Tacite - Germanie - XXXIV à XXXXVII - Notes

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les Angrivariens et les Chamaves (XXXIV 1). Les Angrivariens vivaient probablement dans les plaines de la Weser, de la Leine et de l'Aller au nord d'Hanovre. Au cours de la campagne menée en 16 par Germanicus, ils engagèrent des hostilités avec celui-ci avant de se soumettre. Cf. Ann. II 8 4; 19, 2 ; 22, 2; 24, 3. Avec les Chattes et les Chérusques, ils firent partie du triomphe de Germanicus en 17. Cf. Ann. II 41, 2. Les Chamaves ne sont pratiquement mentionnés que par Tacite au cours du Haut Empire. Cf. Ann. XIII 55, 2. Après avoir occupé un territoire situé entre le Rhin, le Vecht et l'Ijssel, ils auraient émigré pour se fixer entre le cours supérieur de l'Ems et le cours moyen de la Weser. Cf. Ptolémée (Geog. II 11, 10).

les Dulgubins et les Chasuaires (XXXIV 1). On ne trouve pas d'autre mention des Dulgubins, mais ils sont sans doute à identifier avec les Dougoulmnioi cités par Ptolémée (cf. Geog. II 11, 9), qui les situe dans les plaines entre la Weser et l'Elbe. Les Chasuaires auraient vécu à proximité des Usipes à l'est du cours moyen du Rhin.

Frisons (XXXIV 1). La seule précision que les sources antiques donnent au sujet de leur localisation est l'embouchure du Rhin, qui est décrite de manière plutôt approximative. Cf. Méla (III 24); Pline (NH IV 101). Toutefois, selon Ptolémée (Cf. Geog. II 11. 7), l'Ems aurait été leur frontière orientale. On s'accorde à les situer dans la région côtière au nord de l'Ijsselmeer dans les provinces de Frise et de Groeningen et, selon des sources archéologiques, dans le territoire actuel de Noord-Holland. Leurs rapports avec Rome remontent à 12 A.C., quand Drusus Claudius Néron (Cf. XXXVII 4) conclut une alliance avec eux (Cf. Dion Cassius [LIV 32, 2-3]), mais se gâtèrent vers 28. Les Frisons infligèrent aux Romains une défaite cuisante (Cf. Ann. IV 72- 73). Plus tard, ils furent vaincus par Cn. Domitius Corbulo en 47. Cf. Ann. XI 19. Ils prirent part à la révolte des Bataves en 69-70 et fournirent des troupes à Julius Civilis. Cf. Hist. IV 15 sqq. Au temps de la Germanie ils sont repassés sous contrôle romain et servent dans l'armée.

lacs immenses (XXXIV 1). Cf. Ann. XIII 54, 1-2. Drusus fit creuser un canal (fossa Drusiana) pour relier ces lacs au Rhin et faciliter l'accès à la flotte du Rhin. Cf. Suétone (Claud. I, 2); Ann. II 8, 1.

Océan (XXXIV 2) Sous les règnes d'Auguste et Tibère eurent lieu plusieurs expéditions militaires le long de la Germanie. Selon Strabon (Cf. VII 1, 3), Drusus Claudius Néron, fils cadet de Livie et frère de Tibère, remonta l'Ems et occupa l'île de Burchanis (aujourd'hui Borkum). En 5, Tibère fit équiper une flotte pour atteindre l'Elbe. Cf. Velleius Paterculus (II 106, 3). Germanicus naviga en 16 sur l'Océan pour atteindre l'Ems et en revenir ensuite. Cf. Ann. II 8; 23 -24. Sur la vision de l'Océan par les Romains, cf. II 1.

Hercule (XXXIV 2). Cf III 1; IX 1. Depuis Hérodote (Cf. IV 8, 2), les Colonnes d'Hercule étaient identifiées avec l'actuel détroit de Gibraltar. Mais on considérait qu'un même passage existait entre des mers intérieures orientales, telles la Caspienne ou la Mer d'Azov, et le nord de l'Océan. Cf. Strabon VII 2, 4; Méla I 9; III 38-39; Pline NH II 168; VI 28; 36-37. Ces Colonnes d'Hercule étaient traditionnellement considérées comme les limites du domaine réservé à l'humain. Cf. Pindare (Ol. III, 43-45; Nem. III 20-23; Isthm. IV 11-14). Tacite évoque ici une expédition du même Drusus depuis l'embouchure du Rhin vers l'extrémité du pays des Cimbres (Jütland). Cf. Pline (NH II 167). Celle-ci visait vraisemblablement à atteindre les Colonnes d'Hercule septentrionales, ce qui aurait eu une grande valeur symbolique pour la politique augustéenne.

courbe (XXXV 1). Il s'agit de la côte depuis le delta du Rhin jusqu'au Jütland.

