Tacite - Germanie - IX à XV - Notes
Mercure (IX 1). Cf. César (G. VI 17, 1) que Tacite reprend quasi textuellement : deum Mercurium maxime colunt. À nouveau, une divinité germanique est désignée par son soi-disant correspondant romain. Cf. III 1; XLIII 3; Ann. XIII 57, 2. Il s'agit de Wodan ou, dans la mythologie scandinave, Odin. Cf. Paul-Diacre : Wodan sane...ipse est qui apud Romanos Mercurius dicitur (Historia Langobardum I 9). Il y a aussi l'équivalence bien connue entre Mercurii dies (mercredi) et les actuels Wednesday, Woensdag. La racine germanique* wod, qui a trait à la fureur, de la possession par la divinité peut être mise en rapport avec uates en latin. Faudrait-il donc prêter une origine chamanique à Wotan? La mythologie scandinave présente Odin comme le dieu de la guerre, le seigneur du Walhalla, séjour des guerriers morts. Il est aussi le dieu de la poésie, des runes et de la magie. On ne sait pas s'il en était déjà ainsi au temps de Tacite. Quoi qu'il en soit, l'identification avec Mercure demeure assez obscure, même si on relève une ressemblance iconographique avec les attributs d'Odin tels chapeau et lance, et que, d'autre part, Mercure a repris des fonctions de l'Hermès psychopompe grec.êtres humains (IX 1). Cf. XXXIX 1. Cette pratique est épinglée depuis longtemps par les Grecs et les Romains pour illustrer la cruauté des peuples barbares et surtout leur perversion des règles religieuses. Il faut d'ailleurs noter l'emploi par Tacite de fas. Les Gaulois furent principalement visés. Cf. César (G. VI 16, 2-5); Cicéron (Font. XXXI; Rép. III 15); Pomponius Méla (III 18); Pline (NH XXX 13). Que les Germains aient été vus sous le même angle n'a rien d'étonnant, surtout en ce qui concerne les prisonniers de guerre: il suffit de revenir à la découverte par Germanicus des restes des officiers de Varus sacrifiés par leurs vainqueurs germains. Cf. Ann. I 61, 3. Ces pratiques sont confirmées par des auteurs tardifs et l'archéologie. Wotan et aussi le dieu identifié à Mars étaient honorés par des sacrifices humains. Cf. Ann. XIII 57,2. Il est possible aussi que des sacrifices de femmes et d'enfants aient eu lieu dans le cadre d'un culte de la fécondité.
certains jours (IX 1). Tacite désigne ainsi les jours festifs du calendrier germain, qui s'appuie sur les cycles saisonniers. Cf. XI 1; XXXIX 1. Mais cela pourrait aussi signifier des célébrations de victoires. Cf. Ann. I 61, 3.
Hercule et Mars (IX 1). Ce n'est pas le héros Héraclès/Hercule que Tacite évoque en III 1, mais un dieu identifié le plus souvent à Donar en vieil haut allemand (ou Thor en norrois). Tous deux sont pourfendeurs de monstres et on ne manque pas de rapprocher la massue d'Héraclès du marteau, attribut de Donar. Une difficulté provient de l'équivalence de Iouis dies, jour de Jupiter (jeudi) avec Donnerstag en allemand, Thursday en anglais. On propose dès lors aussi d'assimiler Hercule à une autre divinité germanique, Freyr. Tacite a fait ailleurs allusion au culte de l'Hercule germanique. Cf. Ann. II 12, 1. On peut aussi rapprocher les nombreuses dédicaces en Germanie inférieure à Hercule Magusanus du vieil haut allemand magan, qui évoque la puissance et la force.
