Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, I, p. 255b-264a

Édition : A. Borgnet (1864) ‒ Présentation nouvelle, traduction et introductions de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2017)

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VIRGILE à Naples - LA JUDÉE et Hérode sous Octave et antoine  [Myreur, p. 255b-264a]

Ans 551-561 de la transmigration = 38-28 a.C.n.

 

Introduction [sommaire] [texte]

Cette section est presque exclusivement consacrée au séjour de Virgile à Naples, une ville censée fondée et habitée par Virgile après son départ de Rome. Tout comme à Rome, le héros est un enchanteur, un magicien tourné vers le bien et un prophète chrétien. Il est l'auteur à Naples de réalisations magiques, longuement décrites par Jean.

Malgré sa décision de la quitter définitivement, Virgile n'a toutefois pas coupé tout contact avec Rome. Il reçoit et conseille des ambassadeurs romains, et plusieurs de ses réalisations aident d'ailleurs à la moralisation et au bien-être économique de la capitale.

Parmi ces multiples créations magiques, on épinglera une tête parlante capable de répondre à toutes ses questions, objet qui plus tard lui annoncera sa mort, ainsi qu'une tête en cuivre, présentant une bouche grande ouverte, qui permettait de savoir si quelqu'un disait la vérité : c'est la célèbre Bocca della Verità, aujourd'hui murée dans le porche de l'église Santa Maria in Cosmedin à Rome.

Notre chroniqueur n'abandonne toutefois pas les affaires de Judée. Il y revient à trois reprises, interrompant chaque fois la biographie de Virgile.

La première notice (p. 255), coupée de tout contexte et mal datée par Jean, est difficile à comprendre. Elle semble faire état d'une grande défiance entre Hyrcan, Hérode et Phasaël. Les faits rapportés par Flavius, Guerre des Juifs, I, 12, 1-2, montrent qu'il s'agit de tout autre chose. Ces faits se passent peu après la disparition brutale de Malichos (p. 254). Cassius, toujours vivant, vient de quitter la Syrie. La bataille de Philippes n'a donc pas encore eu lieu. « Cassius, écrit Flavius, avait à peine quitté la Syrie qu'une nouvelle sédition éclata à Jérusalem. Un certain Hélix se mit à la tête d'une armée et se souleva contre Phasaël, voulant, à cause du châtiment infligé à Malichos, se venger d’Hérode sur la personne de son frère. Hérode se trouvait alors à Damas [...]. Désireux de porter secours à Phasaël, il en fut retenu par la maladie. Cependant Phasaël, quoique laissé à ses seules forces, triompha d'Hélix et accusa Hyrcan d'ingratitude, pour avoir favorisé les desseins d'Hélix et laissé le frère de Malichos s'emparer d'un grand nombre de places et particulièrement de la plus forte de toutes, Masada. Mais rien ne pouvait garantir Hélix de l'impétuosité d'Hérode. Celui-ci, rendu à la santé, lui reprit les places-fortes et le fit sortir lui-même de Masada, en suppliant. Hérode chassa pareillement de Galilée Marion, tyran de Tyr. [Ce] Marion tenait son pouvoir de Cassius, qui [avait divisé] la Syrie entière en tyrannies de ce genre. »

La suite du texte, non citée ici, montre que la sédition d'Hélix faisait en réalité partie d'un complot visant à ramener au pouvoir Antigone, le fils survivant d'Aristobule II, dont on a déjà parlé (p. 207, p. 224-226, passim). Marion, le tyran de Tyr, en faisait partie, ainsi qu'un gouverneur romain local, Fabius, qu'Antigone avait acheté par des largesses. Antigone pouvait également profiter d'un très large soutien financier, venant d'abord de Ptolémée de Chalcis, de son beau-frère, ensuite du fils et successeur de celui-ci, Lysanias. Jean n'a manifestement pas bien compris, ni le contexte ni le déroulement des opérations.

Quoi qu'il en soit, la deuxième notice (p. 260-261) signale un don en argent fait par Hyrcan à Hérode, sans mention toutefois de circonstances précises. Après la première notice, faisant état d'une certaine tension avec Hyrcan, Jean aurait-il voulu rétablir une entente cordiale entre eux ? Il est question aussi du premier mariage d'Hérode. Doris venait, note Jean, d'une famille modeste et Hérode l'avait épousée pour sa beauté. Elle était d'origine iduméenne, comme Antipater. Immédiatement après, Jean signale un élément de grande importance : Hérode n'avait aucun sang juif dans les veines, son père étant d'Ascalon et sa mère d'Arabie.

La troisième notice (p. 263) prolonge la problématique matrimoniale. Hyrcan donne en mariage à Hérode une de ses cousines, Mariamne, dont il aura un fils, nommé Alexandre. Jean signale aussi qu'« Hérode se fit circoncire, selon la loi des Juifs, pour l'amour qu'il éprouvait pour sa femme Mariamne, qui était juive ». Le mariage avec une Juive et la circoncision rapprochent Hérode du monde juif, ce qu'il considère comme indispensable s'il veut un jour accéder au pouvoir sur la Judée. Jean d'Outremeuse signalera plus loin (p. 270) qu'Hérode eut au total neuf épouses.

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Sommaire

Virgile magicien à Naples et événements divers : Virgile fonde Naples sur un œuf - Succession en Hongrie - Une certaine tension en Judée entre Hyrcan, Phasaël et Hérode ? (ans 38-37 a.C.n.) - Merveilles réalisées par Virgile : un pont suspendu et un jardin aux murs invisibles - Amusements et plaisanteries offerts par Virgile à ses convives - Autres merveilles : cierges perpétuels, tête parlante, bouche dénonciatrice, cavalier justicier (36 a.C.n.)

