Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, II, p. 9b-17a
Édition : A. Borgnet (1869) ‒ Présentation nouvelle, traduction et notes de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2021)
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SÉVÈRE ALEXANDRE ET GORDIEN - AFFAIRES DE L’ÉGLISE - Divers
NOTES DE LECTURE -
II, p. 9b-17a - Ans 205-241
de l'Incarnation
[Vers
Texte et
traduction]
Plan des notes de lecture
A. L'Empire romain et les empereurs
1. Épilogue de la Geste de Thomas et de Clodas - Les opérations de Sévère Alexandre en Perse
2. L'empereur Sévère Alexandre dans l'Histoire
3. La « grande crise du IIIème siècle » dans l'Histoire
4. Les empereurs romains dans l'Histoire, de la mort de Sévère Alexandre à celle de Dèce (235-251 de notre ère)
5. La même période vue par Jean d'Outremeuse
B. L'histoire de l'Église : doctrine et papauté
2.
Les onze mille vierges de Cologne - Le pape Cyriaque
C. Varia
A. L’Empire romain et les empereurs
1. Épilogue
de la Geste de Thomas et de Clodas - Les
opérations de Sévère Alexandre en Perse
C'est en quelque sorte l'épilogue de la Geste, comme le montre la référence aux événements qui terminaient le fichier précédent (cfr l'allusion au roi de Carthage, Tibérius).
Selon
Jean, Sévère Alexandre, l’empereur romain, prend la mer en 230 de l’Incarnation, s’arrête à
Alexandrie où il martyrise de nombreux chrétiens ‒ toujours
la même obsession d'écraser les chrétiens ‒ et poursuit sa route vers la
Perse, où il accomplit de nombreuses destructions. Dans la bataille que lui
livrent les Perses, ces derniers sont défaits et plusieurs de leurs cités
importantes assiégées, voire conquises. Les Perses sont désormais soumis au
tribut et l’empereur romain leur impose comme roi un de ses cousins. Telle est
la version de Jean d’Outremeuse. Que s’est-il réellement passé ?
En fait, cette section perse du Myreur a un certain rapport avec les événements historiques. Sévère Alexandre fut effectivement confronté aux Perses sassanides mais la vision de Jean d’Outremeuse, comme c’est souvent le cas, ne reflète pas avec précision la réalité.
L’empereur intervint effectivement contre les Perses qui, en 230-231 de notre ère (on notera la correspondance des dates), avaient envahi la Mésopotamie et lancé des raids en Syrie et en Cappadoce. L’expédition qu’il commandait se composait de trois corps d’armées. Deux d’entre eux durent se replier et le troisième ne remporta qu’un demi-succès et rencontra un retour difficile. On est donc très loin du récit du Myreur qui fait état d’une victoire totale sur les Perses et de l’installation à leur tête d’un roi aux ordres de Rome. Quant à Barbadas, citée comme une ville perse par Jean d’Outremeuse, elle ne semble pas apparaître dans les textes.
Avec les premières notices de II, p. 10, qui ont perdu tout caractère épique d’ailleurs, le lecteur reprend donc un certain contact avec l’histoire. C'est une sorte d'« atterrisage pseudo-historique » ou « mi-historique ». On quitte la fantaisie de la Geste pour retrouver une certaine vraisemblance historique. Jean mélange assez habilement la fantaisie et l’histoire.
[Plan]
2. L’empereur
Sévère Alexandre dans l’histoire (dates de notre ère)
Le fichier précédent évoquait déjà ce
Sévère Alexandre. Comme son prédécesseur Héliogabale, massacré en
mars 222 de notre ère par les prétoriens, il était un petit-cousin de Caracalla
et devait sa désignation d’empereur à ces mêmes prétoriens. Sa titulature
impériale était Marcus Aurelius Severus Alexander, mais il est aujourd’hui
désigné plus sobrement sous le nom de Sévère Alexandre (Jean d’Outremeuse utilise
simplement Alexandre). Il n’avait qu’une quinzaine d’années lorsqu’il prit le
pouvoir, qu’il conserva de 222 à 235 de notre ère, mais que, bien guidé par sa
mère et sa grand-mère, il replaça dans la tradition sévérienne, faisant oublier
les frasques de son précédesseur.