Chauques (XXXV 1). Selon Pline (NH IV 99), ils appartiennent au groupe des Ingévons. Cf. II 2. Tacite surévalue la valeur guerrière de ce peuple, et son extension territoriale et démographique dans la ligne de Velleius Paterculus (II 106). Il veut créer un contraste à la fois avec le peuple guerrier des Chattes et celui en déclin des Chérusques qu'il décrira ensuite (cf. XXXVI 1). La soumission des Chauques à Rome remonte au moment où Drusus s'allia aux Frisons. Cf. XXXIV 1; Liv. (Per. CXL). Il n'est pas certain qu'ils aient pris part au soulèvement d'Arminius. Leur rupture avec Rome remonte peut-être à la révolte des Frisons ou eut peut-être lieu durant la campagne de Caligula en 41. Cf. XXXVII 4. Ils prirent part à la révolte de Julius Civilis en 69-70 (Cf. Hist. IV 79, 3 ; V 19, 2). Leurs agissements rapportés dans les Annales (XI 18, 1; XIII 55 1) ne concordent nullement avec celui qu'on peut attendre d'un peuple sage et pacifique. D'autre part, la description de Pline (NH XVI 2-4), qui présente les Chauques comme une "misera gens" est bien différente de celle de Tacite.

Chattes (XXXV 1). (Cf. XXX -XXXI).

Chérusques (XXXVI 1). La puissance de cette tribu, dont Arminius était originaire, déclina vers la moitié du Ier siècle P.C. Au cours de dissensions internes et meurtrières, tous leurs nobles furent massacrés. Les Chérusques en furent réduits à demander à Claude un neveu d'Arminius comme roi. C'était le jeune Italicus, qui avait vécu à Rome en otage. Mais la suite des événements ne fut pas heureuse. Cf. Ann. XI 16-17. En 90, les Chattes s'emparèrent d'une partie de leur territoire et chassèrent leur roi. Cf. Dion Cassius (LXVII 5, 1). Les Chérusques maintinrent leur indépendance, à défaut de prépondérance et de prestige.

Foses (XXXVI 2). C'est la seule mention de ce peuple, qui soit était soumis aux Chérusques, soit en formait un sous-groupe.

péninsule (XXXVII 1). La péninsule du Schleswig et du Jütland est appelée par les géographes grecs et latins Promontoire ou Chersonèse des Cimbres. Cf. Pline (NH II 167; IV 96 -97); Ptolémée (Geog. II 11); Strabon (VII 2, 1). Selon Ptolémée, les Cimbres, la population la plus septentrionale, en occupaient l'extrémité (le Cap Skagen?), que Pline (NH IV 97) appelle Tastris. On a vu un rapport linguistique entre le nom des Cimbres et celui de l'Himmerland, région septentrionale du Jütland.

Cimbres (XXXVII 1). Aboutissement de la présentation des tribus germaniques avec lesquelles Rome a connu bien des implications et complications, ce rappel des Cimbres, très bref en dépit de leur grandeur passée, permet surtout à Tacite d'introduire à partir du paragraphe suivant sa réflexion sur les rapports de Rome et de la Germanie. Au cours du Ier siècle A.C. on les considérait encore comme des Gaulois. Cf. Cicéron (de Orat. II 226); Salluste (Jugurtha CXIV 1). César est le premier à les assimiler à des Germains (Cf. G. I, 33, 4 ; 40, 5). L'expédition navale de Drusus (12-9 A.C. Cf. XXXIV 2) rencontra cette population, qui selon Strabon (VII 2, 1), demanda pardon pour ses attaques contre Rome. On peut douter toutefois qu'il s'agissait du même peuple.

les deux rives (XXXVII 1). Tacite étant extrêmement vague, on a avancé comme hypothèses les rives de l'Elbe, du Rhin, et même, en tant que frontières traditionnelles de la Germanie, celles à la fois du Rhin et du Danube. Cf. I 1. L'archéologie n'a pas confirmé l'existence de ces vestiges de camps, qu'on attribuait légendairement aux Cimbres en migration.

