Tacite - Germanie - XXVIII à XXXIII - Notes

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peuples germaniques (XXVIII). Dans cette seconde partie, Tacite décrit, cite parfois simplement, des peuples, d'origine germanique ou non, établis aussi bien dans les deux provinces de Germanie Supérieure et Germanie Inférieure que dans la Germanie indépendante. Cf. I 1. En présentant comme vraisemblables des mouvements migratoires de Gaulois vers la Germanie, l'auteur contredit plutôt sa thèse de la pureté raciale des Germains. Cf. II 1; IV.

le Divin Jules (XXVIII 1). Cf. I 1. Cette affirmation reprend celle de César (G. VI 24, 1). Le De Bello Gallico était bien connu d'auteurs contemporains de Tacite, qu'ils soient historiens tels Plutarque (Caes. XXII 2), Suétone (Iul. LVI 1-4), Appien (Celt. XVIII) ou Strabon (IV 1, 1), ou géographes comme Pomponius Méla (III 26, 8). Même si on peut relever certaines discordances, Tacite adopte souvent les vues de César dans son approche générale des Germains ou pour des points de détail. On notera aussi son refus de l'image négative de César à laquelle, au 1er siècle P.C., les intellectuels, notamment Lucain, s'en tenaient. Cette mention est d'autant plus élogieuse que l'auteur ne cite que rarement ses sources. Cf. Agr. X 3 où Tite-Live est mentionné.

Hercynienne (XXVIII 2). Cf. V1; XXX 1.

Germanie (XXVIII 1). Tacite présente des peuples dont le statut est ambigu, vu le territoire qu'ils occupent. Sont-ce des Germains en Gaule ou des Gaulois en Germanie? Il conclura l'oeuvre par une description comparable. Cf. XLV 1 - 2.

Helvètes (XXVIII 2). Ces Celtes vivaient à l'époque historique dans le nord de la Suisse entre le lac Leman et le lac de Constance. Leur tentative d'émigration vers le sud-ouest fut stoppée par César (G. I 2-29). Leur territoire fut incorporé en 15 A.C. dans l'Empire. Sous Vespasien, leur capitale Aventicum devint colonie romaine. L'affirmation de Tacite selon laquelle les Helvètes auraient occupé le sud-ouest de l'Allemagne actuelle n'est qu'implicitement confirmée dans l'Antiquité par Ptolémée (Géog. II 11), mais rendue plausible par des données archéologiques, selon lesquelles la culture de La Tène (vers 450 à 50 A.C.) s'est épanouie dans le sud-ouest de l'Allemagne au sud du Main.

Main (XXVIII 2). Il était connu des Romains depuis le temps de la campagne de Drusus (12-9 A.C.).

Boiens (XXVIII 2). Peuple celtique qu'une longue émigration vers l'est fit s'établir au début du Ve siècle A.C. dans la région de Bologne. Cf. Tite-Live V 35, 2. À l'époque de Tacite, la Bohême était occupée par les Marcomans. Cf. XLII 1. Le nom de la Bohème (qui prend diverses formes dans la tradition manuscrite de la Germanie : Bohemia, Bo(i)hemum,Boiihaemum, etc...), est composé du mot germanique * haima, qui signifie emplacement de village.

Aravisques (XXVIII 3). D'origine celtique, ils vivaient sur la rive droite du Danube dans l'angle formé avec son affluent, le Raab. Pline (NH III 148) les appelle Erauisci et Ptolémée Arabiskoi Geog. II 15). Ils furent intégrés dans la province de Pannonie.

Oses (XXVIII 3). Cf. XLIII 1

Pannonie (XXVIII 3). Cf. I 1.

apathiques (XXVIII 4). Tacite transmet l'opinion des Trévires et des Nerviens sur les Gaulois. Ces deux peuples occupaient des territoires de la Gaule Belgique. Les Trévires se trouvaient à hauteur des cours moyen et inférieur de la Moselle (Hunsrück -Eifel). César (G. II 4, 10; IV 6, 4) renseigne que les Éburons et les Condruses, qu'il présente comme des peuples germaniques, dépendent d'eux. Les Trévires, à l'époque de César, firent aussi alliance avec des Germains établis à l'est du Rhin (Cf. G. V 2, 4; VI 2; 5-8). Leur capitale (aujourd'hui Trier) devint colonie romaine probablement sous Claude. Les Nerviens, établis au sud et à l'est de l'Escaut, furent des adversaires acharnés de César. Cf. G. II 17 ; V, 38. Sur leur ascendance germanique cf. G. II 4, 2

tribus (XXVIII 4). Cf. Pline (NH IV 106). Il s'agit de la rive gauche du Rhin. Les Vangions étaient établis dans la région de Worms, les Triboces dans celle de Strasbourg, et les Némètes au sud aux environs de Speyer. Ces peuples étaient soumis à Rome depuis la première moitié du 1er siècle P.C. Les dénominations de Némètes et Triboces sont d'origine celtique, tandis que celle de Vangions serait à rapprocher d'une racine désignant un champ ou une prairie dans diverses langues germaniques anciennes.

