Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, II, p. 523b-529a - Ans 779-792 Édition : A. Borgnet (1869) ‒ Présentation nouvelle, traduction et notes de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2023) [BCS] [FEC] [Accueil JOM] [Fichiers JOM] [Pages JOM] [Table des Matières JOM]
TREIZE ANNÉES DU RÈGNE DE CHARLEMAGNE AVANT SON COURONNEMENT COMME EMPEREUR - ANS 779-792 Myreur, II, p. 523b-529a
Résumé * An 779 : Guerre entre Juifs et Chrétiens, et miracle du sang du Christ (II, p. 523) * Ans 780-781 : Autour des guerres de Charles contre Saxons et Frisons - Geste de Roland d'Angleir - Conquêtes des fils de Doon de Mayence (II, p. 523b-524a) * Ans 782-783 : Tempête à Huy et Liège - Succession et crise à Constantinople - Conquête de la Saxe par le roi de Hongrie et ses fils (II, p. 524b-525a) * Ans 784-785 : Charles et la papauté : Envoi de reliques et pouvoir grandissant de Charles dans l'Église - Le pape Adrien dans des conciles accorde à Charles, en cas de désaccord des cardinaux, le droit d'élire un pape, et de désigner des archevêques (II, p. 525) * An 786 : Le sage Alcuin, maître de Charles, est nommé évêque de Saint-Martin de Tours, où il ramène l'ordre - Charles obtient du pape le transfert à Paris des études de sciences - Sur Gloriande, épouse de Charles (II, p. 525b-526a) * Ans 787-789 : Événements naturels (gelée, orage, tremblement de terre - À Constantinople, l'empereur Michel remplace l'empereur Nicéphore - Conquêtes hongroises - Victoires sur les Saxons - Conquêtes de Doon (II, p. 526b-527a) * Ans 789-790 : Annonce prémonitoire : à Rome, à Paris et à Metz, une voix annonce que Charles deviendra empereur (II, p. 527) * An 791 : Charles, en Allemagne, lutte contre les Avars (les 'nouveaux Huns') avec d'autres héros de chansons de geste (II, p. 527b-528a)
* An 792 :
Sur Fastrade, la troisième femme de Charles - Charles, victime d'une conspiration, est défendu par Turpin d'Ardenne -
Son projet avorté d'un canal reliant le Danube au Rhin - L'évêque Félix condamné pour
hérésie (II,
p. 528b-529a)
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An 779 : Guerre entre Juifs et Chrétiens, et miracle du sang du Christ |
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[II, p. 523] [L’an VIIc et LXXIX - De sanc Jhesu-Crist grant myracle] Item, l'an VIIc et LXXIX en mois de june, avoit en Antyoche des Juys qui estoient baptisiés ; si soy en repentoient de chu qu'ilh estoient baptiziés, et commencherent à ochire les cristiens. Si avient que le sanc qu'ilh avoient mis en l'engliese, qui degoteis estoit del ymaige qu'ilh avoient crucifiiet le temps devant enssi com dit est, soy levat en l'aire et soy partit del engliese ; si s'en alat en l'isle d'Anfax qui est entre Ynde et paradis terrestre, et là le prist unc serpent et l'enfolit en terre, et là le gardat jusques al temps que je vos diray chi-apres. |
[II, p. 523] [An 779 - Grand miracle du sang de Jésus-Christ] En l'an 779, au mois de juin, vivaient à Antioche des Juifs baptisés. Ils se repentirent de l'avoir été et se mirent à tuer les chrétiens. Il arriva que le sang qui avait coulé de l'image du crucifix lacérée précédemment, comme cela a été dit (cfr II, p. 515-516), et qui avait été placé dans l'église, s'éleva dans les airs et sortit de l'église. Il se dirigea vers l'île d'Anfax, située entre l'Inde et le paradis terrestre ; là un serpent s'empara du sang, l'enfouit dans le sol, et le garda là jusqu'au temps dont je vous parlerai ci-après. |
Ans 780-781 : Autour des guerres de Charles contre Saxons et Frisons - Geste de Roland d'Angleir - Conquêtes des fils de Doon de Mayence |
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[II, p. 523] [L’an VIIc et LXXX] En l'an VIIc et LXXX envoiat li roy Charle Rollant d'Angleir à LXm hommes et IIIc mars d'or vers Vaucleir ; si passont à Warmaise où ilh encontrarent Cm Saynes qui venoient de gueroier les Frisons, si avoient fait leur chouses à leur volenteit. |
[II, p. 523] [An 780] En l'an 780 le roi Charles envoya Roland d'Angleir avec soixante mille hommes et trois cents marcs d'or à Vauclère. Ils passèrent à Worms où ils rencontrèrent cent mille Saxons, qui venaient de guerroyer contre les Frisons, et avaient réalisé ce qu'ils voulaient. |
[Rollant desconfis Cm Saynes] Ces Saynes corurent sus nos Franchois, mains ilh furent desconfis, si fuirent en unc castel que ons nomoit Erelburge. Et les Franchois [II, p. 524] l'assegerent et fut tantost pris, et prisent ens une ydolle que ons nommoit Emulsum qui apres à Voisaram unc flu d'aighe ilh vient, et là rendoit response que les Franchois, qui avoient là les Saynes conquis, conqueroient plus grant honneur temprement. |
