[ BCS ]  [ BCS-BOR ]  [ BCS-PUB ]

MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


[Introduction] [La Grèce et Rome]  [Le moyen-âge]  [Du XVe au XVIIIe siècle]  [Le XIXe siècle]  [Le XXe siècle


Historiographie du XVe au XVIIIe siècle

 

Jacques-Auguste de Thou (1553-1617)


« J'adresserais encore volontiers un oremus à saint de Thou, qui fut le magistrat le plus intègre, ainsi que le meilleur historien »

Voltaire

 

L'auteur

Jacques-Auguste de Thou est issu d'une lignée de hauts magistrats parisiens. Son grand-père, Augustin, fut avocat, conseiller puis président du Parlement de Paris sous le règne de François Ier et Henri II ; son père, Christophe, devint premier président de ce Parlement sous Charles IX : une famille de juristes, catholique de tendance gallicane, et fort aisée sur le plan matériel. Son oncle, Nicolas de Thou, était évêque de Chartres.

Notre  futur historien est né à Paris, en octobre 1553. Il raconte dans son autobiographie qu'il était de santé très fragile, qu'enfant, il s'adonnait beaucoup au dessin et qu'il entama ses études aux environs de dix ans au Collège de Bourgogne. Il s'intéresse aux sciences, étudie le grec, a beaucoup de goût pour la poésie. En 1570, il quitte Paris pour Orléans où il entame des études de droit ; il suivra ensuite les leçons des grands juristes de l'époque, Hotman à Bourges, et Cujas à Valence. Rappelé par son père à Paris, il assiste au mariage du roi de Navarre, le futur Henri IV et, quelques jours plus tard, horrifié, est témoin des massacres de la Saint-Barthélemy (août 1572). En 1573-1574, de Thou couronne ses études par un voyage en Italie dans la suite d'un important personnage, Paul de Foix, envoyé en mission par le roi Charles IX auprès du pape Grégoire XIII. Il visite les principales villes du pays, y rencontre une foule de grands personnages, fréquente les bibliothèques, achète des livres, puis c'est le retour en France, par Lyon. En 1576, de Thou visite le sud des Pays-Bas : Anvers où il rencontre Christophe Plantin, Malines, Louvain, Bruxelles, Mons. En 1578, il est nommé conseiller au parlement de Paris, charge qu'il accepte sans enthousiasme, les honneurs intéressant peu ce jeune homme plus attiré jusque là par les études que par la chose  publique et qui était destiné à l'état ecclésiastique. C'est pourtant le début d'une brillante carrière de magistrat, de diplomate, d'homme politique, où l'on verra de Thou mêlé aux affaires les plus importantes du royaume : il participe notamment aux travaux qui aboutiront à la rédaction de l'Édit de Nantes (1598). En 1593, à la mort d'Amyot, il avait été nommé Maître de la librairie du Roi. C'est sans doute grâce aux ressources de cette bibliothèque, s'ajoutant à celles dont il disposait déjà avec ses propres livres (plus de 5000 volumes) que l'auteur a pu amasser l'immense documentation mise en œuvre dans l'Historia sui temporis.

En 1604, paraît une première partie de cette histoire, en 18 livres. Le premier, après une longue préface adressée à Henri IV, parcourt rapidement les années 1494-1545 ; le second est consacré à la guerre de la Ligue de Schmalkalden qui oppose Charles Quint aux princes protestants allemands en 1545-1547 ; les suivants traitent de l'histoire universelle de 1546 à 1560.

D'après I. De Smet (THUANUS, p. 263), les années 1603-1604 marquent aussi le début d'un certain déclin de l'influence exercée jusque là par le haut magistrat. Henri IV, certes, a apprécié la préface de l'Historia sui temporis, qu'il a fait immédiatement traduire en français, mais l'ouvrage est très mal reçu par le pape, ce qui embarrasse le roi. Mme De Smet relève aussi quelques incidents survenus à cette époque qui refroidissent les relations entre le souverain et son conseiller. Après la mort d'Henri IV, sa disgrâce se confirme. Le poste de Premier président du parlement de Paris devient vacant et de Thou estime qu'il lui revient : la régente Marie de Médicis lui refuse cette promotion. De Thou en conçoit beaucoup d'amertume et, en 1613, renonce à sa charge de Président à mortier. Il retrouvera pourtant un dernier rôle important dans le conflit qui, en 1614, oppose la Régente aux Grands du royaume, parmi lesquels on trouve Henri II de Bourbon, prince de Condé, conflit qui se terminera par le traité de Loudun (1616). En avril 1617, Louis XIII, commence son règne personnel : J.-A. de Thou meurt deux semaines plus tard (7  mai), âgé de 64 ans.

 

L'œuvre

Les nombreuses et lourdes tâches dont s'est acquitté le président de Thou durant sa longue vie publique ne l'ont pas empêché d'écrire beaucoup, et dans des genres bien différents, presque exclusivement en latin. Le guide indispensable pour voir un peu clair dans cette vaste et difficile bibliographie est l'ouvrage de S. Kinser cité ci-dessous, The Works of Jacques-Auguste de Thou.

Historia sui temporis

De Thou a conçu le projet d'écrire une histoire du temps présent et commencé à collecter les matériaux nécessaires dans les années 1570 et suivantes. Une première édition de l'ouvrage, en un volume, est publiée à Paris en 1604 (pour le contenu, voir ci-dessus). De nombreuses éditions ont suivi, s'étendant sur des périodes chaque fois plus longues et avec de multiples réorganisations de la division en livres, ce qui aboutit parfois à des situations très curieuses : ainsi, l'édition de Paris de 1609 compte 125 livres selon le titre, 80 selon la préface mais de Thou n'en publie en réalité qu'une partie, 65 livres qui vont jusqu'à l'année 1578 (cf. S. Kinser, The Works, p. 20-21). La dernière édition préparée par l'auteur, mais qu'il ne verra pas, compte 80 livres sur les 143 prévus, et est datée de 1618. L'édition « définitive » est due aux exécuteurs testamentaires de l'historien : elle comporte 138 livres, couvrant les années 1546-1607, et est complétée par les 6 livres de commentaires De vita sua. Le terminus de 1607 pour l'Historia sui temporis s'explique sans doute par la mort de l'auteur qui aurait sans doute souhaité poursuivre son travail jusqu'en 1610, date de l'assassinat d'Henri IV.

Alors que les historiens contemporains de de Thou comme A. d'Aubigné, La Popelinière utilisent le français, que Pasquier condamne même l'usage du latin (T 14), que Montaigne était à peu près du même avis (cf. Essais, Coll. La Pléiade, p. 295), notre auteur prétend écrire son histoire dans la langue de Tite-Live. Pourquoi ? Nulle part il ne justifie clairement son choix et l'on doit donc se contenter ici d'explications plus ou moins hypothétiques (cf. De Smet, THUANUS, p. 236 et sv.). Mais les inconvénients liés à cette option sont bien visibles. Le grand ouvrage de de Thou ne pouvait toucher ainsi qu'un  public restreint et, même pour des latinistes chevronnés, la lecture de cette Historia sui temporis devait susciter des difficultés. Que le quantième du mois repose sur le système des calendes, des nones et des ides, passe encore ! Mais comment s'y retrouver dans les noms de personnes et de lieux latinisés ? Qui va comprendre spontanément que Rupifulcaudius correspond à La Rochefoucauld, que Sarmatia égale Pologne ? La difficulté est encore plus grande quand il s'agit de noms de fonctions. Le praefectus mari est l'amiral, le magister equitum, le connétable. Et de Thou a dû imaginer des termes latins pour l'arquebuse, le mousquet etc. Mme De Smet signale (p. 232-233) le cas peut-être le plus étonnant. Pour désigner le pamphlet de La Boétie contre la tyrannie connu sous le titre Contr'Un, de Thou part du grec ἄνθ'ἑνὁς pour aboutir à la formule Libellus anthenoticus ! Les difficultés découlant de l'emploi du latin étaient telles qu'on a jugé utile, dès 1634, de publier à Genève un dictionnaire consacré aux noms propres : Nominum propriorum Virorum, Mulierum, Populorum, etc quae in ... Thuani Historiis leguntur Index, cum vernacula singularum vocum Expositione (cf. sur la Toile). Que je sache, il n'existe malheureusement rien de semblable pour les noms communs.

On a songé très vite aussi à traduire l'Historia sui temporis. Dès 1621-1622, paraissait une version allemande de l'ouvrage puis, une trentaine d'années plus tard (1659), une édition en français due à une certain P. de Ryer qui n'avait malheureusement pu traduire avant sa mort que cinquante-sept livres, couvrant les années 1546-1574, soit les règnes de Henri II, François II et Charles IX. Traduction incomplète, donc, et souvent discutable. D'autres traductions vont suivre, plusieurs en français, une en anglais (Londres, 1729-1730), étudiées de manière approfondie par S. Kinser, The Works, p. 256 et sv. Il nous suffit donc de renvoyer à ces pages. Il faut à tout le moins en retenir que les versions modernes de l'Historia ne sont guère satisfaisantes : « These translations [en français et en anglais], and the German translation, too, are inaccurate or incomplete » (p. 256). Et se souvenir que les éditions de l'œuvre en latin ne le sont pas davantage.

La bibliographie ci-dessous montre l'embarras dans lequel nous nous sommes trouvé. Ne disposant pas du texte latin, sinon en version électronique, ni de traduction complète, il nous a fallu puiser çà et là pour constituer notre anthologie, sans pouvoir contrôler rigoureusement l'exactitude de tous les extraits retenus. Notre dossier consacré à de Thou est donc hautement perfectible.

