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Ovide : Introduction - Fastes - Métamorphoses - Art d'aimer - Hypertexte louvaniste - Corpora

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Notice générale sur Ovide

 

 Extrait de : Ovide, Oeuvres complètes avec la traduction en français. Collection des Auteurs latins publiés sous la direction de M. Nisard, Paris, Dubochet, 1843, pp. VII-XV

 

Plan

Les débuts
Les causes de l'exil
Les Héroïdes
Le séjour en exil
Les Amours
Les Tristes et les Pontiques. L'Ibis
La tragédie
Les Fastes et les Métamorphoses
L'Art d'aimer
Des oeuvres perdues
Le Remède d'amour et le de Medicamine faciei
La mort et les tombeaux
La sentence d'exil et le départ
La réception

 

Les débuts

Ovide (Publius Ovidius Naso), naquit à Sulmone, dans l'Abruzze citérieure, le 13 des calendes d'avril, ou le 20 mars de l'an 711 de Rome, 43 ans avant l'ère chrétienne. Le surnom de Naso qu'il hérita de sa famille avait, dit-on, été donné à un de ses aïeux, à cause de la proéminence de son nez, comme celui de Cicero, illustré par le grand orateur de ce nom, lui était venu de l'un de ses pères, remarquable aussi par une petite excroissance placée à l'extrémité du nez, et ressemblant à un pois chiche. Ovide fut élevé à Rome et y fréquenta les écoles des maîtres les plus célèbres, avec son frère Lucius, plus âgé que lui d'une année, et qui mourut à vingt ans. Un penchant irrésistible entraînait Ovide vers la poésie ; il consentit toutefois à étudier pour le barreau, pour obéir à l'expresse volonté de son père, qui appelait les vers une occupation stérile et Homère un indigent. Il promit de renoncer à la poésie, qui était déjà comme sa langue naturelle, et de n'écrire désormais qu'en prose ; il l'essaya : « Mais les mots, nous dit-il, venaient d'eux-mêmes se plier à la mesure et faisaient des vers de tout ce que j'écrivais. » Une si impérieuse vocation, au lieu de désarmer son père, ne fit que l'irriter davantage ; et l'on prétend qu'il ne s'en tint pas toujours aux remontrances ; mais, poète en dépit de lui-même, Ovide, tandis qu'on le châtiait, demandait grâce dans la langue des muses, et c'était en vers qu'il s'engageait à n'en plus faire.

Presque tous les biographes d'Ovide s'accordent à lui donner pour maîtres, dans l'art de l'éloquence, Plotius Grippus, le plus habile grammairien de l'époque, au jugement de Quintilien, Arellius Fuscus, rhéteur à la diction élégante et fleurie, et Portius Latro, dont notre poète mit plus tard en vers la plupart des sentences. Sénèque le rhéteur nous apprend qu'il composa, dans sa jeunesse, des déclamations qui eurent un grand succès ; il se rappelle surtout lui avoir entendu déclamer « la controverse sur le serment du mari et de la femme, » sujet souvent proposé dans les écoles, et qu'Ovide pouvait traiter avec une sorte d'autorité, ayant déjà épousé ou plutôt répudié deux femmes. Il alla ensuite se perfectionner à Athènes dans l'étude des belles-lettres et de la philosophie, et visita avec le poète Macer, son parent, les principales villes de la Sicile, de la Grèce et de l'Asie Mineure.

Une biographie, qui se voit en tête d'un ancien manuscrit de ses oeuvres, le fait servir en Asie sous Varron ; mais cette assertion est contredite par plusieurs passages de ses poésies, où il parle et se vante presque de son inexpérience militaire. C'est du moins comme poète qu'il signala son entrée dans le monde. Il nous dit lui-même que lorsqu'on coupa sa première barbe, cérémonie importante chez les Romains, il lut des vers au peuple assemblé, peut-être un épisode de son poème sur la guerre des géants, une des productions, aujourd'hui perdues, de sa jeunesse.

Un passage de Sénèque le rhéteur ferait croire qu'ayant surmonté son dégoût pour l'étude aride des lois romaines, Ovide était entré dans la carrière du barreau et qu'il plaida plusieurs causes avec succès. Ce qui est certain c'est que les premières charges dont il fut revêtu appartenaient à la magistrature, où il exerça successivement les fonctions d'arbitre, de juge et de triumvir. Élu ensuite membre du tribunal suprême des centumvirs, il le devint bientôt du décemvirat, dignité qui fut la dernière qu'on lui conféra. L'auteur de l'Art d'aimer, s'il faut s'en rapporter à son propre témoignage, déploya dans l'exercice de ces charges des vertus et des talents qui le firent distinguer des Romains. Il se montra même si pénétré de l'importance de ses devoirs publics, qu'il refusa, dans la seule crainte de ne la pouvoir soutenir avec assez d'éclat, la dignité de sénateur, déjà bien déchue cependant, et à laquelle l'appelaient à la fois sa naissance et ses services. « J'étais d'ailleurs sans ambition, nous dit-il, et je n'écoutai que la voix des Muses, qui me conseillaient les doux loisirs. » Il l'écouta si bien que le charme des doux loisirs faillit l'enlever même au culte des Muses ; mais l'amour l'y rendit. « Mes jours, dit-il, s'écoulaient dans la paresse ; le lit et l'oisiveté avaient déjà énervé mon âme, lorsque le désir de plaire à une jeune beauté vint mettre un terme à ma honteuse apathie ».

Dès qu'Ovide eut pris rang parmi les poètes, et qu'il se crut des titres à l'amitié des plus célèbres d'entre eux, il la brigua comme la plus haute faveur, « les vénérant », selon ses expressions, « à l'égal des dieux, les aimant à l'égal de lui-même. » Mais il était destiné à leur survivre et à les pleurer. Il ne fit, pour ainsi dire, qu'entrevoir Virgile (Virgilium vidi tantum) ; Horace ne put applaudir qu'aux débuts de sa muse ; il ne fut pas donné à Properce et à Gallus, les premiers membres, avec Tibulle, d'une petite société littéraire formée par Ovide, et les premiers confidents de ses vers, de voir sa gloire et ses malheurs. Liés par la conformité de leurs goûts et de leurs talents, aussi bien que par le singulier rapprochement de leur âge (ils étaient nés tous deux la même année et le même jour), Ovide et Tibulle devinrent inséparables ; et quand la mort du dernier vint briser une union si tendre, Ovide composa devant le bûcher de son ami une de ses plus touchantes élégies.

Ses parents et ses amis, presque tous courtisans d'Auguste, le désignèrent bientôt à sa faveur, et le premier témoignage de distinction publique que le poète reçut du prince fut le don d'un beau cheval, le jour d'une des revues quinquennales des chevaliers romains. Issu d'aïeux qui l'avaient tous été, il s'était lui-même trouvé dans les rangs des chevaliers, dans deux circonstances solennelles, c'est-à-dire quand cet ordre salua Octave du nom d'Auguste, et, plus tard, de celui de Père de la patrie.