Il est impossible de se faire
une idée correcte de son règne à travers le récit de Jean, qui se limite à des
opérations militaires présentées d’ailleurs d’une manière très discutable. On
vient de le voir à l’instant avec les affaires perses. On ne reviendra pas
sur le cas perse, pour envisager celui d’une autre partie de l’empire menacée par l’ennemi
extérieur, à savoir la zone du Rhin et du Danube, où l’empereur trouvera la
mort.
Une armée romaine est réunie à Mayence dès
234 de notre ère. Des opérations sont menées contre les Alamans, mais elles
restent relativement locales, l’empereur reculant continuellement devant une expédition
de grande envergure. En février-mars de l’année 235 de notre ère, les soldats,
impatients et désorientés, « se mutinent sous la direction d’un Thrace,
Maximin. L’empereur ne réagit pas. Il se laissa tuer dans sa tente par les
mutins », lesquels massacrèrent aussi sa mère et son entourage. Telle est,
dans l'Histoire, la fin de Sévère Alexandre. Ce qui est rapporté par Jean (II, p. 13-14)
relève de la fantaisie.
Tout comme relève de la fantaisie le récit des opérations militaires menées par l’empereur contre les Bourguignons, les Gaulois, les gens d’Aix-le-Chapelle et ceux de Mayence (II, p. 12). On notera au passage quelques topoi qu’affectionne Jean : celui de la supériorité militaire des Gaulois (que redoutent les chefs romains) et celui des mobiles religieux motivant les opérations militaires en Occident. La période des Sévères ne fut pas une période de persécutions.
[Plan]
3. La « grande
crise du IIIème siècle » dans l'histoire (dates de notre ère)
Rappelons ce qui a été dit dans l'introduction au texte
du fichier II, p. 9-17 : le massacre de Sévère Alexandre en 235 de
notre ère n’a pas seulement mis fin à la dynastie des
Sévères ; il a également ouvert dans l’histoire de l’Empire romain une
crise politique et militaire de grande ampleur qui durera plus de trente ans et
qui ne prendra fin qu’avec Aurélien, empereur de 270 à 275 de notre ère.
Pendant cette période sombre, des régions entières ont échappé au pouvoir
central. Sont ainsi apparus, à côté d’une autorité officielle et légitime, des
généraux ayant sous leurs ordres un nombre important de légions qui avaient
pris le contrôle de vastes territoires et qui se proclamaient parfois
empereurs. À certains moments, l’Empire romain connut ainsi plusieurs empereurs
en même temps. On comprend pourquoi cette période de 235 à 270 de notre ère est
parfois désignée par l’expression d’« anarchie militaire ».
[Plan]
4. Les
empereurs romains dans l'histoire : de la mort de Sévère Alexandre à celle de
Dèce (235-251 de
notre ère)
Les seize premières années d’« anarchie militaire »
vont de la mort de Sévère
Alexandre (235 de notre ère) à celle de Dèce (251 de notre ère). Y figurent aussi des empereurs qui interviendront
dans le fichier suivant (II, p. 17b-26a).
Si l’on ne prend en compte que les
empereurs officiels qui ont régné après Sévère Alexandre, on trouve d’abord Maximin, dit le Thrace, qui gouverna l’Empire de 235 à
238 de notre ère. Il fut assassiné par ses soldats en même temps que son
fils. Il eut pour successeur, d’abord Gordien
III, de 238 à 244 de notre ère, tué lui aussi par ses soldats, puis Philippe, dit l’Arabe, de 244 à 249 de
notre ère, qui associa à son pouvoir son fils, Philippe le Jeune, et qui fut tué dans une bataille contre Dèce
soupçonné de vouloir le remplacer. Il y eut ensuite Dèce, empereur de 249 à 251 de notre ère et qui mourut dans un
combat contre les Goths.
