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MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


 

Historiographie gréco-romaine

 

OROSE (1ère moitié du Ve siècle)

 

Textes rassemblés et présentés par Jean-Marie HANNICK

 

Professeur émérite de l'Université de Louvain

 


L'auteur

On ne sait pas grand-chose du personnage ou plutôt, on ne possède d'informations à son sujet que pour quelques années, celles où il fréquente Augustin et Jérôme (414-418). Son origine n'est pas fixée avec certitude. Saint Augustin dit qu'il est arrivé en Afrique, venant d'Espagne : ab ultima Hispania, id est ab Oceani litore (les témoignages relatifs à la vie d'Orose sont commodément rassemblés par M.-P. Arnaud-Lindet dans l'annexe I du tome I de son édition des Histoires). Certains pensent à Tarragone, en Catalogne ; d'autres, à Braga, aujourd'hui au Portugal. L'éditrice d'Orose dans la C.U.F. avance une troisième possibilité : pour expliquer un passage des Histoires (III, 20, 6-7) où l'auteur parle d'une fuite en bateau pour échapper à des barbares inconnus, elle songe à une origine nordique; Orose pourrait être né en Bretagne, avoir été enlevé par des Scots d'Irlande et avoir réussi à s'évader pour aboutir en Espagne. Hypothèse sans doute un peu hasardeuse ! La date de naissance de notre historien n'est pas connue avec précision. Quand il arrive en Afrique en 414,  il est, dit Augustin, "un jeune prêtre, son fils par l'âge" (juvenis presbyter, filius aetate). Il devait avoir à l'époque entre trente et quarante ans et être né vers 375/380.

Pourquoi Orose vient-il auprès de l'évêque d'Hippone ? Aucun texte ne le dit clairement. On peut cependant penser qu'il voulait consulter Augustin sur des questions doctrinales, en particulier sur des hérésies qui se répandaient alors en Espagne. C'est pour répondre à Orose en effet qu'Augustin rédige son petit ouvrage Contre les Priscillianistes et les Origénistes.

Orose fréquente Augustin quelque temps, puis le maître envoie son disciple poursuivre sa formation en Palestine, auprès de Jérôme. Orose est entraîné là-bas dans une nouvelle querelle doctrinale, contre les Pélagiens ; sa méconnaissance du grec le fait échouer dans son plaidoyer pour l'orthodoxie et il quitte Jérusalem pour revenir en Afrique (416), où il ramène des reliques récemment découvertes du premier martyr, saint Étienne. Il veut ensuite retourner en Espagne, arrive aux Baléares (417) puis disparaît sans plus laisser de traces.

 

Les Historiae adversus Paganos

L'histoire d'Orose est un ouvrage de commande : Praeceptis tuis parui, beatissime pater Augustine (T1). C'est qu'au lendemain de la prise de Rome et du sac de la ville par les troupes d'Alaric (août 410), une vive réaction s'est manifestée dans le monde païen (T2). Cette catastrophe, disait-on, est liée au triomphe du christianisme; on a délaissé le culte des dieux traditionnels et ceux-ci punissent Rome en laissant s'abattre sur elle ces malheurs, qu'on ne peut au surplus ni prévoir ni conjurer puisque les rites divinatoires ne se pratiquent plus (T19). L'évêque d'Hippone avait déjà répondu à cette attaque au début de la Cité de Dieu. Ainsi, au second livre (ch.29), s'adressant à l'âme de Rome, à la race des Régulus, des Scévola, des Scipion, des Fabricius, il fait cette supplique : "N'écoute pas ceux des tiens qui, dégénérés, calomnient le Christ et les Chrétiens, accusent cette époque comme une époque de malheur : ce qu'ils veulent, ce n'est pas tant une ère de tranquillité que la sécurité de leurs vices" (trad. de Labriolle). Augustin avait déjà évoqué plus haut le cas de Régulus pour montrer que sa piété ne l'avait pas protégé du plus affreux des supplices (I, 15); il avait aussi montré que les Goths d'Alaric avaient fait preuve de modération et qu'on en était redevable au Christ (I, 7). Mais les exemples qu'il avait produits ne lui paraissaient pas suffisants : il demande donc à Orose de dresser un catalogue sommaire (ordinato breviter voluminis textu) de tous les malheurs, y compris les catastrophes naturelles, qui ont frappé autrefois l'humanité (T2). Celui-ci ira au-delà de ce qui lui est prescrit : au lieu d'un bref volume, il compose sept livres et le simple catalogue devient une sorte d'histoire universelle. Mais la thèse reste inchangée. Il faut montrer que les tracas d'aujourd'hui ne sont rien en comparaison des misères d'autrefois, que les hommes du passé, s'ils ne se plaignaient pas, étaient simplement plus courageux (T7), et Orose de renvoyer le lecteur aux horreurs de la guerre de Troie (T6), au sort de la Sicile, victime des tyrans puis ravagée par des guerres serviles (T8), aux massacres de la première guerre Punique (T14), aux différents incendies de Rome (T25). La matière est si abondante qu'il est obligé de choisir ses exemples et de les présenter de manière succincte (T5). Mais il est une autre raison d'abréger quand il s'agit de l'histoire de Rome : il serait inconvenant, en effet, de s'appesantir sur des événements qui ternissent l'image de la patrie et la mémoire de ces hommes qui sont "nos concitoyens et nos ancêtres" (T17). C'est peut-être pour cela qu'il s'abstient de raconter la conjuration de Catilina (T19), alors qu'il rapporte longuement la conquête des Gaules par César (VI, 7,1 - 12,1)