[Roland défit cent mille Saxons] Ces Saxons attaquèrent nos Francs, mais ils furent vaincus et s'enfuirent vers un château nommé Ehresburg. Les Francs [II, p. 524] l'assiégèrent et s'en emparèrent aussitôt ; à l'intérieur ils tombèrent sur une idole nommée Emulsum, qui était arrivée là suite à un débordement du Weser. L'idole rendit un oracle disant que les Francs, qui avaient à cet endroit conquis les Saxons, obtiendraient bientôt un plus grand honneur encore. |
Ehresburg est le nom d'un château détruit par Charlemagne dans sa première campagne contre les Saxons, note Bo, qui évoque aussi une "idole nationale, à laquelle les Saxons avaient donné le nom d'Irmen-Säule. C'est Bo encore qui retrouve Weser dans le mot Voisaram et qui suppose une phrase incomplète. |
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[XII jovenecheais encacharent les Sarasins] Rollant d'Angleir mist ses gens ensemble et s'en allat avant ; et les Saynes les laissont aleir, et cheaux retournont en Frise et le destrurent plus qu'en devant. Et l'engliese Sains-Bonifache, evesque de Maienche, ih le vorent ardre, quant ilh les aparurent XII jovenecheais qui defendirent le feux et encacharent les Saynes si ehisdeis qu'ilh soy misent al fuir, qu'ilh n'y oit nuls si hardis qui fust là troveis qui oisast faire visaige. Enssi soy departirent. |
[Douze jouvenceaux chassèrent les Sarrasins] Roland d'Angleir rassembla ses gens et partit plus avant. Les Saxons les laissèrent aller et retournèrent en Frise qu'ils dévastèrent davantage encore que la fois précédente. Ils voulurent incendier l'église de l'évêque de Mayence, Saint-Boniface, quand apparurent douze jouvenceaux qui luttèrent contre le feu et chassèrent les Saxons, tellement épouvantés qu'ils s'enfuirent. Personne ne fut assez audacieux pour leur faire face. Ainsi ils se séparèrent. |
[L’an VIIc IIIIxx et I - Les terres que les enfans de Maienche conquisent] Item, l'an VIIc IIIIxx et I soy departirent les oust le dus de Vaucleir et de ses enfans et alerent conquere mult de paiis, plus par myracle que par forche, toutes les terres que vos oreis, car ilh conquisent toutes leurs conquestes dedens IIII ans. |
[An 781 - Les terres conquises par les enfants de Mayence] En l'an 781, les enfants du duc de Vauclère se répartirent ses armées et allèrent conquérir de nombreux pays, toutes les terres dont vous entendrez parler, qui furent conquises plus par des miracles que par la force. Toutes leurs conquêtes en effet se firent en quatre ans. |
Et tout promier ilhs alerent à la plus longaines et qui estoit donneit al anneis fis : c'estoit à la terre de Rochebrune, qui siiet à II journeez pres de Saxongne. Et si at une altre Rochebrune deleis Meques, en la terre d'oultre mere. Ilh y at des hystoires qui dient que c'este l'une et l'autre, mains je croie que che soit cel desous Saxongne. Là sont-ilh venus assegier la citeit de Rochebrune, qui estoit mult forte, et durat li siege IIII mois ; et puis issirent fours de la citeit, si orent batalhe aux Franchois, mains ilh furent desconfis. |
En tout premier lieu, ils se dirigèrent vers la terre la plus éloignée, qui avait été attribuée au fils aîné : c'était celle de Rochebrune, située près de la Saxe, à deux jours de marche. Il existe aussi une autre Rochebrune, près de La Mecque, outre-mer. Certaines histoires disent qu'il s'agit des deux terres, mais je crois qu'il s'agit de la Rochebrune située au sud de la Saxe. C'est là qu'ils vinrent assiéger une cité, très fortifiée, dont le siège dura quatre mois. Les habitants sortirent alors de leur ville et se battirent contre les Francs mais ils furent vaincus. |
[Les Sarasins de Rochebrune furent tous baptiziés] Là fiest Dieu grant myracle, car ilhs criarent tous à une vois que ons leur donnaste baptemme. Si les baptizat Eracle, ly evesque de Maienche. Puis conquisent toute le paiis, où ilh avait VII citeis et X casteals ; puis alerent à Dorbongne, mains elle fut tantost conquestée, car elle estoit asseis pres de Bealwier. Que vos diroy unc si long sermon ? Ilhs conquisent toutes les terres desus declareez, dedens IIII ans, et soy mariarent enssi comdit est. Si tient Gaufrois Rochebrune X ans, enssi que vos oreis. |