Dans la réalité historique
toutefois, les choses
furent beaucoup plus complexes que ce bref résumé ne le donne à penser. Ainsi sous Maximin le Thrace, on voit
prendre beaucoup de pouvoir dans l’Empire romain des gens comme Pupien, Balbin, Gordien I et Gordien II, tandis que
sous Philippe l’Arabe, l’Empire connaît les usurpations d’Uranius, de Pacatien
et de Jotapien. Mais nous n’entrerons pas dans les détails : disons
simplement qu'à cette
époque, à côté des empereurs « officiels », on pouvait rencontrer des
empereurs auto-proclamés, ou encore des chefs militaires proclamés empereurs par leurs
soldats dans une région bien précise de l’empire.
5. La
même période vue par Jean d’Outremeuse (dans la chronologie du Myreur)
Jean voit très différemment l’histoire de
cette période. Il ne semble pas avoir intégré l’idée du morcellement de
l’Empire ni celle du surgissement d’empereurs ayant usurpé ce titre. À le lire,
on a l’impression que les successions impériales continuent à se faire sans
problèmes majeurs. Ainsi, selon lui,
après la mort de Sévère Alexandre dont il attribue la mort au duc de Gaule,
c’est un Gordien, « fils cadet » de l’empereur romain disparu, qui
est désigné comme successeur et qui règne plus de quatre ans. Ce Gordien, après
avoir perdu en 238 une dure bataille contre le roi de Perse, rentre en vaincu à
Rome (II, p. 15) et est tué dans son
palais en 240. Son frère
Maximin, hostile aux chrétiens, lui succède comme empereur pendant cinq ans (II, p. 16). Il sera tué au combat par
le duc Marcon de Gaule, qui tue aussi le jeune fils de Maximin qui porte le
même nom que lui (II,
p. 19, fichier suivant). Lui
succède Philippe l’Arabe, premier empereur favorable aux chrétiens (II, p. 20,
fichier suivant). Il l’est d’ailleurs tellement qu’il oblige son fils,
Dèce, à se faire baptiser contre son gré. Ce fils le tuera et lui succédera.
Très hostile aux chrétiens, Dèce mourra foudroyé à Rome en l’an 263 (II, p.
21-22, fichier suivant).
Non seulement le Myreur ne contient aucune allusion à d’éventuels
usurpateurs, mais la liste de Jean modifie l’ordre des empereurs officiels
retenus : au lieu de Maximin (le Thrace), Gordien (III), Philippe l’Arabe
et Dèce, elle donne Gordien, Maximin, Philippe l’Arabe et Dèce. En outre (et
ces détails ont également leur importance), les conditions concrètes de la
passation de pouvoir d’un empereur à l’autre ne sont pas les mêmes chez les
historiens anciens et chez notre chroniqueur. Il serait trop long et trop
fastidieux de discuter de chaque cas.
[Plan]
B. L’histoire de l’Église : doctrine et papauté
1. Les
hérésies et Origène
Les hérésies représentent un des centres
d’intérêt de Jean d’Outremeuse. Il en avait déjà été question dans le tome I du
premier livre (I, p. 550-551 ;
I, p. 569-570). Origène notamment avait été présenté en
I, p. 576, comme l’auteur de nombreux beaux livres, dont certains furent condamnés. Jean
a toutefois de lui une opinion favorable. Il explique en effet à son sujet que
« les livres condamnés furent écrits après sa mort par des clercs envieux,
désireux de jeter le blâme sur lui ». Par cette phrase, qui n’est pas très
claire, le chroniqueur fait allusion au fait que « certaines idées tirées
des écrits [d’Origène] ont été condamnées au Concile de Constantinople (553 de
notre ère) sous le nom d’origénisme » (Larousse). Mais c’était trois
siècles après sa mort.