Plan des Histoires (T4) - La longue période embrassée par Orose, cinq mille six cent dix-huit années (T26) est décomposée par l'auteur en trois phases : 1. de la création du monde à la fondation de Rome ; 2. des origines de Rome au principat d'Auguste et à l'Incarnation ; 3. de la naissance de Jésus à l'époque contemporaine. La première phase, la plus longue, est résumée dans le livre I, avec l'intercalation, au chapitre 2, d'une longue digression géographique (T4) ; les huit siècles de la seconde phase occupent les livres II à VI ; l'époque impériale, jusqu'en 417, est traitée au livre VII.

Sources et critique des sources - Le cadre chronologique des Histoires vient de la Chronique d'Eusèbe continuée par Jérôme. Orose situe soigneusement les événements dans le temps par rapport à la date de la fondation de Rome (T6, 21). Pour le reste, les auteurs qu'il utilise sont, pour la plupart, des historiens païens. C'est Trogue-Pompée résumé par Justin qu'il suit principalement quand il traite de l'histoire de l'Orient, de la Grèce et de Carthage avant les guerres puniques : il arrive qu'Orose recopie des passages entiers de on modèle (voir, p.ex., I, 8, 2-5). Pour l'histoire romaine jusqu'à Auguste, c'est naturellement Tite-Live qui est surtout mis à contribution. Enfin, pour la période suivante, Orose utilise le Bréviaire d'Eutrope, les Histoires de Tacite, les Vies des Césars de Suétone ; ici et là, Orose invoque aussi des souvenirs personnels (p.ex. VII, 43,4).

Orose n'est pas dénué de sens critique. C'est ainsi qu'il note volontiers les divergences de ses sources quant au nombre des morts sur les champs de bataille. Dans leurs récits de la guerre d'Achaïe, par exemple (T16), les annalistes Claudius Quadrigarius, Valerius Antias (où Orose voit deux personnes distinctes) et Polybe ne sont d'accord ni sur le nombre des combats, ni sur le volume des pertes ; mais Orose n'essaye pas d'y voir plus clair, il en conclut simplement que ces auteurs ne méritent pas confiance. Il est parfois plus curieux et s'intéresse à la psychologie du narrateur : dans le camp du vainqueur, on tait d'ordinaire le nombre des victimes, sauf s'il est très faible (T12 ; voir aussi IV, 10, 5-9) ; de façon plus générale, les historiens romains, dit-il, sont soucieux de la gloire de leur patrie et ont tendance à minimiser les malheurs qu'elle a subis (T13). Observations pleines de bon sens mais dont il ne faut pas surestimer la portée. L'esprit critique d'Orose est en fait très variable. On le voit corriger un récit de Tacite à propos de Sodome et Gomorrhe (I, 5, 1-5) et rejeter avec mépris la légende de Phaéton (I, 10, 19 : ridiculam Phaethontis fabulam) mais, quelques lignes plus haut (I, 10, 17), expliquer qu'il existe encore maintenant des traces indiscutables (certissima monumenta) du passage de la mer Rouge par les Hébreux : l'empreinte des roues de leurs chars reste marquée sur le rivage et même sous les flots, aussi loin que porte le regard. Il est vrai qu'au XVIIe siècle, Baronius croyait bien que le Christ avait laissé "une marque de son Ascension au Ciel, Les vestiges sacrez de ses pieds imprimez en terre, au lieu où il s'éleva au Ciel, de dessus la montagne des Olives".

Synthèse - Dans la préface du livre III, Orose fait une déclaration qui mérite d'être soulignée : nous veillons, dit-il, à mettre en évidence le sens des événements et non leur apparence (T9 : vim rerum, non imaginem). On pourrait ajouter qu'il s'interroge plus sur le sens des faits que sur leurs causes, qu'il est plus philosophe ou théologien qu'historien. Il lui arrive, certes, de chercher l'explication rationnelle d'un événement, l'origine, par exemple, de la troisième guerre punique qui, selon lui, n'est due qu'à la versatilité des Romains (T15). Mais, d'ordinaire, il invoque plutôt la volonté divine. Les invasions barbares sous le règne de Gallien ? Elle se sont produites "avec la permission de Dieu" qui voulait punir ceux qui avaient pris part à la  persécution de Valérien (T23). L'accession au trône de Philippe Arabe ? On aperçoit ici également le doigt de Dieu : il fallait que le millénaire de Rome soit célébré sous un empereur chrétien (T24). Il y a, chez Orose, "une sorte de providentialisme naïf", note H.-I. Marrou (Saint Augustin, Orose et l'augustinisme historique, p.79). Mais il y a plus. Orose perçoit dans l'histoire de l'humanité l'exécution d'un plan divin. S'inspirant de la prophétie de Daniel, commentée par saint Jérôme,  il décrit la succession de quatre empires qu'il situe aux quatre points cardinaux (II, 1, 3-6) : l'empire babylonien à l'orient, puis le carthaginois au sud, le macédonien au nord et enfin, l'empire romain en occident. Ces empires viennent de Dieu et le quatrième était prédestiné à voir s'accomplir le mystère de l'Incarnation. C'est déjà en prévision de cet événement que Rome a été sauvée de la destruction lors de la guerre d'Hannibal (IV, 17, 8-11) et, deux siècles plus tard, sous l'empereur Auguste, la paix étant partout rétablie, le monde était prêt pour la venue du Fils de Dieu (T21). Orose insiste tellement sur les liens unissant le Sauveur et l'Empire qu'il fait de Jésus de Nazareth un citoyen romain (T22) !