[Les Sarrasins de Rochebrune furent tous baptisés] Là Dieu fit un grand miracle, car les habitants crièrent d'une seule voix qu'on leur donne le baptême. L'évêque de Mayence, Éracle, les baptisa. Ensuite, les fils de Doon firent la conquête de tout le pays, qui comptait sept cités et dix châteaux. Puis ils allèrent à Dorbongne, qui fut aussitôt conquise, car elle était très proche de la Bavière. Pourquoi vous ferais-je un long récit ? En quatre ans, ils conquirent toutes les terres signalées plus haut et se marièrent, selon ce qui est dit. Geoffroy détint Rochebrune pendant dix ans, comme vous l'entendrez. |
Ans 782-783 : Tempête à Huy et Liège - Succession et crise à Constantinople - Conquête de la Saxe par le roi de Hongrie et ses fils |
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[L’an VIIc IIIIxx et II - De gran vens] Item, l'an VIIc IIIIxx et II fut unc vens si grans, en mois de septembre, qu'ilh sembloit qu'ilh tonast bien fort, et abatit le grosse thour de castel de Huy et toutes [lI, p. 525] les chemeneez qui estoient à Huy ; et oussi fist mult grant damaige à Liege. |
[An 782 - Grand vent] En l'an 782, au cours du mois de septembre, un vent souffla très violemment, faisant penser à de forts coups de tonnerre ; il abattit la grosse tour du château de Huy et toutes [II, p. 525] les cheminées de cette ville ; il causa aussi beaucoup de dommages à Liège. |
[Nycheforus emperere ly LXXV] Item, l'an VIIc IIIIxx et III, le secon jour de jule, morut Constantin ly emperere, qui estoit avoigle ; si fut apres luy esluys Nycheforus, lyqueis regnat IIII ans III mois et VI jours, et solonc Martin IX ans. A cuy temps tout ly empire d'Orient alat à nient, et si n'obeirent plus à l'empire de Romme. Chis emperere fut unc meschans avaritieux et n'estoit point chevalereux. |
[Nicéphore, 75e empereur] En l'an 783, le second jour de juillet, mourut l'empereur Constantin, qui était aveugle ; après lui fut élu Nicéphore, qui régna durant quatre ans, trois mois et six jours, et selon Martin durant neuf ans. À cette époque, tout l'empire d'Orient tourna à rien, et on n'obéit plus à l'empire de Rome. Cet empereur se révéla méchant et avare et ne se comporta pas en chevalier. |
[Ly roy de Hongrie awec ses XV fis oit gerre à roy de Suaire] En cel an ly roy Johans Wilhenbron de Hongrie, qui fut mult gentils et chevalereux, oit guere al roy de Suaire, et assemblat ses oust, luy et ses XV fis, jusques à le summe de LXm hommes ; si oit batalhe à roy de Suaire et l'ochist et desconfist ses gens, et conquestat tout son paiis, se le donnat Gorlebas, son anneit fis. |
[Le roi de Hongrie et ses quinze fils firent la guerre au roi de Saxe] En cette même année [783], le roi Jean Willibrord de Hongrie, un homme très noble et un preux chevalier, fut en guerre avec le roi de Saxe ; lui et ses quinze fils rassemblèrent leurs armées, un total de soixante mille hommes ; il guerroya contre le roi de Saxe et le tua, défit ses gens et conquit tout son pays, qu'il donna à son fils aîné, Gorlebas. |
Ans 784-785 : Charles et la papauté : Envoi de reliques et pouvoir grandissant de Charles dans l'Église - Le pape Adrien, dans des conciles, accorde à Charles, en cas de désaccord des cardinaux, le droit d'élire un pape, et de désigner des archevêques |
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[II, p. 525] [L’an VIIc IIIIxx et IIII li pape envoiat li corps sains à roy Charle] Item, l'an VIIc IIIIxx et IIII envoiat Charle, le roy de Franche, à pape Andriain qu'ilh li plaisist li envoier des reliques por mettre en AlIemangne. Et li pape li envoiat II corps sains, assavoir sains Gordiain et Epymachi. |
[II, p. 525] [An 784 - le pape envoya au roi Charles les deux corps de saints] En l'an 784, Charles, le roi des Francs, fit demander au pape Adrien d'accepter de lui envoyer des reliques, pour les installer en Allemagne. Le pape envoya au roi Charles deux corps de saints, à savoir saint Gordien et saint Épimaque. |
[L’an VIIc IIIIxx et V fut un gran conciel à Constantinoble et à Romme] Item, l'an VIIc IIIIxx et V orent les XII prinches et fis Doon de Maienche faite et acomplie leur conqueste, si en rendirent à Dieu grasce. En cel an meismes fut celebreis I sene ou I concielhe de IIIIc evesques en Constantinoble par le pape Adrian ; et tantoist apres ilh celebrat I altre à Romme en queile ilh oit C et LIIII evesques, sens les abbeis et les prelais religieux ; et là donnat li pape à Charle, le roy de Franche, et le conciel awec luy, le poioir del ordineir et eslire le pape, se les cardinals estoient en debat, et les archevesques, por leurs singulers provinches, vestures constitueir ; et anathematizat tous cheauz qui seroient rebelles à cesti decreit. Et s'en furent faites bulles, lesqueiles furent envoiés à roy Charle. |