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Les Héroïdes

Ovide s'essaya d'abord dans plusieurs genres. Il avait commencé une épopée sur la guerre des géants ; mais Virgile venait de s'emparer du sceptre de l'épopée, et Ovide abandonna la sienne. Il composa ses Héroïdes, genre, il est vrai, tout nouveau, mais non pas « inconnu avant lui, » comme il l'a prétendu, car Properce en avait donné les premiers modèles dans deux de ses plus belles élégies. Il est vrai que Properce, ainsi attaqué dans sa gloire par Ovide, avait lui-même, en se disant « l'inventeur de l'élégie romaine, » attaqué celle de Catulle, qui l'avait précédé dans cette carrière. Plus tard, Ovide voudra s'illustrer dans la poésie dramatique, et, s'écriera dans un élan de vanité poétique : « Que la tragédie romaine me doive tout son éclat! » Au reste il nous a mis lui-même dans le secret de ses premières irrésolutions ; une élégie de ses Amours le montre hésitant entre les muses de la Tragédie et de l'Élégie, qui se le disputent avec une chaleur proportionnée au prix de la victoire. Cette dernière l'emporte enfin ; mais la tragédie le réclamera un jour. Pour le moment, Ovide se livre donc à la poésie élégiaque, et, quoiqu'il ait pris soin de déclarer lui-même qu'elle ne lui doit pas moins que la poésie épique à Virgile, sa place est après Properce et Tibulle. Ce rang lui est assigné par Quintilien, par tous les critiques, par la voix de tous les siècles ; ce qui vaut bien l'opinion du seul Vossius, à qui il plaît d'appeler Ovide le prince de l'élégie, elegiae princeps. Ovide a commencé la décadence chez les Latins, et si, dans ses Amours par exemple, on admire une rare facilité, une foule d'idées ingénieuses et une inépuisable variété d'expressions, le goût y relève aussi des tours forcés, la profusion des ornements, de froids jeux de mots et l'abus de l'esprit, si opposé au simple langage du coeur.

Dans les Héroïdes, mêmes qualités, mêmes défauts : Ovide ne pouvait d'ailleurs échapper à la monotonie résultant d'un fond toujours le même, les regrets d'un amour malheureux, les reproches d'amantes abandonnées. Oenone ne pouvait se plaindre à Pâris autrement que Déjanire à Hercule, qu'Ariane à Thésée, etc., quoique le poète ait déployé, dans l'expression de cet amour, un art infini, et l'ait quelquefois variée avec bonheur par l'emploi des plus riches fictions de la fable. Mais de là même, il naît souvent un autre défaut, l'abus d'une érudition intempestive qui refroidit le sentiment. Les Héroïdes n'offrent pas d'aussi nombreuses traces d'affectation que les Amours, mais le style en est moins pur et moins élégant, et le langage parfois trop familier qu'il prête à ses personnages sied mal à leur dignité. Il semble qu'Ovide, avec une intention d'ironie qui rappelle celle du chantre de la Pucelle, ait voulu réduire à la mesure commune des petites passions l'amour des héroïnes de l'antiquité, dont les malheurs nous apparaissent si grands à travers le voile des temps fabuleux. Par la peinture des amours des héros, il préludait, comme on l'a remarqué, à l'histoire des faiblesses des dieux, et les Héroïdes sont un essai des Métamorphoses.

Si Ovide ne créa pas ce genre, il le mit du moins à la mode ; et Aulus Sabinus, un de ses amis, répondit, au nom des héros infidèles, aux épîtres des héroïnes délaissées ; mais il laissa à ces dernières, sans doute par un raffinement de galanterie, tous les avantages de l'esprit qu'Ovide leur avait donné.

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Les Amours

Après avoir chanté les amours des héros, Ovide chanta les siennes, qui lui avaient acquis une singulière célébrité. Il n'était bruit dans Rome que de ses exploits amoureux ; ils faisaient l'entretien des riches dans leurs festins, du peuple, dans les carrefours, et partout on se le montrait quand il venait à passer. Attirées plutôt qu'éloignées par cette réputation, toutes les belles sollicitaient son hommage, se disputaient le renom que donnaient son amour et ses vers ; et il se vante d'avoir, en les faisant connaître, doté d'une foule d'adorateurs leurs charmes jusqu'alors ignorés. Il avoue d'ailleurs ingénument qu'il n'est point en lui de ne pas aimer toutes les femmes, même à la fois, et les raisons qu'il en donne, quoique peu édifiantes, font de cette confession une de ses plus charmantes élégies. Le mal était surtout que ses maîtresses avaient quelquefois des rivales jusque parmi leurs suivantes. Corinne l'accusa un jour d'une intrigue avec Cypassis sa coiffeuse ; Ovide, indigné d'un tel soupçon, se répand en plaintes pathétiques, prend tous les dieux à témoin de son innocence, renouvelle les protestations d'un amour sans partage et d'une fidélité sans bornes. Corinne dut être entièrement rassurée. Mais l'épître suivante (et ce rapprochement est déjà très piquant) est adressée à cette Cypassis ; il la gronde doucement d'avoir, par quelque indiscrétion, livré le secret de leur amour aux regards jaloux de sa maîtresse, d'avoir peut-être rougi devant elle comme un enfant ; il lui enseigne à mentir désormais avec le même sang-froid que lui, et finit par lui demander un rendez-vous.

Le recueil de ses élégies fut d'abord publié en cinq livres, qu'il réduisit ensuite à trois, « ayant corrigé », dit-il, « en les brûlant, » celles qu'il jugea indignes des regards de la postérité. À l'exemple de Gallus, de Properce et de Tibulle qui avaient chanté leurs belles sous les noms empruntés de Lycoris, de Cynthie et de Némésis, Ovide célébra sous celui de Corinne la maîtresse qu'il aima le plus. Tel est du moins le nom que plusieurs manuscrits ont donné pour titre aux livres des Amours. Mais quelle était cette Corinne ? Cette question, qui n'est un peu importante que si on la rattache à la cause de l'exil d'Ovide, a longtemps exercé, sans la satisfaire, la patiente curiosité des siècles ; et comment eût-on pénétré un secret si bien caché même au siècle d'Ovide, que ses amis lui en demandaient la révélation comme une faveur, et que plus d'une femme, profitant, pour se faire valoir, de la discrétion de l'amant de Corinne, usurpa le nom, devenu célèbre, de cette maîtresse mystérieuse, et se donna publiquement pour l'héroïne des chants du poète ? Du soin même qu'il a mis à taire le nom de la véritable, on a induit qu'elle appartenait à la famille des Césars. On a nommé Livie, femme de l'empereur ; mais la maîtresse eût été bien vieille et l'amant bien jeune : on a nommé Julie, fille de Tibère ; mais alors, au contraire, la maîtresse eût été bien jeune et l'amant bien vieux ; ce que ne permettent de supposer ni la date ni aucun passage des Amours. On a nommé Julie, fille d'Auguste, et cette opinion, consacrée par l'autorité d'une tradition dont Sidoine Apollinaire s'est fait l'écho, n'est pas aussi dépourvue de toute vraisemblance, quoiqu'on ne l'ait appuyée que sur de bien futiles raisons. Julie, veuve de Marcellus, avait épousé Marcus Agrippa ; or, dit-on, les élégies parlent du mari de Corinne, de ses suivantes, d'un eunuque. Ailleurs, il la compare à Sémiramis ; ailleurs encore, il lui cite, pour l'encourager à aimer en lui un simple chevalier romain, l'exemple de Calypso qui brûla d'amour pour un mortel, et celui de la nymphe Égérie, rendue sensible par le juste Numa. Corinne ayant, pour conserver sa beauté, détruit dans son sein le fruit de leur amour, Ovide indigné lui adresse ces mots, le triomphe et la joie du commentateur : « Si Vénus, avant de donner le jour à Énée, eût attenté à sa vie, la terre n'eût point vu les Césars! » Enfin, s'écrie-t-on victorieusement, le tableau qu'Ovide a tracé, dans une des dernières élégies de ses Amours, des moeurs dissolues de sa maîtresse n'est que celui des prostitutions de cette Julie, qu'accompagnaient en public des troupes d'amants éhontés, qui affichait jusque dans le Forum, dit Sénèque, le scandaleux spectacle de ses orgies nocturnes, et que ses débordements firent exiler par Auguste lui-même dans l'île déserte où elle mourut de faim. Mais toutes ces phrases d'Ovide à sa Corinne peuvent n'être que des hyperboles poétiques, assez ordinaires aux amants, et applicables à d'autres femmes que Julie, et n'avoir point le sens caché qu'on a cru y découvrir. Il en est qui ont pensé mettre fin à toutes les conjectures en disant qu'Ovide n'avait, en réalité, chanté aucune femme, et que ses amours, comme celles de Tibulle et de Properce, n'existèrent jamais que dans son imagination et dans celle des commentateurs ; ce qui n'est qu'une manière expéditive de trancher une difficulté insoluble.

