Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, II, p. 529b-536a - ans 792-794 Édition : A. Borgnet (1869) ‒ Présentation nouvelle, traduction et notes de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2023) [BCS] [FEC] [Accueil JOM] [Fichiers JOM] [Pages JOM] [Table des Matières JOM] LE COURONNEMENT DE CHARLEMAGNE EMPEREUR ET LA FIN DU TOME II DU LIVRE PREMIER Myreur, II, p. 529b-536a - ans 792-794 Résumé * Les épouses successives et les concubines de Charlemagne, avec leurs enfants qui moururent presque tous avant leur père * Vers 794, le cardinal d'Ostie (Léon, fils du roi de Hongrie) convainc le pape Adrien Ier (772-795 n.è.) de nommer Charlemagne empereur, l'empereur Michel de Constantinople étant près de mourir - Le pape fait venir Charlemagne à Rome * Charles fut couronné empereur - Jean d'Outremeuse est perplexe devant les données contradictoires concernant la durée du règne de Charlemagne * Les vingt-quatre églises fondées en Aquitaine par Charlemagne prouvent la longévité de son règne - Nombreuses autres églises construites ou restaurées par Charlemagne * Ajout de Jean de Stavelot sur les rois de France |
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Les épouses successives, et les concubines de Charles, avec leurs enfants qui moururent presque tous avant leur père
Notes liminaires
1. Sur les épouses et les concubines de Charlemagne, ou pourra voir
The Many
Wives And Concubines Of Charlemagne (The
Many Wives And Concubines Of Charlemagne - The Historian's Hut
(thehistorianshut.com) ou encore
Les femmes de Charlemagne (histoire-pour-tous.fr) ou encore
Les Concubines de Charlemagne - Les Favorites Royales
(canalblog.com)
2. On ne trouve pas un mot sur Himiltrude dans le Myreur,
semble-t-il ! A moins qu'elle ne se dissimule derrière Hiltrude,
un des filles de Lutgarde, mais, pour G. Minois (Charlemagne,
2010, Index, p. 931), Hiltrude et
Himiltrude sont deux personnages différents, la première étant une
fille de Charlemagne, la seconde une de ses concubines.
3. G. Minois (Charlemagne, 2010, Tableau des Pipppinides)
donne une liste de 4 épouses de Charlemagne : Désirée, Hilgedarde (morte
783 n.è.), Fastrade (morte 794 n.è.) et Liutgarde (morte 800 n. è.).
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[II, p. 529] En cel an morut Fastrade, la royne de Franche, à Sains-Albain à Maienche ; si fut là ensevelie, car elle aloit vers le roy, et li roy Charle revenoit par une altre voie. En cel an fut fais Lyon, ly fis le roy de Hongrie, cardinals de Hostie. |
[II, p. 529] Cette année-là [792], Fastrade, la reine de Francie (cfr II, p. 528), mourut à Saint-Alban à Mayence. C'est là qu'elle fut ensevelie. Elle allait y rejoindre le roi Charles, qui revenait par une autre route. Cette année-là [792] Léon, le fils du roi de Hongrie, fut nommé cardinal d'Ostie (cfr II, p. 514, p. 527 et p. 530). |
Ce cardinal d'Ostie deviendra le pape Léon III (795-816 n.è.), celui qui proclamera Charlemagne empereur en 800 n.è. |
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[Des femmes et des enfans le roy Charle] Charle roy soy remariat, et, portant qu'ilh oit tant de femmes et de tant de maneres d'enfans, si vos vorons chi une partie deviseir les femmes et les enfans qu'ilh oit. |
[Les femmes et les enfants du roi Charles] Le roi Charles se remaria, et du fait qu'il eut tellement de femmes et tellement d'enfants différents, je voudrais vous parler ici de ses femmes et de ses enfants. |
[Gloriande oit Charlot, Pipin et Loys] Charle fut, enssi com je vos ay dit deseur, en Espangne, quant ilh servit le roy Galaffre ; si en amenat Gloriande, sa filhe, dont ilh oit I Charlot et I Pipin et I Loys ; mains ilhs morurent tous anchois leur mere. |
[Gloriande mère de Charles, Pépin et Louis] Charles, ainsi que je vous l'ai dit plus haut (cfr II, p. 479 et p. 485), se trouvait en Espagne, au service du roi Galaffre ; il en ramena Gloriande, la fille du roi, dont il eut un Charles, un Pépin et un Louis ; mais ils moururent tous avant leur mère. |
[Ermegart, la IIe femme, qui oit Charlot, Pipin et Lothaire] Et apres oit ly roy Charle une altre femme, qui oit à nom Gloriande ou Ermegart, filhe à roy de Sezilhe, en Espangne, dont ilh oit Charlot, Pipin et Lothaire ; mains ilh morurent tous anchois leur mere. |
[Ermengarde, la deuxième femme, mère de Charles, Pépin et Lothaire] Après, le roi Charles eut une autre femme, nommée Gloriande ou Ermengarde, la fille du roi de Séville en Espagne, qui lui donna Charles, Pépin et Lothaire ; mais tous moururent avant leur mère (cfr II, p. 526). |
[Fastrade, le IIIe, qui oit Charlot, Cloveis et Pipin, des filhes Ruchde, Berte et Gisle] Apres ly roy Charle oit à femme Fastrade qui fut d'Allemangne, filhe al roy de Suare, de laqueile ilh oit Charlot, qui ochist Baldewinet, le fis bastars Ogier le Danois ; et si en oit Cloveis et Pipin : cheaux deux morurent temprement. Et si en oit III filhes : Ruchde, Berte et Gisle, qui furent mult belles. |
[Fastrade, la troisième, eut Charlot, Clovis et Pépin, et des filles, Rothrude, Berthe et Gisèle] Ensuite le roi Charles eut pour épouse Fastrade, qui venait d'Allemagne, fille du roi de Souabe, qui lui donna Charles, lequel tua Baudouin, le fils bâtard d'Ogier le Danois ; et elle donna à Charles Clovis et Pépin, qui tous deux moururent très vite. Elle lui donna aussi trois filles, Rothrude, Berthe et Gisèle, qui étaient très belles. |
Il a déjà été question de Fastrade dans une notice précédente en II, p. 529 ainsi qu'en II, p. 528. |
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[Lugarde, le IIIIe, qui oit Lohiers et Childebers, les filhes Theodora, Belaide, Helisent, Hiltrude et Brutulde] Quant Fastrade fut mort, si prist Charle à femme Lugarde, filhe à roy d'Osteriche, dont ilh oit II fis, Lohiers et Childebers, et si en oit V filhes : Theodora, Belaide, Helisent, Hiltrude et Brutulde. |