Ambassade romaine auprès de Virgile : Conseils de Virgile aux Romains - La bouche dénonciatrice et le cavalier justicier - Un tunnel routier et des canalisations entre Rome et Naples - La mise en oeuvre à Rome des remèdes de Virgile (35 a.C.n.)

Le 'chrétien' Virgile et divers : Mort à Rome de Salluste - Le cheval de bronze guérisseur des chevaux - Hérode, redevenu ami de Hyrcan, épouse Doris, une étrangère - La maison, isolée et bien gardée, où Virgile resta, pendant sa vie et après sa mort (jusqu'à l'arrivée de Saint Paul) - À des Égyptiens en quête du nombre d'or, Virgile répond en prophète chrétien et catholique avant la lettre (34-31 a.C.n.)

Dernières années de Virgile à Naples : Les bains de Pouzzoles - Une vie studieuse entrecoupée de mondanités - Digression : Hérode épouse de Mariamne et se fait circoncire - Un banquet mémorable et des jeux fabuleux, voire grivois (30-28 a.C.n.)

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Virgile magicien à Naples et événements divers : Virgile fonde Naples sur un œuf - Succession en Hongrie - Une certain tension en Judée entre Hyrcan, Phasaël et Hérode ? (ans 38-37 a.C.n.) - Merveilles réalisées par Virgile : un pont suspendu et un jardin aux murs invisibles - Amusements et plaisanteries offerts par Virgile à ses convives - Autres merveilles : cierges perpétuels, tête parlante, bouche dénonciatrice, cavalier justicier (36 a.C.n.)

 

[p. 255] [Virgile fondat la citeit de Naple sor I oef - De castel de Oef] Item, l'an Vc et LI, le XIe jour de mois de julet, commenchat Virgile à fondeir une citeit qu'ilh fist mult belle sus la mere, et le nomat Naple : chest fut edifyé noblement sor I port de mere et sour I oef de ostriche, lequeile oef ilh mist apres chu en I castel que ilh fondat enssy deleis Naple, en I pileir entretalhiet ; se le nomat castel d'Oef ; et encor y est-ilh, et dist-ons qui moveroit l'oef la citeit croleroit.

[p. 255] [Virgile fonde la cité de Naples sur un œuf - Le château de l’œuf] Le 11 juillet 551 [38 a.C.n.], Virgile fonda au bord de la mer une très belle cité, qu’il appela Naples. Elle fut magnifiquement édifiée sur un port de mer et posée sur un œuf d’autruche. Cet œuf, Virgile le plaça ensuite, sur un pilier sculpté, dans un château qu’il construisit aussi près de Naples et qu'il appela Château de l’Œuf. L'œuf s’y trouve encore et celui qui le bougerait, ferait, dit-on, s’écrouler la cité.

[p. 255] [De Hérode qui fut malaide à Damas] En cel an meisme se cuchat Herode grandement malaide à Damas ; si avient que Hircain mandat à Fenis, le frere Malices cuy Herode avoit faite ochire, qu'ilh soy vengast de la mort son frere. Adont assemblat Fenis chu de gens que ilh pot avoir ; et Hircain l'enchargat enssi asseis ; si entrat en la terre Fassians le frere Herode, et le commenchat à destruire. Mains quant Herode fut repasseis de sa maladie, si le chaçat ; et quant ilh soit que Hircain ly avoit aidiet encontre son frere, se le diffat, et commenchat entre eaux hayme et guerre.

[p. 255] [Hérode malade à Damas] Cette année-là aussi [38 a.C.n.], Hérode, gravement malade, était alité à Damas. Hyrcan demanda à Hélix, le frère du Malichos tué par Hérode, de venger la mort de son frère. Hélix rassembla toutes les forces qu’il put et Hyrcan lui en fournit beaucoup aussi. Phasaël, frère d’Hérode, pénétra dans le pays qu'il se mit à dévaster. Mais quand Hérode fut remis de sa maladie, il chassa Phasaël. Quand il sut qu'Hyrcan avait aidé Phasaël contre lui, Hérode, il se méfia d'Hyrcan. La haine et la guerre commencèrent entre eux.

[Del VIIIe roy Hongrois] Item, l'an Vc et LII, morut Hongres, li VIIIe roy de Hongrie ; si regnat apres luy son fis Cormant XXXIIII ans, et fut I mult poissans roy. En cel meismes fut faite la pais entre Hircain de Judée et Herode.

[Le huitième roi de Hongrie] En l’an 552 [37 a.C.n.] mourut Hongres, huitième roi de Hongrie. Après lui son fils Cormant régna trente-quatre ans, en roi très puissant. Cette même année fut conclue la paix entre Hyrcan de Judée et Hérode.

[p. 255] [Virgile fist I pont qui pendoit el aere] Item, l'an Vc et LIII, fist Virgile I pont parmy une aighe tout pendant en aire par nigromanche, qui fut li plus grans de monde et li plus beal ; mains ilh n'awoit et n'at ovriers ne jometriens en monde qui saroit aviseir par queile manere ilh astoit fais li commenchemens en aighe ne en terre. Et pendoit tot en aere, et ne savoit nuls dire comment ilh soy sortenoit ; si passoit-ons tout parmy à grans gens, et mult de pessans faus enssi bien et mies que sour I altre pont.