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La tragédie

Les plaisirs ne détournaient pas Ovide de sa passion pour la gloire : « Je cours », disait-il, « après une renommée éternelle, et je veux que mon nom soit connu de l'univers. » L'oeuvre qui nourrissait en lui cette immense espérance était une tragédie ; et le témoignage qu'il se rend à lui-même, en termes, il est vrai, peu modestes, d'avoir créé la tragédie romaine, peut avoir un grand fond de vérité, à en juger par les efforts plus louables qu'heureux des écrivains qui s'étaient déjà essayés dans ce genre, à l'exemple du prince, lequel, au rapport de Suétone, avait composé une tragédie d'Ajax, connue seulement par le trait d'esprit dont elle fut pour lui l'occasion quand il la détruisit.

La postérité ne peut prononcer sur le talent dont Ovide fit preuve dans cette nouvelle carrière, puisque sa Médée est aujourd'hui perdue. On a nié qu'il eût pu être un bon auteur dramatique, en ce qu'il est trop souvent, dans ses autres ouvrages, hors du sentiment et de la vérité. Un fait qu'on n'a pas remarqué donne à cette assertion quelque vraisemblance ; c'est que Lucain, peu de temps après, composa une tragédie sur le même sujet ; il ne l'aurait point osé, si celle d'Ovide eût été réputée un chef-d'oeuvre. Toutefois elle jouit longtemps d'une grande renommée : « Médée », dit Quintilien, « me paraît montrer de quoi Ovide eût été capable, s'il eût maîtrisé son génie au lieu de s'y abandonner ; » et l'auteur, inconnu mais fameux, du Dialogue sur les orateurs, met cette pièce au-dessus de celles de Messala et de Pollion, qu'on a surnommé le Sophocle romain, et à côté du Thyeste de Varius, le chef-d'oeuvre de la scène latine.

Deux vers, voilà ce qui reste de la Médée d'Ovide, parce qu'on les trouve cités, l'un, dans Quintilien : Servare potui, perdere an possim rogas ?, l'autre, dans Sénèque le rhéteur : Feror huc illuc, ut plena deo.

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L'Art d'aimer

Ovide, après avoir chanté l'amour, voulut en donner des leçons, fruit d'une heureuse expérience, et composer, pour ainsi dire, le code de la tendresse ou plutôt de la galanterie : il écrivit l'Art d'aimer. On l'a souvent accusé d'avoir, par cet ouvrage, ajouté à la dépravation des moeurs romaines ; mais rien n'y approche de la licence obscène de plusieurs pièces de Catulle et de quelques odes d'Horace. Eût-il osé, s'il se fût cru lui-même aussi coupable, s'écrier devant ses contemporains : « Jeunes beautés, prêtez l'oreille à mes leçons, les lois de la pudeur vous le permettent : je chanterai les ruses d'un amour exempt de crime, et mes vers n'offriront rien que l'on puisse condamner! » Si ces mots ne sont pas une secrète ironie ou un piège adroit tendu à l'innocence curieuse des jeunes filles, ils montrent en lui, ainsi qu'on l'a remarqué, une singulière illusion.

Martial lui-même, il est vrai, dit aussi de ses vers que les jeunes filles pourront les lire sans danger ; mais ces exemples semblent au moins prouver que beaucoup d'expressions dont l'impureté nous blesse n'avaient pas chez les anciens ce caractère et cette portée. Le véritable tort d'Ovide est d'avoir enseigné non pas l'amour, mais à s'en faire un jeu, à en placer le plaisir dans l'inconstance et la gloire dans l'art de tromper sans cesse. Il fut au reste, et c'était justice, la première victime de sa science pernicieuse ; car sa meilleure élève fut sa maîtresse elle-même, laquelle, un jour, le trahit même en sa présence, et tandis qu'il feignait de dormir après un joyeux souper.

L'Art d'aimer obtint un grand succès à Rome ; on ne se contenta pas de le lire, on le mit en ballet, et il fut pendant longtemps le sujet de représentations mimiques, où l'on en déclamait des passages toujours applaudis. Ovide continua de jouir de la faveur d'Auguste, bien qu'il se bornât à le flatter dans ses vers et fréquentât peu le palais des Césars ; car, malgré la licence de ses écrits, ses goûts étaient restés simples et ses moeurs devenues presque austères. Il se plaisait à cultiver lui-même la terre de ses jardins, à greffer ses arbres, à arroser ses fleurs. Il n'aimait point le jeu. À table, il mangeait peu et ne buvait guère que de l'eau, et il est presque le seul des anciens qui, à l'occasion de l'amour, n'en ait pas, comme on l'a dit, chanté le plus déplorable égarement. Il ne connut point l'envie ; aussi (et il se plaît à le rappeler souvent) la satire respecta-t-elle et ses ouvrages et ses moeurs.

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Le Remède d'amour et le de Medicamine faciei

Après avoir donné des leçons de l'art d'aimer, Ovide, comme pour en expier le tort, et se faire pardonner un ouvrage « écrit dans la fougue des passions », voulut enseigner l'art contraire, celui de ne plus aimer, et il composa le Remède d'amour, « ouvrage de sa raison, » dit-il ; mais il oublia parfois son nouveau rôle, et le lecteur étonné retrouve dans ce poème les inspirations de la muse licencieuse qui avait souillé l'autre ; d'où l'on n'a pas manqué de dire que le remède était pire que le mal.

Plaire était toute une science aux yeux d'Ovide, il a voulu l'épuiser et en donner comme un traité complet. Une des parties de ce traité est un petit poème, en vers élégiaques, sur l'art de soigner son visage (de Medicamine faciei), où il donne la formule des diverses pommades qui enlèveront les taches du visage et les bourgeons de la peau, etc., où, après les secrets de la composition, il révèle ceux de la manipulation, et indique, avec une exactitude rigoureuse, la dose de chaque ingrédient.