[Lutgarde, la quatrième, eut Lothaire et Childebert, ainsi que les filles Théodora, Belaide, Hélissent, Hiltrude et Brutulde] Fastrade mourut et Charles épousa Lutgarde, fille du roi d'Autriche, dont il eut deux fils, Lothaire et Childebert, ainsi que cinq filles : Théodora, Belaide, Hélissent, Hiltrude et Brutulde. |
[Gersunde, le Ve, et oit I filhe Adaltrude] Apres oit Charle à femme Gersunde, filhe à roy de Frise Salhadins, de laqueile ilh oit I filhe, qui oit à nom Adaltrude. |
[Gersunde fut la cinquième et eut une fille Adaltrude] Puis Charles épousa Gersunde, la fille du roi de Frise Saladin, qui lui donna une fille, nommée Adaltrude. |
Gersunde : probablement pour Gerswinde/Gersvind, concubine d'origine saxonne (fille du duc de Saxe). Confusion avec la Geffonde d'une des notices suivantes ? |
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[Sibilhe, le VIe, et en oit Loys et Lohier, et Berte, Sibilh, Alatrach et Geile] Et puis si oit à femme Sibilhe, la filhe Richar, l'emperere de Constantinoble, de laqueile ilh oit Loys et Lohier, et si en oit IIII filhes : Berte, Sibilhe, Alatrach et Geile. |
[Sibylle, la sixième, dont il eut Louis et Lohier, et Berthe, Sibille, Alatrach et Geile] Ensuite il épousa Sibylle, la fille de Richard, l'empereur de Constantinople (II, p. 485), qui lui donna Louis et Lothaire, ainsi que quatre filles : Berthe, Sibylle, Alatrach et Gisèle (cfr II, p. 485). |
Note de Bo (p. 529) : « On ne prête qu'aux riches, dit le proverbe. Notre chroniqueur l'applique en donnant à Charlemagne plus d'enfants et de femmes qu'il n'en eut réellement. » |
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[Charle oit III concubines : Geffonde, et en oit Pipin et Adeltrude] Apres ly roy Charle oit III concubines en son visquant et nient plus : assavoir Geffonde, qui estoit filhe à roy de Saxongne, qui tant estoit belle que nulle plus belle ons ne posist veioir, et se le robarent ses barons de faire despit à son peire ; et oit de lée Pipin, cuy Charle fist roy de Lombardie chi-apres ; mains ilh morut temprement, si que Charle refist roy de Pavie Bertran, le fis chesti Pipin ; et s'en oit I filhe qui oit nom Adeltrude. |
[Charles eut trois concubines : Geffonde, dont il eut Pépin et Adaltrude] Par la suite, le roi Charles, de toute sa vie, n'eut que trois concubines, et pas une de plus : Geffonde, la fille du roi de Saxe, qui était si belle qu'on ne pouvait voir fille plus belle ; les barons (de Charles) l'enlevèrent pour humilier son père. Charles eut d'elle Pépin, qu'il nomma plus tard roi de Lombardie ; mais ce Pépin mourut très vite, et Charles nomma son fils Bertrand nouveau roi de Pavie. Charles eut aussi de Geffonde une fille, nommée Adaltrude. |
[II, p. 530] [Regene, le IIe, et en oit Hugone, Droghe, Helebrunde et Afflide] L'autre concubine oit nom Regene, qui fut mere al conte d'Achoire, et Droghe qui fut evesque de Mes en Loheraine, et II filhes, Halebrunde et Afflide. |
[II, p. 530] [Regina, la deuxième, dont il eut Hugues, Drogo, Helebrunde et Afflide] L'autre concubine, appelée Regina, fut la mère du comte d'Auxerre, et de Drogo, qui fut évêque de Metz en Lorraine, ainsi que de deux filles, Halebrunde et Afflide. |
[La tirche, Andelidre, mere à Theoderich et Charlot] Et la tirche concubine oit nom Andelindre, qui fut mere à Theoderich et Charlot. |
[La troisième, Adalinde, mère de Théodoric et de Charles le Jeune] La troisième concubine, appelée Adalinde, fut la mère de Théodoric et de Charles [le Jeune]. |
Ilh sont alcunnes hystoires qui dient que CharJe oit à femme Hildegarde, la filhe le roy Desier de Pavie, mains ilh le refusat apres unc an. |
Certaines histoires disent que Charlemagne eut pour épouse Hildegarde, la fille du roi Didier de Pavie, mais qu'il la répudia après une année. |
Note de Bo (p. 530, n.1) : « Hildegarde est effectivement le nom d'une des femmes de Charlemagne ; mais, loin d'être la fille du roi Desiderius [Didier], c'est elle, au contraire, qui succéda à cette première épouse du grand empereur d'Occident. » En d'autres termes, elle fut la deuxième épouse de Charlemagne. |
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[Charle ne laissat en vie que Loys, Lohier et Berte] Tous ches enfans fis et filhes, si avant qu'ilh demoront en vie, les mariat ly roy Charle ou les mettit en religion, solonc chu que ly cuer les trahoit, et les fis donnat-ilh armes et chevals et grant sengnorie et nobles femmes, et combien qu'ilh awist des enfans asseis, ilh viscat tant que, quant ilh morut, ilh ne lassat en vie que II fis et I filhe : che furent Loys et Lohier, et la filhe fut Berte, qui fut recluse à Viseit sour Mouse, enssi com vos oreis. |
[À Charlemagne ne survécurent que Louis, Lothaire et Berthe] Tous ces enfants, fils et filles, pour autant qu'ils restèrent en vie, Charlemagne les maria ou en fit des religieux, selon leurs attirances. Il donna à ses fils armes et chevaux, grandes seigneureries et nobles épouses. Et bien qu'il ait eu beaucoup d'enfants, il vécut si longtemps qu'au moment de sa mort, deux fils et une fille seulement restaient en vie : ses fils Louis et Lothaire, et sa fille Berthe, qui vécut recluse à Visé-sur-Meuse, comme vous l'apprendrez (III, p. 22). |
Et oussi Pipin, son fis bastars, quant ilh fut mors, ilh laisat I fis, qui oit nom Bertrant, et V filhes desqueiles Charle fist enssi com de ses propres enfans : et ch'estoit chis Pipin qui fut mis à Sains-Denys en prison por la conspiration de laqueile nos avons desus fait mention ; mains Charle le lasat fours et li pardonnat. |