Survie - L'œuvre d'Orose a connu un énorme succès au moyen âge : plus de deux cents manuscrits des Histoires nous sont parvenus (cf. B. Guenée, Histoire et culture historique dans l'Occident médiéval, p.250). Orose a servi de source à Grégoire de Tours, Bède le Vénérable, Otton de Freising, lequel va jusqu'à en faire "une des lumières vivantes dans l'Église de Dieu", la seconde étant saint Augustin (H.-I. Marrou, Saint Augustin, Orose et l'augustinisme historique, p.86). Au IXe siècle, les Histoires sont traduites en vieil anglais par le roi Alfred ; un siècle plus tard, en arabe, à la demande du calife de Cordoue. Et le succès se prolonge au-delà du moyen âge : une vingtaine d'éditions imprimées s'échelonnent de 1471 à 1738 (A. Lippold, Orosio. Le storie contro i pagani, t.I,  p.XLVI).

Puis vient le temps du "purgatoire". Orose est considéré comme un piètre historien. "A partir d'Orose, écrit F. Lot, tout sentiment véritable de l'histoire de l'Antiquité est perdu" (La fin du monde antique et le début du moyen âge, éd. Albin Michel, 1968, p.172). Plus sévère encore, le jugement de J.B. Bury : "Perhaps... the first attempt at a universal history, and... probably the worst" (History of the Later Roman Empire, Dover Publications, New York, 1958, t.I, p.306). On trouve heureusement quelque réconfort dans la remarque d'A. Lippold : "soltanto dopo la seconda guerra mondiale si è avuta una sorta di rinascita dell'interesse per la sua opera" (Orosio, p.XLVII).

 

Voir aussi Introduction à l'historiographie chrétienne.

 

 

Bibliographie

Éditions

- Histoires (Contre les Païens), éd. trad. M.-P. Arnaud-Lindet, 3 vol., Paris, 1990-1991 (C.U.F.).

- Le storie contro i pagani, ed., comm. A. Lippold; trad. A. Bartalucci - G. Chiarini, 2 vol., Milan, 1976 (Scrittori greci e latini).

Études

- Fainck G., Paul Orose et sa conception de l'histoire, Paris, 1951.

- Janvier Y., La géographie d'Orose, Paris, 1982 (Collection d'études anciennes).

- Lacroix B., Orose et ses idées, Montréal, 1965.

- Lagarrigue G., Orose, Histoires (Contre les Païens). Considérations sur la valeur rhétorique de l'ouvrage, dans Pallas, 48, 1998, p.157-171.

- Paschoud F., Roma Aeterna. Études sur le patriotisme romain dans l'Occident latin à l'époque des grandes invasions, Institut suisse de Rome, 1967 [p.276-292 : Paul Orose].

 

 

Textes choisis (trad. M.-P. Arnaud-Lindet)

 

T 1 - Prologue, 1-2  J'ai obéi à tes prescriptions, très saint père Augustin, et je souhaite l'avoir fait avec autant de réussite que de bonne volonté, quoique, dans ces deux perspectives, je ne sois pour ma part guère franchement troublé par la question de savoir si j'ai bien ou mal fait. Déjà, en effet, tu as pris toi-même la peine d'examiner si j'étais, ou non, capable de faire ce que tu me prescrivais; pour ma part, je me contente du témoignage de ma seule obéissance, dans la mesure, cependant, où je l'ai parée de bon vouloir et d'effort.