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La sentence d'exil et le départ

Ovide, après ces ouvrages frivoles, en composa de plus graves, et commença les Métamorphoses et les Fastes, ses véritables titres. Il avait perdu son père et sa mère, morts tous deux dans un âge avancé. Sa famille, après eux, se composait d'une femme adorée, issue du sang illustre des Fabius, et la troisième qu'il épousa ; d'une fille nommée Pérille, dont il vante les succès dans la poésie lyrique, et qu'il avait mariée à Cornélius Fidus, dont Sénèque raconte qu'il eut un jour la faiblesse de pleurer en plein sénat, parce qu'un certain Corbulon l'y avait appelé « autruche pelée ». Seul héritier du bien de ses pères, Ovide possédait à Sulmone d'assez beaux domaines ; à Rome, une maison près du Capitole ; dans les faubourgs, de vastes jardins situés sur une colline, entre la voie Claudienne et la voie Flaminienne. La douceur de son commerce et l'agrément de son esprit lui avaient fait un grand nombre d'amis. La liste serait longue des personnages distingués qui faisaient sa société habituelle : il suffira de nommer Varron, le plus savant des Romains ; Hygin, le mythographe et le bibliothécaire du palais de l'empereur ; Celse, qu'on a nommé l'Hippocrate des Latins ; Carus, précepteur des jeunes Césars ; M. Cotta, consul à l'époque où parut l'Art d'aimer, Rufin, qui avait été questeur en Asie ; Suillius, ami de Germanicus ; Sextus Pompée ; Brutus, le fils, dit-on, du meurtrier de César, etc. Mais de tous ses amis, le plus ancien et le plus cher était Maxime, qui descendait des Fabius. Maxime avait épousé Marcia, parente à la fois de la femme d'Ovide et de l'empereur, dont il fut longtemps l'ami et le confident. Ovide, ainsi entouré des amis d'Auguste, paraissait à jamais assuré de la faveur du prince. Il était riche ; il n'avait point d'ennemis ; ses vers faisaient les délices de Rome ; il vivait enfin dans la possession de tous les biens dont il pouvait être avide, lorsqu'un coup terrible, imprévu, vint le frapper. Un ordre d'Auguste relégua sur les bords du Pont-Euxin, aux dernières frontières de l'empire, chez les Barbares, sur une terre inculte et perpétuellement glacée, ce poète, naguère son ami, et déjà âgé de cinquante-deux ans.

Ovide a tracé, dans la plus touchante de ses élégies, le tableau des moments qui précédèrent son départ : c'était la nuit du 19 novembre 765 de Rome ; sa maison retentissait des gémissements de ceux de ses amis restés fidèles à sa fortune ; sa fille était alors en Afrique avec son mari, qui y exerçait on ne sait quelle charge. Sa femme invoquait le ciel en sanglotant ; à genoux, les cheveux épars, elle se traînait aux pieds de ses dieux domestiques et baisait les foyers éteints. Ovide voulait se donner la mort ; sa femme, ses amis l'en détournèrent à force de prières et de larmes, et Celse, le pressant sur son coeur, lui fit espérer des temps plus heureux. Le poète, maudissant son génie, brûla avec plusieurs de ses ouvrages celui des Métamorphoses, qui n'était pas encore terminé, mais dont heureusement il s'était déjà répandu plusieurs copies dans Rome. Enfin le jour commençait à paraître ; un des gardes d'Auguste, chargé de l'accompagner, hâte le départ : sa femme veut le suivre dans son exil ; mais il la presse de rester à Rome pour tâcher de fléchir Auguste : elle cède, se jette éplorée dans ses bras, l'étreint une dernière fois et tombe bientôt évanouie, car déjà on avait emmené Ovide.

Ce n'était ni un arrêt du sénat ni la sentence d'un tribunal qui avait condamné Ovide, mais un simple édit de l'empereur ; il n'était ni exilé ni exporté, mais relégué à l'extrémité de l'empire, et cette dernière peine laissait à ceux qui la subissaient leur titre de citoyen et la jouissance de leurs biens. Toutefois un de ses amis, dans la crainte que l'empereur, achevant de violer les lois, ne dépouillât le condamné, lui fit l'offre généreuse de la moitié de sa fortune.

Le proscription dont le poète fut l'objet s'étendit jusque sur ses ouvrages, qu'on enleva des trois bibliothèques publiques de Rome. Maxime, absent à l'époque de son départ, le rejoignit à Brindes et lui fit ses derniers adieux.

Ovide nous a laissé l'itinéraire de son voyage, qui ne fut pas sans périls. Le vaisseau qui le portait flotta longtemps sur l'Adriatique, battu par d'horribles tempêtes. Le poète mit pied à terre dans la Grèce, traversa l'isthme de Corinthe, et monta sur un second vaisseau au port de Cenchrée, dans le golfe Saronique. Il fit voile sur l'Hellespont et passa à pied par le pays des Bistoniens, peuple féroce de la Thrace, dont il éprouva la cruauté. Sur un troisième vaisseau, il traversa la Propontide et le Bosphore de Thrace ; et, après une longue navigation, il parvint, sur la rive gauche du Pont-Euxin, au lieu de son exil, à la ville de Tomes, située vers les bouches du Danube, et sans cesse attaquée par les Daces, les Gètes, les Jazyges et les autres peuples armés contre la domination romaine, qui s'arrêtait là.

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Les causes de l'exil

Il nous faut maintenant dire quelques mots du problème proposé depuis des siècles à la sagacité des savants de tous les pays, c'est-à-dire de la véritable cause de l'exil d'Ovide. On ferait de gros volumes de toutes les conjectures hasardées sur cette question, qui, seule, a été le sujet de livres entiers ; et l'on peut aujourd'hui élever jusqu'à douze le nombre des systèmes qu'a fait imaginer l'examen de ce point curieux d'histoire littéraire.