Et de plus, Pépin, son fils bâtard, mourut, laissant un fils, nommé Bertrand, et cinq filles, que Charlemagne traita comme ses propres enfants. C'est ce Pépin qui fut emprisonné à Saint-Denis, suite à la conspiration que nous avons mentionnée ci-dessus (II, p. 528). Toutefois, Charlemagne le laissa sortir et lui pardonna. |
Note de Bo (p. 530, n. 2) : « Impossible de redresser toutes les erreurs de Jean d'Outremeuse relativement à Charlemagne. Nous ferons toutefois remarquer ici qu'à sa mort ce grand prince ne laissa qu'un fils légitime, Louis le Débonnaire qui lui succéda, et que le Lohier, signalé [dans la notice précédente], ne peut être que Lothaire, fils aîné du nouvel empereur. Quant à Pépin, c'était encore, non un bâtard, mais le second des fils légitimes. Au contraire, son successeur en Italie, Bernard, non Bertrand, est qualifié de fils illégitime. » |
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Vers 794, le cardinal d'Ostie (Léon, fils du roi de Hongrie) convainc le pape Adrien de nommer Charles empereur, l'empereur Michel de Constantinople étant près de mourir - Il fait venir Charles à Rome |
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[II, p. 530] [Doon desconfist le paiis de Saxongne] En cel an oit batalhe Doon de Maienche à Dolavans, le roy de Saxongne, devant le castel de Tuffesten, asseis pres de la citeit de Maienche l’evesqueit, de costé la riviere de Moiemont ; si le depouplat tout et li ochist Xm hommes. |
[II, p. 530] [Doon défit le pays des Saxons] Cette année-là [792], une bataille opposa Doon de Mayence à Dolavans, le roi de Saxe, devant le château de Tuffesten, très près de la cité épiscopale de Mayence, à côté d'une rivière, le Mein ; il dévasta tout entièrement et tua dix mille hommes. |
[L’an VIIc et XCIII] Item, l'an VIIc XCIII, Lyon, le fis le roy de Hongrie, qui estoit cardinal de Hostie procuroit fortement à chu que, se ly empire vaquoit, que Charle le roy de Franche fust emperere esluis, et s'en parlat à pape Andriain, qui en chu soy consentoit tout entirement, et le procuroit oussi fort li pape que li cardinal Lyon entres les senateurs, et les barons. |
[An 793] En l'an 793, Léon, le fils du roi de Hongrie, devenu cardinal d'Ostie, s'appliquait beaucoup à obtenir que le roi de Francie Charles fût élu empereur, si l'empire venait à être vacant ; il en parla au pape Adrien qui sur ce point était entièrement d'accord, et le pape, auprès des sénateurs et des barons, s'activait aussi vivement que le cardinal Léon. |
Et alcunnes hystoirs dient que Lyon estoit pope, quant Charle fut fais emperere, mains non estoit encors en III ans là apres ; mains ilh est bien voirs [II, p. 531] que li pape ne fesist mie alcuns teils fais, se li conselhe de Lyon n'y fust, tant por l'amour de son grant sanc et nobiliteit que la reverenche de sa clergerie, qui estoit si grans theologiens et cardinal de Hostie, qui est lis soverains de tous les cardinals. |
Certaines histoires disent que Léon était pape, quand Charles devint empereur, mais cependant il n'était pas encore pape trois ans plus tard ; toutefois, il est vrai [II, p. 531] que le pape n'aurait jamais pris de telles décisions, sans le conseil de Léon, tant par attachement au sang illustre et à la noblesse, que par respect pour les compétences intellectuelles de Léon, très grand théologien et cardinal d'Ostie, le souverain de tous les cardinaux. |
[L’an VIIc et XCIIII] [Lyon mandat le roy Charle qu’ilh venist tantost à Romme] Tant fut procureit dechà et delà, que li emperere Mychiel morut sour l'an VIIc XCIIII, le jour del lnvention Sainte-Crois, qui est le IIIe jour de may ; mains Lyon de Hongrie, dont j'ay parleit desus, del consentement et faveur des senateurs et de pape et cardinals ilh mandat Charle, le roy de Franche, qui fis estoit de son antain, qu'ilh venist tantost à Romme. Quant ly cardinal Lyon de Hongrie veit que l'emperere Mychiel estoit mult malaide, ilh mandat le roy Charle qu'ilh venist tantost à Romme, car les maistres phisechiens ly avoient dit secréement qu'ilh moroit de ceI maladie. |
[An 794] [Léon fit demander au roi Charles de venir rapidement à Rome] Tandis qu'on s'agitait beaucoup de part et d'autre, l'empereur Michel (cfr II, p. 526 et p. 527) mourut en l'an 794, le jour de l'Invention de la Sainte-Croix, le trois mai. Mais Léon de Hongrie [le cardinal d'Ostie], dont j'ai parlé plus haut, avec le consentement et l'approbation des sénateurs, du pape et des cardinaux, avait fait savoir à Charles, roi de Francie et fils de sa tante, de venir immédiatement à Rome. Quand le cardinal Léon de Hongrie vit que l'empereur Michel était très malade, il demanda au roi Charles de venir aussitôt à Rome, les médecins lui ayant dit en secret que l'empereur Michel mourrait de cette maladie. |
[Charle visentat toutes les englises de Romme] Et quant li roy Cbarle olit les novelles, ilh s'aparelhat et s'en alat noblement vers Romme, se vient là en avrilh ; dont li emperere morut le IIIe jour de may apres sa venue, enssi com ilh alast en peregrinage, et visentat devoltement toutes les englieses de Romme, et soy confessat sus la tumbe sains Pire. |
[Charles visita toutes les églises de Rome] Et quand le roi Charles apprit ces nouvelles, il s'équipa et partit en grande pompe pour Rome, où il arriva en avril ; l'empereur romain mourut le trois mai, après l'arrivée de Charles, qui était là comme s'il venait en pèlerinage. Il visita avec dévotion toutes les églises de Rome et se confessa sur la tombe de saint Pierre. |
Là fut li roy Charle fiestoiet et honnoreis de pape, cardinals et des senateurs, et li presentont mult de nobles joweals. Et prechat et demonstrat li pape Andriain, unc jour tout, de roy Charle coment les Romains estoient mult obligiés à li de beaux servieches qui avoit fait à l'engliese et à toute la citeit de Romme contre l'emperere Constantin, qui son cusien estoit, et encontre le roy de Pavie, cuy ilh avoit envoiet en exilhe ; et estoit chu le jour del Sainte-Crois, à heure de messe. Et à cel heure meismes morut Mychiel li emperere, si que la novelle en vient là à sermon entres les senateurs, qui le manifestarent tantost. |