Commentariorum de sua vita libri sex

La 1ère édition de l'Historia sui temporis date de 1604. L'œuvre a été mal reçue, surtout du côté catholique, où l'on reprocha à l'auteur sa modération, sa tiédeur dans la défense de la juste cause et sans doute ses jugements peu flatteurs pour beaucoup de souverains pontifes (T 10).  En 1609, l'Histoire est mise à l'Index et, en 1614, paraît la critique la plus longue et la plus violente de l'ouvrge, due à un jésuite, Jean de Machault, qui se cache derrière le pseudonyme de J.-B. Gallus, In Jacobi Augusti Thuani Historiarum libros Notationes. De Thou va répliquer, en masquant lui aussi sa véritable identité : les Commentariorum de sua vita libri sex se présentent comme l'œuvre d'un ami de l'historien, indigné par les attaques dont celui-ci est victime ; dans ce texte, on parle donc de De Thou à la troisième personne. Cette autobiographie déguisée, fort longue, s'étend de la naissance de l'auteur, le 8 octobre 1553, à l'année 1601, date de la mort de sa seconde épouse. C'est un récit très détaillé, où l'on s'étend beaucoup sur les voyages de Thuanus, en France et à l'étranger, sur ses contacts avec les autorités locales, avec des descriptions des villes où il a séjourné, des paysages qu'il a admirés. A l'occasion, des phénomènes étranges sont notés, comme à la fin du livre III, l'apparition, à Paris, d'un serpent à deux têtes, ce qui est fort rare en France, signale l'auteur, mais assez commun en Grèce, en Asie mineure et en Afrique ! On trouve aussi des observations plus intéressantes, comme celle-ci, peu avant qu'on ne parle du serpent à deux têtes, à propos des carrosses dont l'usage ne s'est introduit à Paris qu'à la fin du règne de François Ier et qui sont maintenant aussi nombreux que les gondoles à Venise. Le récit est entrecoupé de nombreux poèmes et, somme toute, la défense de l'Historia sui temporis occupe très peu de place dans le De vita sua. Ce n'est qu'à la fin du livre V qu'intervient un long plaidoyer où l'historien souligne d'abord le soin qu'il a mis à se documenter, recherchant les sources les plus sûres, et son souci d'exposer les faits sans haine et sans faveur (T 21). Il a écrit, dit-il, dans la seule vue de la gloire de Dieu et de l'utilité publique, mais ses ennemis ne supportent pas ses idées, son aversion pour les guerres de religion, ses souhaits d'une réforme de l'Église, sa compréhension pour les thèses protestantes. L'ouvrage ne sera publié qu'après la mort de l'auteur, en annexe à l'édition de Genève de l'Historia sui temporis (1621).

Œuvres poétiques

On a vu que de nombreux poèmes apparaissent dans les six livres De vita sua mais il en est bien d'autres qui font de De Thou un éminent représentant de ce genre dans la littérature néolatine en France. Ses sujets sont très variés, de même que la longueur des textes. On trouve des poèmes célébrant des événements historiques (la bataille d'Ivry, la déroute de l'Invincible Armada), d'autres sont consacrés à des sujets religieux (commentaires de Job, de Jérémie), il y a de nombreuses épitaphes etc. On trouvera dans l'ouvrage de S. Kinser, (The Works, p. 233-244)  un catalogue de ces poèmes dont beaucoup sont encore inédits.

 

L'historien de Thou

Le projet de l'auteur est sommairement défini dans les  premières lignes de l'Historia sui temporis : Consilium mihi est res orbe toto gestas paullo ante excessum Francisci I repetitas ad haec usque tempora fide sincera procul ab odio & gratia posteris tradere [cf. T 2]. Il est heureusement présenté de manière plus détaillée dans le De vita sua (T 21), même si  le début du texte fait difficulté. On y lit que c'est en 1593, donc sous le règne de Henri IV, que l'auteur se serait « mis à travailler » à son œuvre historique. Qu'est-ce à dire ? Le texte latin n'est pas des plus clair : « eodem tempore inchoatum historicum opus ... ante XV annos animo conceptum », mais S. Kinser (The Works, p. 80) et I. De Smet (THUANUS, p. 203) pensent que cette date marque le début de la rédaction de l'ouvrage, ce que semblent confirmer d'autres passages de l'autobiographie. La suite du texte est moins ambiguë.

SOURCES - L'auteur nous explique comment il s'est préparé à ce travail projeté de longue date. Durant quinze ans, il a accumulé des matériaux recueillis lors de ses voyages à travers l'Europe et par des contacts épistolaires avec d'illustres étrangers. Il a fréquenté les acteurs de l'histoire, ces Français qui res magnas sub regibus gesserunt, lu les rapports des ambassadeurs, et les livres consacrés aux guerres civiles publiés dans les deux camps. Ajoutons encore que, depuis ses études universitaires, de Thou tenait un journal où il notait, dit-il, beaucoup d'événements singuliers (cf. S. Kinser, The Works, p. 245-246). Cet énorme effort de documentation n'est guère visible dans l'Historia sui temporis. Il arrive que de Thou dise l'origine de ce qu'il rapporte, comme il le fait à propos de l'élection de l'empereur germanique où il donne le nom de deux érudits qui ont traité ce sujet, un religieux italien, Panvinio, et un juriste allemand, N. Kistner (T 4). C'est assez rare. On trouve un peu plus fréquemment des références à des sources anonymes (T 4, 11, 14) mais, en général, l'auteur reste très discret sur la provenance des informations qu'il fournit. Il faut toutefois ajouter qu'il notait scrupuleusement dans ses manuscrits les sources utilisées dans chaque livre de son Histoire, « bibliographie » qu'on regrette de ne pas trouver dans les premières éditions de l'ouvrage : elle n'apparaît que dans celle de R. III Estienne, de 1618.

Critique des sources - Cette abondante documentation, de Thou ne l'a pas exploitée sans précautions. Il a, dit-il,  soumis ses sources à un examen attentif, les confrontant au témoignage de ceux qui avaient participé aux événements « de sorte qu'il peut prétendre à bon droit avoir puisé ce qu'il écrit, non ex rumoribus et sparsis libellis... sed ex ipso veritatis fonte » (T 21). Il est vrai que ce travail critique ne se manifesre guère dans son Histoire (voir toutefois T 4, 11) : si de Thou, on l'a vu, cite rarement ses sources, il est tout aussi discret sur les moyens mis en œuvre pour en extraire la vérité. ll nous est donc difficile de définir sa « méthode historique ».

Contenu - L'Historia sui temporis s'intitule, dans certaines traductions, Histoire universelle, ce qui n'a rien d'une trahison : en effet, de Thou s'intéresse non seulement à tout le monde connu à l'époque mais il aborde tous les sujets. Voici, par exemple, quelques titres annoncés dans le sommaire du livre 117  : d'abord les affaires de Bretagne et d'autres régions de France, puis des nécrologies de personnages illustres (dont J. Bodin : cf. T 14), les affaires de Flandre et d'Espagne, les voyages lointains des Hollandais à Madagascar (T 15), Sumatra, Java avec la description des mœurs des insulaires, du scorbut et des remèdes pour s'en guérir ; puis les Hollandais rentrent chez eux et c'est l'occasion de parler de la capture inattendue d'une baleine (T 16).

Mais le centre d'intérêt principal de l'auteur, c'est évidemment l'histoire politico-religieuse de son temps et de son pays, histoire particulièrement violente avec sa succession de huit guerres civiles, que de Thou prétend raconter en toute impartialité, dans un respect absolu pour la vérité (T 1a, 2, 20, 21), ce qui ne l'empêche pas, tantôt de livrer, tantôt de laisser entrevoir son opinion personnelle sur les événements. Il est clair, en particulier, qu'il ne croit pas que la guerre soit une méthode juste et efficace pour combattre le schisme protestant (T 1b), ni qu'il faille restaurer les horribles procédures de l'Inquisition pour éliminer les hérétiques (T 5). Il est tout aussi clair qu'il désapprouve la vente des indulgences (T 3) et les manœuvres qui entachent souvent les élections pontificales (T 10, 18). Quant aux relations entre l'Église et l'État,  ses sentiments sont moins apparents. Son récit du conflit entre l'évêque de Mâcon et les théologiens de la Sorbonne (T 7), comme de celui du chanoine de Sens avec un archidiacre (T 13) n'indiquent pas nettement si l'auteur penche pour la justice royale plutôt que pour le droit canon mais on sent bien, en tout cas, qu'il ne s'oppose pas à ce que des ecclésiastiques soient traduits devant des tribunaux civils. L'Historia sui temporis n'est donc pas seulement un récit, l'auteur y défend, de manière plus ou moins discrète, un certain nombre d'idées personnelles (voir aussi T 9).

