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Anthologie Palatine : Présentation générale - Biographies des poètes

Anthologie Palatine - Livre XII : Avant-propos - Plan - Table des matières - Biographie des poètes

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Anthologie Palatine

Livre XII

La Muse Garçonnière

(201-258) 

 

 

Traduction Philippe Renault (2005)

 

Plan

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1 -100 - 101-200

 


XII, 201

Straton, Rendez-vous

Si mon aimé n'arrive pas dans un instant,

Il ne remettra plus les pieds dans ma maison,

Je le jure par les... Ne jure pas, Straton !

Si son retard est dû à des rêves trop longs,

Qu'il revienne demain !

Et je n'en mourrai point !


XII, 202

Straton, Rapide comme l'air !

Grâce à l'Amour ailé, dans l'air je me hasarde

Dès l'instant que j'ai su ton arrivée à Sardes.

Un seul bond a suffi de Smyrne à ma cité :

Zétès ou Calaïs1 ne m'auraient pas vaincu

Par leur rapidité !

1. Zétès et Calaïs, fils de Borée, étaient considérés comme des coureurs infatigables.


XII, 203

Straton, Contrariant !

Non, je n'ai pas envie et pourtant ce baiser !

Toi non plus, tu n'as pas envie quand je t'embrasse.

Je fuis, ton amour est aisé,

Je viens, tu veux quitter la place.


XII, 204

Straton, Un échange inégal

Il faut dire aujourd'hui : «De l'airain pour de l'or !

Donne et sers-toi.» Tel est le jeu qui a tant plu

Au beau Sosiadas et Dioclès le velu.

La rose et le chiendent, qui donc les a mêlés ?

Et qui a mélangé vache et agneau de lait ?

Idiot, tu as donné tant pour emporter quoi !

Sais-tu, Diomède a donné la même chose

À Glaucos autrefois !


XII, 205

Straton, Le beau raisin

Le garçon du voisin

(Je crois qu'il a douze ans)

M'excite étrangement.

Pour montrer son «béguin»,

Il rit fort, le coquin !

Certes, il n'est pas mûr,

Ce merveilleux raisin

Et surtout pas gardé.

Quand il sera à point,

Se dresseront les murs !


XII, 206

Straton, L'exercice physique

Quand tu lui dis : «Prends-moi fort, bascule, ceinture,

Pousse et tiens la mesure !»

Mais c'est fou, Diophante ! Impossible exercice !

Entraîner ces jeunots, c'est vraiment autre chose !

Laisse-toi secouer et sois ferme, ô Cyris !

Sois fort, soutiens le choc quand tu veux le soumettre !

Il faut coopérer avant d'être le maître1.

1. Confusion ironique entre exercices de lutte et ébats amoureux.


XII, 207

Straton, Aux bains

Alors qu'il se baignait, notre beau Dioclès

Fit jaillir son lézard1, comme des eaux Cypris.

S'il l'avait, sur l'Ida, montré devant Pâris,

Ce dernier aurait-il choisi les trois déesses ?

1. En fait, sa verge...


XII, 208

Straton, Un livre précieux

Ô livre, tu te grises !

Je ne suis pas jaloux

Qu'un beau garçon te lise,

Te presse sur ses joues,

Et te serre sous son menton

Ou te fasse rouler sur ses cuisses si fraîches.

Quelle sensation !

Tu resteras porté dans un pli de tunique

Ou bien, sur un banc, tu toucheras ses trésors...

Mais quand il sera seul, et c'est là ma supplique,

Parle de moi très fort.


XII, 209

Un aimé peu enthousiaste

Ne sois pas tristounet sur ma couche, Diphile !

Ne sois pas moutonnier, j'ai besoin de tendresse.

En prélude à l'amour, sois donc un peu habile

En jeux voluptueux, en baisers, en caresses...


XII, 210

Straton, Le compte est bon !

Compte ! Trois dans un lit et deux qui le pénètrent.

Et cependant deux se font mettre :

Cela paraît peu ordinaire.

Mais non, je ne mens pas ! Car celui du milieu

En satisfait à la fois deux :

Il jouit par-devant, fait jouir par derrière.


XII, 211

Straton, Le jeune expert1

Si tu ne connaissais la chose,

Tu t'effraierais, je le suppose.

Mais ton maître t'a enseigné

Ce que tu veux me refuser.

Lui dort, une fois satisfait ;

Moi, je te donnerai tendresse,

Douceur, loyauté, et le reste,

Si seulement tu le désires :

Je n'aime pas te voir souffrir.