Là le roi Charles fut fêté et honoré par le pape, les cardinaux et les sénateurs, qui lui offrirent un grand nombre de joyaux remarquables. Le pape Adrien prêcha et expliqua, durant toute une journée, combien les Romains étaient redevables au roi Charles pour les grands services qu'il avait rendus à l'Église et à toute la cité de Rome, contre l'empereur Constantin, son cousin, et contre le roi de Pavie qu'il avait envoyé en exil ; cela se passa le jour de la Sainte-Croix, à l'heure de la messe. Et à cette même heure, l'empereur Michel mourut et la nouvelle fut l'objet des conversations entre les sénateurs, qui la firent connaître aussitôt. |
Charles fut couronné empereur de Rome - Jean d'Outremeuse est perplexe devant les données contradictoires concernant la durée du règne de Charles |
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[II, p. 531] [Charle, roy de Franche, fut esluis et coroneis à emperere de Romme] Si que li peuple à une vois se vat escrieir : « Vive, vive li roy de Franche invictueux, et soit nostre emperere tres-victorieux. » Et tantoist apres le sermon fut mis la journée del election al jour del Ascension, qui venoit dedens VIII jours là apres. A laqueile joumée fut esluis Charle, roy de Franche, à emperere de Romme ; et le jour de la Triniteit apres fut-ilh coroneis et mis le sceptre en la main, et fut apelleis emperere et Auguste-Cesar ; lyqueis tient sa court et sa fieste noblement et richement, sicom ilh afferoit à luy. |
[II, p. 531] [Charles, roi des Francs, fut élu et couronné empereur de Rome] Et dès lors, le peuple d'une seule voix se mit à crier : « Vive, vive le roi des Francs, invincible, et qu'il devienne notre empereur victorieux. » Et aussitôt après, la date de l'élection fut fixée à la fête de l'Ascension, qui tombait huit jours plus tard. Ce jour-là, Charles, roi des Francs, fut élu empereur de Rome ; et ensuite, le jour de la Trinité suivant, il fut couronné, reçut en sa main le sceptre et fut appelé empereur et Auguste-César. Il tint sa cour et sa fête fastueusement et richement, comme cela convenait à son rang. |
[Charle quans ans ilh regnat] Ly roy Charle regnat LXXVIII ans IX mois et XXIX [II, p. 532] jours, et solonc Vincent ilh ne fut emperere que XIII ans, et solonc Martin ilh fut emperere XLVII ans I mois et IIII jours. Et dist Martin qu'ilh fut coroneis l'an VIIIc et XVII et regnat XLVII ans ; che sont VIIIc LXIIII que la daute estoit quant ilh morut. Et li pape Sergius, qui fut li VIIe apres Andriain, dist en ses croniques qu'ilh fut roy de Franche et d'Allemangne XLII ans, anchois qu'ilh fust emperere, et si regnat encors apres LXXVIII ans ; et enssi estoit li daute, quant ilh morut, VIIIc et LXXII ans. Je croy que ons ne soloit mie mettre en escript les dautes enssi com ons faite maintenant, car Martin est en grant erreur des dautes en ses croniques des papes et des empereres ; se vos les voleis bien justement calculeir, vos y trovereis mult grant erreur et discors en luy-meismes ou par les escrivens ; et se vos calculeis semblablement les dautes de chi presens croniques, vos les trovereis bonnes et sens erreurs. Mains ilh est cleirs assavoir que ly roy Charle n'awist jamais faite chu qu'ilh fist, s'ilh n'awist plus rengneit que Vincent ne die. |
[Combien d'années régna Charles] Le roi Charles régna durant soixante-dix-huit ans, neuf mois, et vingt-neuf [II, p. 532] jours ; selon Vincent, il ne fut empereur que pendant treize ans et, selon Martin, il fut empereur quarante-sept ans, un mois et trois jours. Martin dit aussi qu'il fut couronné en l'an 817, régna quarante-sept ans et mourut en l'an 864. Et Serge, le septième pape après Adrien, dit dans ses chroniques que Charles fut roi de Francie et d'Allemagne quarante-deux ans, avant de devenir empereur, et qu'après, il régna encore soixante-dix-huit ans ; c'était la date de sa mort, en 872. Je crois que l'habitude de noter les dates n'existait pas, comme maintenant, car Martin dans ses chroniques fait de grandes erreurs de dates sur les papes et les empereurs. Si vous voulez les calculer correctement, vous trouverez de grandes erreurs et contradictions avec lui-même ou avec les écrivains ; et si vous considérez de la même façon les dates des présentes chroniques, vous les trouverez exactes et sans erreurs. Mais il est évident que Charles n'aurait jamais fait ce qu'il a fait, s'il n'avait pas régné plus longtemps que ne le rapporte Vincent. |
Les vingt-quatre églises fondées en Aquitaine par Charles prouvent la longévité de son règne - Nombreuses autres églises construites ou restaurées par Charles |
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[II, p. 532b] Des XXIIII englieses que Charle fondat solonc les XXIIII lettre del a. b. c.] Et ons trueve, enssi com vos oreis chi-apres, pluseurs englieses qui ont lettrez saieleez de roy Charle, qui solonc les dautes apparent evidemment que Charle regnat tant com je vos dis, solonc les croniques le pape Sergius ; et vos en oreis les copies en latien et en franchois, car nos les avons chi copiés et translateis por miés entendre à cheaux qui n'entendent mie latin. |
[II, p. 532b] [Des XXIIII églises fondées par Charlemagne, d'après les lettres de l'alphabet] Comme vous l'apprendrez ci-après, il existe beaucoup d'églises, possédant des lettres scellées du roi Charles, dont les dates prouvent à l'évidence que Charles régna le nombre d'années que je vous dis, d'après les chroniques du pape Serge. Vous en aurez les copies en latin et en français, car nous les avons reprises ici et traduites, pour permettre à ceux qui ignorent le latin de mieux les comprendre. |