Réception - Si l'Histoire universelle a été mal accueillie dans certains milieux catholiques, comme on l'a dit ci-dessus, elle a aussi été reçue de divers côtés avec beaucoup de faveur et a valu à son auteur les titres les plus brillants, « vraie lumière de notre siècle » dit de lui E. Pasquier dans ses Recherches de la France (cf. I. De Smet, THUANUS, p. 15). Casaubon termine une de ses lettres, datée de Londres, 1611, par cette formule : « Adieu, Monsieur, je puis vous appeler avec justice le père de l'Histoire moderne » (Choix de lettres françoises, p. 64). Un autre protestant, A. d'Aubigné, parle longuement de de Thou dans la préface de son œuvre intitulée, elle aussi, Histoire universelle (éd. A. Thierry, t. I, p. 4-7) ; il signale, certes, quelques faiblesses chez son prédécesseur, mais voit en lui un des rares écrivains de son temps qui mérite le nom d'historien, un « Autheur sans pareil », égal, si pas supérieur à Sleidan, Guichardin et Machiavel (p. 7). Plus réservé, Richelieu l'estime pourtant digne d'une notice nécrologique ; il apprécie l'écrivain, plus que l'homme politique ou le chrétien : « En la même année, mourut M. de Thou, l'Histoire duquel témoigne qu'il étoit plus versé es bonnes lettres qu'il n'était louable pour sa piété et son emploi dans la cour sur la fin de sa vie, que savoir est toute autre chose qu'agir, et que la science spéculative du gouvernement a besoin de qualités d'esprit qui ne l'accompagnent pas toujours » (Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Comte Horric de Beaucaire, t. II, p. 275). Bossuet le cite fréquemment au livre X de son Histoire des variations des Églises protestantes, puis dans sa Défense de l'Histoire des Variations, tout en se gardant bien de faire allusion aux idées de l'auteur condamnant l'usage de la force dans la lutte contre l'hérésie. Au XVIIIe siècle, de Thou jouit encore d'une bonne réputation. Voltaire le définit comme un « véridique et éloquent historien » dans son Essai sur les mœurs (éd. R. Pomeau, t. II, p. 517) et parle de « notre sage de Thou » dans ses Lettres philosophiques (Mélanges, Coll. La Pléiade, p. 36). Bien des années plus tard (1766), lorsque paraît une Histoire de la vie de Henri IV d'un auteur catholique, R. de Bury, très critique à l'égard de l'Historia sui temporis, Voltaire réagit aussitôt en publiant un opuscule d'une quarantaine de pages, Le Président de Thou justifié (cf. R. Trousson e.a., Dictionnaire de Voltaire, Bruxelles, 1994, p. 177-178). E. Gibbon range parmi ses maîtres « le grave de Thou » , aux côtés de D. Hume  (Mémoires, trad. G.Villeneuve, Paris, 1992, p. 26). Terminons ce très rapide examen du succès de notre historien au Siècle des Lumières en signalant la remarque très juste du chancelier d'Aguesseau à propos de son goût excessif pour les détails. Dans des Instructions à son fils, il déconseille à celui-ci de s'intéresser de trop près à l'histoire militaire :  « Mais comme votre génie me paraît trop pacifique pour aimer la guerre, je crois que vous pouvez vous épargner le peine de compter, comme a fait M. de Thou dans son histoire, tous les boulets de canon que l'on a tirés dans chaque siège ; c'est-à-dire, d'entrer dans tous les détails de la guerre, qui sont plus propres à faire une bon général d'armée qu'à former un grand magistrat » (Discours de M. le Chancelier d'Aguesseau, Nouv. éd., t. II, Paris, 1822, p. 96). Au XIXe siècle, de Thou tombe dans un certain oubli. Ranke le cite quelques fois dans son Histoire de France aux XVI-XVII siècles, sans commentaires particuliers. Michelet reconnaît qu'il s'en est largement inspiré dans les chapitres XII-XIV de La Ligue et Henri IV (Œuvres complètes, VIII, Histoire de France au seizième siècle, éd. P. Viallaneix, Paris, 1980, p. 486). Pourtant, il s'était montré très sévère à son égard un peu plus haut : « Mathieu, comme Cayet, comme de Thou, a perdu le sens vif des choses. De Thou est nul, obscur sur le point de départ, 1561, sur le danger des biens du clergé, sur la réforme financière qu'on proposa... » (ibid., p. 476). Désormais, l'œuvre du Président de Thou n'est plus qu'une source, parmi d'autres, pour les historiens des guerres de religion. Rédigée à la façon humaniste, elle n'apparaît plus comme un modèle, si ce n'est dans les discours académiques. En 1824, l'Académie française en fit le sujet de son concours d'éloquence et deux auteurs se partagèrent le prix, Philarète Chasles avec un texte intitulé Dire la vérité par amour des hommes, et M. Rapin qui avait emprunté son épigraphe à Tacite, Sine ira et studio (cf. sur la Toile). En guise de conclusion, on rappellera le jugement très mesuré d'H. Hauser dans La Grande Encyclopédie, t. XXXI, 1902, p. 40 : « Cette histoire est le plus important monument de ce genre qu'ait laissé le XVIe siècle : elle tiendrait dans notre littérature historique une place éminente si l'auteur n'avait eu la malheureuse idée de l'écrire en latin ».

 

 

Bibliographie

Éditions

Historia sui temporis : cf. sur la Toile.

La vie de Jacques-Auguste de Thou - I. Aug. Thuani vita, édition, trad. A. Teissier-Ensminge, Paris, 2007 (Textes de la Renaissance, 126).

Traductions

Préface de M. le Président de Thou sur la première partie de son Histoire, mise en François par le Sr de V.H. [J. Hotman de Villiers], Paris, 1604 (cf. sur la Toile).

Traduction de l'epistre liminaire de l'Histoire de Monsieur le Président du Thou au Très-Chrestien Roy de France et de Navarre Henry IIII, dans N. Rapin, Œuvres, éd. J. Brunel, t. III, Paris-Genève, 1984, p. 138-200 [avec le texte latin] (Textes littéraires français, 321)

Histoire universelle de Jacques-Auguste de Thou, depuis 1543 jusqu'en 1607, traduite sur l'édition latine de Londres [par l'abbé J.-B. Le Mascrier, l'abbé P.-F. Desfontaines e.a.], Vol. I, Livres I-VI [années 1546-1550], Londres, 1734 (cf. sur la Toile).

Histoire de Monsieur de Thou des choses arrivées de son temps, mise en français par P. du Ryer, t. II-III, Paris, 1659 [années 1559-1574].

Histoire universelle de Jacques-Auguste.de Thou... [trad. Desfontaines], t. IX (1596-1605), t. X (1605-1610), La Haye, 1740.

Choix de lettres françoises inédites de J.A. de Thou, [éd. P. Paris], Paris, 1877.

Mémoires de la vie de Jacques-Auguste de Thou Conseiller d'Estat ordinaire et Président à mortier au Parlement de Paris. Depuis l'an 1553, jusqu'en 1601, Rotterdam, 1711 (cf. sur la Toile)

Études

‒ AA. VV., Jacques-Auguste de Thou (1553-1619). Écriture et condition robine, Paris, 2007 (Cahiers V.L Saulnier, 24).

‒ BOURGEON J.-L., Une source sur la Saint-Barthélemy : l'Histoire de Monsieur de Thou relue et décryptée, dans Bulletin historique et littéraire de la Société de l'Histoire du Protestantisme français, 134, 1988, p. 499-537.

‒ BOURGEON J.-L., Charles IX devant la Saint-Barthélemy, Genève, 1995 (Travaux d'histoire éthico-politique, 55).

‒ DESCIMON R., Penser librement son intolérance : le président Jacques-Auguste de Thou (1553-1619) et l'Épître dédicatoire des Historiae sui temporis (1604), dans F. Lecercle (éd.), La liberté de penser. Hommage à Maurice Laugaa, Poitiers, 2002, p. 73-86 [concerne plus le Politique que l'Historien].

‒ DESCIMON R., Jacques Auguste de Thou (1553-1619) : une rupture intellectuelle, politique et sociale, dans Revue de l'histoire des religions, 3, 2009, p. 485-495.

‒ DE SMET Ingrid A. R., THUANUS. The Making of Jacques-Auguste de Thou, Genève, 2006 (Travaux d'Humanisme et Renaissance, 168).

‒ DUBOIS Cl.- G., La conception de l'histoire en France au XVIe siècle (1560-1610), Paris, 1977 [p. 172-185 :  Réflexions sur la « Préface » de L'histoire universelle de J.A. de Thou].

‒ GRENET-DELISLE C., Jacques-Auguste de Thou. Les traductions françaises de ses Historirarum sui temporis libri, dans Revue française d'histoire du livre, 122-125, N.S. 2004, p. 147-174.

‒ GROUAS E., Aux origines de la légende noire des derniers Valois : l'Histoire  universelle de Jacques-Auguste de Thou, dans Daussy H.- Pitou F.(Dir.), Hommes de loi et politique : XVIe - XVIIIe siècles, Rennes, 2007, p. 75-87.

‒ HAMON Ph., La chute de la maison de Thou : la fin d'une dynastie robine, dans Revue d'Histoire moderne et contemporaine, 46, 1999, p. 53-85.

‒ KINSER S., The Works of Jacques-Auguste de Thou, La Haye, 1966 [c.r. important de G. Huppert dans Annales. Économies - Sociétés - Civilisations, 25.3, 1970, p. 622-624].

‒ ZUBER R., De Thou (Jacques-Auguste) (1553-1617), dans C. Nativel (éd.), Centuriae Latinae. Cent une figures humanistes de la Renaissance aux Lumières offertes à Jacques Chomarat, Vol. I, Genève, 1997, p. 311-316 (Travaux d'Humanisme et Renaissance, N°314).