1. Il s'agit visiblement ici d'une relation maître-esclave.


XII, 212

Straton, Le prostitué

Voyons, mon petit, mais tu pleures !

Pourquoi nous fais-tu triste mine ?

Oui, dis-moi ce qui te chagrine ?

Mais que se passe-t-il ? Tu tends la main ? Je meurs !

Tu veux être payé1 ! Quelles sombres idées

Bouillonnent dans ta tête ?

Je sens qu'il n'est plus temps de t'offrir des galettes,

Encore moins des osselets.

Par l'hydre de l'argent te voilà dominé :

Lui seul te tient à cœur !

Qu'il meure ton instructeur !

Il t'a bien abîmé !

1. L'épigramme montre à quel point les éromènes, à l'époque de Straton, profitaient de ce rite de passage pour se faire payer, bref pour se prostituer.. 


XII, 213

Straton, Le mur

Pourquoi coller au mur ton charmant postérieur ?

Tu veux tenter ce roc qui n'a point de vigueur.


XII, 214

Straton, L'amour gratuit

Donne-moi ton amour et prends l'argent !

Tu me diras : «J'en ai suffisamment !»

Bon, comme un roi, offre-moi ce présent !


XII, 215

Straton, Attention à l'automne !

Aujourd'hui, ton printemps sonne ;

Après, viendra le bel été.

Ensuite, ce sera ton automne

Et la paille pour te gâter.


XII, 216

Straton, Raideur et mollesse

Tu es raide aujourd'hui, sans raison apparente.

Hier il était là : tu étais décevante !


XII, 217

Straton, Le nouveau Patrocle

Ainsi tu veux devenir un soldat,

Toi qui n'es qu'un enfant si pur, si délicat !

Réfléchis puis change d'idée !

Mais voyons, de t'armer qui t'a persuadé ?

Oui, qui t'a dit de prendre un bouclier

Et de cacher ton front sous ce casque peu subtil.

Allons, je crois que déjà il s'enchante,

Lui, le nouvel Achille,

De trouver un Patrocle1 sous sa tente.

1. Depuis la pièce d'Eschyle, Les Myrmidons, il ne faisait plus aucun doute chez les Grecs que Patrocle et Achille entretenaient des rapports homosexuels.


XII, 218

Straton, Le rieur

Tu ris et ne dis rien !

Combien de temps devrons-nous supporter ?

Mon Pasiphile, explique-toi enfin !

Je demande, tu ris, ne réponds point.

Je pleure et tu ris aux éclats,

Bourreau ! Rire, est-ce vraiment cela ?


XII, 219

Straton, Aux professeurs ingrats

Vous osez demander un salaire, ô maîtres.

Ingrats ! Voir des garçons, cela n'est rien, peut-être ?

Leur adresser un mot, les caresser encor,

Ça ne vaut-il pas mieux que de la monnaie d'or ?

Envoyez-moi ces beaux minois !

Si l'enfant me donne un baiser, qu'il prenne alors

Ce qu'il voudra chez moi.


XII, 220

Straton, La faute à Prométhée

Le vol du feu, ô Prométhée,

Ne fut point la raison de ton enchaînement.

Artisan peu habile,

On te punit d'avoir gâté

Le souverain argile.

En créant les humains, tu les rendis poilus :

D'où cette barbe affreuse et ces mollets velus

Que montrent nos garçons.

Aussi l'aigle de Zeus qui ravit l'échanson

- Le joli Ganymède -

T'abîme-t-il le foie car le grand dieu lui-même

Trouve la barbe laide.


XII, 221

Straton, Le rapt de Ganymède

Aigle, élève-toi jusqu'au sommet des cieux,

Et surtout retiens bien cet enfant précieux,

Ganymède, celui qui doit servir les dieux.

Prends garde qu'entre tes griffes il ne se blesse

Pour que Zeus ne soit pas accablé de tristesse.


XII, 222

Straton, À la palestre

Un jour, à la palestre, un chanceux professeur

Entraînait un éphèbe au corps plein de douceur.

L'ayant mis à genoux, il caressa ses boules...

Mais le maître survint : malheureux coup du sort !

Soudain, il prit l'enfant, l'étreignit violemment

Afin de démontrer qu'il l'exerçait vraiment.

Le maître, point naïf, lui dit ces quelques mots :

«Tu l'étouffes, voyons, notre pauvre marmot.»1

1. Cette épigramme, tout comme XII, 206, révèle que les palestres étaient des lieux où l'on s'adonnait autant aux joies du sexe qu'à l'exercice physique...


XII, 223

Straton, Ode au visage

Chez un éphèbe de passage,

Ma joie n'est absolue

Qu'à la beauté de son visage.