six cent quarantième (XXXVII 2). Tacite se réfère à la datation établie par Marcus Terentius Varro (116-27 A.C.), qui fait remonter au 31 avril 753 A.C. la fondation de Rome. Metellus et Carbo exerçaient le consulat depuis le1er janvier 113 A.C. lors de l'incursion des Cimbres dans le Norique.

deuxième consulat (XXXVII 2). Trajan l'exerça en 98 in absentia étant donné qu'il menait à ce moment-là une action sur le Rhin avec ses troupes. Cette date fournit un terminus a quo pour la rédaction de la Germanie. Cette allusion permet aussi de montrer que la conquête de la Germanie est toujours en cours et, corollairement, de contrer les affirmations de Domitien qui prétendait y avoir mis fin, grâce à ses campagnes contre les Chattes (83) et les Marcomans (90).

qui-vive (XXXVII 3). Tacite fait allusion aux moments les plus critiques de la conquête romaine:

1. Les Fourches Caudines en 321 A.C. au cours de la deuxième guerre contre les Samnites. En outre, ceux-ci prirent le parti de Pyrrhus lors de sa campagne en Italie contre Rome (280-275 A.C.), partiellement celui d'Hannibal à la fin du IIIe siècle A.C., et s'opposèrent militairement à Rome lors de la Guerre Sociale (91-87 A. C).

2. Les trois Guerres Puniques (264 - 241, 217-203 et 149-146 A.C.) se soldèrent après plus de cent ans par la défaite et la prise de Carthage. On se souvient aussi des graves défaites romaines du Lac Trasimène en 217 et de Cannes en 216.

3. Les populations de l'Espagne résistèrent à la conquête romaine après la deuxième Guerre Punique en Lusitanie (155-139 A.C.) et en Celtibérie (155-133 A.C.). Elles donnèrent leur appui à Sertorius (80-75 A.C.) et à Pompée au cours de la Guerre Civile (49-45 A.C.). Les campagnes d'Auguste dans le nord-ouest mirent fin à la conquête (26-19 A.C.).

4. Avec le sac de Rome en 386 A.C., les Gaulois allaient symboliquement devenir ses plus grands ennemis. En dépit de la conquête de la Gaule Cisalpine (191 A.C.) et de celle de César (58-50 A.C.), des révoltes locales en 21 et en 69-70 ravivèrent cette perception des Gaulois.

5. L'invasion du territoire des Parthes par le triumvir M. Licinius Crassus (53 A.C.), qui y perdit la vie, tourna au désastre. César mourut sans pouvoir réaliser en 44 A.C. son projet d'invasion. Cf. Appien (B.Civ. II 110); Plutarque (Caes. LVIII 6-7). En 36 A.C., Marc Antoine le reprit sans succès. Les frictions demeurèrent régulières au cours du Ier siècle de notre ère. Cn. Domitius Corbulo mena deux campagnes contre les Parthes en 58-59 (Cf. Ann. XIII 34-41) et 62-63. (Cf. Ann. XV 1-17 ; 24-31). Trajan mènera de 114 à 116 une guerre contre eux et annexera l'Aménie, l'Assyrie et la Mésopotamie, qui seront abandonnées par son successeur Hadrien.

liberté (XXXVII 3). Le point culminant de ce résumé dense et saisissant des guerres romaines de conquête est l'affirmation de cette liberté qui fait des Germains d'irréductibles ennemis. Tacite s'appuie sur des lieux communs: les peuples d'Orient gouvernés par des monarques absolus ont des mentalités d'esclaves et, par conséquent, guère de dispositions guerrières. Cf. Hippocrate (Aer. 16). Or les Germains sont foncièrement libres. Cf. VII 1. Cela les rend particulièrement dangereux, même si leur liberté tourne facilement à l'anarchie. Cf XI.

Arsaces (XXXVII 3). Arsace, nom du fondateur vers 250 A.C. de la dynastie parthe, est porté comme un titre par ses descendants.