 

Textes choisis

 

1 - Extraits de la Préface de M. le Président de Thou (trad. le Sr de V.H.)

a) Le projet de l'auteur (p. 3-5)

Au tres-chrestien Roy de France et de Navarre Henri IIII

SIRE,

Quand premier ie me mis à escrire l'Histoire de nostre temps, ie me doutoy'bien que mon œuvre ne manqueroit aussi tost d'estre reprins & abbayé de prou [attaqué de beaucoup] d'endroits. Une chose me consoloit, que i'y avois esté porté non par ambition ny vanité  mais seulement par une bonne conscience : & me promettois que les aigreurs du passé venans par le temps à s'adoucir, l'amour de la verité gagneroit enfin le dessus, mesmement sous le regne de V.M. qui ayant par une faveur singuliere de Dieu dompté tous ces monstres de rebellion & esteint le feu de nos partialitez, avez heureusement rendu la paix à la France, & à ceste paix adiousté deux choses que l'on iugeoit incompatibles : la Liberté & la Royauté. Ioint que ie mis la main à ceste besongne en un temps auquel avec regret nous remarquions les causes de la guerre civile logees dans les ames ambitieuses des uns & des autres, & le desir de la paix comme banny du general de l'Estat  & qu'à ceste occasion il m'estoit loisible de parler & d'escrire avec tant plus de franchise, & sans mesdisance toutesfois. Mais l'ouvrage venant à croistre, lequel i'avois commencé parmi les armes & les armees, & parmi l'incommodité des sieges, continué depuis en vostre Cour, & maintenant parmi les importunitez du Palais, parmi mes voyages & autres affaires amené iusqu'à vostre regne, autres pensers me sont venus en l'esprit que ie n'avois eu au commencement, par la diversité & importance des affaires que i'y traitte, & ausquelles mon esprit cherchant lors quelque relasche de nos calamitez publiques, se bandoit & arrestoit entierement : de sorte que ie commençay à craindre que les choses que i'avois escrites pendant le bruit des armes & lesquelles pouvoient lors ou plaire ou s'excuser, seroient par la paix moins agreables, & pourroient mesmes en offenser aucuns ; l'homme estant porté plustost à faire mal qu'à vouloir ouïr ce qui est mal fait. Car estant ceste-cy la premiere loy de l'Histoire, de ne rien dire qui soit faux, & de ne rien celer qui soit vray  ie me suis diligemment estudié de tirer la verité souvent mesme cachee dans les inimitiez des parties, & l'ayant decouverte la faire voir fidelement à la posterité, a fin qu'à l'avenir il ne me fust reproché que par une prudence recherchee et hors de saison i'eusse prevariqué en une si iuste cause, & empesché le rare bon-heur de vostre regne, auquel il est loisible à un chacun & de penser ce qu'il veut & de dire librement ce qu'il aura pensé.

b) Condamnation des guerres de religion (p. 20-21)

Maintenant ie vien  à nos affaires & à découvrir  une playe, laquelle, bien que ie ne face qu'y toucher, ne lairra [laissera] possible de me porter preiudice, mais puis que i'y suis embarqué, pour dire en un mot, & en parler franchement, ce qu'il m'est loisible sous votre regne, SIRE : Veritablement la guerre n'est pas un moyen iuste & propre pour oster le schisme de l'Eglise. De fait, les Protestans de France, desquels par la paix le nombre & le pouvoir s'affloiblissoit, se sont tousiours accreus parmi les armes & les divisions. Et diray plus, que soit par zele inconsideré de religion, ou par ambition & desir de troubler l'Estat, certes les nostres ont fait une tres-lourde faute d'avoir si souvent renouvelé la guerre civile contre les Protestans, tant de fois, di-je, commencee & tant de fois appaisee au grand malheur de la France & au très-grand peril de la religion, qu'est-il besoin de tant de paroles ? la chose parle d'elle-mesme.

c) Grandeur du gouvernement d'Henri IV (p. 41-43)

Mais comme la guerre vous faisoit terrible à vos ennemis, aussi la paix vous a fait desirer mesme de ceux à qui vous avez pardonné, ayant fait revivre les arts & sciences de la paix & par recompenses & par franchises & immunitez. Tesmoin tous ces bastimens superbes & edifices admirables qu'en si peu de temps vous avez élevé à une telle hauteur & perfection qu'ils promettent une duree pour beaucoup de siecles à venir : edifices, di-je, enrichis de statues & peintures d'un ouvrage tres-exquis & de tapisseries richement elabourees, qui tesmoignent à la posterité & la grandeur de votre esprit & combien vous avez aimé la paix. Il y a encore davantage dequoy nous avons à vous remercier, d'avoir remis les Muses d'où la rage de Mars les avoit déchassees, & rétably par vostre autorité l'Université de Paris, à laquelle comme pour enrichissement vous avez donné le Sr Casaubon lumiere de ce siecle, luy ayant commis la garde de vostre bibliotheque vrayement royale. De sorte qu'il semble que la suite continuelle de tant de victoires & trophées n'a pas tant servi d'un degré pour monter à choses plus grandes, qu'elle vous a donné de volonté à nourrir la paix avec nos voisins & à acquerir un repos aux peuples travaillez des guerres & miseres passees. Continuez donc, SIRE, en cette belle & genereuse resolution ; & de plus en plus affermissez cette paix que vous avez par tant de travaux & fatigues acquise à la patrie, en rendant aux loix leur force & leur autorité; & tenant pour maxime tres-certaine que les loix sont l'ame, le cœur & le conseil de l'Estat ; & que ni plus ni moins que les membres sans la vie ne servent de rien au corps ; aussi les nerfs, le sang & les membres de la Republique luy sont inutiles sans la loy, qui est la vie.

 

Histoire universelle

2 - Introduction (trad. Le Mascrier, Desfontaines e.a., Londres, 1734 (cf. sur la Toile)

J'entreprends d'écrire sincerement, & sans partialité, l'histoire de tout ce qui s'est passé dans le monde, depuis les dernieres années du regne de François I. jusqu'à nos jours. Mais avant que d'entrer en matiere, je crois devoir remonter à la source de événemens, & représenter en peu de mots la situation des affaires, les forces & les projets des Princes, & les passions qui agitoient les esprits. Je commence par la France & l'Espagne, qui étoient alors les deux principales Puissances de l'Europe, & qui tenoient, pour ainsi dire, en leurs mains la destinée des autres (Livre I, p. 1).

 

3 - La vente des indulgences

Mais cette faute du pape Leon [X], par rapport à la dispensation des dignitez ecclésiastiques, fut suivie d'une autre bien plus grande & bien plus dangereuse dans ses conséquences. Comme ce Pontife se croïoit naturellement tout permis, il se laissa aisément entraîner aux conseils du Cardinal Laurent Pucci, homme vif et broüillon, qui avoit beaucoup de crédit sur son esprit, & qui lui persuada, que pour subvenir à ses dépenses excessives, il devoit proposer par une Bulle, des Indulgences à toute la Chrétienté, & promettre à tous les fideles la remission de leurs pechez & la vie eternelle, qui ne leur couteroit qu'une certaine somme d'argent, mesurée sur le nombre & la grandeur des pechez. On marqua dans chaque pays les lieux, où l'argent qui proviendrait de cet étrange commerce, seroit porté & remis à des Receveurs établis à cet effet. On choisit en même-tems d'habiles Ecrivains, des Prédicateurs éloquens, qui furent chargez de peindre aux yeux du peuple les grands avantages de cette libéralité du S. Siege, & d'en exagerer l'utile efficacité par de pompeux discours. Or les Ministres du Pape se comporterent dans leurs emplois d'une maniere scandaleuse, & particulierement en Allemagne, où cette espece d'impôt avoit été mis en parti, & où les Traitans consumaienrt dans le jeu & le libertinage le produit des Indulgences, & par un sacrilege abus faisoient servir aux plus infâmes debauches le pouvoir de délivrer les ames du Purgatoire. Alors parut le célebre Martin Luther, de l'Ordre des Augustins, Professeur en Theologie dans l'Université de Vittemberg en Saxe, qui ayant d'abord refuté les discours des Prédicateurs, traita ensuite de superstition le système des Indulgences, & attaqua l'autorité que le Pape dans la Bulle s'attribuoit en cette matiere : sur quoi les esprits s'étant échauffez dans l'ardeur des disputes, Luther en vint jusqu'à examiner la doctrine établie dans l'Eglise, & alterée, selon lui, par l'ignorance & l'erreur. Mais nous en parlerons plus au long dans la suite (L. I, p. 22-23).

 

4 - Discussion sur les institutions allemandes

On croit communément que ce fut Othon III. qui, pour empêcher les factions & les brigues, remit à six Electeurs le droit de choisir l'Empereur, & qui honora de cette éminente prérogative les archevêques de Mayence, de Cologne, & de Treves, le comte Palatin du Rhin, le duc de Saxe, & le marquis de Brandebourg. On dit aussi qu'il ajoûta à ces électeurs le duc de Bohême, qui porte aujourd'hui le titre de Roy, & qui n'a droit de suffrage, que lorsque les voix des six autres sont partagées. Mais les plus sçavans rejettent ces suppositions, & soutiennent que les Rois & les Empereurs d'Allemagne, suivant l'ancien usage, ont été élus par les peuples, & par les Princes de l'Empire, long-tems encore après Othon III. & avant le regne de Frederic II. qui mourut en 1250. Ils ajoûtent qu'en parcourant l'histoire, on ne trouve aucun auteur qui fasse mention des sept Electeurs, avant Frederic II. qu'au contraire tous les historiens s'accordent à dire que les dietes convoquées pour le choix d'un Empereur étoient composées de tous les Princes de l'Empire, ecclesiastiques & seculiers. On doit conclure de-là que les sept Electeurs ont été institués entre 1250, & 1280. Il y a même lieu de conjecturer que cette institution commença vers le tems de cette fameuse diete de l'Empire, où Rodolphe, comte d'Afpurg, tige de l'auguste maison d'Autriche, fut créé Empereur, après un long interregne. Onuphre Panvini croit que le droit des sept Electeurs fut confirmé dans le second Concile de Lyon tenu sous le pontificat de Gregoire X. né à Plaisance. D'un autre côté, Nicolas Cisnerus, grand jurisconsulte, fort versé d'ailleurs dans l'histoire ancienne de l'Allemagne, semble dire le contraire, dans un discours qu'il fait sur l'Empereur Othon, & sur l'établissement des Conseils généraux de l'Empire. Au reste, ce qu'on dit communément, que le roy de Bohême ne peut donner sa voix que quand les six autres electeurs sont partagés entre eux, paroît suspect à plusieurs ; puisque selon la teneur de la bulle d'or, il doit dire son avis le troisiéme. Mais cette prérogative que Charles IV. qui étoit en même tems empereur et roi de Bohême, se donna à lui-même par la bulle, n'a point passé aux rois de Bohême ses successeurs (L. II, p. 82-83).