Ovide attribue son exil à deux causes, à la publication de l'Art d'aimer, qui n'en fut certainement que le prétexte, et à une erreur, à une faute qu'il a commise, mais sur laquelle il a partout gardé le silence : Perdiderint quum me duo crimina, carmen et error ; Alterius facti culpa silenda mihi est. Et cette faute dut être surtout celle de ses yeux : Cur aliquid vidi ? cur noxia lumina feci ? Enfin ses amis et sa maison la partagèrent avec lui : Quid referam comitumque nefas famulosque nocentes ? Telles sont les discrètes révélations qui ont en partie servi de texte à toutes les conjectures des érudits. Le champ était vaste, et ils ont largement usé du droit que semblait leur donner le vague même de la question d'en faire sortir les explications les plus bizarres. Quelques-uns, au contraire, ont voulu, malgré Ovide lui-même, qui assigne deux causes à son exil, n'en admettre qu'une, l'Art d'aimer ; et ils ont représenté ce poète comme une des victimes de la réaction morale qui eut lieu sous Auguste, quand ce prince, qu'on a comparé à Louis XIV, entreprit, après avoir scandalisé le monde, de lui donner, dans sa vieillesse, l'exemple d'une grande sévérité pour ce qui touchait les moeurs ; sévérité tardive, qu'attestent l'exil de Julie et plusieurs passages des écrivains de ce siècle. L'Art d'aimer, ouvrage innocent pendant dix ans, devint donc tout à coup une oeuvre criminelle aux yeux du prince qui avait naguère protégé les poètes les plus licencieux, et composé lui-même des vers que l'auteur de l'Art d'aimer eût, comme on l'a dit, rougi d'insérer dans ses chants. D'autres veulent qu'il ait été exilé pour avoir lu à Julie les derniers vers de ce poème ; mais Ovide parle d'une erreur, d'un crime de ses yeux. Il fut donc, a-t-on affirmé, le témoin des débauches impériales, et il aurait surpris le secret des adultères ou des incestes d'Auguste ; mais Ovide, qui rappelle si souvent sa faute, n'eût-il pas craint, si elle avait eu quelque chose d'offensant pour l'honneur d'Auguste, d'irriter, par ce souvenir, plutôt que de désarmer sa colère ? Ovide, suivant d'autres, fut non seulement le témoin, mais le complice des débauches de la famille impériale, soit avec Livie, que son âge eût dû mettre à l'abri de ce soupçon, et pour laquelle on a aussi prétendu qu'il avait composé l'Art d'aimer, soit avec Julie, fille d'Auguste, qui était cependant reléguée depuis dix années dans l'île Pandataire quand Ovide le fut à Tomes ; soit enfin avec la Julie petite-fille de l'empereur, laquelle n'était pas née lorsque le poète écrivait les Amours. À ces opinions l'on peut objecter encore qu'Ovide n'eût pas ajouté à sa faute celle de rappeler sans cesse à Auguste son déshonneur dans celui de sa femme, de sa fille ou de sa petite-fille. D'ailleurs, être le complice de l'une ou de l'autre, ce n'était pas voir, mais commettre une faute ; ce n'était pas simplement une erreur, mais un crime. Le poète, en comparant quelque part son erreur à celle d'Actéon, a semblé, aux yeux de quelques-uns, vouloir en indiquer la nature ; il ne s'agissait plus que de nommer la pudique divinité qu'avait pu blesser l'indiscrétion d'Ovide, et l'on n'a rien imaginé de mieux que de le montrer contemplant au bain, d'un oeil furtif, les charmes sexagénaires de Livie. Enfin, il aurait surpris la seconde Julie avec un de ses amants, et aurait livré à ses serviteurs et à ses amis ce secret, qui, grâce à eux, serait bientôt devenu celui de Rome : Quid referam comitumque nefas famulosque nocentes ? Chacun a cherché le mot de cette énigme ; qui l'a trouvé ? De nos jours, cependant, un traducteur d'Ovide a donné, de la disgrâce du poète, une explication ingénieuse, plus neuve, sinon plus solide, que toutes ces conjectures, et consacrée depuis par l'assentiment des critiques. Cette disgrâce eut, suivant lui, une cause toute politique : maître d'un secret d'état, Ovide paya de l'exil la dangereuse initiation aux affaires de l'empire. Puissant dans l'univers, Auguste, dominé par Livie, était dans son palais faible et malheureux. L'empire, après lui, appartenait à Agrippa son petit-fils ; mais Livie voulait le donner à Tibère, qu'elle avait eu de son premier époux ; elle rendit Agrippa suspect à l'empereur, et le fit bannir. C'est vers la même époque que fut exilée Julie, soeur d'Agrippa, et qu'Ovide fut relégué à Tomes, et cette proscription commune et simultanée peut être attribuée à la même cause ; ou bien le poète avait cherché à réveiller en faveur d'Agrippa la tendresse d'Auguste, que Tibère effrayait déjà ; ou bien le hasard l'avait rendu témoin de quelque scène honteuse entre Auguste,Tibère et Livie, et il dut expier par l'exil ses voeux pour Agrippa ou le crime de ses yeux. On sait en effet, Tacite et Plutarque l'attestent, qu'Auguste songea un moment à rappeler son petit-fils. Accompagné du seul Maxime, son confident et l'ami le plus cher d'Ovide, il visita dans l'île de Planasie l'infortuné Agrippa. Là il pleura, dit-on, avec lui et lui fit peut-être espérer l'empire. Maxime eut l'imprudence de confier ce secret important à Marcia, sa femme, et celle-ci de le révéler à Livie. Maxime se tua pour échapper à Tibère, et Ovide s'accusa toujours de la mort de son ami.

Cependant Auguste allait pardonner à Ovide, Coeperat Augustus deceptae ignoscere culpae, quand il mourut subitement à Nôle. Tibère lui succède ; Agrippa tombe sous le glaive d'un centurion ; sa mère et sa soeur périssent dans l'exil : celui d'Ovide ne pouvait plus avoir d'autre terme que la mort. Ses plus implacables ennemis n'étaient-ils pas Tibère et Livie, qui, après l'avoir fait reléguer à Tomes par Auguste, devaient vouloir qu'il y mourût ?

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Le séjour en exil. Les Tristes et les Pontiques. L'Ibis

On peut se figurer le désespoir d'Ovide lorsqu'il se vit enfin dans cette ville. Il n'entendait pas la langue de ce peuple sauvage, et, pour ne pas désapprendre la sienne, il en répétait tout bas les mots qu'il craignait le plus d'oublier. Des hommes à la voix rude, au regard féroce, aux habitudes sanguinaires, tels étaient désormais les concitoyens du poète galant de la Rome impériale. Sans cesse menacés, attaqués sans cesse par les hordes voisines, les Tomitains vivaient armés, ne quittaient jamais leurs traits empoisonnés du fiel des vipères. Les toits des maisons étaient hérissés de flèches lancées par les Barbares ; souvent les sentinelles jetaient le cri d'alarme, car des escadrons d'ennemis avaient paru dans la plaine, cherchant à surprendre et à piller la ville ; les habitants couraient tous aux remparts, et il fallut plus d'une fois qu'Ovide couvrît d'un casque sa tête blanchissante, et armât d'un glaive pesant son bras affaibli.

Le climat était digne des habitants ; le poète latin en fit des descriptions si affreuses que les Tomitains, blessés de ces invectives, l'en reprirent durement, et qu'Ovide fut obligé de leur faire des excuses et d'attester qu'il n'avait point voulu médire d'eux. Il ne voyait en effet que des campagnes sans verdure, des printemps sans fleurs, des neiges et des glaces éternelles. Les Sarmates conduisaient sur le Danube et sur le Pont-Euxin des chariots attelés de boeufs. Les longs cheveux et la barbe qui cachaient leur visage retentissaient du cliquetis des glaçons. Le vin, endurci par le froid, ne se versait pas, mais se coupait avec le fer.

Telle était la terre d'exil du poète qui venait de quitter le palais des Césars et les délices de Rome. Les muses furent sa seule consolation. Déjà il avait envoyé à Rome le premier livre des Tristes, composé pendant son voyage, et, à peine arrivé dans le Pont, il écrivit pour Auguste le second livre, où il demande un lieu d'exil plus rapproché et dans un climat plus doux. Sa muse attristée soupira encore quelques plaintives élégies, destinées à ceux de ses amis qui étaient restés fidèles à sa fortune, qui avaient chez eux son portrait qu'une main pieuse avait couronné du lierre des poètes, et qui, à leur doigt, portaient gravée sur des pierres précieuses la tête du proscrit. Toutefois, de peur de les compromettre, il s'abstint, les premières années, de les nommer dans ses vers : il ne l'osa que plus tard, dans les longues épîtres dont se compose le recueil intitulé les Pontiques.