[Charle vowat devant Luserne del fondeir XXIIII englieses - Cascon lettre oit I onche d’or] Apres est assavoir que Charle, quant ilh conquist Espangne, enssi com vos oreis chi-apres, et ilh assegat Luserne, ilh vowat, entres les altres, que ilh fonderoit et feroit edifiier sour cascon des XXIIII lettres del alphabete, c'este li A. B. C., une engliese, dont la promier aroit A, et la seconde auroit B, et en apres toudis une lettre jusques à la derain lettre, sy que ons saroit toudis l'ordre des lettres ; et furent les XXIIII lettres cascon faite d'on onche d'or à pires prescieux. |
[Charles fit le voeu devant Luserne de fonder vingt-quatre églises - Chaque lettre était faite avec une once d’or] Ensuite, il faut savoir que Charles, quand il conquit l'Espagne, comme vous l'apprendrez ci-après, et quand il assiégea Luserne, fit entre autres le voeu de fonder et de faire édifier une église sur chacune des vingt-quatre lettres de l'alphabet, c.-à-d. l'A. B. C. ; la première serait A., la seconde B., et puis de même la suivante jusqu'à la dernière, et ainsi on connaîtrait toujours l'ordre des lettres ; et chaque lettre était faite avec une once d'or et des pierres précieuses. |
Luserne : ville d'Espagne apparemment. Dans le Myreur, d'abord appelée Calangus. Cfr la seule et unique mention en I, 512, pour un épisode sous Trajan : -- « [La cité de Luserne] Alors le roi d'Espagne s'enfuit avec ce qui lui restait de ses troupes : il avait perdu douze mille hommes. Sans s'arrêter, il arriva à Calangus, appelée depuis Luserne, qui était dans le monde une des places fortes qui ne redoutait aucun siège. Elle avait été construite en son temps par le roi d'Espagne, nommé Lusernien. [Plus tard], le roi de France Charlemagne en fit le siège pendant sept ans [avant de la conquérir] (Myreur, II, p. 532-533 ; III, p. 334, p. 401, p. 406). Et parce que cette cité était très fortifiée, le roi d'Espagne s'y installa. » -- Apparemment sa conquête fut tellement difficile qu'elle explique le voeu complexe fait par Charlemagne. À quoi peut-elle correspondre aujourd'hui ? Luiserne, trouve-t-on chez Michel. Chez Goose ligne 1209, le nom est orthographié Lucerne (var. Viscerne), avec un essai d'interprétation : « Viterbe, selon Bédier, mais Viterbe est une ville d'Italie ». |
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[Les noms des XXIIII englieses que li roy Charle fondat] Desqueiles ilh fondat tantost apres sa revenue le promier en l'honeur de sains Philibier, laqueile oit A. Et la IIe engliese edifiat en l'honeur de sains Floren ; et la IIIe de sains Corosien ; et la IIIIe de sains Conthasiien ; et le Ve de sains Maxentien ; et le VIe de sains Manete ; et le VIIe l'engliese de Grantlieu ; ly VIIIe l'engliese Mosaich ; apres, li IXe l'engliese Sains-Sabiens ; ly Xe l'engliese Sains-Noviliate ; la onzième fut l'église Saint-Theoferede ; ly XIIe l'engliese Pascentien ; ly XIIIe l'engliese Sainte-Dorose ; ly XIIIIe l'engliese [II, p. 533] Sancti-Solenmitatii ; ly XVe à Puele-Sainte-Marie ; ly XVIe de virge sainte Radegonde ; ly XVIIe l'engliese de Sainte-Vraie ; le XVIIIe l'engliese de Sainte-Uteriene en la rue de Tholouse ; le XIXe de Sainte-Valide et sa masnie ; le XXe Sains-Aviniain ; le XXIe de Sainte-Galline ; le XXIIe de Sains-Lorent ; le XXIIIe de Sainte-Marie en Rubue, et le XXIIIIe de Sains-Cuanias. Et à cascon donnat sa lettre deseurdite, et les donnat lettres saieleez de son propre seal, auqueile temps ilh furent faites, desqueiles lettres les tenures de la promier et de la deraine s'ensiient chi-apres. Auxqueiles abbies ilh mettit en l'onne abbeit et moynes, et ens altres de diverses ordres et regles, et en les altres des canoynes, et ens altres des nonnains, enssi com ilh li plaisit. |
[Les noms des vingt-quatre églises fondées par le roi Charles] Immédiatement après son retour, Charles fonda la première église en l'honneur de saint Philibert ; elle avait la lettre A. Il édifia la deuxième en l'honneur de saint Florent, la troisième en l'honneur de saint Corosien, la quatrième en l'honneur de saint Conthasien, la cinquième en l'honneur de saint Maxentien et la sixième en l'honneur de saint Manete. La septième fut l'église de Grantlieu, la huitième l'église Mosaich, la neuvième l'église Saint-Savin ; la dixième l'église Saint-Noviliate ; la onzième l'église Saint-Theoferede ; la douzième l'église Pascentien ; la treizième l'église Sainte-Dorose ; la quatorzième l'église [lI, p. 533] Sancti-Solenmitatii ; la quinzième à Puele-Sainte-Marie ; la seizième celle de la vierge sainte Radegonde ; la dix-septième, l'église de Sainte-Vraie ; la dix-huitième l'église de Sainte-Uteriene, rue de Toulouse ; la dix-neuvième de Sainte-Valide et de sa maisonnée ; la vingtième de Saint-Aviniain ; la vingt-et-unième de Sainte-Galline ; la vingt-deuxième de Saint-Laurent ; la vingt-troisième de Sainte-Marie en Rubue, et la vingt-quatrième de Saint-Cuanias. Et à chacune des églises, il attribua la lettre de l'alphabet dont on vient de parler et une lettre scellée de son propre sceau, avec la date où elle fut écrite ; le contenu de la première et de la dernière de ces lettres suit. Dans certaines abbayes, Charles installa un abbé et des moines, et dans d'autres des religieux de divers ordres et règles, dans d'autres des chanoines, et dans d'autres des nonnes, selon ce qu'il décidait. |
Nous avons renoncé à identifier ces églises et à commenter ce passage. |
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[Ces XXIIII englieses furent toutes fondez en la ducheit d’Aquitaine] Et furent toutes lesdites englieses fondeeis en la ducheit de Acquitaine, et les doyat de rentes souffissament, et les aournat d'or et d'argent et de reliques, et de tout chu que besongne leur estoit. |