T 2 - Prologue, 9-16  Tu m'avais prescrit, contre la déraison pleine de paroles vaines de ceux qui, étrangers à la Cité de Dieu, sont appelés païens d'après les carrefours ruraux et les cantons paysans, ou bien gentils, parce qu'ils ont du goût pour les biens de ce monde, eux qui, alors qu'ils ne s'inquiètent pas de l'avenir et oublient ou ignorent le passé, décrient cependant le présent, comme s'il se trouvait plus en butte aux malheurs que de coutume, du seul fait que l'on croit au Christ et que l'on rend un culte à Dieu, tandis que les idoles sont moins honorées - tu m'avais prescrit, donc, de développer, dans le texte brièvement ordonné d'un volume, à partir de tous les fastes des histoires et des annales qui sont actuellement à notre disposition, tout ce que j'aurais pu retrouver, en remontant à travers les siècles passés, en fait de guerres accablantes, d'attaques de maladies, de famines désolantes, de tremblements de terre effrayants, d'inondations exceptionnelles, de redoutables jaillissements de flammes, de déchaînements d'atteintes de la foudre et de meurtrissures de la grêle, et aussi de parricides et d'infamies déplorables. Comme surtout il ne convenait pas que ta Révérence qui s'appliquait à mener à bien contre précisément ces païens la rédaction d'un onzième livre - déjà dix de ces livres, rayons naissants, éblouirent le monde entier dès qu'ils se répandirent depuis le faîte de lumière de l'Église - s'occupât de cet opuscule de peu de poids, et comme ton saint fils, Julien de Carthage, serviteur de Dieu, réclamait à ce propos que sa requête fût agréée avec la même confiance qu'il mettait dans sa demande, je me suis mis au travail et pour la première fois j'ai moi-même été extrêmement troublé : pour moi qui souvent y réfléchissais, les désastres des jours présents paraissaient avoir fait rage outre mesure. En fait, j'ai découvert que les jours passés n'avaient pas seulement été aussi pénibles que ceux-ci, mais encore malheureux de façon d'autant plus atroce qu'ils étaient plus éloignés du remède de la vraie religion : au point qu'à bon droit, grâce à cette enquête, il apparut clairement que la mort avide de sang a régné aussi longtemps qu'était ignorée la religion qui devait interdire de verser le sang, que celle-ci, éclatant en pleine lumière, a paralysé celle-là; elle l'a recluse à partir du moment où déjà elle prévaut, que cette mort ne sera absolument plus rien quand la religion règnera seule, étant bien entendu exceptés et mis à part ces jours, lors de la fin du monde et de l'apparition de l'Antéchrist, ou, si l'on préfère, à l'instant de la conclusion du Jugement, jours au cours desquels la Seigneur Christ a prédit, selon les Saintes Écritures, en en donnant lui-même l'assurance, des angoisses futures telles qu'il n'en aura jamais existé auparavant, quand, au long des insupportables tribulations de ces temps, la probation des saints et la perdition des impies seront accomplies, non pas de la même manière que maintenant et toujours, mais par une discrimination plus manifeste et plus solennelle.

T 3 - I, 1, 1-4  Considérant que presque tous les hommes de lettres, tant chez les Grecs que chez les Latins, qui ont transcrit les hauts faits des rois et des peuples pour qu'en demeure le souvenir, prirent comme point de départ de leurs récits le fils de Belus, Ninus, roi des Assyriens - eux qui voudraient que l'on croie, selon un présupposé aveugle, à une origine du monde et à une création des hommes sans commencement, ils déterminent cependant que les royaumes et les guerres ont commencé à Ninus comme si vraiment le genre humain avait vécu jusque là à la  manière des bêtes et qu'il se fût alors éveillé pour la première fois, comme secoué et poussé vers une sagesse nouvelle - moi, j'ai résolu de faire connaître la misère humaine depuis le péché originel de l'homme, tout en n'abordant qu'un petit nombre de points, et ceux-là même, brièvement.

T 4 - I, 1, 14-17  M'apprêtant donc à dire les épreuves du genre humain depuis la fondation du monde jusqu'à la fondation de Rome, et de là jusqu'au principat de César et à la naissance du Christ, époque à partir de laquelle l'empire du monde demeura au pouvoir de Rome, ou même jusqu'à nos jours, dans la mesure où j'aurai été capable d'appeler à leur connaissance, décidé à montrer, vu d'en haut en quelque sorte, le monde, embrasé par la torche des passions, brûlant de maux sur toute l'étendue de ses diverses régions, je crois indispensable de décrire d'abord en lui-même le monde entier où habite le genre humain, tel qu'il a été réparti en trois ensembles depuis les Anciens et, ensuite, cantonné en régions et en provinces : de cette manière, ceux qui s'y intéressent acquerront plus facilement, quand seront exposées les catastrophes locales des guerres et des épidémies, non seulement la science des événements et des dates mais encore celle des lieux.

T 5 - I, 12, 1  Mais, quant à moi, je suis maintenant contraint de déclarer que dans l'intérêt d'apercevoir un terme, je laisse de côté bien des événements sur un si grand nombre de circonstances malheureuses de cette époque, et que je les abrège tous. Je ne pourrais en effet d'aucune manière avancer dans une forêt parfois si dense, si je ne survolais pas aussi, de temps en temps, des bois entiers, même drus.