Père de l'exégèse biblique et Père de l'Église, Origène est
un personnage très important à qui Eusèbe de Césarée consacre le sixième livre
de son Histoire ecclésiastique. Théologien
de la période patristique, il naquit à Alexandrie vers 185 de notre ère dans
une famille chrétienne et mourut à Tyr
vers 253 de notre ère. En 215 de notre ère, bien que très jeune, il succède à
son maître Clément d'Alexandrie à la tête de l’école catéchétique de cette
ville. Il se signale par une très grande rigidité de principes et de mœurs. Selon
la formule du cardinal Jean Danielou (Origène,
Paris, Le Cerf, 2012), il fut « le plus grand génie du christianisme
antique avec saint Augustin ». « Sa réputation de science était universelle ;
il aurait laissé près de 2000 ouvrages » (Larousse).
Dans le tome II, Jean revient à plusieurs reprises sur lui (ici, II, p. 10, 11, 14, 15 ; II, p. 21, 25 et II, p. 113), comme d’ailleurs, plus largement, sur le problème des hérésies et des hérétiques. Nous ignorons à quoi fait allusion Jean lorsqu'il évoque la participation d’Origène à « un concile » contre les « philosophes d’Arabie » (II, p. 21).
[Plan]
2.
Les onze mille vierges de Cologne - Le pape Cyriaque
En II, p. 16, Jean mentionne le pape Cyriaque, qui, dans sa chronologie, aurait occupé le trône pontifical de 238 à 240 et aurait joué un rôle dans l’épisode des onze mille vierges de Cologne, avec lesquelles il aurait été martyrisé en 242.
On est en présence ici d’une légende hagiographique particulièrement célèbre au Moyen Âge, dont le point de départ remonte à très peu de choses et qui a évolué pour aboutir à des récits de plus en plus complexes.
En fait, une inscription latine encastrée dans la muraille du chœur de l’église Sainte-Ursule de Cologne atteste qu’« un certain Clematius a fait restaurer dans sa propriété, vraisemblablement au IVe siècle, une petite basilique dédiée à des martyres » non autrement nommées. À partir du IXe et surtout du Xe siècle apparaîtront les premiers développements hagiographiques à propos de ces martyres. Ils évolueront amplement au fil du temps, aboutissant à des récits très développés comme celui qu’on trouve dans La légende dorée de Jacques de Voragine (ch. 154, Les onze mille vierges, p. 867-872, éd. A. Boureau, avec l’introduction, la bibliographie et les notes des p. 1428-1431). On s’y reportera car Jean n’en donne ici qu’une bien maigre image.
Cyriaque, pour en revenir à lui, n’est « pas attesté historiquement » comme pape (A. Boureau, p. 1429). Jean évoque d’ailleurs cette question d’historicité (en II, p. 16) en mentionnant que Martin d’Opava (cfr p. 413, l. 16-21, éd. L. Weiland) notait que Cyriaque ne fut pas mis sur la liste des papes « parce qu’il avait refusé la papauté, contre la volonté des clercs, au profit d’Antère, un homme sage et bon ». On reparlera d’Antère dans un instant.
L’épisode des onze mille vierges de Cologne pose encore d’autres problèmes, notamment chronologiques. D’après le Myreur, il est censé s’être déroulé dans la première moitié du IIIe siècle mais il est en même temps mis en rapport avec les Huns, présentés comme les responsables directs du martyre des vierges. Or, comme on le verra plus en détail dans le développement consacré aux Huns au début du fichier suivant, à cette date il ne pouvait pas encore être question des Huns dans l’Occident romain. Probablement sensible au problème, Jacques de Voragine, dans la seconde rédaction de La Légende dorée, précisait : « Il y a de meilleures raisons de croire que ce martyre se déroula après l’empereur Constantin, à ce qu’on lit dans une chronique [id est Vincent de Beauvais, XX, 39], quand les Huns et les Goths sévissaient, c’est-à-dire à l’époque de l’empereur Marcien qui régna en l’an du Seigneur 452 ».