Orient (XXXVII 3). Le proconsul de Syrie, P. Ventidius Bassus, envoyé par Antoine et Octave, vainquit en 38 A.C. l'armée parthe commandée par Pacorus, fils du roi Orodes, allié de Brutus et Cassius. La déconfiture de l'Orient est encore accentuée par l'origine humble de Ventidius, muletier de son état et fournisseur de l'armée de César pendant la guerre des Gaules. Son allégeance au parti du dictateur valut à Ventidius, devenu entre-temps sénateur, d'accéder au consulat en 44.

les Germains (XXXVII 4). L'énumération rapide des généraux romains vaincus prend une allure de nécrologie. Leurs défaites successives eurent lieu entre 113 et 105 A.C. Cn. Papirius Carbo, consul en 113 fut écrasé par les Cimbres en Carinthie. L. Cassius Longinus, consul en 107, perdit la vie au cours d'un combat dans les territoires helvétiques contre les Tigurins, qui s'étaient joints aux Cimbres au cours de leur migration. Cf. Strabon (IV 3, 3); César (G. I 7, 4; 12, 5). M. Aurélius Scaurus, consul suffect en 108, fut capturé et mis à mort par les Cimbres. Q. Servilius Caepio, consul en 106 et Cn. Mallius Maximus, consul en 105, furent tour à tour vaincus près d'Orange en 105, double défaite ressentie comme aussi cuisante que celle des Fourches Caudines ou de Cannes. En 9 P.C., sous le règne d'Auguste (désigné ici sous l'appellation de César), P. Quinctilius Varus, époux de Claudia Pulchra, petite-nièce d'Auguste, et commandant en chef des forces romaines en Germanie, fut trahi par les chefs chérusques, Arminius et Ségimérus, et pris en embuscade dans la forêt de Teutoburg, probablement à l'emplacement actuel de Kalkriese près d'Osnabrück. Quasiment toute l'armée (les 17e, 18e et 19e légions) fut détruite et Varus se suicida.

écrasés (XXXVII 4). Vient maintenant l'énumération des victoires romaines introduite par nec impune, qui impose d'emblée un bémol. Marius défit les Teutons à Aix-en-Provence en 102 A.C. et les Cimbres à Vercelli en Italie du Nord en 101, éliminant ainsi la peur des invasions barbares. Cf. Tite-Live (Per. LXVIII); Plutarque (Marius XXVII 3). Tacite fait allusion à la victoire, sans effets durables, de César (Cf. G. I 31-54) sur les Germains d'Arioviste en 58 A.C. César eut également des démélés avec les Tenctères. Cf. XXXII . Il fut aussi le premier à faire campagne au-delà du Rhin en 55 et 53 A.C. sans dépasser la portée d'une épreuve de force. Cf. G. IV 16-19; VI 9-10; 29. Drusus effectua des campagnes annuelles de 12 à 9 A.C. atteignant ainsi la Weser et l'Elbe. Cf. XXXIV 2. Il ne semble pas avoir connu des défaites, subissant toutefois des pertes. Il mourut à son retour de l'Elbe et reçut à titre posthume l'appellation de Germanicus, transmissible à ses héritiers. Cf. Ovide (Fast. I 597); Suétone (Claud. I) ; Dion Cassius (LV 2,3). Tibère, désigné ici sous le nom de Néron, fut envoyé à neuf reprises par Auguste en Germanie (Cf. Ann. II 26, 3), mais on ne lui connaît pas d'exploits militaires marquants. Germanicus Iulius Caesar, fils de Drusus et neveu, puis fils adoptif de Tibère, remporta de 14 à 16 des victoires sur les Chattes (Cf. XXX-XXXI) et les Chérusques (XXXVI 1), mais au prix de pertes importantes (Ann. I 49, 3- 51, 4)

Caius César (XXXVII 4). Caligula. Cf . Agr. XIII 4; Hist. IV 15, 5; Suétone (Cal. LI 4-5); Dion Cassius (LIX 21).

discordes et guerres civiles (XXXVII 5). Tacite fait allusion à la révolte des Bataves menés par Julius Civilis en 69-70, qui alla jusqu'à vouloir entraîner dans son sillage les Trévires (XXVIII 4) et les Lingons. Cf. XXIX 1; Hist. IV 12- 37; 54-79; V 14-26; Flavius Josèphe (B.J. VII 75-89). Ce soulèvement fut favorisé par les troubles civils qui suivirent la mort de Néron en 68, auquel succèdèrent en moins d'un an et se combattirent Galba, Othon, Vitellius et Vespasien.

triomphes (XXXVII 5). Tacite rappelle l'expédition de Domitien contre les Chattes (Cf. XXX - XXXI) qu'à l'instar de l'élite romaine il dénigre par hostilité envers cet empereur. Cf. Agr. XXXIX 2; Pline (Pan. XVI 3).

 

Tacite - Germanie - XXXIV à XXXXVII - Notes

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