T 6 - I, 17, 1-3  Cependant, en 430 avant la fondation de Rome, l'année de l'enlèvement d'Hélène, s'annonce la coalition des Grecs et la concentration de mille vaisseaux, puis un siège de dix ans et enfin la fameuse destruction de Troie. Dans cette guerre menée de façon très sanglante pendant dix ans, que de nations, combien de peuples enveloppa et coucha au sol la même tourmente ! Homère, illustre au premier rang des poètes, l'a dévoilé dans un poème très brillant et nous n'avons pas maintenant à le développer dans l'ordre, parce que cela allongerait notre ouvrage et que tout le monde le sait. Mais pourtant, que ceux qui ont étudié la longueur de ce siège, l'horreur de la destruction, le massacre et la captivité, voient si c'est à bon droit qu'ils sont choqués par la situation actuelle, quelle qu'elle soit, eux que les ennemis [les barbares], par l'effet de la secrète miséricorde de Dieu, alors qu'ils pouvaient leur faire la guerre à outrance par toute la terre, avec des troupes exercées, suivent sur toutes les mers en offrant des otages pour faire la paix ; et, pour que l'on ne croie pas, d'aventure, qu'ils agissent ainsi par amour de la tranquillité, ils s'offrent contre les autres peuples, eux-mêmes et les périls qu'ils courent, pour la paix des Romains.

T 7 - I, 21, 17-19  Mais on compte pour peu de choses que ces malheurs se soient abattus sur la Grèce au long de tant de générations ; maintenant, en revanche, on ne supporte pas d'interrompre de temps en temps les plaisirs et de mettre pour un instant un frein aux passions. Du reste, entre le hommes du temps jadis et ceux de notre temps, il y a cette différence : ceux-là supportaient d'une âme égale ces temps insupportables, parce qu'ils étaient nés et avaient été élevés au milieu d'eux et qu'ils n'en avaient pas connu de meilleurs ; quant à ceux-ci, accoutumés au cours de leur vie à un perpétuel ciel serein, fait de tranquillité et de délices, ils s'émeuvent de tout nuage de souci qui leur fait une ombre, même légère. Et que ne prient-ils plutôt celui-là même qui peut chasser ce trouble, même léger, celui par le bienfait duquel ils eurent cette longue durée de paix, ignorée des autres temps.

T 8 - II, 14, 1-3  La Sicile fut à l'origine la patrie des Cyclopes et, après eux, toujours une pépinière de tyrans, souvent aussi elle fut captive des esclaves... hors les moments où elle était considérée comme une proie ou un butin au cours de guerres étrangères. Pour tout dire le plus brièvement possible, ce n'est que maintenant qu'elle se repose de ses malheurs ; bien plus, dirais-je pour que les différences des temps soient plus clairement mises en évidence, de même qu'auparavant, seule parmi tous, elle supporta sans trêve des troubles intérieurs ou extérieurs, de même, maintenant, elle est seule parmi tous à ne jamais en supporter. Et même, en effet - pour ne pas parler de la longue durée, soit de ce malheur par lequel elle fut opprimée autrefois, soit, au contraire, de cette paix dont elle jouit maintenant - l'Etna lui-même qui bouillonnait alors d'éruptions fréquentes pour la destruction des villes et des champs, se borne maintenant à fumer de façon inoffensive, en témoignage de ses éruptions passées.

T 9 - III, Préface, 2-3  En outre, à partir de cette abondance même de laquelle je me plains naît pour moi l'angoisse, et l'inquiétude aux multiples nœuds m'étreint. En effet, si par souci de brièveté j'omets quelque chose, on pensera que cela ne s'accordait pas avec mon propos actuel ou bien alors que cela ne s'est pas produit en ce temps-là ; si, au contraire, en m'appliquant à faire allusion à toutes choses sans les exposer complètement, je les enserre dans le raccourci d'un abrégé, je vais les rendre obscures et, aux yeux de la plupart, elles seront exprimées de telle sorte qu'elles sembleront inexprimées, alors que nous veillons principalement, au contraire, à mettre en valeur la signification des événements, et non leur apparence. D'autre part, la brièveté et l'obscurité, ou mieux la brièveté en tant qu'elle est est toujours obscure, même si elle offre une apparence de savoir, enlève cependant la force de comprendre. Mais moi, comme je sais qu'il faut se garder de l'un et l'autre défaut, je pratiquerai l'un et l'autre, afin qu'en quelque sorte ils se modèrent l'un l'autre, dans l'espoir que beaucoup d'événements ne semblent pas avoir été passés sous silence et que le récit n'apparaisse pas non plus trop succinct.

T 10 - III, 8, 5-8  Mais, à la vérité, s'il est sans aucun doute évident que pour la première fois sous Auguste César, après la paix faite avec les Parthes, le monde tout entier, après avoir déposé les armes et renoncé aux discordes, établi dans une paix générale et une tranquillité nouvelle, obéit aux lois romaines, préféra les institutions romaines aux armes de l'indépendance et choisit des gouverneurs romains après avoir rejeté ses chefs, enfin qu'il y eut pour toutes les nations, pour les provinces sans exception, pour d'innombrables cités, pour les peuples à l'infini, pour l'ensemble des terres, une volonté unique de se vouer à la paix et de songer à l'intérêt commun avec un zèle libre et honnête... que si encore, alors que ces choses arrivèrent sous le gouvernement de César, il est évident, grâce à une démonstration très claire, que la naissance de notre Seigneur Jésus-Christ dans ce monde a apporté la lumière proprement à l'empire de César : quoique malgré eux, ceux que la haine induisait au blasphème seront contraints d'apprendre et d'avouer que cette paix du monde entier et cette sérénité tranquille n'ont pas existé par la grandeur de César mais par la puissance du fils de Dieu qui s'est manifesté dans les jours de César, et que le monde lui-même a obéi, dans une reconnaissance générale, non pas à l'empereur d'une seule ville, mais au créateur du monde entier qui, de même que le soleil levant baigne le jour de sa lumière, de même a, par son avènement miséricordieux, revêtu le monde d'une paix étendue. Cela sera présenté de manière plus complète quand on en sera arrivé là, par l'action du Seigneur lui-même.