Ubiens (XXVIII 4). Cette tribu germanique fut la première à s'allier aux Romains dès l'époque de César (Cf. G. IV 3, 3-4; 16, 5; 19 1; VI 9-10). En 39 ou 38 A.C., ils furent, à leur propre demande, installés sur la rive romaine du Rhin sous la direction de M. Agrippa, dans le territoire laissé vacant par le massacre des Éburons en 53 A.C. Cf. Ann. XII 27, 1. Leur établissement à Colonia Agrippina, future Cologne, remonterait à 5 A.C.

peuples (XXIX 1). Tacite présente dans ce chapitre des peuples qui, tout en vivant à l'est du Rhin, sont intégrés dans l'Empire.

Bataves (XXIX 1). La région que Tacite appelle l'île des Bataves (aujourd'hui Betuwe), est bordée au nord par le Rhin et le Lek et au sud par le Waal. Cf. César (G. IV 10, 1); Hist. IV 12, 3-5 ; Pline (NH IV 101). La rive en question est celle du Waal. Batavodurum, leur centre, se situait au nord-est de Nijmegen. Les Bataves ont entretenu d'excellentes relations avec Rome depuis 12 A.C., lesquelles semblent avoir été rétablies après la révolte contre Rome du chef batave Julius Civilis en 69. Batavodurum, reconstruit sous Vespasien plus à l'ouest, prit au temps de Trajan le nom d'Ulpia Novomagus. Au moment de la composition de la Germanie, les Bataves faisaient partie de la Germanie Inférieure. Dès le Ier siècle A.C., ils ont fourni à Rome des troupes auxiliaires réputées pour leur valeur combattive et leur aptitude à traverser des cours d'eau à la nage avec armes et montures. Cf. Agr. XVIII 5. Ils constituaient aussi l'essentiel de la garde privée des empereurs. Cf. Ann. I 24, 2.

Chattes (XXIX 1). Cf. XXX-XXXI.

Mattiaques (XXIX 2). Ils occupaient sur la rive droite du Rhin à hauteur de Mainz le territoire actuel Wiesbaden (Aquae Mattiacae) et servaient dans l'armée romaine comme les Bataves. Leur territoire fut incorporé dans la Germanie Supérieure à l'époque de Domitien, que Tacite se garde bien de citer pour ne pas avoir à le louer.

Champs Décumates (XXIX 3). Le sens de cette dénomination liée étymologiquement au chiffre 10 est obscur. Ce territoire correspondait plus ou moins au Bade-Wurtenberg actuel. La province en question est la Germanie Supérieure.

Hercynienne (XXX 1). Cf. XXVIII 2. Cette forêt occupait, à partir de la Forêt Noire une grande partie du sud de la Germanie et s'étendait vers l'est.

Chattes (XXX 1) Cf. XXIX 1. Leur territoire correspond à la Hesse actuelle, dont la dénomination dériverait de leur nom. Tacite entame ici la description de cinq peuples guerriers, avec lesquels Rome a eu diverses fois maille à partir, au moins depuis l'époque augustéenne. Il poursuivra avec celle de trois peuples pacifiques. Il est significatif que Tacite entame au prix d'un important écart géographique cet exposé par les Chattes, qu'il tient à présenter comme le plus important et le plus redoutable des peuples germaniques en leur accordant d'ailleurs une notice bien plus longue que pour les autres. Nombreux et acharnés furent les différends entre Rome et les Chattes, qui notamment prirent part aux révoltes d'Arminius et de Julius Civilis. Cf. Hist. IV 37, 4. Le conflit le plus marquant éclata sous le règne de Domitien en 83 pour des raisons qui ne sont pas élucidées. Cf. Suétone (Dom. VI 1-2). Domitien trouva l'occasion d'un grand triomphe, que Tacite a mis en cause. Cf. XXXVII 5; Agr. XXXIX 2. Mais les Chattes ne furent pas pour autant soumis, même si la position de Rome s'en trouva consolidée dans la région.

plus résistants (XXX 2). L'ensemble du chapitre insiste sur les différences entre les Chattes et le reste des Germains. Leur force physique est supérieure à celle des Germains, qui s'émousse au cours d'un premier assaut. Cf. IV. Leur intelligence aussi est supérieure par rapport à celle que les préjugés climatiques accordaient aux peuples septentrionaux. Cf. XXII 3; Hist. IV 13, 3. Par rapport à la bravoure brouillonne attribuée aux Germains en général, les Chattes auraient assimilé la tactique et la discipline militaires de leurs ennemis romains, ce qui est vraisemblable et ne représenterait d'ailleurs pas un cas isolé. Cf. Ann. II 45, 2.

fantassins (XXX 3). La différence de tactique des Chattes par rapport à celle des autres Germains induit une réflexion générale sur un thème abordé dans la première partie de l'oeuvre. Cf. VI 3. Ce sera le cas pour d'autres passages. Cf. XXXIII 2; XXXIV 2; XXXVII 2 - 5; XLIV 3.