Mais le poète a perdu l'inspiration de ses jeunes années, et ses malheurs, il nous le dit lui-même, ont éteint son génie. La pureté de sa langue s'est même quelque peu altérée sur cette terre lointaine, et il faut presque lui donner raison quand il se plaint, en plaisantant, d'être devenu Sarmate jusque dans son style. Malheureux, il a, comme aux jours des plaisirs, couru après l'esprit pour nous exprimer les sentiments de son âme, et il n'a souvent rencontré que le mauvais goût. Rarement il a su varier, au moins par l'expression, le sujet, toujours le même, de ses plaintes fastidieuses, et ses vers ne sont plus, si l'on peut parler ainsi, que la monotone et pâle modulation d'une douleur qu'on dirait factice. De Rome, il lui venait encore des chagrins, au lieu de consolations ; il apprenait qu'on s'y répandait en déclamations contre lui, qu'on y appelait sa femme du nom injurieux de « femme d'exilé », et qu'un de ses plus anciens amis (on croit que c'est Hygin) osait demander à Auguste la confiscation de ses biens. Ce dernier coup lui fut le plus sensible ; il s'arme alors du fouet de la satire ; mais, généreux jusque dans sa colère, il frappe, sans le nommer, cet ami perfide, et ne le voue à l'exécration de la postérité que sous le nom d'Ibis. Callimaque, outragé par Apollonios de Rhodes, l'avait, dans une satire violente, immolé à sa vengeance sous le nom du même oiseau, dont l'on ne saurait préciser l'analogie avec les ennemis de ces deux poètes, à moins de penser que, comme cet oiseau, selon la croyance des anciens, faisait sa nourriture habituelle des serpents et de tous les reptiles, il devait renfermer en lui tout leur venin. Dans ce poème de plus de six cents vers, Ovide énumère tous les supplices célèbres dans l'histoire et dans la fable, pour les souhaiter à son ennemi. On les a comptés ; il en cite 239, qu'un professeur de belles-lettres de l'université de Paris, dans le seizième siècle, imagina de distribuer en quarante-deux espèces, dans un ouvrage divisé en autant de chapitres.

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Les Fastes et Les Métamorphoses

Ovide, dans son exil, travailla au poème des Fastes, commencé avant sa disgrâce. Cet ouvrage, qui devait avoir douze livres, n'en a que six : l'auteur n'a-t-il jamais écrit les six derniers, ou bien sont-ils perdus ? Ces deux opinions ont été soutenues, et, ce qui peut étonner, chacune a invoqué pour elle l'autorité du même vers des Tristes, le seul qui fasse mention des Fastes. Heinsius conjecture que les derniers livres, s'ils furent composés, étaient déjà perdus au commencement du quatrième siècle, parce que Lactance, dans ses Institutions divines, n'a tiré que des six premiers livres les citations qu'il emprunte à ce poème. Les Fastes, malgré cette lacune, sont les annales les plus pleines de l'antiquité, dont l'auteur nous fait connaître, dans sa poésie riche et brillante, les cérémonies religieuses, les institutions, les fêtes, les traditions sacrées, les croyances populaires. « Ovide, » a-t-on dit, possède la science de l'aruspice et du grand prêtre, et c'est avec raison qu'un écrivain du moyen âge appelle les Fastes un martyrologe (martyrologium Ovidii de Fastis) ; c'est en effet comme le Livre des Saints de l'antiquité, et pour ainsi dire sa légende. » Quelques modernes ont pensé que c'est le plus parfait des ouvrages d'Ovide.

Mais l'opinion proclame comme son chef-d'œuvre le poème des Métamorphoses, auquel l'auteur lui-même, dans les vers plus vrais que modestes qui le terminent, a promis une glorieuse immortalité. Sa disgrâce subite ne lui avait pas permis d'y mettre la dernière main, et il le retoucha, ainsi que les Fastes, dans les longs loisirs de son exil. Où ne se trouve pas l'éloge, maintenant épuisé, de ce poème, la Bible des poètes, comme on l'appelait dans le quinzième siècle ? Les uns en ont admiré le plan, aussi vaste que bien rempli, dans lequel se déroule à nos yeux l'histoire la plus complète et la plus attachante des croyances et des divinisations philosophiques de l'antiquité païenne ; les autres, l'unité, si difficile à maintenir au milieu de l'inconcevable variété d'événements, de personnages et d'idées qui s'y pressent, l'ordre et l'harmonie qui y règnent, dans ce désordre apparent, et avec cette liberté d'une imagination inquiète et mobile ; la solidité de cette trame si longue, où se tiennent, sans se confondre, les fils déliés qui la composent ; ceux-ci, l'érudition prodigieuse qu'atteste un tel ouvrage, et ils ont cité, faisant grâce du nom des autres, jusqu'à quarante-huit auteurs comme étant les sources principales auxquelles a puisé Ovide ; ceux-là enfin, les grâces infinies de la diction, la richesse du style et l'inépuisable variété d'expressions, si nécessaire dans un poème de douze mille vers. Tous ces mérites ont fait justement l'admiration des critiques, et feront à jamais celle des siècles futurs.

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Des oeuvres perdues

C'est revenir de loin que de parler, après les Métamorphoses, d'un poème généralement attribué à Ovide, sur la pêche ou les ruses des poissons, (Halieuticon) ouvrage loué par Pline, et dont il ne reste que des fragments que les copistes et les commentateurs ont cependant trouvé le moyen de défigurer. Il faut encore lui restituer, outre une élégie sur le noyer (de Nuce), la Consolation à Livie sur la mort de Drusus Néron, son fils, pièce de vers écrite dix-huit ans avant son exil, et qu'on lui a contestée pour en faire honneur à Pedo Albinovanus, son contemporain et son ami. Mais c'est à tort que plusieurs savants ont attribué à la plume élégante d'Ovide des oeuvres tout à fait indignes d'elle : le Panégyrique en vers adressé à Calpurnius Pison, et qu'on a d'un autre côté réclamé, soit pour Lucain, soit pour Bassus ; des vers sur un songe, sur l'aurore, sur la voix des oiseaux, sur les quatre humeurs, sur le jeu d'échecs, sur la puce, sur le limaçon, sur le coucou ; enfin les arguments des livres de l'Énéide, comme on a longtemps mis sous le nom de Florus les sommaires de la grande histoire de Tite-Live. On a surtout insisté pour un poème en trois chants sur une petite vieille (de Vetula), et l'on a tenté de le faire passer pour l'oeuvre d'Ovide, à l'aide d'un agréable petit conte de commentateur, artistement imaginé. Ovide, selon l'auteur de cette ingénieuse histoire, désespérant de voir finir son exil, composa ce poème et ordonna qu'on l'enfermât avec lui dans sa tombe. Longtemps après, on le trouva dans un cimetière public qui faisait partie des faubourgs de la ville de Dioscuras. Porté solennellement à Constantinople par un ordre exprès du roi de Colchide, il fut publié depuis par Léon, protonotaire du sacré palais, lequel en fit la préface et peut-être aussi les trois chants.