T 11 - IV, Préface, 6  Puisqu'il en est ainsi, j'accorde bon gré mal gré à nos adversaires efféminés et gémissants que ces maux par lesquels nous sommes parfois rappelés à l'ordre, parce qu'il est utile qu'il en soit ainsi, ils puissent, en les éprouvant, penser qu'ils sont pénibles, je ne peux cependant laisser dire, comme ils le soutiennent également en établissant une comparaison, qu'ils sont plus pénibles.

T 12 - IV, 1, 12-13  De fait, combien d'alliés de Pyrrhos périrent dans l'autre camp, cela n'a pas été transmis par la tradition, principalement parce que la coutume des écrivains anciens est de ne pas faire connaître le nombre des morts du parti qui a gagné, afin que les pertes du vainqueur n'entachent pas la gloire de la victoire, sauf si d'aventure il tombe tellement peu de gens que le petit nombre des disparus augmente l'admiration et la terreur inspirée par la valeur militaire, comme ce fut le cas au cours de la première rencontre de la guerre persique, du côté d'Alexandre le Grand, pour lequel on rapporte que, face à près de quatre cent mille ennemis tués, son armée ne perdit que neuf fantassins.

T 13 - IV, 5, 10-13  Voilà que, sans discontinuer, nous avons dénombré les malheurs qui survinrent, et en quel grand nombre, au cours des années prises une par une, d'entre lesquelles rare, certes, fut celle qui se passa sans événement tragique, ou presque aucune, et cela alors que ces mêmes écrivains, ayant surtout en vue de pratiquer l'éloge, prenaient garde aux énumérations de malheurs, pour ne pas heurter ces mêmes gens pour lesquels et au sujet desquels ces choses étaient écrites et de peur de paraître épouvanter leurs auditeurs par les exemples des temps passés davantage que les former. J'ajouterai, d'autre part, que nous qui sommes placés à la fin des temps, nous ne pouvons connaître les malheurs des Romains, si ce n'est par ceux qui firent l'éloge des Romains. A partir de là, il est donné à comprendre combien ont été nombreux ces malheurs qui furent censurés avec zèle pour leur caractère affreux, quand on en trouve tant qui purent faiblement se divulguer parmi les louanges.

T 14 - IV, 11, 4  Qui, je le demande, pourrait exposer dans les détails une guerre [1ère guerre punique], faite entre deux cités pendant vingt-trois ans, en énonçant combien de rois carthaginois, combien de consuls romains, combien d'armées en rangs serrés, quel grand nombre de navires elle a rassemblés, mis en pièces, anéantis ? et alors seulement, s'il apparaît que cela a été évalué dans son intégralité, que l'on porte un jugement sur les temps présents.

T 15 - IV, 23, 8-10  Mais pour moi qui, malgré mon zèle à enquêter, n'en suis pas moins un homme d'esprit assez lent, la cause de la troisième guerre punique, une cause que Carthage aurait attisée  au point que l'on déciderait à bon droit de la détruire, ne m'est clairement apparue nulle part, et de voir que si, comme dans les guerres précédentes, une cause réelle eut attisé les sentiments des Romains contre une Carthage qui se redressait, point n'eût été besoin de délibération, me trouble même au plus haut point.

Mais, à vrai dire, alors que certains des Romains décidaient que Carthage devait être détruite pour la sécurité perpétuelle de Rome, d'autres, en revanche, à cause du souci perpétuel de la valeur militaire romaine, qu'il faisaient pour eux-mêmes toujours dépendre de la suspicion envers la ville rivale, toujours exercée par la guerre, ne fût changée en paresseuse indolence par la sécurité et la paix, jugeaient que Carthage devait être laissée intacte dans son statut : je trouve que la cause de la guerre ne procéda pas d'un manquement au droit de la part des Carthaginois provocateurs, mais de l'humeur changeante des Romains qui s'engourdissaient.