[Ces vingt-quatre églises furent toutes fondées dans le duché d’Aquitaine] Toutes ces églises furent fondées dans le duché d'Aquitaine. Charles les dota de rentes suffisantes, les décora d'or et d'argent, le munit de reliques et de tout ce dont elles avaient besoin. |
[Charle fist encors mult d’aultres englieses, et refist mult de vilhes] Et chu ne li suffiat mie, car ilh fist encors mult d'altres englieses en pluseurs altres paiis, et redifiat sens nombres de vielhes englieses qui estoient par vielheche ruwinée et chaue. |
[Charles fit encore beaucoup d’autres églises et reconstruisit de nombreuses villes] Et cela ne lui suffit pas. En effet, il fonda encore beaucoup d'autres églises dans plusieurs autres pays et en reconstruisit un grand nombre d'autres, qui de vieillesse étaient tombées en ruines et s'étaient écroulées. |
[Le copie des lettres en latien] Chi apres s'ensyet la tenure de la promier letre et de la deraine, et toutes les aultres sont faites sour teiles fourmes, excepteit les dautes ; et garde cascon engliese le siene lettre. |
[La copie des lettres en latin] Ci-après suit le contenu de la première et de la dernière de ces lettres, toutes les autres étant faites sur le même modèle, excepté pour les dates ; et chaque église conserve sa propre lettre. |
In nomine sancte et individue Trinitatis feliciter amen. Karolus primus, digna Dei providentia Romanorum imperator semper augustus, ac Francorum et Allemanorum rex, ad perpetuam Dei [pour rei] memoriam religiosis personis abbati et conventui Sancti-Philiberti Tholosani, ordinis sancti Benedicti, gratiam nostram cum gaudio et tranquillitate perpetuis. |
Au nom de la bienheureuse Trinité sainte et indivise, avec bonheur, amen. Charles premier, par la digne providence de Dieu, empereur des Romains toujours Auguste, roi des Francs et des Allemands, pour conserver à jamais le souvenir de la chose. Aux religieux, à l'abbé et au couvent de Saint-Philibert à Toulouse, de l'ordre de saint Benoît, [nous accordons] pour toujours nos faveurs dans la joie et la paix. |
Sane quoniam devota devotione nobis tacta nuper nos, ante Lusernam sedentes, votum Deo fecimus ex necessitate super constructione et edificatione unius ecclesie vel monasterii super qualibet littera XXIIIIor litterarum alphabeti seu elementi per nos imposterum facientes, ac ipsis et cuilibet ipsarum de bonis hereditariis competenter dotare promisimus ; idcirco votum nostrum adimplere volentes et incipientes ab hoc presenti monasterio, quod in honore beate Marie virginis et beati Philiberti hic construximus sub regula beati Benedicti, et, quod sit principium dicti nostri voti, super A duximus ordinandum, allodiumque nostrum de Squemont vobis perpetue et hereditarie serie presentium ratione dotis [II, p. 534] damus et confirmamus sub sigillo nostre majestatis imperialis testimonio litterarum. |
Il est bien vrai que, récemment touché par une pieuse dévotion, lorsque nous assiégions Luserne, nous avons, poussé par la nécessité, fait à Dieu le voeu de fonder et d'édifier une église ou un monastère sur chacune des 24 lettres de l'alphabet (ou de ce qui en tiendrait lieu ultérieurement) et nous avons promis de les doter de biens héréditaires. C'est pourquoi, voulant accomplir notre voeu en commençant par ce présent monastère, que nous avons construit ici en l'honneur de la bienheureuse Vierge Marie et de saint Philibert, selon la règle du bienheureux Benoît, et, parce qu'elle constitue le début de notre voeu, nous avons pensé qu'il fallait la placer sur la lettre A. Nous vous donnons notre alleu de Squemont en guise de donation perpétuelle et héréditaire dans la série des présentes lettres [II, p. 534] et nous confirmons la chose avec le sceau de notre majesté impériale, témoin [de l'authenticité] de la lettre. |
Datum apud Tholosanum in ecclesia predicta, anno Dominice incarnationis VlIIc XXXo, indictione VIIIa, XIIo kalendarum julii, regnorum nostrorum anno LXXVIII, imperii vero LIIo. |
Fait à Toulouse, dans l'église susdite, l'an 830 de l'incarnation du Seigneur, huitième indiction, le douzième jour des calendes de juillet de la 78ème année de notre règne et de la 52ème de notre accession à l'empire. |
Pour Bo, ad locum, il s'agit d'un document apocryphe, avec des dates fausses. |
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[La copie del lettre en franchois] Ors entendeis le lettre en franchois translatée de mot à mot, en regardant la substanche de lée : « En nom de la sainte bien awireuse individée Triniteit, amen. Karle le promier, par le digne providenche de Dieu emperere des Romans, toudis en croisant, et roy de Franche et d'Allemangne à perpetueit memoire. Religieuses personnes li abbeit et convent del monasteir Sains-Philibers de Tholouse, de l'orde Sains-Benoit, nostre grasce awec joie et paix perpetueils salvement. |
[Copie de la lettre en français] Maintenant, écoutez la lettre en français, traduite mot à mot, en en respectant la substance : « Au nom de la sainte et bienheureuse Trinité indivise, amen. Charles Ier, par la digne Providence de Dieu, empereur des Romains, toujours plus grand, roi de Francie et d'Allemagne, pour qu'on se souvienne à jamais de la chose. Aux religieux de l'abbaye et du couvent du monastère Saint-Philibert de Toulouse, de l'ordre de Saint-Benoît, [nous accordons] notre grâce avec la joie et la paix dans le salut éternel. |