Et qu'importe son cul !

Après tout, ce n'est que de front

Que l'on contemple une statue.

Par derrière, pas de raison !


XII, 224

Straton, L'amour et la beauté

Nous avons emprunté

Le bon sentier ; mais comment, ô Diphile,

Pourrons-nous y rester ?

Car nous avons tous deux quelque chose qui file

Inexorablement :

Moi l'amour, et toi la beauté.

Pour que notre union puisse durer longtemps,

Sachons les saisir au passage.

Demeurent-ils soudain sans gardien vigilant,

Et les voilà partis rejoindre les nuages...


XII, 225

Straton, Le taureau et le chien

Que ne se mêlent point

Taureau et chien1 bouillant,

Lorsque soudain s'élève

Le soleil du matin !

Ne jette pas ta sève

Au fond du récipient

Qui est à Déméter,

La fertile déesse :

Tu mouillerais alors

La massue d'Héraclès2...

1. Équivoque sur les noms des constellations. Le chien est aussi le frein du prépuce, et le taureau, le périnée.

2. La massue est un des noms grecs du sexe mâle.


XII, 226

Straton, Solitude

La nuit entière j'ai pleuré.

Pourtant mon cœur doit s'apaiser.

Mais une terrible souffrance1

Vient d'anéantir le sommeil.

Oui, je souffre de son absence :

Théodore est parti la veille.

Reviens ! Et dans ce lit,

Témoin de nos ébats,

Jamais, je te le dis,

Tu ne me quitteras.

1. Straton utilise ici des termes propres à la tragédie, bien sûr de manière parodique.


XII, 227

Straton, C'est plus fort que moi !

J'ai beau avoir détourné mon regard

D'un joli garçon de passage,

Je me retourne sans retard !


XII, 228

Straton, Le temps de l'amour

Qu'un trop jeune garçon

Se donne est infamant :

Que la punition

Retombe sur l'amant !

À un âge avancé,

C'est une honte encor

Que d'être consentant

Et de livrer son corps1.

Pourtant il est un temps

Où nul n'est indécent :

C'est ce que nous vivons

Tous deux en cet instant.

1. Réaction choquée, mais pour le moins étrange venant de la part d'un auteur qui prétend par ailleurs continuer à aimer des garçons au-delà de l'âge prescrit.


XII, 229

Straton, Maudite Némésis !

Comme elle est bonne la déesse, ô Alexis :

Nous la conjurons tant, la sombre Némésis,

Cette femme au pied lent.

Tu ne devinais pas son effroyable élan

Car tu croyais garder pour toujours la beauté.

Or celle-ci n'est plus.

L'irritable déesse est bien ici venue !

Et nous, tes serviteurs, t'avons, ce jour, quitté.


XII, 230

Callimaque, À Théocrite

Ce Théocrite aux beaux cheveux d'un noir suprême,

Adore-le s'il m'aime ;

Mais s'il me hait, ô dieu,

Alors, déteste-le !

Toi-même, tu aimas un merveilleux garçon :

C'est pourquoi, vois-tu, je n'en dirai pas plus long.


XII, 231

Straton, Euclide le chanceux

Il a perdu son père,

Euclide l'amoureux.

Ma foi, il est chanceux !

Car son père acceptait

Toutes ses volontés.

Et, dans l'éternité,

Son ombre reste belle.

Moi, je joue en cachette :

Je dois m'en contenter,

Sale destin, Père immortel !


XII, 232

Scythinos, À son sexe

Te voilà bien droite, élancée !

Impossible de t'affaisser !

Refuses-tu de te calmer ?

Auparavant, quand mon aimé

Gisait mollement sur le lit,

M'offrant ce qui me plaît,

Tu pendais, épuisée, sans vie !

Allons, gonfle, éclate, gémis !

Quoi donc ! Tu veux rester ainsi !

Par ma main tu seras punie !


XII, 233

Fronton, Destin d'un garçon, épigramme sur des titres de comédies de Ménandre

Tu crois, ô comédien, que ta grande beauté

Est un Trésor alors qu'elle est plus fugitive

Qu'une Ombre ; avec le temps on va te Détester

Tu seras Paysan

Puis chercheras la Tondue en définitive.


XII, 234

Straton, La beauté qui ne dure...

De ta grande beauté tu me parais bien fier.

Mais la rose fleurit, mon aimé, le sais-tu ?

Et dès qu'elle est fanée, on la jette au rebut.

La fleur et la beauté ne durent qu'un moment,

Victimes qu'elles sont de la hargne du temps.