[En l’an 785 se tint un grand concile à Constantinople et à Rome] En l'an 785, quand les douze princes, fils de Doon de Mayence, eurent fait et accompli leurs conquêtes, ils en rendirent grâces à Dieu. Et, en cette même année, un synode ou un concile rassemblant trois cents évêques se tint sous le pape Adrien à Constantinople. Aussitôt après, une autre assemblée réunit à Rome cent cinquante-quatre évêques, sans compter les abbés et les prélats religieux. C'est alors que le pape, et le concile avec lui, donna à Charles, le roi des Francs, le pouvoir d'ordonner et d'élire un pape, en cas de désaccord entre les cardinaux et de désigner les archevêques chargés de fixer les charges de curé dans leurs provinces respectives. Il jeta aussi l'anathème sur tous ceux qui seraient rebelles à ce décret. Des bulles à ce sujet furent envoyées au roi Charles. |
Nous n'avons pas trouvé trace d'une décision conciliaire donnant à Charlemagne « le pouvoir d'ordonner et d'élire un pape, en cas de désaccord entre les cardinaux » (!). Pour les rapports de Charlemagne avec son clergé, on pourra voir la cinquième partie (p. 285-364) de l'ouvrage de Jean Heuclin, Hommes de Dieu et fonctionnaires du roi en Gaule du nord du Ve au IXe siècle, Villeneuve d'Ascq, 1998, 404 p.. Accessible intégralement sur la Toile. |
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An 786 : Le sage Alcuin, maître de Charles, est nommé évêque de Saint-Martin de Tours, où il ramène l'ordre - Charles obtient du pape le transfert à Paris des études de sciences - Sur Gloriande, épouse de Charles |
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[II, p. 525b] [L’an VIIc IIIIxx et VI estoit Aquilinus, li maitre le roy Charle, et fut evesque de Sains-Martin de Thour] Item, l'an VIIc IIIIxx et VI estoit en grant auctoriteit Aquilinus, qui fut I valhans clers et de grant engien, et fut nationeit d'Engleterre et I noble philosophe et honeste, lyqueis fut maistre à roy Charle de Franche, qui l'instruit en la scienche des artes liberals ; lyqueis Charle li donnat et ly commist l'engliese de Sains-Martin de Thour à governeir. |
[II, p. 525b] [L'an 786, Alcuin était le maître du roi Charles, et fut évêque à Saint-Martin de Tours] En l'an 786, Alcuin jouissait d'une grande autorité ; c'était un clerc de valeur et de grande intelligence ; originaire d'Angleterre, c'était un philosophe illustre et estimable ; il fut le maître de Charles, roi des Francs, et l'instruisit dans la science des arts libéraux. Charles lui donna et lui confia la gouvernance de l'église de Saint-Martin de Tours. |
Cfr J. Chelini, Alcuin, Charlemagne et Saint-Martin de Tours, dans Revue d'histoire de l'Église de France, t. 144, 1961, p. 19-50. Accessible sur la Toile. |
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[Des moynes de Sains-Martin que les angles ochirent] En ledit engliese de Thour avoit des noires moynes, qui avoient si obliet leur regle, que ilh vestioient draps de soie et leurs soleirs portoient doreis, et estoient si vaques qu'ilh prendoient tous leurs solas et repoise en luxure ; tant que une fois veit I des [II, p. 526] moynes, qui estoit de bonne vie, II angles entreir en dortoire qui tous les moynes estindirent et ochirent, excepteit celuy qui les veioit ; et les priat tantost merchis, en disant qu'ilh voloit faire la droite regle, et faire penanche de chu qu'ilh avoit oyut compangnie awec les malvais qui mors estoient, lequeis le obicient. Et chu avient à cheli temps. Et portant Charle en fist abbeis son maistre Aquilinus, qui refourmat l'abbie en grant sanctiteit, et menat une saincte vie, et renfourmat mult d'englieses tant en ladit citeit com defours, et fiste refaire les mures de la citeit qui estoient tous desros et abatus. |
[Des moines de Saint-Martin furent tués par les anges] En cette église de Tours vivaient des moines noirs, qui avaient tellement oublié leur règle, qu'ils portaient des vêtements de soie et des souliers dorés, et étaient si débauchés, qu'ils prenaient tous leurs plaisirs et passaient leurs temps de repos dans la luxure ; finalement un des [II, p. 526] moines, qui menait une vie honnête vit entrer dans le dortoir deux anges qui mirent à terre et tuèrent tous les moines, à l'exception de lui-même qui les regardait ; et aussitôt il implora la pitié de l'ange, en disant qu'il voulait strictement suivre la règle, et faire pénitence pour avoir vécu en compagnie des mauvais moines, qui étaient morts et qui lui reprochaient sa conduite (s'opposaient à lui). Cela se passa au temps d'Alcuin. C'est pourquoi Charles nomma abbé son maître Alcuin, qui ramena l'abbaye sur la voie de la sainteté, mena une sainte vie et réforma beaucoup d'églises, tant à l'intérieur qu'en dehors de la cité de Tours ; il fit refaire les murs de la cité tout démolis et écroulés. |