Quant à Mars, il est présenté comme praecipuus deorum dans Hist. IV 64, 2. Il est associé à Mercure et peut aussi être honoré par des sacrifices humains. Cf. Ann. XIII 57, 2. C'est le dieu des assemblées (guerrières) et de la guerre. Une inscription du Mur d'Hadrien fait état d'une dédicace par des Germains à Mars Thincsus. Ce vocable est à rapprocher du germain thing, "assemblée". Cf. Dienstag en allemand, dinsdag en néerlandais (mardi). En comparant Martis dies (mardi) et son équivalent anglais Tuesday, on arrive à identifier Mars avec Tîwaz, le dieu gardien des lois qui régissent les assemblées et la guerre. À noter dans ce contexte, le rôle coercitif des prêtres. Cf. VII 1; XI 2
requis (IX 1). Concessis animalibus pourrait signifier que ces sacrifices sont à considérer comme acceptables par rapport aux sacrifices humains. Mais il faut plutôt interpréter que seuls certains animaux peuvent être sacrifiés. Ce n'était pas le cas des béliers et sangliers, consacrés aux dieux. L'archéologie a confimé qu'entre le néolithique et la période des migrations, certains animaux sont sacrifiés: chevaux, bovidés, porcs, moutons et chèvres, et des chiens, surtout dans certains sites. Il semble que ces animaux, sauf les chiens, étaient consommés au cours d'un repas communautaire.
Suèves (IX 1). Cf. XXXVIII - XLVI 1.
Isis (IX 1). Ce culte répandu dans tout l'Empire est attesté dans les provinces qui bordent la Germanie, où il s'est introduit sous l'influence romaine. Il est peu vraisemblable qu'une tribu germanique l'ait adopté en dehors de cette contingence. S'agit-il plutôt d'une identification avec l'une ou l'autre déesse germanique, Nehalennia ou encore Nerthus associée d'une certaine façon à la mer? Cf. XL 2-4. Quoi qu'il en soit, il y a contradiction avec I 2 où l'auteur insiste sur l'absence d'immigration et de métissage culturel en Germanie.
murs (IX 2). La présence de temples n'est guère attestée à l'époque romaine. Toutefois Tacite fait allusion à un temple de Nerthus. Cf. XL 3. Il devait s'agir d'un enclos sacré plutôt que d'une véritable construction. Cependant Tacite rapporte la destruction du temple de Tanfana par les troupes de Germanicus en 14. (Cf. Ann. I 51,1).
homme (IX 2). Il existait des représentations rudimentaires en bois qui ne pouvaient être considérées par les Romains comme anthropomorphiques. Cf. XLIII 3
des bois et des bosquets (IX 2). Cf. VII 2; X 2; XXXIX 1-2; XL 3; XLIII 3; Ann. II 12, 1. L'archéologie a livré aussi des puits votifs dans des marécages.
mystère (IX 2). Sur le respect religieux engendré par la grandeur de la nature, cf. Sénèque (Ep. XLI 3).
les auspices et les oracles (X 1). Cf. III 1; XI 1. Alors que les Romains s'en tiennent surtout aux auspices, les formes de divination oraculaire sont davantage répandues chez les Germains. Cf. César (G. I 50, 4-5; 53, 7).
arbre fruitier (X 1). Tacite a mentionné l'absence d'arbres fruitiers (frugiferae arbores). Cf. V 1. En fait l'expression inclut aussi des arbres non cultivés produisant des fruits non comestibles tels des glands ou des baies. Cf. Pline (NH XVI 5-6).
chevaux (X 2). Le cheval est fort associé aux rites religieux depuis l'Âge du bronze jusqu'à l'époque des Vikings. Cf. IX 1. D'autre part la même croyance aux facultés prophétiques des chevaux apparaît chez Homère (Il. XIX 404-424). Hérodote (I 189, 1; III 86, 1) y fait aussi allusion chez les Perses.
plèbe (X 2). J'ai préféré cette traduction de plebem à "peuple" pour rester dans l'esprit du texte qui s'appuie sur des données romaines. Cf. VIII 1; XI 1.
certains jours (XI 1). Cf. IX 1.
le plus favorable (XI 1). Auspicatissimum. Cf. X1. La nouvelle lune par son accroissement même vers la pleine lune permet de présager l'heureux accomplissement d'une entreprise. De là s'explique le refus des Germains de livrer bataille avant la nouvelle lune. Cf. César (G. I 50, 5). Pline (NH XVIII 322) détaille les activités liées favorablement à chaque phase de la lune.