[p. 255] [Virgile fait un pont suspendu dans l’air] En l’an 553 [36 a.C.n.], Virgile construisit grâce à la magie, sur une étendue d’eau, un pont suspendu dans les airs. C'était le plus grand et le plus beau pont de la terre. Ouvriers et géomètres du monde entier ne purent et ne peuvent toujours pas expliquer sa construction. Il ne reposait ni sur l’eau ni sur la terre ; il était totalement suspendu dans l’air. Nul ne savait dire comment il tenait. Mais une foule de gens et des lourds chargements y passaient, mieux même que sur un autre pont.

[Virgile fist I jardin fermeit d’aire] En cel an meismes fist Virgile unc jardin et l'enfermat, se l'encloyt tot altour de pure aire ; et astoit fait par teile manere que chu sembloit à cheaux qui le regardoient que che fust I mure. Et fist dedens venir toutes herbes, tous fruis de monde queilconques qui est par tous temps floris, espanis et meurs. Et si fist murs à li visible, qui à tous aultres fut invisible, car nuls n'y veioit ne murs ne pires ; et si avoit I subtilh entrée que nuls ne savoit, fours que Virgile et cheaux à cuy ilh le [p. 256] monstroit. Si vos diray qu'ilh en avient I jour.

[Virgile fait un jardin entouré d’air] En cette même année Virgile fit un jardin fermé qu'il clôtura complètement d’air pur. C'était réalisé de telle manière que ceux qui regardaient croyaient vraiment voir un mur. Virgile y rassembla toutes les plantes et tous les fruits du monde, qu'on pouvait trouver fleuris, épanouis et fanés, quelle que soit la saison. Ce mur, visible pour lui, était invisible pour tous, car on n’y voyait ni murs ni pierres. Il avait une petite entrée, inconnue de tous, sauf de Virgile et de ceux à qui il la [p. 256] montrait. Je vais vous dire ce qui arriva un jour.

 [De convive de Virgile] Ilh avoit unc pastureal qui demoroit là pres, qui gardoit les asnes al defours de jardien Virgile, qui astoit adont en son jardin mynant grant fiestes awec chevaliers et gran fuison de gens de Naple awec leurs femmes. Si avient que X chevaliers de Naple mult valhans, qui n'astoient nient pryés à la fieste, et alerent sovent altour de jardin ; si ne porent dedens entreir, car ilhs ne porent troveir l'entrée ; mains Virgile le soit tantoist. Si envoiat I garchon à la porte, por faire venir avant les chevaliers ; et ly garchons y alat, et les fist avant venir.

[Les convives de Virgile] Un paysan du voisinage gardait des ânes en dehors du jardin de Virgile. Celui-ci s’y trouvait justement, festoyant avec les chevaliers et de nombreux habitants de Naples accompagnés de leurs épouses. Dix chevaliers très valeureux, qui n’avaient pas été priés à la fête, arrivèrent de Naples ; ils firent à plusieurs reprises le tour du jardin, sans y pénétrer car ils ne purent trouver l’entrée. Virgile aussitôt informé envoya un domestique à la porte, chargé de les introduire. Le domestique alla les rejoindre et les invita à s’avancer.

[Des jeux Virgile] Là potons veir I beal jeux que Virgile fist subitement. Virgile fist sembleir à cel heure que les X chevaliers fussent X grans draghons, qui venoient vers ses gens erant que ilh avoit à mangier en son jardin ; chu sembloit à eaux, et ilh sembloit aux X chevaliers que les cent chevaliers, dammes et borgois fussent lyons. Si orent paour de chà et de là, et fuyrent les ambdois parties par le jardin ; mains li jeux fut fais par teile manere, qu'ilh n'y at cheluy à cuy li paour tochast ne fesist maul apres. Et quant ilh eut dureit unc pou, se le deffist et fist grant fieste à X chevaliers, et demandat qui les faisoit enssi fuyr : « Sires, dessent chevaliers, vos aveis transmueis les corps de celles gens en fourmes de lyons ramaiges, et portant nos fuyens. » Et ilh demandat as aultres qu'ilh leur faloit ; ilhs respondirent que ches X chevaliers leurs sembloient eistre dragons. De teils jeux faisoit Virgile bien sovent, si honiestement qu'ilh ne meffaisoit à hommes ne à femmes.

[Les jeux de Virgile] Et là on put voir un jeu merveilleux qui fut tout à coup réalisé par Virgile. Il métamorphosa les dix chevaliers en dix grands dragons qui se dirigeaient vers ses convives, en train de manger dans son jardin. C'est ce qu'ils croyaient voir, tandis que les dix chevaliers croyaient voir des lions au lieu des cent convives, dames et bourgeois. De part et d’autre la peur régnait et chacun se mit à fuir à travers le jardin. Toutefois le jeu fut mené sans entraîner par après d'autre mal que la peur ressentie. Peu après, Virgile mit fin au jeu et fit grande fête aux dix chevaliers. Il leur demanda ce qui les faisait fuir ainsi : « Sire, dirent-ils, vous avez transformé les corps de ces gens en lions sauvages, voilà ce que nous fuyons ». Il demanda aux autres ce qui leur était arrivé ; ils répondirent que les dix chevaliers leur avaient paru des dragons. Souvent Virgile faisait ce genre de farces, mais avec bienveillance, sans nuire ni aux hommes ni aux femmes.