[Plan]
3. Les papes Pontien (230-235 de notre ère), Antère (235-236 de notre
ère) et Fabien (236-250 de notre ère)
Dans la liste officielle des papes, dont Cyriaque
ne fait pas partie (cfr plus haut), saint Urbain Ier (18e
pape ; 222-230 de notre ère ; cfr II, p. 8) est suivi par saint Pontien, sur lequel Jean n’est pas très
disert (II, p. 12, 15-16 ; cfr Liber
Pontificalis, p. 24-25, éd. Th. Mommsen).
C’est en faveur d’Antère, le 19e pape, que Cyriaque aurait renoncé à la
papauté pour suivre les Vierges, si l’on en croit Jean (II,
p. 16), qui cite
correctement un passage de Martin d’Opava (p. 413, l.
16-21, éd. L. Weiland), et Jacques de Voragine, qui dit fondamentalement la même
chose (Légende dorée, ch. 134, Onze Mille Vierges, p. 869). Quoi qu’il en soit, c’est un événement
que ne mentionne pas le Liber
Pontificalis, d’ailleurs peu prolixe sur le personnage : aucune
mention dans le Liber par exemple de
la mesure autorisant le transfert des évêques d’un siège à
l’autre (II, p. 16). Quoi qu’il en soit, sur la durée du pontificat d’Antère, on appréciera le soin mis
par Jean (II, p. 16) à rassembler les positions de ses prédécesseurs :
elles vont de un mois à treize ans. Historiquement, il fut pape « quelques
mois seulement, entre novembre 235 et janvier 236 » (A. Boureau, Légende dorée,
p. 1126, n. 2).
Le 20e pape est saint Fabien auquel Jean s’intéresse beaucoup
dans le présent fichier. En II, p. 16-17,
le chroniqueur liégeois fait
une belle place à l’épisode de la colombe blanche venue se poser sur sa tête. Ce
motif, absent du Liber pontificalis (p.
27, éd. Th. Mommsen), est toutefois présent chez Eusèbe (Histoire ecclésiastique, VI, 29) ; il est également rapporté par Cyprien de
Carthage (lettre, 55) et bien intégré
aussi chez Jacques de Voragine, Légende
dorée, ch. XXII (Saint Fabien), p. 131-133, éd. A. Boureau.
Voici d’ailleurs comment Voragine présente
ce pape :
Fabien était citoyen romain, et comme, à la mort du pape [Antère], le peuple s’était réuni pour en élire un autre, il vint parmi eux pour connaître l’issue de l’élection. Or, voici qu’une blanche colombe descendit sur sa tête : tous furent remplis d’admiration et ils l’élurent pape. Au dire du pape Damase, il envoya sept diacres dans toutes les régions, et leur attribua sept sous-diacres qui recueillirent les Actes de tous les martyrs. À ce que dit Haymon [d'Auxerre], il opposa son refus à l’empereur Philippe, qui voulait assister aux vigiles de Pâques et participer aux mystères, et ne l’autorisa à y prendre part que lorsqu’il eut confessé ses péchés et qu’il se fut tenu parmi les pénitents. Enfin, la treizième année de son pontificat, il fut décapité sur ordre de Dèce et reçut la couronne du martyre. Il souffrit vers l’an du Seigneur 253 (trad. A. Boureau, p. 133).
On
retrouvera
dans le
fichier suivant (II, p. 20) mention du rôle qu'aurait prétendument joué ce pape
dans l’instruction et dans le baptême de l’empereur Philippe. Ce motif est lui aussi
absent du Liber Pontificalis (p. 27,
éd. Th. Mommen). Mais le motif des diacres et des sous-diacres, présent dans le
Liber, comme dans la Légende dorée, n’a pas été repris dans les
passages du Myreur traitant du pape
Fabien. Le chroniqueur liégeois montre toujours beaucoup de liberté dans
l’utilisation de ses sources.