[II, p. 526] [Charle impetrat à pape le stude de Paris à chi temps] En cel an impetrat li roy Charle al pape que les estudes des scienches, enssi qu'ilh estoient translateis de Greche à Romme, fussent translateis de Romme à Paris. Et ly pape le concedat. |
[II, p. 526] [Charles demanda au pape d'organiser alors des études à Paris] En cette année [786] le roi Charles demanda au pape que les études des sciences soient transférées de Rome à Paris, de même qu'elles l'avaient été de Grèce à Rome. Et le pape le lui accorda. |
[Charle soy remariat à Gloriande] En cel an morut la royne de Franche Gloriande, la filhe le roy d'Espangne, et les dois enfans qu'elle avoit de Charle et Pepin, d'onne epidimie qui coroit à cel temps. Mains ly roy Charle soy remariat à une altre Gloriande, qui estoit mult belle damme et fut la filhe le roy de Sibilhe en Espangne. Les croniques Vincent et des altres dient que ceste seconde femme fut nommée Ermegart. |
[Charles se remaria à Gloriande] Cette année-là [786], Gloriande, la reine des Francs, fille du roi d'Espagne, ainsi que ses deux enfants, Charles et Pépin, moururent d'une épidémie qui sévissait alors. Alors le roi Charles se remaria avec une autre Gloriande, une très belle dame, qui était la fille du roi de Séville en Espagne. Les chroniques de Vincent (de Beauvais) et d'autres auteurs disent que cette seconde femme avait pour nom Ermengarde (cfr II, p. 529). |
1. À propos du de précédant Charle et Pepin, Bo signale en note : « Ce de doit être de trop, et il faut supposer que le chroniqueur a voulu dire que Gloriande mourut avec deux de ses enfants : Charles et Pépin. Plus loin (II, p. 529) on lui en donne trois : Charlot, Pipin et Loys. » 2. À propos de Ermegart/Ermengarde, Bo signale en note : « Pour Hildegarde, qui devint la femme de Charlemagne quand il eut répudié la fille du dernier roi des Lombards. » 3. Sur les épouses et les concubines de Charlemagne, cfr II, p. 529-530 et les notes. |
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Ans 787-789 : Événements naturels (gelée, orage, tremblement de terre) - À Constantinople, l'empereur Michel remplace l'empereur Nicéphore - Conquêtes hongroises - Victoires sur les Saxons - Conquêtes de Doon |
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[II, p. 526b] [L’an VIIc IIIIxx et VII - Grant gelée] Item, l'an VIIc IIIIxx et VII fist une grant gelée qui durat bien III mois sens relaier, si vient bien à point à peuple, car ilh fist le morloir estanchier. |
[II, p. 526b] [An 787 - Grande gelée] En l'an 787, il y eut une longue période de gel, qui dura bien trois mois sans interruption, et cela vint bien à point pour le peuple, car cela mit fin à une épidémie mortelle. |
[Michiel emperere LXXVI] En cel an, le VIIIe jour d'octembre, morut ly emperere Nycheforus ; si fut apres esluis et coroneis Mychiel ly promier de cel nom, et regnat VI ans VI mois et XXV jours |
[Michel, 76e empereur] Cette année-là [787], le huit octobre, l'empereur Nicéphore mourut ; après lui, Michel, le premier de ce nom, fut élu et couronné, et il régna durant six ans, six mois et vingt-cinq jours. |
Problème que cet empereur Michel Ier, qui, chez Jean d'Outremeuse, succède à l'empereur Nicéphore. Rappelons l'ordre de succession des empereurs d'Orient : Irène l'Athénienne meurt en 802 n.è. ; Nicéphore Ier le Logothète règne de 802 à 811 n.è.; puis vient Staurakios (811 n.è.) ; puis Michel Ier Rangabé (811-813 n.è.). Le passage de Nicéphore Ier à Michel Ier date de 811 n.è. : on est loin de l'an 787 de l'Incarnation. |
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[Hongrois conquisent mult de paiis] En cel an ly roy de Hongrie awec ses XV fis conquestarent une grant partie d'Allemangne, et le misent en le tregut al roy Charle de Franche, car riens ne poioit dureir contre eaux : ilh conquisent del flus de Danowe jusques à flus de Rien et jusqu'à flus de Sale, qui depart Thoringe et Sorachez. |
[Les Hongrois firent la conquête de nombreux pays] Cette année-là [787], le roi de Hongrie et ses quinze fils firent des conquêtes dans une grande partie de l'Allemagne, qui devint ainsi tributaire du roi Charles de Francie, car rien ne pouvait leur résister. Leurs conquêtes s'étendirent du Danube jusqu'au Rhin et à la Saale, qui sépare la Thuringe et Sorau. |