[p. 256] [Des asnes d’un vilain] Item, chesti jour meismes, enssi qu'ilh seioit à tauble, prist Virgile son varlet, si l'envoiat fours de jardin aux champs por amyneir les asnes d'onc vilain qui dormoit tout estendut au solea ; et chis les amynat, et tanttoist qu'ilhs furent en jardin, se commenchont à mangier les cardons qui astoient en jardin ; et ilhs les mangnent volentiers, car ilh n'avoit nuls dehours le jardin, mais en jardin Virgile en avoit asseis, et de tout les aultres manieres de herbes qui sont en monde.

[p. 256] [Les ânes d’un paysan] Ainsi, ce même jour, tandis qu’il était à table, Virgile appela son valet, l’envoya hors du jardin, dans les champs, avec ordre de ramener les ânes d’un paysan qui dormait couché au soleil. Le valet s'exécuta et, aussitôt arrivés dans le jardin, les ânes se mirent à manger les chardons qui s’y trouvaient. Ils y trouvaient du plaisir. Il n’y en avait pas de chardons dehors, tandis que le jardin de Virgile en regorgeait ainsi d'ailleurs que de toutes les autres sortes de plantes qui existaient dans le monde.

[De murs de jardin Virgile] Quant les asnes furent en jardin, Virgile fist esclarchir les murs del crossure de jardin, si que ses gens veioit tout mangnant le pasteur qui dormoit ; et quant ilh oit asseis dormit, si sault sus. Mains, quant ilh ne voit ses asnes, si commenche à crier : « Hey my ! mes asnes sont perdus, de quoy je moy devoy [p. 257] chevir ! » Là commenchat à ploreir en disant : « Laurons le mes ont desrobeit, demeytant que je dormoye : chi somelhe m'at costeit XXX asnes. » Atant court et racourt, partout quiert ses asnes, et parloit à eux en disant : « Dain Bernars, où asteis aleis ? » Finablement ilh at tant corrut parmy les champs, qu'ilh est tout lasseis. Si est venus al mure de jardin Virgile, qui ly astoit invisible. Se si jostat si fort, qu'ilh chaiit à terre. Ilh sentoit bien le mure, mains ilh ne le veioit point ; et dest qu'ilh avoit bien LX ans qu'ilh fut neis, mains ilh ne veit oncques mures là, et ne le sentit plus. Quant li vilain fut à mure qui fut entre luy et ses asnes, Virgile fist les asnes recanneir, chu est à dire hennir. Adont li vilain les oiit ; se li semble que chu fust long de là, si soy mettit al corrir.

[Les murs du jardin de Virgile] Quand les ânes furent dans le jardin, Virgile rendit transparents les murs de la clôture, si bien que ses convives, tout en mangeant, voyaient le berger endormi. Ce dernier, quand il eut assez dormi, se redressa. Ne voyant pas ses ânes, il se mit à crier : « À moi ! Mes ânes sont perdus ! Eux dont je devais [p. 257] tirer de quoi vivre ? » Il se mit alors à pleurer en disant : « Des brigands me les ont volés, pendant que je dormais : ce sommeil m’a coûté trente ânes. Alors il courut dans tous les sens, chercha ses ânes partout, leur parla en disant : « Don Bernard, où êtes-vous allés ? ». Finalement il courut tellement à travers champs, jusqu'à ce que, épuisé, il arrive au mur du jardin de Virgile, mur invisible pour lui. Il s’élança avec tant de force qu’il tomba par terre. Il sentait le mur mais ne le voyait pas. Il dit alors que, bien qu'il soit né depuis au moins soixante ans, il n‘avait jamais vu, ni senti, un mur à cet endroit. Quand le paysan arriva au mur qui le séparait de ses ânes, Virgile les fit braire, c'est-à-dire hennir. Alors le paysan les entendit ; il lui sembla que c’était fort loin de là et il se mit à courir.

[Les asnes semblent mors] Quant les barons qui astoient en jardin veirent chu, si en ont faite grant fieste et grant risée, si ont pryet à Virgile qu'ilh li rende ses asnes. Adont fist Virgile myneir les asnes fours sour les champs, et quant ilh furent là venus, si sont chaius com mors ; et quant ly vilain corroit et racorroit, por savoir où ilh oyoit hennir ses asnes, ilh passoit à point, si qu'ilh at troveit ses asnes. Si les voit mors et escorchiés, et les pealz osteis ; chu ly sambloit. Adont ilh commenchat fort à ploreir, et s'envat vers son hosteil, et le comptat à sa femme qui fortement en plorat.

[Les ânes semblent morts] Quand les barons présents dans le jardin virent cela, ils firent grande fête et rirent beaucoup. Puis, ils prièrent Virgile de rendre ses ânes au paysan. Alors Virgile les fit emmener à l'extérieur, dans les champs, où, dès leur arrivée, ils tombèrent comme morts. Et tandis que le paysan allait et venait en courant, cherchant à savoir où il entendait braire ses animaux, il passa à l'endroit où il les trouva. Il les crut morts et blessés, leurs peaux écorchées. Alors il se mit à pleurer abondamment, retourna vers son logis, et raconta tout à sa femme, qui pleura beaucoup.

[Les asnes ravisquirent par Virgile] Et adont Virgile tantost remist les asnes à la creppe de leur estauble à l'hosteil de vilain ; et y mangnoient, sicom ilhs en avoient l'usaige. Et chu ne savoit nulluy ; et quand la proidfemme alat d'aventure en l'estauble, si trovat les asnes mangnant. Si huchat son marit et li monstrat, de quoy ilh fut mult liies ; si fut en pais de son corroche, et en rendit grasce à ses dieux.