T 16 - V, 3, 2-4 En effet, alors que le préteur Métellus avait vaincu les Achéens et les Béotiens réunis, dans deux batailles, à savoir d'abord près des Thermopyles, puis en Phocide [146 a.C.] - l'historien Claudius [Quadrigarius] rapporte que dans la première bataille il y eut vingt mille tués, dans la seconde, sept mille ; Valerius et Antias assurent que l'on combattit en Achaïe et que vingt mille Achéens tombèrent avec leur chef Diaeos ; Polybe l'Achéen, bien qu'il se soit trouvé alors en Afrique avec Scipion, affirme cependant, parce qu'il ne put ignorer le désastre de sa patrie, que l'on combattit une seule fois en Achaïe, sous le commandement de Critolaos, et, à propos de Diaeos, il nous apprend qu'amenant des soldats d'Arcadie, il fut écrasé avec son armée par ce même préteur Métellus ; mais, à propos des opinions diverses et des divergences des historiens, nous en avons déjà signalé un certain nombre : qu'il suffise que celles-ci aient été découvertes et flétries de la marque infamante des mensonges, parce qu'elles montrent à l'évidence qu'il ne faut guère croire sur le reste ceux qui ont été en désaccord même sur des événements qu'ils ont vus eux-mêmes...

T 17 - V, 19, 20-22  Mais quelle faible partie du malheur [lors de la 1ère guerre civile] mise en évidence ! Avoir borné à un seul mot le massacre des honnêtes gens alors qu'il y en eut tant, sur une si longue durée, d'une telle cruauté et d'une telle diversité ! Pourtant, il est plus convenable que j'aie renoncé à quelque chose d'utile à mon argumentation plutôt que d'avoir porté tant d'horreur à la connaissance, que ces événements soient présentés à des gens qui en sont instruits ou à des ignorants. C'est en effet de notre patrie, de nos concitoyens et de nos ancêtres que nous parlons, eux qui, harcelés par ces maux, ont commis des actes si détestables, au simple récit desquels frissonnent d'horreur leurs descendants qui, assurément, ne veulent pas que ces actes soient trop développés, soit dans la mesure où leur connaissance en est suffisante, s'ils savent, soit en considération d'un respect compatissant, s'ils ne savent pas.

T 18 - VI, 6, 5-6  Pendant ce temps, la conjuration de Catilina contre la patrie fut menée et dénoncée à Rome durant les mêmes jours, mais étouffée en Étrurie par une guerre civile ; à Rome, les complices de la conjuration furent tués. Mais cette histoire dont Cicéron fut le protagoniste et Salluste le chroniqueur est suffisamment connue de tous, il suffit que nous y ayons maintenant fait brièvement allusion.

T 19 - VI, 15, 12-13  Cette interrogation de l'oracle nous engage à examiner un point de l'argumentation de nos détracteurs : ils se plaignent à toute force de l'interdiction par la foi chrétienne de leurs rites sacrés, et de la suppression de leurs fêtes religieuses, mais surtout de ce que, du fait de l'interruption des examens d'entrailles et des consultations d'oracles, les désastres à venir ne sont pas évités parce qu'ils ne peuvent être connus. Pourquoi donc, longtemps avant l'empire de César et la naissance du Christ, comme leurs sources elles-mêmes l'attestent, la foi en l'oracle pythien se trouvait-elle anéantie ? et anéantie pour la raison qu'elle était méprisée. Or, qui plus est, pourquoi fut-elle méprisée, si ce n'est parce qu'elle était fausse, vaine ou douteuse ? Ainsi nous en avertit le sage poète [Virgile, Én., III, 452] : "Ils s'en vont sans réponse et maudissent le siège de la Sibylle".

T 20 - VI, 17, 9-10  Et cependant, le point de départ de tous ces maux est l'orgueil : c'est à partir de lui que s'enflammèrent les guerres civiles, à partir de lui qu'elles proliférèrent à nouveau. Il n'est donc pas injuste le massacre de ceux qui l'ont suivi injustement, si la rivalité de l'ambition suscitée par eux-mêmes est punie en eux-mêmes, jusqu'à ce que ceux qui refusèrent la collégialité apprennent à supporter la souveraineté, et que, la totalité du pouvoir une fois remise à un seul, tous les hommes se soumettent à un mode de vie de très loin différent, en sorte que tous cherchent humblement à plaire et non pas à faire assaut d'insolence. Mais pour un si salutaire enseignement de l'humilité, il est besoin d'un maître. C'est pourquoi, après que le régime de César Auguste eut été organisé opportunément, le Seigneur Christ naquit, lui qui, alors qu'il était de nature divine, a assumé par humilité la nature humaine afin qu'alors seulement, la doctrine de l'humilité devienne plus appropriée, au moment précis où, à travers le monde entier, le châtiment de l'orgueil était un exemple pour tous.

T 21 - VI, 20, 1-4  En 725 après la fondation de Rome, sous le consulat de l'empereur César Auguste, consul pour la cinquième fois, et de L. Apuleius, César revenant vainqueur de l'Orient fit son entrée dans Rome, le six janvier, en célébrant un triple triomphe et il ferma alors lui-même pour la première fois les portes de Janus, toutes les guerres civiles étant apaisées et terminées. Ce jour-là pour la première fois, il fut salué du nom d'Auguste...

En outre, nul n'ignore chez les croyants comme chez les adversaires de la foi, que c'est le même jour, à savoir le six janvier, que nous célébrons l'Épiphanie, c'est-à-dite l'apparition ou, si l'on préfère, la manifestation du mystère du Seigneur. Ni la matière ni l'occasion ne réclament de parler maintenant plus abondamment de ce mystère que nous révérons de toute notre foi, dans la mesure où il nous paraît bon que cela soit réservé à ceux qui s'en enquièrent et non pas imposé à ceux qui ne s'en soucient pas. Il était cependant convenable que cela fût rappelé avec foi pour qu'il soit à tous égards prouvé que l'empire de César a été préparé pour la venue prochaine du Christ.