[L’an VIIc IIIIxx et VIII - Ly duc Gaufrois at desconfis les Saynes] Item, l’an VIIc IIIIxx et VIII oit grant bataille en awoust entre Gaufroit, le duc de Rochebrune, et le roy de Saxongne ; si fut ly roy de Saxongne desconfis. Chis roy de Saxongne soy defendit mult bien contre le roy Charle, enssi que vos [II, p. 527] oreis chi-apres, et tout par le forche de son paiis et des fortes citeis et casteals dont ilh avoit à grant planteit ; mains quant ilh venoient en batalhe si estoient les Saynes plus sovent desconfis qu'ilh n'awissent victoir, et remuchoient en leurs fortereches que ons ne poioit avoir al seioir devant. En cel an conquestat Doon la terre de Pictaine, et ochist le duc Loquars et desconfist ses gens, et là en fut ochis XXIm. |
[An 788 - Le duc Geoffroy défit les Saxons] Et en l'an 788, en août, une grande bataille se déroula entre Geoffroy, duc de Rochebrune, et le roi des Saxons ; ce dernier fut vaincu. Il se défendit très vaillamment contre le roi Charles, comme vous [II, p. 527] l'entendrez ci-après, et tout cela grâce à la puissance de son pays où il possédait en quantité places fortes et châteaux. Quand ils étaient engagés dans une bataillle, les Saxons étaient plus souvent vaincus que vainqueurs et ils rentraient dans leurs forteresses, imprenables, quand on en faisait le siège. Cette année-là Doon conquit la terre de Pictaine, tua le duc Loquars et défit ses gens. Il y eut là vingt et un mille tués. |
[L’an VIIc IIIIxx et IX - Terrible orage - Mut de terre] Item, l'an VIIc IIIIxx et IX en mois de june, fist une tonoir si fort par III jours si terriblement sens cesseir, que les gens estoient tous assurdis, et degastat tout le paiis de Lombardie. En cel an en mois de septembre fist si grant mut de terre que les gens chaioient aval les voies ; et aparurent mult de signes en chiel. |
[An 789 - Terrible orage - Tremblement de terre] En l'an 789, au mois de juin, il tonna si fort, si terriblement pendant trois jours, sans arrêt, au point que les gens devenaient sourds. Cela fit des dégâts dans toute la Lombardie. Cette année-là, en septembre, eut lieu un tremblement de terre si fort que les gens tombaient, dévalant sur les routes ; et beaucoup de signes apparurent dans le ciel. |
Ans 789-790 : Annonce prémonitoire : à Rome, à Paris et à Metz, une voix annonce que Charles deviendra empereur |
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[II, p. 527] [Une vois dest à Romme : « Charle, prens l’empire des Romains »] En cel an en mois de decembre, fut oiie une vois à Romme et oussi à Paris et à Mes en Lhoheraine le XXIIIe jour tout à une heure : « Charle, roy de Austrie et de Neustrie, prens l'empire des Romans qui est tiene. » Celle vois fut oiie à mult de suffisans hommes et enregistrée. Et quant la chouse fut diffamée, si trovat-ons les III registre d'on heure, d'on jour et en III lis. |
[II, p. 527] [À Rome, une voix dit : « Charles, empare-toi de l’empire des Romains »] Cette année-là [789], le vingt-trois décembre, à une heure, à Rome, à Paris et à Metz en Lorraine, une voix se fit entendre disant : « Charles, roi d'Austrasie et de Neustrie, empare-toi de l'empire des Romains : il est à toi. » Beaucoup d'hommes importants l'entendirent et mirent son message par écrit. Et une fois la chose répandue, on trouva trois registres en trois lieux, indiquant le même jour et la même heure. |
[L’an VIIc et XC - Grant myracle, comment Charle fut emperere de Romme] Item, l'an VIIc et XC, le jour del Triniteit, fut celle vois oiie à heure de grant messe, à Romme, en la capelle l'emperere Mychiel et en la capelle des senateurs et oussi en la capelle de pape, disant : « D'huy en IIII ans serat Charle ly gran emperere coroneis des Romains, et serat ly miedre de tous les empereres qui ont esteit devant luy et qui vinront apres, et regnerat plus c'onques ne regnat nuls. » Et ne fut ceste vois oiie mie altrepart tant com à ceste fois, enssi com Sergius le pape, le secon de cel nom, le racompte en ses croniques et que vos oreis chi-apres, car à chesti temps n'estoit mie encors neis. |