XII, 235

Straton, Avant le déclin

Si ta beauté vieillit,

Dis-le avant qu'elle n'ait fui.

Si elle parvient à se prolonger,

Sache donc nous la faire partager.


XII, 236

Straton, L'eunuque

Cet eunuque a près de lui des garçons :

Non seulement il n'a nulle raison

De les posséder mais il commet là

Un réel sacrilège. Tout cela

Me rappelle l'histoire de ce chien

Qui aboyait pour défendre une rose

Dans sa mangeoire1, privant de ce bien

L'homme et ne jouissant pas de la chose.

1. L'histoire du chien et de son écuelle se retrouve dans Lucien (Timon, 14).


XII, 237

Straton, À l'hypocrite

Salut, le dédaigneux, c'est toi qui prétendais

Pourfendre les méchants ?

Jadis, tu refusais de te donner à moi :

Or où sont tes serments ?

Car je ne suis pas dupe ! Et sur toi, je sais tout,

Le nom de ton amant,

Le lieu, ce que tu fais et combien tu lui prends...


XII, 238

Straton, Les plaisirs partagés

Voyez ces jeunes chiens, tous les deux se font jouir.

Ensuite, à tour de rôle, ils le font par derrière.

Celui qui fait d'abord, après se laisse faire.

Chacun est contenté, sert ou se fait servir.

Ce dicton a raison : pour se faire plaisir,

Un âne frotte un autre, échangeant ses désirs.


XII, 239

Straton, Un garçon trop cupide

Tu en demandes cinq : dix te seront offerts !

Et tu en auras vingt pour le faire à l'envers.

Ce n'est pas suffisant ? Une pièce d'or, tiens !

Pour Danaé, jadis, cela suffisait bien !


XII, 240

Straton, Frustration

Le temps vient griser mes cheveux.

Ma queue est lamentable !

Et mes couilles ont perdu de leur feu.

Je deviens vénérable.

Ah ! savoir enculer mais en être incapable.


XII, 241

Straton, Le hameçon

Tu as conçu un hameçon

Et tu as pêché ce poisson

Qui n'est autre que moi.

Tire-moi n'importe où et agis à ta guise.

Surtout ne laisse pas échapper cette prise.


XII, 242

Straton, La rose

Tu présentais un lézard autrefois,

Un petit doigt de rose 1;

Mais aujourd'hui, cette rose est un bras,

Quelle métamorphose !

1. Le poète veut dire que son «doigt» (l'aurore en grec se dit «doigt de rose» et désigne ici le sexe mâle) n'est plus rose et que l'adolescent a mûri.


XII, 243

Straton, La fourchette

À force d'enculer,

Mes forces se détendent.

Change-moi, s'il te plaît,

En fourchette, grand Zeus,

Que je pique la viande.


XII, 244

Straton, Une histoire de peau

Une peau blanche, je blêmis !

Un teint couleur de miel, je crie !

Un blond, et je m'évanouis !


XII, 245

Straton, Un amour raisonnable

Les bêtes font l'amour à leur manière,

En un mot bêtement !

Nous, dotés de raison,

Je dis que nous les dépassons :

Nous avons découvert

Un amour à l'envers.

Aussi, je le proclame,

Considérons sous un angle animal

Les amoureux des femmes1.

1. Nous avons affaire ici à un véritable éloge de l'homosexualité, un amour, selon Straton, seul digne des hommes civilisés. 


XII, 246

Straton, Les deux frères

Deux charmants frères m'aiment.

Lequel choisir pour maître ?

Leur beauté est la même.

Mais quand l'un est sorti,

Et que l'autre vient à paraître,

À coup sûr, le plus beau, c'est lui !


XII, 247

Straton, Les deux fonctions

Comme ce Mérion qu'Idoménée

Mena de Troie vers Crête,

Comme servant et comme aimé,

Toi aussi, ô Théodore, le jour,

Remplis les tâches nécessaires ;

Mais dès la nuit, remplis une autre affaire :

Tel Mérion, fais-moi l'amour !


XII, 248

Straton, L'amour à vie

Ne le quittant jamais,

Peut-on voir se flétrir

L'adolescent aimé.

Celui qu'on a chéri

Devrait-il forcément

Ne pas plaire aujourd'hui ?

Enfin inversement,

S'il plaît en ce moment,

Pourquoi le lendemain

Ne l'aimerais-je point ?


XII, 249

Straton, À l'abeille

Toi qui es née du taureau, toi l'abeille,

Pourquoi viens-tu lorgner du côté de mon miel,

Ce garçon à la fraîcheur cristalline ?