À propos de Fabien encore, on soulignera le grand intérêt de Jean pour les discussions sur la durée du pontificat.
On trouvera plus d’informations sur les réalisations du pape Fabien dans l’article de Wikipédia qui utilise largement celui de Michel Christol, Fabien, dans Philippe Levillain (dir.), Dictionnaire historique de la papauté, 2003, p. 665.
[Plan]
C. Varia
1. Gaulois et Sicambres
Une notice de II, p. 14 sur les décisions prises par les vainqueurs après la mort de Sévère Alexandre présente un certain intérêt, car elle est censée expliquer pourquoi les gens de Gaule étaient appelés Sicambres. Elle rapporte ceci : « Après la mort de l'empereur romain Sévère Alexandre, le vainqueur, Marcon duc de Gaule, rentra en Gaule. On installa un duc en Sicambrie, le précédent étant mort à Mayence [on n'a pas donné à cet endroit les circonstances de sa mort !]. »
Immédiatement après ce texte, Jean précise que le duc de Gaule était le sire, c'est-à-dire le suzerain, de Sicambrie, ville de Germanie, ce qui explique ‒ continue-t-il ‒ « qu'on a appelé les gens de Gaule Sicambres ». Puis, peut-être à l'intention de ses lecteurs qui auraient oublié ces événements, le chroniqueur évoque, sans toutefois entrer dans les détails, les rapports anciens entre les deux peuples : la fondation de Sicambrie par Anténor qui avait fui Troie (cfr I, p. 28), la victoire des Gaulois de Mélus sur les Sicambres d'Anténor (cfr I, p. 30), l'installation de Sicambres en Gaule qui se mêlent aux Gaulois (cfr I, p. 28, et aussi la vision de la Chronique de Saint-Denis, II, p. 100).
Il est clair que, pour Jean, le duché de Sicambrie existait toujours à l'époque de Sévère Alexandre et que le duc de Gaule en était le suzerain. Le chroniqueur n'en mentionne l'existence qu'ici, mais l'essentiel pour nous est ailleurs. Dans l'esprit du chroniqueur, les Gaulois et les Sicambres ont fusionné au point que les deux termes sont interchangeables. Et c'est effectivement une caractéristique de Jean, qui est loin d'être partagée par les autres chroniqueurs. L'Historia Romana de Paul Diacre et la Chronique de Martin d'Opava, par exemple, n'utilisent pas ce mot de Sicambre, très largement répandu par contre dans l'oeuvre de Godefroi de Viterbe.
Disons simplement ici que son emploi pour désigner les Gaulois ‒ et les Francs aussi, ainsi que d'autres peuples d'ailleurs ‒ appartient à la poésie (Godefroi de Viterbe y recourt) ou témoigne en tout cas d'une certaine recherche (cfr P. Bourgain et M. Heinzelmann, Courbe-toi, fier Sicambre, adore ce que tu as brûlé. À propos de Grégoire de Tours, Hist., II, 31, dans Bibliothèque de l'École des chartes, t. 154, 1996, p. 591-606, en particulier p. 594, n. 12).
Ceci dit, l'histoire connaît des Sugambri (par exemple César, Guerre des Gaules, IV, 16, 2-4 ; IV, 18, 2-4 ; IV, 19, 4 ; Pline, Histoire Naturelle, IV, 100), mais il s'agit d'une petite population germanique présente sur le Rhin à la fin de la République et au début de l'Empire. Les récits pseudo-historiques pourraient avoir utilisé son nom dans leurs reconstructions.
2. Des événements locaux
Nous ne nous arrêterons pas à commenter des événements locaux que Jean a l'habitude de signaler, comme les questions de succession, ici en Flandre et à Louvain.
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