Le temps a considérablement réduit les oeuvres d'Ovide, que les savants ont à l'envi voulu grossir ; il nous a ravi une traduction des Phénomènes d'Aratus, dont Lactance a cité les trois derniers vers ; un assez grand nombre d'épigrammes, et un livre contre les mauvais poètes, mentionné par Quintilien. Mais nous devons surtout regretter la perte d'un poème sur les triomphes de Tibère, dont Ovide parle dans les Pontiques ; d'un autre sur la bataille d'Actium, enfin d'un ouvrage sur la science des augures, hommages de sa muse à Tibère, qu'ils ne devaient pas plus fléchir que ses basses adulations n'avaient fléchi Auguste. Car on doit dire qu'il ne montra dans l'exil aucune dignité : il n'envoyait rien à Rome où la louange la plus outrée ne fût prodiguée à Auguste, où ne fussent épuisés toutes les formes et tous les termes de la plus lâche flatterie ; il composa en langue gétique un long poème consacré à l'éloge de ce prince et aujourd'hui perdu ; il poussa enfin la démence, quand il apprit sa mort, jusqu'à lui consacrer une petite chapelle, où il allait tous les matins l'adorer sous le nom de dieu et de Jupiter, et, seul ministre de ce culte nouveau, offrir lui-même l'encens à « sa divinité. » Un des biographes d'Ovide a essayé de lui faire pardonner cette honteuse idolâtrie, en montrant que tous les poètes ses contemporains s'y associaient, et qu'elle était consacrée par les statues, les autels, les temples, que Rome et les provinces avaient érigés à Auguste, déifié de son vivant. En vain voudrait-on excuser Ovide ; il est et restera inexcusable. « Ces éloges », a dit Voltaire, « sont si outrés qu'ils exciteraient encore aujourd'hui l'indignation, s'il les eût donnés à des princes légitimes ses bienfaiteurs ; mais il les donnait à des tyrans, et à ses tyrans. On pardonne de louer un peu trop un prince qui vous caresse, mais non pas de traiter en dieu un prince qui vous persécute. »

Ovide, afin de retrouver, même à Tomes, un auditoire et des applaudissements, s'était mis à apprendre la langue de ces peuplades barbares, langue approchante de l'ancien slavon ; et ce poète, qui, selon la remarque de Voltaire, ne semblait pas destiné à faire des vers tartares, en lut de sa façon aux Tomitains assemblés, et correspondit dans cet idiome avec un petit roi d'une partie de la Thrace, aussi bon poète, au jugement d'Ovide, qu'habile capitaine. Transportés d'admiration, les Sarmates voulurent célébrer une fête publique en son honneur, et lui décernèrent la couronne de lierre consacrée aux poètes élégiaques. « Des décrets solennels, écrivait-il à Rome, me comblent d'éloges ; et des actes publics m'exemptent de tout impôt, privilège que m'ont accordé toutes les villes. » Un jour qu'il venait de lire, au milieu des applaudissements, son apothéose d'Auguste, un Barbare, se levant, s'écria : « Ce que tu as écrit de César aurait dû te rétablir dans l'empire de César. » Et cependant Ovide, en rapportant cette anecdote, la dernière que l'on connaisse de sa vie, écrivait : « Voilà le sixième hiver qui me voit relégué au milieu des glaces du pôle. »

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La mort et les tombeaux

L'air de ces climats, l'eau salée des marais, qui était son unique boisson, le chagrin, l'ennui, avaient détruit sa santé, et il était devenu d'une maigreur affreuse. Il mourut enfin à Tomes, à l'âge d'environ soixante ans, vers l'an 771 de Rome, dans la huitième année de son exil et la quatrième du règne de Tibère. Il avait, dans une lettre à sa femme, demandé que son corps fût transporté à Rome ; ce dernier voeu ne fut pas exaucé, et il fut, selon toute vraisemblance, enseveli à Tomes. Un commentateur dit qu'à cause de ses talents, et bien qu'il fût étranger et proscrit, on lui éleva, aux frais du public, un magnifique tombeau devant la porte de la ville. Le lieu où fut ce tombeau, qui n'a peut-être jamais existé, a été pour les érudits l'occasion de recherches et de conjectures aussi incertaines que les causes de son exil et que la situation même de Tomes, ville qu'on a voulu retrouver, soit dans celle de Tomi, Tomiswaria ou Tomiswar, dans la Bulgarie ; soit dans celle de Kiew, sur le Borysthène ; soit dans Sabarie ou Stainen, sur la Save en Autriche ; soit enfin, et ce n'est pas l'opinion la moins étrange, sur le rivage de la mer Noire du côté de l'Europe, dans deux vieilles tours en ruine, appelées les tours de Léandre, et dont l'on fait même la prison d'Ovide, qui n'eut pas de prison. Quant à son tombeau, on l'a retrouvé partout. Bruschius écrivit, en 1508, qu'on l'avait, cette année-là, découvert à Sabarie, avec cette inscription gravée sur la partie extérieure de la voûte : FATUM NECESSITATIS LEX. Hic situs est vates quem divi caesaris ira Augusti patria cedere jussit humo. Saepe miser voluit patriis occumbere terris ; Sed frustra : hunc illi fata dedere locum.

Un commentateur, qui ne confond pas Tomes avec Sabarie, s'est chargé d'expliquer comment Ovide, exilé dans la première de ces villes, fut enseveli dans la seconde. Le poète, si on l'en croit, était allé dans les Pannonies, où était située Sabarie, pour se distraire des ennuis de l'exil par le commerce des savants qui y venaient de l'Italie en grand nombre, et la mort le surprit là. Un autre a imaginé qu'Ovide, ayant obtenu sa grâce, revenait du Pont, lorsqu'il mourut à Sabarie ; et il lui fut raconté par un vieillard digne de foi que, du temps de l'empereur Frédéric III, on y déterra les ossements et le tombeau de l'exilé ; mais, par malheur, le vieillard, qui sans doute n'avait pas lu Bruschius, citait une autre épitaphe que lui : P. Ovidii Nasonis.

Voilà donc deux tombeaux d'Ovide découverts à Sabarie. La même année, 1508, qu'on y retrouvait celui dont parle Bruschius, on en découvrait un autre à Sarwar, ville de la Basse-Hongrie, sur le Raab, et, ce qui est plus merveilleux encore, sur le tombeau de Sarwar on lisait l'épitaphe du tombeau de Sabarie. Ce n'est pas tout : Boxhorn, qui la rapporte aussi, la place sur un tombeau qui n'est ni celui de Sabarie, ni celui de Sarwar. Il en est de ces épitaphes et de ces tombeaux comme du stylet d'argent d'Ovide, stylet trouvé dans les ruines de Taurunum, aujourd'hui Belgrade, à l'embouchure de la Save, et que la reine de Hongrie, Isabelle, qui le conservait comme une chose sacrée, fit voir, en 1540, à Pierre-Ange Bargée, selon le témoignage d'Hercule Ciofano, auteur d'une longue description de Sulmone, patrie du poète. On ne pouvait en rester là dans la voie de ces inventions. De nos jours, en 1802, le Moniteur et d'autres journaux de Paris annoncèrent qu'en creusant les fondations d'une forteresse à l'embouchure du Danube, des paysans russes avaient découvert un tombeau qu'on croyait être celui d'Ovide, parce que c'était là qu'était la ville de Tomes, et que ces lieux étaient depuis longtemps connus sous le nom de Laculi Ovidoli, ou lacs d'Ovide. On ajoutait qu'il avait été trouvé dans ce tombeau un buste parfaitement ressemblant à ceux que nous avons de Julie, fille d'Auguste, et que les Russes, pour consacrer la mémoire de cette découverte, avaient donné à cette forteresse le nom d'Ovidopol. Mais, malheureusement pour le succès de ce petit roman, un Allemand, ancien colonel au service de Russie, fit insérer dans la Décade, en 1803, une réfutation complète de cet article, où il comptait autant d'erreurs ou d'impostures que de lignes. Les Russes n'avaient jamais élevé de forteresse à l'embouchure du Danube. De plus le lieu que les Moldaves nomment Lagoul Ovidolouni, et non Laculi Ovidoli, est à plus de quarante lieues de la bouche méridionale de ce fleuve, non loin de laquelle était Tomes ; et, pour dernier démenti, le nom que donnent les Moldaves à ce lac, situé sur la rive du Dniester, vis-à-vis d'Akirman, ne signifie pas le lac d'Ovide, mais, ce qui y ressemble peu, le lac des brebis.