T 22 -  VI, 22, 6-8  Cette année même, alors pour la première fois, ce même César, que Dieu avait prédestiné pour de si grands mystères, ordonna de faire le cens de chaque province, où qu'elle soit, et de recenser tous les hommes, quand Dieu daigna se manifester et exister comme homme. Alors donc naquit le Christ, inscrit sur les registres du cens romain dès qu'il naquit. Telle est cette première et très claire déclaration qui désigna César comme le prince de tous, et les Romains comme les maîtres du monde, par l'inscription publique sur les registres du cens de tous les hommes, un par un, à cette occasion celui-là même qui a fait tous les hommes voulut être trouvé homme et inscrit parmi le hommes... Et l'on ne peut douter qu'il apparaisse clairement à la connaissance, à la foi, et à la réflexion de tous, que Notre Seigneur Jésus-Christ aura fait progresser cette ville, accrue et préservée selon sa volonté jusqu'à ce sommet de prospérité, ville à laquelle il a voulu par dessus tout appartenir quand il est venu, pour se dire véritablement citoyen romain par la déclaration du cens romain.

T 23 - VII, 22, 5-6  Et certes, Gallien, terrifié par un jugement de Dieu si éclatant et bouleversé par l'exemple si malheureux de son collègue [Valérien], rendit la paix aux églises avec une tremblante amende honorable ; mais la captivité d'un seul impie, bien que perpétuelle et abominable au-delà de toute mesure, ne compense pas au même degré le tort causé et la vengeance, en face de tant de milliers de saints torturés, et le sang des justes, criant vers Dieu sur la terre même où il a été répandu, exige d'être vengé. Ce n'était pas en effet le supplice du seul auteur de l'ordre qui était réclamé au juste jugement mais il était juste que soient également saisis par le même fléau de la vengeance les enquêteurs, les délateurs, les accusateurs, les spectateurs et les juges, enfin tous ceux qui avaient donné leur assentiment à la cruauté la plus injuste, même avec une approbation tacite - parce que Dieu est celui qui connaît les choses cachées - parmi lesquels se trouvait la plus grande partie des hommes à travers toutes les provinces.

Des peuples, laissés pour ce propos à l'extérieur de l'empire, et qui l'encerclaient, sont soudain lâchés de toute part avec la permission de Dieu et pénètrent à bride battue sur tous les territoires des Romains.

T 24 - VII, 28, 1  Donc, Constance étant, comme je l'ai dit, mort dans les Bretagnes, Constantin fut créé empereur, le premier des empereurs à être chrétien, si l'on excepte Philippe [l'Arabe] qui, chrétien, m'a semblé avoir été établi pendant juste un très petit nombre d'années seulement pour que le millénaire de Rome soit dédié au Christ, plutôt qu'aux idoles.

T 25 - VII, 39, 15-18  Le troisième jour après l'entrée des barbares dans la Ville, ils s'en allèrent de leur propre gré après avoir incendié un certain nombre d'édifices, il est vrai, mais il n'y eut là rien d'importance comparable à ce qu'avait causé le hasard pour la sept centième année de sa fondation. De fait, si j'examine en détail l'embrasement accompli par l'empereur Néron pour se distraire, sans aucun doute cet incendie qu'avait provoqué la débauche du Prince ne pourra en rien être mis sur le même plan que celui que causa de nos jours la colère du vainqueur. Je ne dois pas non plus, dans un rapprochement de ce genre, rappeler l'incendie des Gaulois qui, pendant presque toute la durée de l'année qui le suivit, eurent en leur possession les cendres écrasées de la Ville incendiée et détruite. Et, afin qu'il ne vienne à personne l'idée de douter que cela a été permis aux ennemis pour la correction de la cité orgueilleuse, débauchée et blasphématrice, au même moment les lieux les plus prestigieux de Rome qui n'avaient pu être incendiés par les ennemis furent détruits par la foudre.

T 26 - VII, 43, 19-20  J'ai développé avec l'aide du Christ selon ta direction, très saint père Augustin, depuis le début du monde jusqu'au jour présent, c'est-à-dire au long de cinq mille six cent dix-huit années, les passions et les châtiments des hommes pécheurs, les épreuves du siècle et les jugements de Dieu, le plus brièvement et le plus simplement que j'ai pu, les temps chrétiens s'étant cependant distingués de cet ancien désordre de l'incroyance à cause de la présence croissante de la grâce du Christ. Ainsi, quant à moi, je jouis désormais de la sûre récompense de mon obéissance, la seule que je devais ardemment désirer; quant à la qualité de ces petits ouvrages, c'est à toi qui les a commandés d'en juger; ils te seront attribués si tu les publies, ils auront été condamnés par toi si tu les détruis.


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[ 21 septembre 2009 ]


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