[Les ânes ramenés à la vie par Virgile] Virgile ramena aussitôt les ânes à la mangeoire de leur étable, au logis du paysan ; là ils mangeaient comme ils en avaient l’habitude. Personne ne le savait et quand la brave femme passa par l’étable, elle y trouva les ânes occupés à manger. Elle appela son mari et les lui montra, ce qui le réjouit beaucoup. Son courroux apaisé, il rendit grâce à ses dieux.

[p. 257] [Des II cirgez et le lampe Virgile] Item, cel an meisme, fist Virgile dois chierges ardans perpetueis por nient jamais à estindre, et une lampe ardant enssi à tousjours sens estindre et sens amenrir ; si les encloiit desous terre en son jardin deseurdit.

[p. 257] [Les deux cierges et la lampe de Virgile] Cette année encore, Virgile fit trois cierges qui restaient toujours allumés et ne devaient jamais s’éteindre, ainsi qu'une lampe, qui brûlait toujours, sans s’éteindre ni se consumer. Il les enfouit sous terre, dans le jardin évoqué plus haut.

[Del tieste qui respondoit à Virgile] Item, Virgile fist I tieste qui parloit et respondoit à ly de tout chu qu'ilh ly demandoit que ilh avenoit par tout le monde, car ilh mist dedens des espirs priveis. Celle tieste li dest I jour que grans debas astoit à Romme por lez dammes mariées, qui soy [p. 258] lassoient en adulteire cognostre à aultres hommes que à leurs maris, sicom ilh avoit esteit esproveit par veue, et ilh est veriteit : « Si venrat chi maistre Grigoire ly senateur, qui vos requierat depart les Romans que vos les veulhiiés subvenir. »

[La tête qui répondait à Virgile] De même, Virgile façonna une tête parlante qui répondait à toutes ses questions concernant le monde entier, car il y avait introduit des esprits dépendants de lui. Cette tête lui dit un jour qu’à Rome un grand débat se déroulait à propos des épouses coupables [p. 258] d’adultère avec d'autres hommes que leurs maris, lorsque les faits avaient eu des témoins oculaires et étaient vérifiés. « Maître Grégoire, le sénateur, (dit la tête), viendra ici vous demander de bien vouloir aider les Romains. »

[Del tieste en cuivre - De l’homme et le cheval Virgile] Quant Virgile l'oit, si commenchat à rire, et fist une tieste jusqu'à la poitrine de coevre, qui avoit une grant geule et tout ovierte ; puis fist I cheval et sus I homme grans et tout armeis qui tenoit l'espée traite, et qui chevalchoit où ilh voloit, enssi com ilh viscast.

[La tête de cuivre - L’homme et le cheval de Virgile] Quand Virgile entendit cela, il se mit à rire et fabriqua une tête en cuivre, avec une grande bouche, tout ouverte. Puis il façonna un cheval, monté par un grand cavalier tout armé, brandissant une épée et chevauchant partout où il voulait, comme s’il était vivant.

 

Virgile accueille une ambassade romaine et offre aux Romains la bouche dénonciatrice et le cavalier justicier - Un tunnel routier et des canalisations entre Rome et Naples - La mise en oeuvre à Rome des remèdes de Virgile (35 a.C.n.)

 

[p. 258] [Virgile dist qu’en femmes at grant deception] Atant vinrent les Romans droit sor l'an Vc et LIIII, si ont troveit Virgile qui soy esbatoit aux Neapolins ; si l'ont enclineit et salveit, sicom ilh afferroit, et ilh les rechuit mult liement. Cheaux li ont compteit tout leur affaire, et Virgile leur respondit qu'en femmes gieste grant dechivanche. « Or vos diray le remede que y fereis. Promirs moy salueis tous les Romans, et se leurs portereis cel tieste qui accussurat les fais des femmes mariéez et des pucelles enssi, et vos assiereis le tieste en mure del thour où Phebilhe me quidat traire en la corbilhe, sicom vos saveis ; et puis toutes femmes mariées et à marier, qui sieront mescreue de fornication et d'adulteir, seront amyneez devant la tieste, et butteront leur main dedens la boche ; s'ilh est sens coulpe del fait, elle s'en partirat tantoiste, et s'elle en est culpauble, elle ne porat sa main oisteir de la bouche, si aurat gehit tout la veriteit del fait de mot à mot. »

[p. 258] [Virgile déclare les femmes pleines de fourberie] Alors, en 554 [35 a.C.n.], les Romains se mirent en route et trouvèrent Virgile qui vivait agréablement chez les Napolitains. Ils s’inclinèrent, le saluèrent comme il convenait, et Virgile les reçut avec joie. Ils lui racontèrent leurs problèmes et Virgile répondit que les femmes étaient pleines de fourberie. « Maintenant voici le remède que vous y apporterez. D'abord, saluez pour moi tous les Romains et portez-leur cette tête qui dénoncera les actes des femmes mariées et des jeunes filles. Cette tête, vous l'installerez sur le mur de la tour où Phébille a cru me hisser dans la corbeille, comme vous le savez. Ensuite chaque femme mariée et à marier, soupçonnée de fornication et d’adultère, amenée devant la tête, introduira sa main dans la bouche. Si elle n’est pas coupable, elle pourra retirer sa main tout de suite, mais si elle est coupable, elle ne la dégagera qu'après avoir révélé la vérité point par point sur ce qui s'était passé. »

[De cheval qui coroit del nuit par la citeit] « Et portant que teils fais avinent del nuit, si faut à Romme I ban crieir que nuls ne voise par nuit apres la cloque sonnée ; et s'ilh avient qu'ilh ly avengne maul, se le porte, car ilh n'en aurat aultre chouse ; et vos mettereis celle cheval et l'homme armeit stesant desus droit al coron del peron, et le lassiés là ; et vos veireis chu qu'ilh ferat. » Enssi fist Virgile aux Romans qui sorjournarent deleis luy VIII sammaines.