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La réception

Le défaut le plus saillant d'Ovide est de trop aimer son tour d'esprit, et c'est ce que lui reproche Quintilien. Notre poète en fait l'aveu quand il dit qu'un signe sur un joli visage le fait paraître encore plus joli ; et Sénèque le rhéteur nous a transmis une anecdote qui montre qu'Ovide connaissait mais aimait ses défauts. Quelques-uns de ses amis lui conseillèrent un jour de retrancher d'un de ses ouvrages trois vers qui le défiguraient ; Ovide y consentit, mais à la condition qu'il aurait, de son côté, le choix de trois vers qu'il y faudrait laisser. La condition acceptée, ses amis et lui écrivirent séparément les vers que ceux-ci désiraient supprimer, que celui-là voulait conserver. Ovide commence par lire ceux qu'il a écrits : Semibovemque virum, semivirumque bovem. Egelidum Borean, egelidumque Notum. On ne connaît pas le troisième ; or les trois vers choisis par Ovide et soustraits par lui à la critique de ses juges étaient précisément ceux qu'ils avaient écrits de leur côté, pour en exiger la suppression.

Malgré ses défauts, sur lesquels nous nous sommes interdit de nous étendre, pour rester fidèles au plan de ces notices, qui est d'éviter les morceaux de critique, et les contestations qui en résultent, Ovide n'a pas été médiocrement admiré, médiocrement loué. Un critique même a dit de lui « qu'il n'était pas seulement ingénieux, mais le génie personnifié ; qu'il n'était pas seulement le ministre des Muses, mais qu'il en était la divinité » ; et l'on rapporte d'un roi de Naples qu'étant avec son armée dans le voisinage de Sulmone, il salua solennellement cette ville, et dit, au front de la bataille, ce qui était choisir étrangement son temps et son auditoire « qu'il renoncerait volontiers à une partie de ses états pour faire revivre ce poète, dont la mémoire lui était plus chère que la possession de l'Abruzze. »

Ovide, et presque tous les critiques l'ont remarqué, est surtout, parmi les anciens, le poète de la France. Son esprit enjoué, sa riante imagination, son bon sens ingénieux, son scepticisme railleur, le tour fin et ingénieux qu'il sait donner à ses pensées, ont avec le génie français de merveilleuses ressemblances ; on le dirait né au milieu de nous, et il a été appelé le Voltaire du siècle d'Auguste.

Le nombre des éditions d'Ovide est immense, et le détail qu'on en donnerait exigerait seul l'étendue d'un volume. Ce nombre, dans lequel il faut, il est vrai, comprendre les réimpressions et les commentaires, s'élève à sept cent soixante-dix-huit jusqu'en 1820. Le commencement du dix-neuvième siècle n'a ajouté que vingt-quatre éditions à celles des quatre siècles antérieurs.

Ovide a aussi trouvé de nombreux traducteurs ; mais il en est peu qui aient osé aborder toutes ses oeuvres ; on ne peut citer qu'Algay de Martignac et l'abbé de Marolles, le traducteur infatigable de presque toute la latinité.

On connaît des traductions d'Ovide en douze langues, et le nombre en peut figurer dignement à côté de celui des éditions du poète, puisqu'il est, jusqu'en 1820, de six cent soixante-quatre, si l'on fait entrer dans ce total énorme celui des réimpressions, lesquelles s'élèvent, en français, à quatre-vingt-trois, en italien à soixante-onze, en anglais à trente-trois, etc. Les traductions qu'on a le plus souvent réimprimées sont particulièrement, en anglais, celle de l'Art d'aimer, par Dryden et Congrève ; des Métamorphoses, par Dryden, Addison, Gay, etc. ; en français, celle des Héroïdes, par Mélin de Saint Gelais, appelé dans son temps l'Ovide de la France, lesquelles eurent jusqu'à douze éditions ; celle des Métamorphoses, par Nicolas Renouard (neuf éditions), par du Ryer (neuf), par l'abbé Banier (sept), par Clément Marot et par Thomas Corneille ; celle des Amours, par l'abbé Barin, etc.

Ovide a été, dans notre langue, traduit plus de fois en vers qu'en prose, et, ce qui pourrait étonner, si on oubliait que le clergé fut longtemps en France le seul corps savant, c'est que nous devons à l'église presque tous les traducteurs de ce poète érotique, un cardinal, plusieurs évêques, beaucoup d'abbés. Dans la liste de ces traducteurs, on ne peut plus désormais omettre, à cause du mérite de leurs versions, les noms du P. Kervillars, de Masson de Saint-Amand, de Boisgelin, de Saint-Ange, de M. de Villenave, qui ont, en quelque sorte, attaché leur modeste renommée à la grande renommée d'Ovide. Pendant longtemps, en effet, les traductions de ce poète ne furent remarquables que par la singularité du titre ou des ornements dont on les chargeait, et la France a commencé, pour connaître Ovide, par lire « le grand Olympe des histoires poétiques du prince de la poésie Ovide Naso, en sa Métamorphose, oeuvre authentique et de haut artifice, pleine d'honnête récréation » ; ou bien « les livres de la Métamorphose d'Ovide, mythologisés par allégories naturelles et morales ; illustrés de figures et images convenables. » Frédéric II, roi de Prusse, fit tirer à douze exemplaires seulement une traduction d'Ovide dont il était l'auteur ; ouvrage « orné de figures assorties aux différents sujets » et précédé d'un médaillon du poète latin soutenu par trois Amours et deux colombes. Enfin nos poètes burlesques se sont disputé la petite gloire de l'approprier à leur genre d'esprit, et l'on vit se succéder l'Ovide bouffon, l'Ovide amoureux, l'Ovide en belle humeur de d'Assouci, « Et jusqu'à d'Assouci tout trouva des lecteurs ».

Peut-être aussi faut-il ranger parmi les traductions burlesques les Métamorphoses mises en rondeaux par Benserade, et longtemps célèbres par les tailles-douces auxquelles furent consacrés les mille louis qu'il reçut un jour de S. M. Louis XIV pour avoir, pendant quelque temps, écrit les lettres de Mlle de la Vallière à son royal amant. Quant à la traduction, elle est restée jugée par le rondeau attribué à Chapelle, et qui finit par ces vers : « Mais quant à moi, j'en trouve tout fort beau, Papier, dorure, images, caractère. Hormis les vers, qu'il fallait laisser faire à La Fontaine. »

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Date de dépôt  : 31 octobre 2004

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