 

5 - Progrès de la Réforme en Italie (a. 1547)

Le bruit courut alors en Italie qu'un grand nombre de personnes embrassoient secrettement la doctrine de Luther, & que le mal jettoit de trop profondes racines, pour qu'on dût le tolerer plus long-tems. Le Viceroi disoit qu'il n'y avoit d'autre moyen d'en arrêter le progrès, que d'ériger dans le royaume de Naples un tribunal sagement établi par l'Eglise, sous le nom d'Inquisition. On l'appelle ainsi, parce qu'il fait une rigoureuse recherche de ceux qui ont de mauvais sentimens sur la religion, & sur les loix de l'Eglise, & qu'il les punit séverement dans leurs biens & dans leurs personnes. Ce tribunal étoit en horreur, depuis que le roi Ferdinand, ayant pris le nom de Catholique, pour avoir chassé les Maures de l'Andalousie, fit cruellement exercer cette jurisdiction par les Religieux de l'Ordre de saint Dominique, afin d'exterminer en Espagne les restes des sectes Juive & Mahometane. Cette horreur étoit encore augmentée, par la forme bizarre & inique que ce tribunal employe, contre l'ordre, la raison, & l'équité naturelle, & surtout par les tourments horribles, dont la violence oblige souvent d'innocentes & malheureuses victimes à déclarer, contre la verité, tout ce que des Juges barbares veulent qu'on avoüe. Une pareille jurisdiction sembloit donc moins imaginée pour conserver la vraye religion, (ce qui pouvoit se faire par des voyes plus douces, suivant l'ancienne discipline de l'Eglise,) que comme un fatal moyen d'enlever les biens ; & d'ôter la vie aux plus honnêtes gens. Aussi Ferdinand lui-même, qui pour lors vint à Naples, ne put l'y établir, & les Inquisiteurs qu'on y envoya, furent non seulement mal reçus, mais encore chassez du Royaume (L. III, p. 170-171).

 

6 - Éloge de François Ier

Parmi les éloges que mérite ce grand Prince, éloges qui répondent à toutes les belles actions que nous en avons rapportées, l'amour qu'il portoit aux lettres & aux sçavans, le rendent sur-tout recommandable. Il en donna une marque dès le commencement de son régne, en la personne de Guillaume Budé, qu'Erasme, l'ornement de ce siécle, ne fait point difficulté d'appeler le prodige de la France, à cause de son rare sçavoir. Il tira ce beau génie de la poussiere de l'école, où il étoit enseveli, pour le faire briller au grand jour, en le comblant d'honneurs, & l'envoyant même en ambassade à la cour de Leon X, qui se déclaroit aussi le protecteur des gens de lettres. Ce fut sur les conseils de ce sçavant homme, que le Roi établit des Professeurs en langues Hébraïque, Grecque, & Latine, aussi-bien qu'en Philosophie, en Médecine, & en Mathématique, et qu'il leur assigna des appointemens considérables pour ce tems-là, afin de faire des leçons publiques au collége de Cambray. Par eux les ténébres de l'ignorance furent dissipées, & la vérité triompha avec les lettres, qui la firent briller, non seulement en France, mais encore dans toute l'Europe. Ainsi laissant aux autres Princes l'ambition des vains titres, & d'une gloire frivole, François mérita avec justice le glorieux nom de Restaurateur, & de Pere des lettres. Il eut toujours auprès de sa personne des sçavans, qui avaient soin de l'entretenir durant ses repas de choses curieuses, qu'il écoutoit avec une extrême attention. Il prenait sur-tout un singulier plaisir à entendre parler de l'histoire naturelle ; & quoiqu'il n'eût point été élevé dans l'étude des lettres, il avoit si bien sçu profiter de la conversation de ceux qui les cultivoient, qu'il possedoit parfaitement tout ce que les Auteurs tant anciens que modernes ont écrit sur les animaux, les plantes, les métaux & les pierres précieuses, & qu'il en parloit avec justesse. Il avoit acquis ces connaissances, principalement par le secours de Jaque Cholin, & ensuite de Pierre Chastelain, homme recommandable par son érudition, par sa probité & par sa sagesse. Son mérite ne fut pas sans récompense ; car le Roi lui donna d'abord l'évêché de Mâcon, & la charge de grand Aumônier ; ensuite il le fit, après la mort de Budé, intendant de sa magnifique bibliothèque de Fontainebleau, pour laquelle il n'avoit rien épargné, jusqu'à envoyer en Italie, en Grèce, & en Asie, pour y recueillir & copier les livres curieux qui s'y pourroient trouver. Il est constant que peu de temps avant de mourir, il avoit formé le projet d'augmenter le nombre des Professeurs qu'il avoit déja institués, & de fonder avec une magnificence royale un grand College, pour y faire des leçons, & y entretenir six cens Ecoliers, avec des Professeurs & des Maîtres ; & il avoit destiné pour cet établissement un fond de cinquante mille écus d'or (L. III, p. 181-182).

 

7 - Intrigues à la cour d'Henri II

La persécution & l'envie n'épargnèrent pas à la Cour ceux même que leur éloignement & leur retraite sembloient devoir mettre à couvert. Pierre Chastelain évêque de Mâcon [cf. texte précédent] se vit attaqué par les Docteurs de Sorbonne, qui ne pouvoient lui pardonner d'avoir autrefois protégé contre eux Robert Etienne, fameux Imprimeur, & des plus habiles de sa profession. Il lui firent un crime d'avoir dit à la fin de l'éloge funèbre du Roi François : Qu'il étoit persuadé, qu'après une si sainte vie, son ame en sortant de son corps, avait été transportée au Ciel, sans passer par les flammes du Purgatoire. Ils supposerent malignement qu'il doutoit de ce troisiéme lieu de l'autre monde, au sujet duquel les Protestants avoient excité tant de troubles. Ils députerent donc à la Cour quelques-uns de leur corps, pour faire leur plainte au Roi. Les députés furent reçus par Jean de Mendose premier maître d'Hôtel, & qui avoit perdu lui-même le grand crédit qu'il avoit du vivant de François. Mendose sçut les railler finement & à propos par ce plaisant discours : « Messieurs, dit-il aux Députez, je sçai le sujet qui vous amêne à la Cour. Vous regardez Monsieur de Mâcon comme un hérétique, & vous êtes en contestation avec lui, au sujet du lieu où est maintenant l'ame du feu Roi mon bon maître ; vous devez vous en fier à moi, qui le connaissois mieux que personne, & je puis bien vous répondre qu'il n'étoit pas d'humeur à s'arrêter nulle part, quelque charmant & agréable que fût l'endroit où il se trouvoit ; ainsi, croyez-moi, s'il a fait un tour en Purgatoire, ce n'est pas pour y demeurer long-tems, mais seulement pour y goûter le vin en passant. » Cette raillerie déconcerta les Docteurs, qui virent que le crédit de l'évêque de Mâcon étoit encore trop puissant, pour rien entreprendre contre lui ; ainsi ils s'en retournerent couverts de confusion (L. III, p. 184-185).

 

8 - Cardinaux français relégués à Rome (1547)

La Cour étoit alors pleine de Cardinaux ; Louis de Bourbon, Jean de Lorraine, Odet de Coligny de Châtillon, Claude De Givry, Jean du Belley, Philippe de Boulogne, Jean le Veneur, Antoine Sanguin-Meudon, Robert de Lenoncourt, Jâque Dannebaud, George d'Amboise & George d'Armagnac. Afin d'avoir plus de liberté, & de n'être point gênez dans le gouvernement, les nouveaux ministres jugerent à propos de les envoyer à Rome ; mais comme il falloit un prétexte honnête pour les éloigner ; ils n'en trouverent pas de meilleur, que d'envoyer les Cardinaux auprès du Saint Pere [Paul III] afin que leur présence l'entretînt dans ses bons sentimens pour la France, & afin que, s'il venoit à mourir (car il avoit près de quatre-vingts ans) ils donnassent tous leurs soins à l'élection d'un autre, qui n'eût pas moins d'inclination pour le parti François. Sept Cardinaux allerent donc à Rome, entre autres le Cardinal de Tournon, qui s'étoit déjà retiré de la Cour, & que l'Archevêque de Reims frere du Duc d'Aumale avoit dépouillé de sa qualité de Chancelier de l'ordre de Saint Michel (L. III, p. 187).