[Le cheval qui courait la nuit par la cité] « Et parce que pareils faits arrivent la nuit, il faut proclamer à Rome un édit interdisant à tous de circuler la nuit, après le son de la cloche. Si un malheur arrive au contrevenant, il devra le supporter, sans plus. Vous mettrez ce cheval monté par ce cavalier en armes au coin du perron. Vous le laisserez là et vous verrez ce qu’il fera. » Voilà ce que fit Virgile pour les Romains qui séjournèrent chez lui pendant huit semaines.

 [De chenais faite par Virgile] Et dedens chesti terme li dessent qu'ilh avoit voie obscure et peruelheux entre Romme et Naple, et par especial par les montangnes de coites ; et ons mette al monteir et al avaleir VI journeez, « si que vos demoreis maul chi por les Romans, car les Romans veulent amendeir tout chu que ons vos puet avoir meffait à Romme, si [p. 259] veulhiés revenir. »

[Les canalisations faites par Virgile] Entre-temps, les Romains dirent que la route de Rome à Naples était obscure et dangereuse, surtout celle qui passait par les montagnes le long des côtes : il fallait six jours pour monter et pour descendre. Ils ajoutaient : « Pour les Romains c’est un malheur que vous habitiez ici ; ils veulent réparer tout le mal qu’on vous a fait à Rome, si [p. 259] vous acceptiez d'y revenir. »

Respont Virgile : « Je ne rentray jamais à Romme, mains je suy à leur commandement tant que je viveray, et les montangnes de coites ne sont mie maulhonieste por passeir, chu moy semble ; or y prendeis garde. Apres je vos feray chu que jamais ne faurat, se ons le garde bien ; car vin et oyle qui serat à Naple jel feray aleir à Romme, et le vin qui serat à Romme jel feray venir à Naple parmy les buses que je feray, et les airay fait en chest nuit. Si at distanche entre Romme et Naple IIIIxx lieux et plus. » De chu le remerchiarent les Romans. Et dest encor que chu que ons metteroit dedens les chenais, serat de Naple à Romme dedens I heure de jour. Et chu fut fait en mois de septembre l’an deseurdit.

Virgile répond : « Je ne rentrerai jamais à Rome, mais je suis aux ordres des Romains tant que je vivrai. Les montagnes le long des côtes ne sont pas insurmontables, me semble-t-il ; vous vous en rendrez compte. Je vais réaliser une chose qui jamais ne vous manquera, si on y veille bien. Je ferai parvenir à Rome la production de vin et d’huile de Naples, et le vin produit à Rome, je le ferai venir à Naples, en installant des canalisations. Ce sera terminé cette nuit. La distance entre Rome et Naples est de plus de quatre-vingt lieues. » Les Romains le remercièrent. Il dit encore que ce qu’on mettrait dans les tuyaux passerait de Naples à Rome en une heure. Cela arriva en septembre, de l’an précisé ci-dessus [35 a.C.n.].

[Virgile parolle à ses espires] Adont at Virgile parleit à ses espirs et commandeit qu'ilhs travent les montangnes parmy, et tout emy fachent une voie large où II chars se puissent bien plantiveusement passeir awec les cherons qui les conduiront, et si veulhent tant abatre de la roche, que IIII hommes à piet ou à cheval y puissent passeir à front, et qu'ilh ait encor bonne espause de voie entre les cherons et eaux des dois costeis. « Apres meteis une cedule de creanche qui deviserat qui devers Romme vorat entreir, en chesti voie ilh tenrat la diestre main, et chis qui venrat de Naple al diestre main enssi soit à cherete, ou à cheval ou à piet. Et si soit cascons segure de tous murdreurs, laurons ne altre vilain cas, car ilhs en sieront bien gardeis. Apres, moy fachiés dois chenais qui portent l'une oyle et vin de Romme à Naple, et l'autre de Naple à Romme. » Quant Virgile l'oit commandeit, tantoist ilhs le fisent, car anchois que li soleal fust leveis sont faites le chenais et la voie ; et misent les escript aux II entrées. Et deveis savoir que la voie est de lonc dois lieues ou plus, et si fait si obscure c'on n'y perchoit nulluy ; et n'y fut oncques homme murdrit ne desrobeit. Ancors durent les chenais et la voie à jour d'huy, chu dient cheaux qui les ont veyut ; et passent bien en demy-heure dont parmy la montangne mettoient VI jourz ou VII.