Portant que nos, touchiés de devotion l'autre fois seant devant Luserne, nous vowissiens à Dieu, en cas de necessiteit, sourconstruire et edifiier une engliese ou monasteir, sour casconne des XXIIII lettres del alphabeit ou element par nos en apres faire, et elles et cascon de elles des biens heretables competemment à doyer prometismes ; por chu nos vollons nostre vowes aemplir et commenchier à chi present monasteir, lequeis nos avons construit en l'honeur de la virge Marie et de Sains Philibers, desous le regle sains Benoit, et qu'ilh soit li promier de nostre vowe sour A, l'avons ordineit en nostre alleu de Squemont à vos heretablement et perpetuelment en nom de vowe, par le tenure de ceste present lettre donnons et confirmons, desous le tesmongnaige de seial de nostre majesteit imperial de ches lettres donneez à Tholouse en l'engliese desusdite, l'an del incarnation Nostre-Sangnor VIIIc et XXX, le indiction VIIIe et le XIIe kalende de jule, de nostre royalme l'an LXXVIII et de l'empire LII ». |
Touchés par la dévotion, le jour où nous étions devant Luserne, nous avons fait à Dieu, dans une situation difficile, le voeu de construire et d'édifier une église ou un monastère, sur chacune des vingt-quatre lettres de l'alphabet (ou de ce qui en tiendrait lieu ultérieurement ?). Nous avons également promis de doter, de manière appropriée, chacune d'elles de biens héréditaires. C'est pourquoi, nous voulons accomplir notre voeu en commençant par ce présent monastère que nous avons construit en l'honneur de la Vierge Marie et de saint Philibert, suivant la règle de saint Benoît. Nous avons aussi voulu qu'il soit, étant le premier construit, attaché à la lettre A. Nous l'avons établi en notre alleu de Squemont, pour vous, d'une manière héréditaire et perpétuelle, selon notre voeu. Nous faisons ce don et le confirmons, avec le témoignage du sceau de notre majesté impériale, sur la présente lettre rédigée à Toulouse en l'église susdite, l'an 830 de l'Incarnation de Notre Seigneur, huitième indiction, le douzième jour des calendes de juillet, en l'an 78 de notre royauté et en l'an 52 de notre empire. » |
[La seconde lettre] Item, ly altre lettre est sour teile fourme, excepteit le patron et le daute ; et le doyare est le allou de Sparquenne, et la daute est XXIIII ans apres, car cascon an fondat-ilh une ; si est teile de l'an [del] incarnation VIIIc et LIIII, le regnation de ses dois royalmes cent et II ans et del empire LXXVI ans. Nos vos avons dit chu por les discors qui est dedens les dates et aultre chouse nyent, car nos ne portons favoir à nulluy d'eaux fours que à la veriteit, si nos en tairons. |
[La seconde lettre] L'autre lettre a la même forme, excepté en ce qui concerne le patron et la date. Le don est l'alleu de Sparquenne, et la date est postérieure de vingt-quatre ans, car Charles fonda une église chaque année. Celle-ci date de l'an 854 de l'Incarnation. Nous avons régné comme roi sur nos deux royaumes pendant cent et deux ans, et comme empereur pendant septante-deux ans. Nous avons dit cela à cause des désaccords existant entre les dates, uniquement pour cela, car nous ne voulons favoriser rien d'autre que la vérité. Maintenant nous nous tairons sur ce sujet. |
Myreur II, p. 534b-536 Jean de Stavelot termine le premier livre du Myreur par une intervention personnelle, en énumérant la liste des « rois de France » jusqu'en 1440 |
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Et finat chi nostre promier libre dez IIII, escript par Johan de Stavelot, moyne de [II, p. 535] Sains-Lorent par deleis Liege, et fut fineis l'an M CCCC et XL, le Xe jour de mois de decembre ; Dieu en soit honoreis et benis ! Amen. Si recommencherons le seconde al honeur del sainte Trinité, de la benoite Virge Marie et de glorieu martyr sains Lorent, liqueis commenche enssi : cum par donneir cognissanche generalment à toutes et singulers. |
Se termine ici le premier des quatre livres écrits par Jean de Stavelot, moine de [II, p. 535] Saint-Laurent-lez-Liège, qui le termina en l'an 1440, le dix décembre. Que Dieu en soit honoré et béni ! Amen. Et nous commencerons le second livre en l'honneur de la sainte Trinité, de la bienheureuse Vierge Marie et du glorieux martyr saint Laurent ; ce livre commence ainsi : « comme pour donner une connaissance générale à tous et à chacun en particulier... » |
Note de Bo : « Cette dernière ligne paraît avoir été écrite postérieurement à ce qui précède. Sans être précisément différente, l'écriture est plus fine, et l'encre plus foncée. » Le texte de l'édition Borgnet est légèrement différent. |
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Cum enssi soit que nos avons faite mension des saingnours qui ont rengneit en Franche, depuis qu'ilh fut inhabitée jusques à roy Charlemangne, et portant que les Lighois ayment natureilment les Franchois, portant escrirons les noms des altres roys de Franche qui ont regneit en Franche, de roy Charlemangne jusques al temps que chi libre fut escript. |
Comme il se fait que nous avons mentionné les seigneurs qui ont régné en France, depuis qu'elle fut habitée jusqu'au roi Charlemagne, et parce que les Liégeois aiment naturellement les Français, c'est pour cela que nous écrirons les noms des autres rois qui ont régné en France, depuis le roi Charlemagne jusqu'au temps de la mise par écrit de ce livre. |
Promier, ly roy Charle, qui fut roy de Franche et de Allemangne et emperere de Romme, fut li XXVe roy de Franche et ly promier de chi nom. Apres Charle fut roy son fis Loys le Debonnaire, et regnat XXX ans, li XXVI. Apres fut Charle ly IIe de chi nom. Puis le fut Loys, li IIe de chi nom, et regnat II ans. Apres fut roy Eudes, et regnat IX ans. Puis fut roy Charle le Simple, et regnat II ans. Apres le fut Raoul et regnat II ans, le XXXIe roy. Apres fut roy Loys, li IIIe de chi nom. Lothaire fut li XXXIIIe roy. Loys, li IIIIe de chi nom, chi defalit ly linaige le roy Pipin. |