 

9 - Édit du roi Henri II relatif à l'urbanisation de Paris (1549)

Cette année, qui dans la France, comme dans les Pays-bas, avoit commencé par des fêtes & des réjoüissances, fut aussi mêlée d'événemens tristes & fâcheux. Le Roi, dès le mois de Novembre, avoit publié un Edit qui défendoit à l'avenir de bâtir hors des fauxbourgs de Paris, de peur que cette ville, déjà chancelante sous le faix de sa propre grandeur, ne s'accrût enfin à l'infini. Ce qui donna lieu à cet Edit, fut l'excessive affluence de peuple, qui attiré par les privileges & par la commodité du lieu, abandonnoit la campagne & les villages voisins ; ensorte que les malheureux qui y restoient, ne pouvoient suffire aux impôts, dont ils étoient surchargés. Un autre inconvénient étoit, que les apprentifs quittoient leurs maîtres, & sans se soucier de passer par les maîtrises, venoient s'établir dans les fauxbourgs de Paris, où ils avoient permission d'avoir des boutiques, & d'exercer leur trafic ou leur métier. Enfin, il s'étoit amassé à Paris une si grande foule de faineans, de vagabonds, d'avanturiers & de gens de mauvaise vie, qu'ils remplissoient tous les cabarets, & tous les lieux de débauche ; ensorte que non seulement chaque particulier, mais toute la ville même en général, avoit sujet de tout apprehender de cette canaille débauchée & scélérate. On y mit ordre par un Edit vérifié en Parlement, le 17 de Janvier (L. VI, p. 378-379).

 

10 - Portrait du nouveau pape Jules III (1550)

Enfin on jetta unanimement les yeux sur le Cardinal del Monte, qui étoit de la faction des Farneses, & qui malgré la bassesse de sa naissance avait eu un oncle Cardinal & évêque de Porto...     Il fut donc élû, au grand étonnement de tout le monde, le 8 de Février, après trois mois environ de la vacance du Siége, & il fut couronné par le Cardinal Cibo, quatorze jours après son élection.

Comme il n'avoit jamais eu de mœurs, & qu'il avoit peu d'égard aux bienséances, dès qu'il fut parvenu à la papauté, il fit bien connaître son caractère. C'est un ancien usage que le nouveau Pape donne d'abord son chapeau de cardinal à celui qu'il veut. Il donna le sien, avec son nom & ses armes, à un jeune homme qui étoit son domestique, nommé Innocent, & qui ayant eu dans sa maison le soin d'un singe, fut dans la suite appellé, le cardinal Simia. Les Cardinaux ayant murmuré & s'étant plaints à lui, de ce qu'il avoit mis dans leur auguste Collège un homme si vil : N'est-ce pas vous qui m'avez fait Pape, leur répondit-il ? quel mérite avez-vous trouvé en moi pour m'élever à cette suprême dignité ? Jules III. (c'est le nom qu'il prit) voulant marquer sa reconnaissance aux Farneses, & accomplir sa promesse, rendit Parme à Ottavio, & lui donna la charge de grand Gonfalonier de l'Eglise, qu'il avoit possédée sous son prédecesseur. Il rappella aussi à Rome la cardinal Ascagne Colonne, persécuté par le feu Pape, & qui s'étoit retiré à Venise, & il le rétablit dans sa dignité & dans ses biens (L. VI, p. 399-400).

 

11 - Projet d'assassinat du roi de Navarre (1560) (trad. du Ryer)

Ainsi l'on trouva bon de se deffaire du Roy de Navarre [Antoine de Bourbon]. Mais comme cela ne se pouvait faire ouvertement, l'on fit un estrange dessein par le conseil, dit-on, du Cardinal de Lorraine, & du Mareschal de S. André. Ils firent donc leur complot de cette maniere, que le Roy [François II] ferait venir en sa chambre le Roy de Navarre, comme pour luy dire des choses qu'il avoit nouvellement apprises ; qu'il luy reprocheroit d'avoir sçeu la conjuration [d'Amboise] & l'entreprise de son frere [Louis de Bourbon, prince de Condé] ; que l'on le comblerait de reproches par de nouvelles terreurs, dont on ne manquoit pas de suiet, & qu'en suite comme il nieroit, ou qu'il repondroit trop hardiment, des hommes destinez pour cela, se ietteraient sur luy le poignard en main pour le tuer.

Lors que le Roy de Navarre, dont la conservation estoit chere à beaucoup de monde, eut sçeu ce dessein, & l'ordre qu'on devoit tenir, par les amis mesmes des Princes de Guise, il fut d'abord en inquietude & incertain de ce qu'il feroit, voyant qu'il n'avoit pas de secours de reste pour se justifier devant le Roy, qui estoit irrité par les artifices de ses Ennemis, & à la foy duquel il s'estoit imprudemment confié. Enfin s'estant resolu de souffrir en homme de cœur une chose indigne, il prit conseil de la neccesité, & deia plus touché de la colère que de la crainte, il se proposa de resister autant qu'il luy seroit possible avec l'espée & le courage, iusqu'à ce qu'estant percé de coups, il tomberoit mort comme au milieu d'une bataille. Puis il manda l'un de ses anciens amis, & le pria que s'il perissoit en cette occasion il gardast ses habits teints de son sang pour son fils encore ieune ; afin que cet aspect le fist souvenir un jour de l'avanture de son pere, & que s'il estoit veritablement son fils il perdist plustost la vie que le desir de le vanger. Ainsi s'estant resolu à toute extremité, il entra dans la chambre du Roy, & luy baisa la main, comme pour luy rendre ses devoirs & ses soumissions. Mais le Roy touché par la presence du Roy de Navarre, soit qu'il n'eust pas le courage, ou qu'il n'eust pas la volonté de le faire tuer, en perdit le dessein ; & le repentir qu'il en eut, luy fit eviter le blasme d'une si estrange cruauté. Au moins ceux qui ont laissé ces choses par escrit, car pour moy ie ne voudroit pas les assurer come vrayes, adioutent que lors que le Roy sortit de sa chambre, le Duc de Guise dit ses paroles en colere, O le Prince timide et lasche (t. II, L. XXVI, p. 169-170).

 

12 - Affaires religieuses (1596) (trad. Scheurleer = Desfontaines), La Haye, 1740

Tandis que le Roi étoit à Roüen, on fit la cérémonie du bâtême d'une fille que le Roi avoit euë de Gabrielle d'Estrées. Le Duc de Montpensier & les autres Seigneurs, avec toute leur suite, assistèrent à cette cérémonie, au milieu d'une foule de peuple qui remplissoit les ruës. Tous les Ambassadeurs des Princes étrangers, qui étoient alors à la suite de la Cour, furent invités de s'y trouver. Les personnes sensées blâmerent cette pompe éclatante pour une fille bâtarde, & dirent, qu'au moins la cérémonie n'eût pas dû se faire en présence du Légat & des députés des Provinces.

Ce fut aussi en ce tems-là que Charlotte-Catherine de le Trimouille, veuve du Prince Henri [Ier] de Condé mort à Saint-Jean d'Angely en Saintonge, en 1588. le 4. de mars, & mere de Henri II. Prince de Condé, né après la mort de son pere, (le Roi l'avoit fait venir à la Cour l'année précedente,) abjura la Religion nouvelle à Roüen, & embrassa la Religion Romaine. Le Légat du Pape fit la cérémonie de la réconciliation, quoique le Cardinal de Gondy, comme Evêque de Paris, prétendît que c'étoit à lui de la faire. Après la cérémonie, le Légat donna à la Princesse un repas magnifique, auquel les Princes et les Seigneurs de la Cour furent invités.

Cette Princesse n'avoit jugé à popos de changer de Religion que long-tems après son arrivée à la Cour ; parce qu'après la mort de son mari, ayant été accusée d'en avoir été l'auteur, ayant été même condamnée par des juges incompetens, elle vouloit, avant que de faire profession de la Religion Catholique, (ce qu'elle avoit résolu depuis long-tems,) être déchargée de cette accusation & déclarée innocente par un Arrêt de Parlement de Paris, auquel le Roi avoit renvoyé cette affaire: Elle craignoit avec raison qu'on ne la soupçonnât d'avoir plutôt cherché à se rendre par ce changement ses juges favorables, que d'avoir fait cette démarche par la persuasion où elle étoit, que son abjuration étoit utile & même nécessaire à son salut (t. IX, L. CXVII, p. 20).

 

13 - Procès entre gens d'Église

Je ne dois pas omettre de parler ici de deux autres jugemens célèbres. Le premier, auquel présida Gilles de Riants, avec Jean le Maître, fut rendu contre Jean Flavien, Chanoine de Sens, en faveur des droits de la jurisdiction royale. Ce Chanoine avoit un procès contre Jean Miete, Archidiacre de la même église, à qui il avoit dit des injures atroces, & qu'il avoit ignominieusement fait mettre en prison. L'Archidiacre eut recours au Juge Royal. Le Chanoine prétendit, que par cette démarche il étoit formellement excommunié ; & que le Concile de Trente avoit expressément défendu, sous peine d'encourir les censures, que les Ecclésiastiques plaidassent les uns contre les autres, ailleurs que devant le Tribunal du Juge d'Eglise. Le Lieutenant criminel de Sens ne laissa pas de rendre une sentence contre Flavien, & quoique celui-ci eut décliné sa jurisdiction, il ordonna qu'en sa présence, & en celle du Rapporteur & de l'Archidiacre Miete, il feroit excuse dans le lieu où s'assemble le Chapitre, & se retracteroit de ce qu'il avoit dit contre son confrere. Flavien interjetta appel au Parlement : l'affaire ayant été communiquée au Procureur général, sur ses conclusions la sentence fut confirmée par un Arrêt, qui ordonna, qu'en présence du Lieutenant civil, du Lieutenant criminel, de quatre Conseillers du Présidial, du Procureur & de l'Avocat du Roi, & de tous les Chanoines, Flavien se présenteroit dans le lieu du Chapitre, debout, tête nuë, devant Miete, qui seroit assis, & que ledit Flavien declareroit, que c'étoit temérairement, par erreur, & contre le respect dû à la Justice, qu'il avoit dit et écrit, que Miete étoit excommunié de droit, pour avoir eu recours au Juge Royal : Qu'il reconnaissoit que cette proposition étoit fausse, erronée, & contraire aux saints Decrets & aux Edits du Roi: qu'après cela son écrit seroit lacéré en sa présence (t. IX, L. CXVII, p. 23).