Oui, quand cesseras-tu de bourdonner

Et de poser sur une peau si fine

Tes pattes qui ne font que butiner.

Va fabriquer ton miel dans tes vrais horizons,

Avant que, tôt ou tard,

Je ne vienne piquer ; car j'ai aussi mon dard :

L'amoureux aiguillon.


XII, 250

Straton, Le loup et l'agneau

À une heure nocturne,

Allant de par les rues chercher fortune,

Couché près de la porte,

Moi, loup, je vois l'agneau : le fils de mon voisin.

Aussitôt, je l'emporte !

Je le prends dans mes bras, je le console,

Je l'embrasse et lui fais mille serments.

Ensuite, quels cadeaux ! Manquer à ma parole ?

Il ne mérite pas cette injure, vraiment !


XII, 251

Straton, Chaque chose en son temps

Joue contre joue, toi, moi, nous étions seuls :

Nous avions des baisers et des amuse-gueule.

Tu étais si jeune. C'était avant !

Mais j'implore aujourd'hui ce que tu as derrière1,

Un objet qui ne sera pas toujours offert.

Chaque chose se doit d'arriver en son temps !

1. Citation d'un vers homérique (Iliade, XI, 66) mais complètement détourné de son sens comme on le devine bien !


XII, 252

Straton, Le pyromane

Porte, avec ce flambeau je vais t'incendier.

Je suis bien éméché et je voudrais brûler

Le terrible garçon qui se cache derrière.

Après je m'en irai sur l'onde Adriatique.

Et ses vagues amères ;

Je serais un vagabond, certes :

Mais, néanmoins, je ferais mon trafic

Sur des portes ouvertes.


XII, 253

Straton, État d'ivresse

Un instant, prends ma main !

Mais dansons malgré tout,

Même si ce gamin

Rit de moi comme un fou.

S'il n'était allongé

Juste à côté des siens,

Il aurait vu combien

Je sais être léger.


XII, 254

Straton, Plus heureux qu'un dieu !

De quel temple, mes bons amis,

Ont surgi ces Amours en troupe,

Dont le charme et la beauté vibrent,

Si bien que je suis ébloui ?

Qui est esclave et qui est libre ?

D'un humain sont-ils sous la coupe ?

Il doit y avoir une erreur !

Mais si cela est vrai,

Cet homme-là est supérieur

À Zeus, dont Ganymède est l'unique échanson.

Par contre, lui, est entouré

D'un meute effrénée d'agréables garçons !


XII, 255

Straton, Rien compris !

Tu n'es pas renseigné par ce mot, ô sauvage !

Il est tiré pourtant du plus pur des langages.

Il faut dire ceci : «Aimer les beaux garçons»,

Non pas les «gros» en aucune façon !

Oserais-tu me contredire ?

Moi, je suis juge aux jeux Pythiques ;

Toi, tu l'es aux jeux Olympiques !

Ceux que j'exclus, ils vont chez toi pour concourir !


XII, 256

Méléagre, La couronne des jeunes gens

De tous ces jeunes gens, riche bouquet de fleurs,

Éros a composé, doux piège pour les cœurs,

La présente couronne, ô divine Cypris.

Et voici recueillis, Diodore, ce lis,

Asclépiade aussi, suave giroflée ;

Il a tressé de même une rose privée

D'épines répondant au doux nom d'Héraclite

Et Dion, comparable à quelque clématite ;

Il a tressé Théron, crocus aux cheveux d'or,

Le brin de serpolet, Ouliadès encor,

L'olivier Myiscos tout gonflé de jeunesse

Aux branches désirées qui sont une richesse.

Tyr, île fortunée... Au milieu des parfums,

Les enfants de Cypris naissent dans ce jardin.


XII, 257

Méléagre, Dédicace à Dioclès

Je suis la coronis1, je signale la fin

Des nombreux manuscrits dont je suis le gardien.

L'auteur qui rassembla dans un unique ouvrage

L'ensemble de ces vers se nomme Méléagre.

Voici pour Dioclès le plus durable hommage :

Ces quelques fleurs tressées formant une couronne ;

Et moi toute enroulée, je partage ce trône

Au moment où s'achève un savoir qui fleuronne.

1. La coronis est un signe critique en usage pour marquer la fin d'un chapitre.


XII, 258

Straton, Conclusion

ll se peut que dans le futur,

On prenne pour argent comptant

Ces amoureuses aventures.

Or c'est pour mes aimés que j'ai fait ces poèmes.

Et pour cela, un dieu charmant

M'a confié un art suprême.


Trad. 1 -100 - 101-200

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