En premier lieu, le roi Charles, qui fut roi de Francie et d'Allemagne, et empereur de Rome, fut le vingt-cinquième roi, et le premier de ce nom. Après Charles, son fils, Louis le Débonnaire, le vingt-sixième roi, régna trente années. Après, il y eut Charles, le deuxième de ce nom. Puis le roi fut Louis (Le Bègue), le deuxième de ce nom, qui régna deux ans. Après fut roi Eudes qui régna neuf ans. Puis le roi fut Charles le Simple, durant deux ans. Après, durant deux ans, Raoul fut le trente-et-unième roi. Après, le roi fut Louis (d'Outre-Mer), le troisième de ce nom. Lothaire fut le trente-troisième roi. Louis (dit le Fainéant) fut le quatrième de ce nom, et mit fin au lignage de Pépin. |
Hue Cappet fut li XXXVe roy et Robert, son fis, li XXXVIe. Henri li XXXVlIe et Philippe li XXXVIIIe. Apres fut roy Loys ly Gros, li Ve de chi nom, et puis Loys le puisné, li VIe de chi nom. Apres fut Philippe, li IIe de chi nom. Et apres Loys, le VIIe de chi nom. Puis le fut sains Loys, ly VIIIe de chi nom ; et apres le fut Philippe, li fis sains Loys, li IIIe de chi nom. Et puis Loys, li IXe de chi nom, et apres Johans qui fut ly XLVe. Apres, Philippe, le IIIIe de chi nom, et puis Loys, li Xe de chi nom. Apres, Philippe, li Ve de chi nom. |
Hugues Capet fut le trente-cinquième roi et Robert, son fils, le trente-sixième. Henri fut le trente-septième et Philippe le trente-huitième. Après Louis le Gros, le cinquième de ce nom, fut roi, suivi de Louis son cadet, le sixième de ce nom. Après ce fut Philippe, le deuxième de ce nom. Et après Louis, le septième de ce nom. Après régna saint Louis, le huitième de ce nom, suivi de Philippe, fils de saint Louis, et troisième de ce nom. Ensuite, ce fut Louis, le neuvième de ce nom, suivi de Jean, qui fut le quarante-cinquième roi. Ensuite il y eut Philippe, le quatrième de ce nom, et Louis, le dixième de ce nom. Après, régna Philippe, le cinquième de ce nom. |
Dans l'Histoire, saint Louis est Louis IX. |
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Apres le fut Charle, li IIIIe de chi nom : chi fallit ly linaige sains Loys et fut ly XLIXe roy. Apres le fut Philippe, li VIe de chi nom, qui fut de Valois. Et puis le fut Johans, li lIe, qui morit en Engleterre. Apres le fut Charle, li Ve de chi nom, et puis Charle, li VIe. Et apres, Charle li VIIe, qui fut duc de Touraine, qui fut li LIIIIe roy de Franche : et estoit chi roy elle XVIIIe année de son rengne, quant chi presente libre fut [II, p. 536] escript, assavoir l'an del incarnation Nostre-Sangnour M CCCC et XL, liqueis oit asseis assouffrir por les Engles et les Borgengnons. Dieu li donne paix, et tout cristiniteit, amen, et par especiale le paiis des Lieghois |
Après, régna Charles, le quatrième de ce nom : il mit fin au lignage de saint Louis, et fut le quarante-neuvième roi. Après le roi fut Philippe, le sixième de ce nom, qui fut un Valois. Puis le roi fut Jean, le deuxième, qui mourut en Angleterre. Après, ce fut Charles, le cinquième de ce nom, et puis Charles, le sixième. Et après, Charles le septième, qui fut duc de Touraine, et fut le cinquante-quatrième roi de France : et celui-ci était dans la dix-huitième année de son règne, quand le présent livre fut [II, p. 536] écrit, c'est-à-dire en l'an 1440 de l'incarnation de Notre Seigneur ; il eut beaucoup à souffrir des Anglais et des Bourguignons. Que Dieu lui donne la paix, et à toute la chrétienté, amen, et tout spécialement au pays des Liégeois. |
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Chi libre apartient à l'engliese Sains-Lorent par deleis Liege, où sont les gestes ou avenues depuis le delueve Noé jusques aux temps le roy et empereur Charlemangne, et Agilfris de Burgongne ly IIIIe evesque de Liege apres sains Hubers, lesqueis visquoient l'an del incarnation Nostre-Sangnour Jhesu-Crist VIIc XCIIII ans. Et fut escript par Johan de Stavelot, moyne deldit engliese Sains-Lorent l'an MCCCC et XL ; priiés Dieu por ly. |
Ce livre appartient à l'église Saint-Laurent, près de Liège, où se trouvent les gestes ou récits des événements depuis le déluge de Noé, jusqu'aux temps du roi et empereur Charlemagne, et d'Agilfrid de Bourgogne, le quatrième évêque de Liège, après saint Hubert. Ces derniers vivaient en l'an 794 de l'incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ. Et ce livre fut écrit par Jean de Stavelot, moine de la dite église Saint-Laurent en l'an 1440. Priez Dieu pour lui. |
Et fut chu le VIe année del digniteit abbatial dan Henris del Cherais, li XXVIe abbeit del devandit monasteir de Sains-Lorent, en chi temporal qu'ilh fist faire le stordeur et les grans edifiches par deseur ; et la belle porte al entrée deldit abbie fut commenchie, lyqueilh estoudeurs et grieniers, et lescheur, et la chambre des hostes, et la contour awecque ledit portes et ches appendis et awecque la chambre l'abbeit, furent ars et brueleis, et tout le venaffle de sain Loren par Ghys de Kanne et les Eswisches, l'an M CCCC LXXXIII, le IIIe jour de fewriers. Loeys en soyt Dieuz que gardat le remanant. |
Ce fut pendant la sixième année de sa dignité abbatiale, à cette époque-là, que don Henri del Cherais, vingt-sixième abbé du monastère Saint-Laurent, mentionné ci-dessus, fit faire le pressoir et les grands bâtiments au-dessus et fit commencer la belle porte à l'entrée de l'abbaye. En l'an 1483, le 3 février, Guy de Kanne et les Suisses ont mis le feu et brûlé le pressoir, les greniers, la grange, la chambre des hôtes, et les alentours : la porte, les dépendances, la chambre de l'abbé et tout le quartier. Loué soit Dieu qui sauvegarda le reste. |
Cette dernière notice contient plusieurs termes de lecture difficile et d'interprétation délicate. Nous avons suivi les suggestions de l'éditeur Borgnet. Celui-ci signale aussi que ce Guy de Kanne était un des partisans de la maison d'Aremberg, dans sa lutte avec l'évêque Jean de Hornes, successeur de Louis de Bourbon. Tout cela nous entraîne très loin de Charlemagne ! |
[Texte précédent II, p. 523b-529a]