 

14 - Morts illustres : Jean Bodin [† 1596]

Après avoir parlé de ce fameux Ecrivain [N. Vignier], je ferai mention du célèbre Jean Bodin, né en Anjou. Dans sa première jeunesse, si l'on en croit quelques-uns qui l'assurent comme une chose certaine, il porta l'habit de Carme, & fut ensuite rélevé de ses voeux, comme les ayant fait avant l'âge compétent. Délivré du froc, il s'appliqua beaucoup à l'étude. Après s'être rendu très-habile dans les langues, il se porta par son vaste génie vers toutes les Sciences, & se proposa de ne rien ignorer. D'abord il exerça la profession d'Avocat au Parlement de Paris ; mais ennuyé de ce métier, où l'on a toûjours, pour ainsi dire, les armes à la main, il s'adonna tout entier à composer des ouvrages de Littérature. Il s'essaya d'abord sur les Cynegetiques d'Oppien, qu'il traduisit en Latin avec beaucoup d'élégance & de goût, & qu'il orna d'un très-sçavant Commentaire, qui fit connaître sa capacité & ses talents pour les belles lettres. Bientôt il se proposa des objets plus considerables. Après avoir mis au jour une methode pour l'Histoire, & ses dissertations contre Malétroit, au sujet de la Monnoye : il publia enfin en François son grand ouvrage intitulé la République de Bodin ; livre qui, en faisant connoître la vaste & profonde érudition de l'Auteur, fait voir aussi, au sentiment des personnes de bon sens, beaucoup de vanité & d'ostentation ; défaut assez ordinaire à ceux de son païs. Peu de tems après, il publia aussi en François sa Démonomanie ; matière qui avoit été jusqu'alors traitée par plusieurs autres Auteurs, mais sur laquelle Bodin a écrit avec plus de netteté & de justesse que tout autre, en refutant presque toujours les sentimens de Wier. Ce livre l'a fait soupçonner de Magie. Pendant qu'il composoit ces ouvrages, il eut souvent l'honneur d'être admis dans les entretiens secrets & familiers que Henri III. se plaisoit d'avoir avec les Sçavans, & il s'y fit toûjours distinguer. Car il avoit, comme l'on dit, son esprit en argent comptant ; & sa mémoire heureuse & fidèle lui fournissoit toûjours une infinité de choses curieuses sur toutes les matières qu'on proposoit (t. IX, L. CXVII, p. 26).

 

15 - Les Hollandais à Madagascar

Le 3. de Septembre [1596] ils mouillerent à l'Isle S. Laurent, autrement Madagascar, située au vingt sixième dégré de latitude Australe. Ils remarquerent une grande quantité de Hérons & d'autres oiseaux, qui voloient le long du rivage. Autant qu'ils avoient été bien reçus au Cap de Bonne-Espérance, autant le furent-ils mal dans cette Isle, dont les habitans coururent sur eux, & les poursuivirent avec des fléches. Il mourut alors beaucoup de monde sur les vaisseaux, de la maladie qui y regnoit, & entre autres le Capitaine Jean Dignums ; ce qui fit que cette rade fut appellée le Cimetière des Hollandois.

On envoya une Pinasse, qui faisant voile directement sous le Tropique du Capricorne, entra dans une Baye de cette Isle, le 10. d'Octobre. On y trouva des vivres en abondance, mais un peuple barbare & inhumain, qui ne cherchoit qu'à surprendre & à dépouiller les étrangers qui abordoient chez eux. Ces Insulaires, dont le corps est robuste & délié, sont noirs & vont tous nuds, couvrant seulement leurs parties naturelles d'un morceau de toile de coton. Les femmes lient cette piéce de coton un peu plus haut, de manière néanmoins que toute leur gorge est à découvert. Elles aiment à se parer avec des bracelets de cuivre, mais elles estiment encore plus ceux d'étain. Il y a aussi dans l'Isle, des boeufs qui ont des bosses sur le dos, & des moutons qui, au lieu de laine, sont couverts de longs poils comme nos chévres, & dont la queuë pese jusqu'à douze livres. Ces Insulaires donnerent six moutons pour une cuilliere d'étain. On ne put sçavoir alors quelle étoit leur Religion : on apprit seulement qu'ils étoient circoncis ; ce qui fit conjecturer qu'ils suivoient la Religion Mahométane (t. IX, L. CXVII, p. 42).

 

16 - Description d'une baleine

Les Baleines, qui étoient autrefois fort communes dans la mer Britannique, y sont devenuës fort rares depuis que les canons sont en usage : On regarda donc comme une espece de prodige, une Baleine qui fut prise au commencement de l'année [1598] entre Katwyk & Scheveling, villages de Hollande : elle étoit longue de soixante & dix pieds : sa tête seule en avoit dix-neuf : sa machoire inférieure avoit quarante-deux dents blanches comme de l'yvoire, lesquelles s'emboitoient, lorsque l'animal fermoit sa gueule, dans autant de trous placés dans la machoire supérieure, où il n'y avoit aucunes dents : sa queuë étoit longue de quatorze pieds (t. IX, L. CXVII, p. 212).

 

17 - Histoire d'un homme cornu

Cette année [1599], Beaumanoir de Lavardin, Maréchal de France & Gouverneur du Maine, présenta au Roi un homme cornu. Il se nommoit Trovilu, & étoit né dans les montagnes de cette Province. Le Maréchal de Lavardin, chassant de ce côté-là, arriva par hazard dans un de ces endroits où se fait le charbon. Au bruit des chasseurs, les ouvriers avoient pris la fuite ; & le Maréchal, les prenant pour des voleurs, les poursuivit jusqu'à ce qu'il les eût tous arrétés. Trovilu étoit de ce nombre. Il ne s'étoit point découvert devant le Gouverneur, comme ses compagnons, afin de cacher sa difformité. Enfin, un des domestiques du Maréchal lui ôta son bonnet, & tout le monde vit avec surprise une corne qu'il portoit au front.

Ce prodige parut digne de la curiosité du Roi. Trovilu fut présenté à ce Prince ; après quoi il fut donné à Paris en spectacle à tout le monde. Il m'a dit à moi-même, comme à plusieurs autres qui l'ont vu : Qu'en naissant il n'avoit apporté aucune apparence de corne : Que vers l'âge de sept ans, son front avoit commencé à devenir rude et raboteux : Que depuis ce tems là, jusqu'à l'âge de trente cinq ans qu'il avoit quand on l'arrêta, cette corne s'étoit augmentée de plus en plus, sa courbure n'étant d'abord que fort peu sensible : Qu'il avoit quitté alors le village de S. Fray, lieu de sa naissance, & s'étoit caché dans les bois, évitant sur-tout d'ôter jamais son chapeau, de crainte que si on venoit à découvrir son malheur, on ne le prît pour un monstre ; & qu'on ne lui fît quitter son travail pour le donner en spectacle, comme il étoit arrivé en effet.

Excepté cette corne, il avoit l'esprit et le corps semblables à ceux de tous les autres hommes. Du reste, sa corne étoit singuliere & monstrueuse, aussi dure & aussi épaisse que celle d'un mouton, ou d'une chevre. Elle étoit cannelée, non point en ligne spirales, mais en lignes droites. Sa couleur étoit blonde, comme celle de sa barbe & de ses cheveux. Car quoique le devant de sa tête fût chauve, le derriere étoit garni de cheveux à l'ordinaire ; & il avoit au menton & au-dessus des levres, quelques touffes de poil, qui lui tenoient lieu de barbe ; ensorte qu'il ressembloit aux Satyres, tels qu'on les représente ordinairement. A l'égard du devant de la tête, la matière destinée à y faire naître des cheveux, s'étoit employée à nourrir cette corne.

Elle étoit placée au côté droit du front, & ne poussoit point en devant, comme celle des moutons ; mais s'étendoit en se recourbant vers le côté gauche. Ainsi la pointe retombait sur le crâne, qu'elle auroit percé sans doute d'une manière dangereuse & mortelle, si on ne l'eût coupée de tems en tems. Le pauvre homme nous assuroit, qu'il ressentoit alors de terribles & de continuelles douleurs ; ce qui arrivoit même lorsque les spectateurs vouloient le toucher. Il ne voyait qu'avec peine, que des charlatans profitassent de son malheur & de sa difformité, pour le promener ainsi par tout Paris. Aussi ne put-il souffrir plus long-tems un tel affront, & sa férocité naturelle lui en fit concevoir un tel chagrin & un si grand dépit, qu'il en mourut bientôt après (t. IX, L. CXVII, p. 299-300).

 

18 - Baronius successeur de Clément VIII ?