nuits (XI 1). Cette pratique, qui découle de l'importance accordée à la lune, est contraire à l'usage romain. César (G. VI 18, 2) fait la même observation au sujet des Gaulois. Il en reste des traces dans des expressions allemandes, telles Weinachten (Noël), Fastnacht (Mardi gras) et anglaises, parmi lesquelles, sennight (semaine), fortnight (quinzaine).
liberté (XI 1). Si le sens aigu de leur liberté permet aux Germains d'être toujours invaincus à l'époque de Tacite (Cf. XXXVII 3), il peut aussi se traduire par un excès d'individualisme et devenir un facteur fatal de désorganisation.
s'assoit tout armée (XI 2). Cela marque une forte différence avec les Romains qui participent debout et surtout non armés aux assemblées, tandis que le port d'armes est normal pour les Germains dans la vie civile. Cf. XIII 1; XXII 1.
sévir (XI 2). Cf. VII 1. Du fait que les assemblées ont lieu dans des lieux consacrés, les prêtres représentent l'autorité.
influence (XI 2). Deux notions typiquement romaine auctoritas et potestas s'opposent.
framées (XI 2). Cf. VI 1.
pend (XII 1) Cf. VII 1.
déshonorent leur corps (XII 1). Il faut considérer ignauos et inbelles et corpore infames comme la désignation globale d'un type d'individus si on veut rester cohérent avec VI 4. Il s'agit de condamner le refus de virilité. Tacite exprime ailleurs le dégoût de la pédophilie chez les Bataves. Cf. Hist. IV 14, 2. Selon Quintilien (Decl. Mai. III 16), l'homosexualité est inconnue chez les Germains.
cantons (XII 3). Les pagi sont des subdivisions des États (ciuitates) germaniques regroupant des villages. (Tacite insistera plus loin sur le refus des Germains d'un habitat groupé, cf. XVI 1). César (G. VI 23, 5) avait déjà rapporté pareil usage pour l'exercice de la justice en temps de paix.
armés (XIII 1). Cf XI 1; XXII 1. Tacite souligne encore une fois le caractère profondément guerrier des Germains. C'est un lieu commun de la littérature gréco-latine que de présenter les Barbares continuellement en armes. Cf. Thucydide (I 6, 1). Ce trait est particulièrement retenu à l'égard des Gaulois. Cf. Tite-Live (XXI 20, 1); César (G. V 56, 1-2). Cette tradition a pu influencer l'opinion sur les Germains, sans qu'il y ait pourtant de raisons de mettre ce comportement des Germains en doute. Cf. Hist. IV 64, 2
bouclier (XIII 1). Cf III 1; VI 1; VI 4
framée (XIII 1). Cf VI 1
toge (XIII 1). À nouveau Tacite souligne la différence avec la société romaine où la toge symbolise la paix et la vie civique par opposition à la violence et à la guerre. Cf. Cicéron: Cedant arma togae. (Off. I 77)
cadeaux (XIII 3). Cf V 3
en survivant (XIV 1). Cf. Ann. II 11 où Tacite décrit la mort au combat du chef batave Chariovalda et des nobles qui l'entourent.
labourer (XIV 3). Nouvelle allusion à la répugnance des Germains à un effort de longue haleine. Cf. IV; XLV 3.
dormir et manger (XV1). Tacite se souvient manifestement de la description peu flatteuse que fait Salluste (Cat. II) des hommes qui préfèrent une vie végétative à celle de l'esprit.
charge (XV 1). Cf. XXV 1
présents (XV 2). La petite taille des chevaux de Germanie et le caractère rudimentaire des armes traditionnelles rendaient les chefs d'autant plus sensibles à ces cadeaux. Cf. VI1; VI 2; César (G. IV 2, 6). Les phalères et les torques étaient dans l'armée romaine des décorations destinées aux soldats. On peut voir une intention ironique chez Tacite qui décrit de grands chefs fiers de recevoir des hommages dignes de simples soldats, le trait se terminant par l'allusion à l'argent.
argent (XV 2). Cf. V 3, où il s'agit uniquement de l'usage de monnaie romaine aux fins de transactions commerciales limitées, alors que Tacite fait allusion ici à une forme de corruption. Cf. Hist. IV 76, 4.
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