[Virgile parle à ses esprits] Alors Virgile parla à ses esprits et leur commanda de creuser un tunnel à travers les montagnes, en aménageant à l’intérieur une voie large où pourront passer facilement deux chars avec leurs charretiers. Ils devront aussi enlever suffisamment de rocher pour permettre à quatre piétons ou cavaliers de passer de front, en laissant encore des deux côtés un bon espace entre eux et les charretiers. Il ajouta : « Après mettez une inscription prescrivant à celui qui viendra de Rome de tenir la droite de la route, et à celui qui viendra de Naples de tenir aussi sa droite, qu’il soit en charrette, à cheval ou à pied. Que chacun se sente à l'abri des meurtriers, brigands et autres situations difficiles : ils seront bien protégés. Ensuite, faites deux canalisations pour transporter l’huile et le vin, de Rome à Naples, et de Naples à Rome. » Dès que Virgile eut donné cet ordre, les esprits l'exécutèrent aussitôt. Avant le lever du soleil, les canalisations et la route étaient finies et les inscriptions placées aux deux entrées. Vous devez savoir que la route est longue de plus de deux lieues et qu'il y fait si sombre qu’on n’y voit rien ; mais personne jamais n’y fut assassiné ni dépouillé. Les canalisations et la route subsistent encore aujourd’hui, d’après les témoins ; et la traversée de la montagne, qui prenait six ou sept jours, se fait en une demi-heure.

[Les Romans se partent de Virgile] Quant ilh vient al matin, les Romans se sont partis de Virgile. Si en vont tant, qu'ilhs vinrent à la montangne de coites ; si le truvent trawée, et si ont veyut la lettre qui devise [p. 260] chu que j'ay dit. Dedens entrent, si sont passeis en demy-heure, et ont tant aleit qu'ilh sont venus à Romme en demy-heure, où ilh avoit bien IIIIxx lieues. Et les festient mult li emperere et les senateurs, et demandent de Virgile qu'ilh fait. Et cheaux respondent : « Ilh fait enssi com saige cleire, et ly plus subtilh de monde, et vous salue tous, car jamais ilh ne revenrat plus à Romme ; ilh l'at jureit, et nos at faite grant fieste VIII samaynes que nos avons esteit deleis luy. S'avons veyut Naple et tous ses estas, qui est mult belle citeit et grande, seante sour I bras de mere ; si at casteal beal et fort, que ons nom casteal de l'oef. » Et là leurs comptarent tout chu que j'ay dit par deseur, et de jardin et de tout chu qu'ilh at fait. Apres ont dit de la voie de la montangne de coites, et de chenais de coevre qui le vin et l'oyle doient porteir.

 [Les Romains quittent Virgile] Le matin, les Romains prirent congé de Virgile. Ils marchèrent jusqu’à la montagne près de la côte ; ils la trouvèrent percée et virent l’inscription expliquant [p. 260] ce que j’ai dit. Ils pénétrèrent dans le tunnel, qu'ils traversèrent en une demi-heure, et arrivèrent à Rome, distante de quatre-vingt lieues, en une demi-heure. L’empereur et les sénateurs leur firent fête et leur demandèrent ce que faisait Virgile. Les envoyés répondirent : « Il vit comme un clerc plein de sagesse, le plus subtil du monde. Il vous salue tous, mais jamais il ne reviendra à Rome ; il l’a juré. Il nous a très bien traités durant notre séjour de huit semaines près de lui. Nous avons vu Naples et tous ses états. C'est une très belle et très grande cité, située sur un bras de mer ; elle possède un beau château fortifié, appelé château de l’Œuf. » Ils leur parlèrent ensuite de tout ce que j’ai dit plus haut : le jardin et toutes les réalisations de Virgile, et la route côtière dans la montagne, et les canalisations en cuivre pour l’huile et le vin.

Quant ilhs orent tout chu dit, si ont dit le fait por lequeile ilhs astoient là aleis, et monstrarent la tieste d'erain, et comment ons le doit atachier en mure, enssi com j'ay dit desus, et apres de cheval ; et ont tout dit par queile maniere ons en doit faire del tout. Apres ont fait le bant crieir qu'ilh ne soit homs, ne vies ne jovenes, qui isse de sa maison del nuit apres le son del cloque ; et se ilh y vat, chu serat sor son perilh. En teile maniere fut useit à Romme de la tieste et de cheval que nos disons. Si en furent acuseez maintes dammes et damoiselles par la tieste, et mains hons ochis par le cheval qui tout nuit coroit aval Romme. Et ne poioit nuls escappeir, et lendemain à soleal levant ralloit esteir à peron.

Quand ils eurent raconté tout cela, ils expliquèrent aussi la raison de leur voyage à Naples et montrèrent la tête de bronze, expliquant comment il fallait l’attacher au mur, comme je l’ai dit. Ensuite ils dirent comment procéder à propos du cheval. On fit alors crier le ban interdisant à chaque homme, vieux ou jeune, de sortir de sa maison la nuit, après le son de la cloche ; s’il sort, ce sera à ses risques et périls. On fit usage à Rome de la tête et du cheval, comme nous le disons. La tête permit de mettre en cause de nombreuses dames et demoiselles. Le cheval qui toute la nuit courait partout dans Rome tua beaucoup d'hommes. Personne ne lui échappait et, le lendemain au lever du soleil, il retournait sur le perron.

 

Le 'chrétien' Virgile et divers : Mort à Rome de Salluste - Le cheval de bronze guérisseur des chevaux - Hérode, redevenu ami de Hyrcan, épouse Doris, une étrangère - La maison, isolée et bien gardée, où Virgile resta, pendant sa vie et après sa mort (jusqu'à l'arrivée de Saint Paul) - À des Égyptiens en quête du nombre d'or, Virgile répond en prophète chrétien et catholique avant la lettre (34-32 a.C.n.)

 

[p. 260] [De Saluste] Item, l’an Vc et LV, morut Saluste, I grant poetes latins qui gieste à Romme le grant.