[L’an 790 - Grand miracle, comment Charles fut empereur de Rome] En l'an 790, le jour de la Trinité, à l'heure de la grand-messe, à Rome, on entendit, dans la chapelle de l'empereur Michel, dans celle des sénateurs et dans celle du pape, cette voix disant : « Dans quatre ans, à partir d'aujourd'hui, Charles le Grand sera couronné empereur des Romains. Il sera le meilleur de tous les empereurs qui l'ont précédé et de tous ceux qui viendront après lui, et il régnera plus longtemps que nul ne régna jamais. » Cette voix ne fut jamais entendue ailleurs comme elle le fut alors, selon ce que le pape Serge, second de ce nom, dit dans ses chroniques, dont vous entendrez parler plus tard, car à ce moment, il n'était pas encore né. |
An 791 : Charles, en Allemagne, lutte contre les Avars (les 'nouveaux Huns') avec d'autres héros de chansons de geste |
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[II, p. 527b] [Charle s’en allat en Allemangne à grant gens à Cm hommes] Item, l'an VIIc XCI s'en alat ly roy Charle en Allemangne à grant gens, et Doon de Maienche, et ly roy de Hongrie, et XIIII de ses fis, car ly XVe avoit lassiet les armes ; se li avoit ly roy Charle impetreit al pape Andriain l'archevesqueit de Colongne, et demoroit à Romme à cel temps deleis le pape, et fut puis cardinal de Hostie et pape apres, enssi com vos oreis chi-apres. Tous ches oust se sont ferus ensemble, si oit bien Cm hommes ; et les avoit li roy Charle assembleis por destruire une manere de gens qui estoit venue demoreir en Pannonie, qui soy nommoient les Huens restaureis. |
[II, p. 527b] [Charles partit en Allemagne en grande compagnie, avec cent mille hommes] En l'an 791, le roi Charles s'en alla en Allemagne avec de nombreuses troupes, avec Doon de Mayence et le roi de Hongrie, accompagné de quatorze de ses fils, le quinzième ayant renoncé aux armes. Le roi Charles avait demandé pour lui au pape Adrien l'archevêché de Cologne ; alors il resta à Rome auprès du pape, fut ensuite cardinal à Ostie, et puis pape, comme vous l'entendrez ci-après. Toutes ces armées, comptant au moins cent mille hommes, se réunirent. Le roi Charles les avait rassemblées pour anéantir des gens venus s'installer en Pannonie, et qui se nommaient les nouveaux Huns (= les Avars). |
Et quant ly roy Charle vient à Warmase, si regardat ses gens et en fist dois parchons : si [II, p. 528] cargat l'une à Johans Asculpin, roy de Hongrie, et à Doon de Maienche et à ses II enfans Gaufrois et Widelhon ; et l'autre part prist-ilh en sa part, et awec luy Rollant d'Angleir, Baldewin de Flandre et Bueve de Aigremont. |
Et quand le roi Charles fut arrivé à Worms, il considéra ses troupes et les répartit en deux groupes. Il [II, p. 528] il en confia un à Jean Asculphin, roi de Hongrie, à Doon de Mayence et à ses deux fils Geoffroy et Odilon. Il se chargea lui-même de l'autre groupe, prenant avec lui Roland d'Angleir, Baudouin de Flandre et Beuve d'Aigremont. |
[Charle at en Pannonie ochis XLm hons restaureis] Puis ordinat qu'ilh fist que li parchon le roy de Hongrie s'en alat vers Aquiloine costiant le Danube, et le sene part par decost d'Austrie desquendant et venant à flu de Anesen qui fait bonnes à Pannonie, por eauz encloure ; et les encloirent devant et derier teilement qu'ilh en fut mors XLm hommes, et les aultres s'enfuirent et les cachat jusques à flu de Raba : là ne pot-ilh passeir, si revient par Sabarie. |
[En Pannonie, Charles tua quarante mille nouveaux Huns] Puis, il décida que le groupe confié au roi de Hongrie se dirigerait vers Aquiloine, sur le Danube, et que le sien irait du côté de l'Austrasie, en descendant et en suivant le cours de l'Ens, la frontière de la Pannonie, pour les encercler. Ils les encerclèrent par l'avant et par l'arrière, si bien que quarante mille hommes moururent et que les autres prirent la fuite, pourchassés jusqu'au cours du Raab. Là, Charles ne put passer et revint par Sabarie. |
An 792 : Sur Fastrade, la troisième femme de Charles - Charles, victime d'une conspiration, est défendu par Turpin d'Ardenne - Son projet avorté d'un canal reliant le Danube au Rhin - L'évêque Félix condamné pour hérésie |
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[II, p. 528b] [L’an VIIc XCII - La tirche femme le roy Charle, Fastrade] Item, en cel an ly roy Charle alat à Ratebonne, une citeit en Allemangne, demoreir de nativiteit Jhesu-Crist jusques apres Pasque apres ensiwant, assavoir l'an VIIc XCII ; si avoit lassiet sa IIIe femme à Paris, qui estoit nommée Fastrade, laqueile Fastrade estoit si felle et si crueuse que Charle ne poioit esteir deleis lée. |
[II, p. 528b] [L’an 792 - La troisième femme du roi Charles, Fastrade] Cette année-là, le roi Charles s'installa à Ratisbonne, cité d'Allemagne, depuis le jour de la Nativité jusqu'après la fête de Pâques suivante, c'est-à-dire en l'an 792. Il avait laissé à Paris sa troisième femme, nommée Fastrade ; cette Fastrade était si perverse et si cruelle que Charles ne pouvait rester près d'elle (sur Fastrade, voir aussi II, p. 529). |