audacieux (XXXI 1). Cf. Hist. IV 61, 1.

fer (XXXI 3). La raison de cette infamie demeure obscure. À l'inverse, dans le monde romain, cet anneau, que portent les représentants de l'ordre équestre, est le signe d'une situation élevée.

première ligne (XXXI 3). Cf. III 1.

nourrir (XXXI 3). Cf. XXI 2.

frontière (XXXII). La suite de l'exposé s'oriente à nouveau vers le nord. Tacite semble désigner le cours inférieur du Rhin. Cf. Ann. II 6, 4.

les Usipiens et les Tenctères (XXXII). La localisation de ces deux tribus, probablement d'origine celtique, est difficile à préciser. Le fait de les citer ensemble, alors qu'elles vivaient séparées au temps de Tacite, révèle une source d'époque augustéenne. La description est fort brève par rapport à celle des Chattes. Les Usipiens ne sont que mentionnés tandis que les Tenctères sont décrits sans plus en tant que cavaliers pour créer un contraste avec les Chattes. Les rapports des deux peuples avec Rome sont également conflictuels depuis l'époque de César, qui les défit en 55 A.C. Cf. G. IV 7-15. Les Usipiens passèrent sous contrôle romain puisqu'on les voit servir en Bretagne dans les troupes d'Agricola en 83. Cf. Agr. XXVIII.

cavalerie (XXXII). Elle infligea une défaite sévère à celle de César. Cf. G. IV 12.

hérite (XXXII). Cela contredit quelque peu ce que Tacite a précédemment affirmé. Cf. XX 3.

Bructères (XXXIII 1). Ils vivaient vraisemblablement dans la vallée de la Lippe. Ils furent aussi de farouches adversaires de Rome tout au long du Ier siècle de notre ère, jusqu'à leur défaite en 77 ou 78 par C. Rutilius Rufus, qui captura aussi Veléda. Cf. VIII 2.

les Chamaves et les Angrivariens (XXXIII 1). Les Chamaves s'introduisirent dans le territoire des Bructères par l'est ou le nord-est. Les Angrivariens, qui figurèrent dans le triomphe de Germanicus en 17 P.C., vivaient probablement dans les plaines de la Weser, de la Leine et de l'Aller au nord de Hanovre. Cf. Ann. II 8, 4; 19,2.

spectacle (XXXIII 1). Tacite établit une comparaison, qu'on peut trouver d'un goût douteux, avec un spectacle d'amphithéâtre. On n'en retire, en tout cas, aucune information sur cette bataille, qui n'est pas autrement connue. On a rapproché ce passage d'une lettre de Pline le Jeune (Cf. Ep. II 7), selon laquelle le général romain T. Vestricius Spurinna a, probablement en 98, vaincu les Bructères, sans livrer bataille, par la seule terreur de sa réputation et leur a imposé un roi. Le lien avec une invasion des Chamaves et des Angrivariens demeure discutable, à moins que celle-ci n'ait eu lieu avant l'arrivée des Romains, qui l'aurait instiguée. Selon Perret (Cf. p. 90, note 1), cette allusion voilée à T. Vestricius Spurinna justifierait l'importance donnée par Tacite à cette bataille et l'emphase de la fin du chapitre.

pressions (XXXIII 2). Urgentibus imperii fatis. Cf. Viré. Les manuscrits présentent des variantes parmi lesquelles la leçon urgentibus est souvent retenue. Perret (p. 90) supprime tout simplement urgentibus ou toute autre expression susceptible de le remplacer. Les interprétations sont opposées, selon le sens donné à urgere. Soit le destin pousse l'Empire à une politique incessante de conquête. Soit l'Empire est menacé à ce moment-là par la Germanie, ce qui est nié par les faits, même si des actions sont en cours ou l'ont été récemment. Cf. XXXVII 2. Je privilégie une interprétation plus générale en rendant l'ablatif absolu par une temporelle qui ne désigne pas un moment déterminé et peut être répétitive. Comme on le verra dans le chapitre XXXVII, la Germanie invaincue est depuis longtemps devenue une donnée incontournable du destin de Rome. Ainsi l'empire peut, doit s'attendre à un moment ou un autre à des difficultés graves, qu'il a la faculté de dominer plus ou moins, comme le montrent les faits. Mais le destin de l'empire inclut aussi d'autres composantes que Tacite aura l'occasion d'explorer dans ses ouvrages ultérieurs, telles le maintien et la consolidation des frontières acquises, les pressions extérieures, la succession des empereurs, les divisions internes. On pourrait voir ici une allusion au soulèvement de Julius Civilis et des Bataves en 69 à la faveur de la guerre civile. Le thème de la désunion des ennemis, gage de sécurité et de victoire pour Rome est évoqué notamment dans Agr. XII 2-4. Cf. aussi XLII 2.

 

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