Après la mort du Pape [3-3-1605], on laissa s'écouler la neuvaine accoûtumée : les Cardinaux, au nombre de soixante, s'enfermerent ensuite dans le conclave le 14. de Mars. Avant d'y entrer, ceux qui étoient dans les intérêts de l'Espagne, craignant que le Cardinal César Baronius, cet illustre écrivain des annales Ecclésiastiques, ne fût élû Pape, renouvellerent contre lui des plaintes, qu'ils prétendoient avoir formées, pendant la vie du feu Pape. Pour preuve de cette accusation, ils supposerent des lettres de Laurent Suarès de Figueroa, Duc de Feria, & Viceroi de Sicile. Ptolémée Gallo, Cardinal de Como, & Doyen du sacré collége, les apporta en plein consistoire ; & comme elles étoient écrites en langue vulgaire, le Cardinal François de Muxica d'Avila Espagnol, en fit la lecture.

Baronius ne put s'empêcher de faire paroître l'indignation que lui causoit cette accusation. Pour se justifier, il accumula, selon sa coutume, un grand nombre de passages de l'Ecriture sainte, & s'écria : "Il m'est plus avantageux de mourir, que de voir ternir ma réputation." Il parla ensuite de ses annales, de l'utilité qu'en retiroit la République Chrétienne, des applaudissemens qu'il avoit reçus de plusieurs nations, & des témoignages avantageux, que les hérétiques mêmes lui avoient donnés. Enfin, pour s'excuser de ce qu'il faisoit lui-même son apologie en termes si magnifiques, il dit : "Pardonnez-moi ; Seigneurs Illustrissimes, si je parle ainsi ; vous m'avez forcé de le faire." ...

Il parla avec tant d'éloquence & de feu, que tout le consistoire en fut émû ; ensorte qu'on a cru que si cette action se fût passée dans le conclave, tous les Cardinaux se seroient jettés aux pieds de Baronius, & l'auroient élevé sans la moindre opposition sur le thrône de S. Pierre...

Mais quoique Baronius fût entiérement justifié, cependant l'ardeur de ces premiers mouvemens qui avoient animé les Cardinaux en sa faveur, se ralentit bien-tôt, & la haine de ses ennemis prit le dessus. La faction espagnole crut devoir faire tous ses efforts pour exclure de la papauté un homme qui lui étoit suspect depuis long-tems, & que la derniére accusation avoit encore aigri.

Au surplus, les plaintes des Espagnols contre l'auteur des annales Ecclésiastiques, étoient fondées sur ce que cet historien avoit écrit dans l'Onziéme tome de son ouvrage, que les preuves rapportées par l'Espagne pour prouver ses droits sur la Sicile, étoient justement soupçonnées de fausseté.

...

Les Espagnols s'intéressoient toujours en faveur de Sauli, & leurs adversaires lui opposaient Baronius : mais ce dernier, qui depuis peu s'étoit défendu & justifié avec tant de gloire, faisoit lui-même naître des obstacles à son élévation. Il sembloit refuser le Pontificat ; & ce qui fit beaucoup d'impression sur l'esprit des Cardinaux, il disoit hautement que dans sa famille on vivoit fort long-tems. Les Cardinaux ont toujours pour but de choisir un homme courbé sous le poids des années, parce qu'ils aspirent tous à la même dignité, & qu'à la mort de chaque Pontife, ils se flatent toujours de lui succéder. Le peuple romain a les mêmes vûës, parce qu'il trouve son intérêt dans ces fréquentes révolutions. Il pille ordinairement le palais du Cardinal élû Pape ; & souvent sur de faux bruits d'une prétenduë élection (t. X, L. CXXXIV, p. 3-5).

 

19 - L'historien s'informe (1598)

A Monsieur, Monsieur de Sainte-Marthe...

Monsieur, je ne peus estre si près de vous sans vous saluer & vous faire entendre de mes nouvelles. Nous sommes venus enfin en ce lieu [en Poitou] pour y tourner nostre tonneau Diogenien, ou remuer la vis sans fin, ce que j'escri à vous & à ceux qui desirent le bien, & ont regret aux desordres que traînent après soy ces longueurs. Vous scavés en vostre généralité à quoi vous en tenir. Je ne m'estendray davantage sur ce subject, & vous dirai que je trompe tant que je peus ces ennuis, poursuivant mon histoire que j'avoi comme délaissée, & ai reprise depuis cest esté dernier ; & suis maintenant en l'année de la premiere guerre civile ouverte en ce roiaume, c'est-à-dire LXII, en laquelle tombe la prise & le sac de vostre ville [Poitiers], de laquelle pourtant je vous supplie vouloir mettre les particularités par escrit ; car ce qui s'en trouve escrit est fort jejune [maigre] & défectueux. Donnés-vous, s'il vous plaist, ce loisir, & m'aidés de cette piece pour l'inserer en son lieu. Le sr de Ste Gemme y commendoit lors pour Monsieur le Prince. Je dezire savoir son vray nom & surnom ; & de Pineau, qui tenoit le chasteau. Vous scavés que la latinité requiert cela ; voire celui du mayre, qui fut si mal traisté ; et de tous les aultres, desquelz il est besoin de faire mention. Monsieur de la Vau trouvera ici mes tres-affectionnées recommendations à ses bonnes graces : lequel se souviendra aussi, si lui plaist, de ce qu'il m'a promis de monsieur de la Scala, outre ce qu'il m'a jà envoié. Je dezire fort sçavoir de lui ce qu'il peut avoir de l'evesque de Monpellier Guilaume Pelissier, c'est à dire quand & où & de qui il naquit, où il est mort, quand & de quelle maladie, & en quel aage... (Choix de lettres françoises, XVII, p. 46-47).

 

20 - Réplique de l'historien accusé de médisance (janvier 1615)

A Madame l'abbesse de Maubeuge

    Madame,

N'aiant jamais eu l'honneur d'estre conneu de vous ni vous avoir faict service, je me suis trouvé en pene par la reception de celle qu'il vous a pleu m'escrire du XX du passé ; car parmi la multitude des affaires qui me passent tous les jours devant les ieux, &  tant de divertissements que j'ai à cause d'icelles, il m'est fort difficile que je puisse me resouvenir de tout ce que j'ai escrit en un si long œuvre ; & seroit ma condicion fort miserable s'il falloit que je fusse obligé d'en rendre compte & que ce que j'ai faict pour l'utilité publique me tournast à tel dommage particulier qu'au lieu d'en recevoir gré je feusse accablé de haine & de calomnie pour avoir dict la verité, laquelle j'appelle Dieu à tesmoing d'avoir tousjours eu devant les ieus & sa gloire seule qui veut que les choses passées soient transmises fidelement à la posterité affin que par la connoissance d'icelles l'on considere ses saincts & admirables jugements, & que le passé serve d'instruction pour l'avenir. Je n'ai eu autre but, dont derechef j'appelle Dieu à tesmoing & ai travaillé avec tout le soing que j'ai peu de m'instruire au vrai des choses, pour les escrire sans rien donner à la haine ni à la grace. Cela prémis, je vous dirai que j'ai faict chercher l'endroict designé en vostre lettre, où j'ai trouvé qu'il estoit ecrit que celui dont vous m'escrivés estoit venu non de basse & obscure extraction, ains seulement de lieu humble ; comme il y en a beaucoup qui sont extraicts de si pauvre noblesse qu'ils se peuvent dire estre venus de lieu humble. Le reste que j'en ai escrit est escrit avec si grand avantage & honneur de lui qu'on ne peut dire sans calomnie que j'aie esté poussé en ce que j'en avoi jà escrit d'aucune passion ou mauvaise volonté, chose qui doit estre eloignée de celui qui faict profession de dire la verité (Choix de lettres françoises, LVII, p. 142-143).

 

Mémoires de la vie de Jacques-Auguste de Thou

21 -  La mise en œuvre de l'Historia sui temporis, Livre V (p. 208-209  gallica.bnf.fr)

Ce fut encore de ce tems-là [a. 1593] que de Thou se mit à travailler à ce corps d’Histoire que nous avons de lui, & c’est principalement par raport à cét Ouvrage que l’on écrit sa vie ; il y avait plus de quinze ans qu’il en avoit formé le dessein. Dans cette vûë il avoit depuis long-temps amassé de tous côtez les mémoires nécessaires, soit dans ses voyages, soit par le commerce de lettres & d’amitié qu’il avoit entretenu dés sa jeunesse, avec tout ce qu’il avoit de gens illustres dans l’Europe & principalement en France. Il avoit apris ce qui s’étoit passé du plus particulier sous le Régne de nos derniers Rois, de ceux qui avoient été employez dans les grandes Ambassades : il avoit exactement examiné les mémoires & les instructions des Sécrétaires d’Etat : il n’avoit pas même négligé (l’on l’avouë naturellement) tout ce qu’on avoit écrit de part & d’autre dans ces tems de troubles ; mais avec la sage précaution de distinguer la verité du mensonge, par le moyen & par les avis de ceux qui avoient eu part eux-mêmes aux affaires les plus considérables. Aussi, c'est avec une extrême injustice que ses envieux lui ont reproché qu'il s'était attaché à de méchans libelles & à des mauvais bruits répandus dans le public ; on peut assurer qu'il n'a rien écrit qu'il n'ait puisé dans les sources mêmes de la vérité, & l'on remarque dans sa narration, ce rare caractère de candeur également éloigné de la haine & de la flatterie : aussi l'on voit à la tête de son Ouvrage une Ode intitulée la Vérité, qui lui sert d'introduction.

 


[Introduction] [La Grèce et Rome]  [Le moyen-âge]  [Du XVe au XVIIIe siècle]  [Le XIXe siècle]  [Le XXe siècle


Les commentaires éventuels peuvent être envoyés à Jean-Marie Hannick.

1er Février 2016


 [ BCS ]  [ BCS-BOR ]  [ BCS-PUB ]