liege] Item, l'an VIc et LXXV, commencharent à venir à lieu où sains Lambers fut murdris et martyrisiés, assavoir en la capelle Sains-Cosme et Sains-Damien, tous malaides de toutes maladies de messeleries, cotrais, avoigles, paralitiques, foux, sourdois, artyculeux et rongneux, sycom pelerins, visenteir le sains lieu. Là demonstrat ly vraie Dieu mult de myracles, car tous cheaux qui venoient là, tantoist quant ilhs avoient faites leurs orisons, ilh estoient garis, et à Treit, où li corps de sains martyr gisoit, ne demonstrat Dieu nuls myracles.

[Saint Lambert commença à guérir tous les malades dans la chapelle de Liège - Des miracles de saint Lambert qui se faisaient à Liège] En l'an 675, toutes sortes de malades commencèrent à venir à l'endroit où saint Lambert avait été tué et martyrisé, c'est-à-dire dans la chapelle Saint-Côme et Saint-Damien : lépreux, boiteux, aveugles, paralytiques, fous, sourds, goutteux et galeux visitèrent en pèlerins le saint lieu. Là le vrai Dieu se manifesta par de nombreux miracles, car tous ceux qui s'y rendaient étaient guéris dès qu'ils avaient fait leurs oraisons, tandis qu'à Maastricht, où reposait le corps du saint martyr, Dieu ne se manifesta par aucun miracle.

3. Cela contribue au développement de Liège

[Liege commenchat al devenir grant] Adont multipliat mult la vilhe de Liege, por myracles et [II, p. 375] le repaire des pelerins qui là venoient tous les jours : cascon estoit convoitux de bien gangnier as peleries. Tout entour la capelle furent faites plus de XL mansons qui s'en aloient montant, chi deux, chi trois, al montant de piet de thier que ons nom Pireux, et revenant altour jusqu'à la riviere de Mouse, tant fut-elle regrandie.

[Liège commença à s'agrandir] Alors la ville de Liège se développa très fort, suite aux miracles et [II, p. 375] à la fréquentation des pèlerins, qui y venaient chaque jour : chacun était désireux de bien profiter du pèlerinage. Autour de la chapelle furent construites plus de quarante maisons qui s'élevaient, par groupes de deux ou de trois, depuis le pied du thiers de Pierreuse, et occupaient les alentours jusqu'à la Meuse. La ville s'agrandit beaucoup.

4. Saint Willibrord, évêque d'Utrecht, met par écrit la passion de saint Lambert et place dans la chapelle une illustration en or de son martyre

[L’evesque d’Outreit fist escrire la passion sains Lambers] A cel temps dont je dis, oit al cuer grant doleur li evesque sains Wilhenbroide d'Outreit, de sains Lambers qui estoit enssi murdris ; si at fait escrire sa passion et pondre.

[L’évêque d’Utrecht fit mettre par écrit la passion de saint Lambert] Au temps dont je parle, l'évêque saint Willibrord d'Utrecht (cfr II, p. 361) éprouva dans son coeur une grande douleur suite au meurtre de saint Lambert. Aussi fit-il écrire et peindre l'histoire de sa passion.

[Qui visenterat le lieu de sains Lambers, ilh a X ans de pardons] Et prechat par tout son paiis les myracles que Dieu faisoit por l'amour de luy, et disoit qui yroit devoltement visenteir le lieu où ilh fut martyrisiet, ilh donnoit à cascon X ans de vraie pardons.

[Qui visitera le lieu du martyre de saint Lambert aura dix ans d'indulgence] Et, dans ses sermons, l'évêque annonça dans tout le pays les miracles que Dieu faisait pour l'amour de saint Lambert. Il disait qu'à chacun de ceux qui viendraient visiter dévotement l'endroit de son martyre, il accordait dix ans d'indulgence.

[Comment la passion sains Lambers fut reveleis par tout le monde] Adont l’ont tous visenteis, et blans et noires, et ilh li evesque propre y vint, et si y presentat-ilh une tauble d’or là où il estoit pointe la passion sains Lambers, et le mist en ladit capelle. Et le fist pour monstreir, en temps future, à tous comment fut li murdre de sains martyr fait, car ilh estoit là pointe tout chu que je ay dit desus de la passion sains Lambers.

[La passion de saint Lambert fut révélée à tout le monde] Alors tout le monde visita l'endroit, moines blancs et moines noirs. L'évêque en personne y vint. Il présenta une tablette d'or, où était peinte la passion de saint Lambert, et il la plaça dans la chapelle. Il fit cela pour montrer à toutes les générations futures comment s'était produit le meurtre du saint martyr, car elle dépeignait tout ce que j'ai expliqué plus haut à propos de la passion de saint Lambert.

5. On vient à Liège de partout, on y assiste à des miracles et la visite vaut d'importantes indulgences

A cel temps fut publiieit par tout le monde, par le revelation divine, aux sains evesques la morte sains Lambers, si que cascon le prechoit par sa dyocese, et que Dieu y garissoit toutes maladies, par ses myracles, se mort n’y estoit, que les requerans ont ; et si at ons X ans de pardons concedeis del evesque d’Outreit.

À cette époque, une inspiration divine fit annoncer aux saints évêques à travers le monde la mort de saint Lambert. Ainsi chaque évêque dans son diocèse l'évoquait dans ses sermons, disant que Dieu y guérissait miraculeusement ceux qui le lui demandaient de toutes les maladies sauf si elles étaient mortelles. On recevait aussi dix ans d'indulgence, accordées par l'évêque d'Utrecht.

[Gens de tos paiis vinrent à Liege] Adont vinrent les gens de Franche et de Borgongne et de tous les paiis, d’Austrie et de Neustrie, de Rommenie et de Lombardie requere le lieu à Liege.

[Des gens de tous pays vinrent à Liège] Alors des gens de Francie et de Bourgogne et de tous les pays, d'Austrasie et de Neustrie, de l'empire romain et de Lombardie vinrent à Liège à la recherche de cet endroit.

6. Décision du pape Serge (687-701 n.è.) sur l'Agnus Dei

[Status papales] En cel an ordinat li pape de Romme Sergien que, en la messe, li Agnus Dei fust trois fois dit, car adont ne le disoit-ons que une fois.

[Décisions papales] Cette année-là (675), le pape de Rome, Serge ordonna que l'Agnus Dei soit répété trois fois à la messe ; car alors on ne le disait qu'une seule fois.


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