[Turpin d’Arden fist ochire ches qui fisent conspiration contre le roy Charle] Parquen Pipin, le fis bastars Geffunde, et des altres chevaliers awec ly fisent une conspiration contre le roy, parquen Turpin, ly dus d'Ardenne, qui à Paris estoit demoreis por le roy, quant ilh soit chu, si prist Pipin et le mettit en chartre en l'engliese de Sains-Denis, et des altres en fist une partie pendre et l'autre partie decolleir. |
[Turpin d’Ardenne fit mettre à mort ceux qui conspirèrent contre le roi Charles] Pépin, le fils bâtard de Geffonde (cfr II, p. 529), ainsi que d'autres chevaliers, conspirèrent avec lui contre le roi. C'est pourquoi Turpin, le duc d'Ardenne, resté à Paris sur ordre du roi, arrêta Pépin quand il apprit la chose et le retint prisonnier dans l'église de Saint-Denis. Il fit arrêter certains des conspirateurs et décapiter les autres. |
Item, ly roy Charle oit conselhe à ses barons comment ilh poroit nagier de flu Danowe en flu del Riens ; si oit conselhe qu'ilh feroit faire une fosse que ons nom encore, entres les riviers de Radanche et Altimoine, (La Rednitz et l’Altmühl, en latin Radantia et Almonus) profunde, et y prenderoit tant d'aighe que les naves poroient aleir securement del Danowe en le Riens, et del Riens en le Danowe. Et chesti ovrage fut laboreit fort, et fut faite l'escore (le lit du canal) de IIm passe de long et de IIc passe de large ; mains chu fut une vaine chouse, car por les ploives et les lis qui estoient tous plains de palus et de croliches li ovrage ne se pot parfaire ; et, enssi que Charle estoit là, ilh ly fut nunchiet par Turpin, qui tenoit son lieu à Paris, qu’ilh revenist por certains causes. Si revient et fist sa Pasque à Franquevort, et avoit fait sa Chandeleur en la citeit Herbibolle. |
Le roi Charles tint conseil avec ses barons, pour savoir comment il pourrait naviguer du cours du Danube jusqu'au cours du Rhin ; et il décida de faire creuser un fossé, dont on parle encore, entre les rivières Radanche et Altimoine, fossé si profond qu'il pouvait contenir assez d'eau pour permettre aux bateaux d'aller en toute sécurité du Danube au Rhin, et du Rhin au Danube. Cet ouvrage fut un travail très important, le lit du canal mesurant deux mille pas de long et deux cents pas de large ; mais ce fut une entreprise vaine, car à cause des pluies et des endroits pleins de marais et d'éboulis, l'ouvrage ne put être achevé. Et pendant que Charles se trouvait là, Turpin, qui le remplaçait à Paris, l'avertit de revenir pour diverses raisons. Charles revint, fit ses Pâques à Francfort, après avoir célébré la Chandeleur dans la cité de Würzburg. |
Sur l'histoire (des origines à nos jours) de ce projet de liaison Danube-Rhin, on pourra voir l'article (accessible sur la Toile) de K. Schliephake, Le canal Rhin-Main-Danube : d'un rêve millénaire à un élément d'infrastructure européenne, dans Revue géographique de l'Est, t. 34, 1994, p. 231-243, où la p. 233 détaille les projets de Charlemagne, dont les vestiges sont encore visibles aujourd'hui. Ce projet est signalé dans les Annales du Royaume des Francs, II, ann. 793, p. 81-83, éd. Sot-Cosme, Paris, 2022. |
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[Li pape condempnat l’evesque Felix en conciel de Romme] En cel an fist li pape Andriain I conciel [II, p. 529] à Romme, où ilh condempnat l'evesque Felix por ses heresies, qui disoit : « Jhesu-Crist est I fis affilhiés solonc le chair. » |
[Le pape condamna l’évêque Félix lors d'un concile à Rome] Cette année-là [792] le pape Adrien réunit un concile [II, p. 529] à Rome, au cours duquel il condamna pour ses hérésies l'évêque Félix, qui disait : « Jésus-Christ est un fils, adopté selon la chair. » |
Jean d'Outremeuse n'est pas très précis. Ce qui est exact, c'est qu'entre autres décisions (concernant notamment le culte des images), une assemblée conciliaire, réunie à Francfort en juin 794 sous la présidence de Charlemagne et en présence de légats du pape Adrien, condamna la doctrine de l'adoptianisme, selon laquelle « Jésus serait devenu le fils de Dieu par adoption à la suite de son baptême dans le Jourdain par Jean-Baptiste. » Cette conception, apparue dès le IIe siècle, avait été reprise au VIIIe siècle en Espagne, notamment par Félix, évêque d'Urgel. |
[Texte précédent II, p. 520b-523a] [Texte suivant II, p. 529b-536a]