[p. 260] [Salluste] En l’an 555 [34 a.C.n.] mourut Salluste, un grand poète latin qui repose dans Rome la grande.

[De cheval Virgile] Item, en cel an meisme, le XXVe jour de mois d'awoust, fist Virgile I cheval d'erain qui garissoit tous les chevals de toutes maladies qui li poioient venir par queilconques ocquisons, oussitoist que ons le lavoit del aighe de son bangne ; se le mist à Naple.

[Le cheval de Virgile] En outre, le 25 août de la même année, Virgile façonna un cheval de bronze, qui guérissait les chevaux de toutes les maladies qui pouvaient les frapper pour n'importe quelle raison, dès qu'on les lavait avec l'eau de son bain. Il installa ce cheval à Naples.

[De Herode qui prist à femme Dolsida] Item, l’an Vc et LVI, le XIIe jour de mois de junne, donnat Hircain le roy de Judée à Hérode IIc besans por impetreir à lui amisteit. En cel an meisme soy mariat Herode, et prist une femme qui oit nom Dolsida, qui astoit de petit lignie, mains tant astoit belle que por sa bealteit le prist-il. Chis Herode ne fut [p. 261] mie de la nation d’Israël ; anchois astoit de part son pere Antipater de la citeit d’Ascallon, et de part sa mere astoit-il de Arabe.

[Hérode épouse Doris] Le 12 juin de l’an 556 [33 a.C.n.], Hyrcan, roi de Judée, donna à Hérode deux cents besants pour gagner son amitié. Cette même année, Hérode se maria avec une femme nommée Doris ; elle était de famille modeste, mais si belle qu’il l'épousa pour sa beauté. Cet Hérode n’était [p. 261] pas natif d’Israël ; auparavant, par son père Antipater, il appartenait à la cité d’Ascalon, et par sa mère il provenait d’Arabie.

 [La maison Virgile à Naples - Des dois vilains qui ferent] Item, l'an Vc LVII, le XVIIe jour de decembre, commenchat Virgile à edifiier une maison sour la mere, asseis pres de la citeit de Naple : se fut tout reonde, la plus belle et legiere et lencheuse de monde, mains elle n'avoit que une entrée. Et avoit une pont leviche desus la mere devant la maison ; et à celle entrée fist II vilains de coevre qui tenoient II flaieis en leurs mains, dont ilhs batoient fort toudis sens cesseir ne targier ; et batoient enssi si fort pres qu'ilhs ne debrisassent le piers de la porte que ilhs defendoient que nuls n'oisast entreir dedens, s'ilh ne vosist eistre ochis ou tous defrossiés.

 [La maison de Virgile à Naples - Les deux vilains frappeurs] En 557 [32 a.C.n.], le 17 décembre, Virgile se mit à construire une maison sur la mer, très près de la ville de Naples : elle était toute ronde, la plus belle, la plus légère et la plus agréable du monde, mais elle n’avait qu’une entrée. Un pont-levis sur la mer menait à la demeure et, à l’entrée, Virgile posta deux vilains en cuivre. Ils tenaient en main deux fléaux qu’ils agitaient fortement, sans jamais arrêter ni ralentir. Ils frappaient avec tellement de force qu’ils auraient presque brisé les pierres de la porte qu’ils défendaient : personne n’osait pénétrer à l’intérieur de peur d'être tué ou mis en pièces.

[De Saint Pau] Et durat chu longement vivant Virgile, et apres sa mort tant que Sains-Poul l'apostle les fist cesseir apres l'incarnation Jhesu-Crist, enssi com vos oreis. En celle maison voult Virgile demoreir et estudier XIIII ans depuis qu'ilh viscat là apres.

[Saint Paul] Et cela dura longtemps, du vivant de Virgile et après sa mort, jusqu’au jour où saint Paul l’apôtre les fit arrêter, après l’Incarnation de Jésus-Christ, comme vous l’apprendrez (p. 277-278). Virgile voulut rester et étudier dans cette maison durant les quatorze dernières années de sa vie.

[p. 261] [Virgile, de compte d’or] Item, l'an Vc et LVIII, en mois d'avrilhe, envoiarent les Egyptiiens une noble abbatiait de nobles gens à Virgile, aportans lettres de creanches et disant que, enssi com Ptholomes avoit fait I compte d'oir de la lune, qui à son temps l'avoit mis et ensereit là, ons ne le poioit troveir ; si voloient priier les Egyptiiens à Virgile, en l'honeur de March leur Dieu, qu'ilh vosist faire I compte d'or qui assengne la lune prenans.

[p. 261] [Virgile et le nombre d’or] En avril de l’année 558 [31 a.C.n.], les Égyptiens envoyèrent à Virgile une imposante ambassade de notables, apportant des lettres de créance. Ptolémée, disaient-ils, avait déterminé avant sa mort le nombre d’or de la lune, mais l’avait enfermé en un lieu qu'on ne parvenait plus à retrouver. Les Égyptiens voulaient donc prier Virgile de déterminer, en l’honneur de Mars leur dieu, un nombre d’or indiquant le lever de la lune.

[Com catholique fut Virgile et plains del foid] Virgile respondit cortoisement : « Barons, en nom de March, ne de Jupiter, ne de Venus, ne feray-je riens, car chu ne sont pais Dieu de nature, mains estoiles et planetes, qui n'ont nuls virtus aultre que Dieu qui fist chiel et terre leurs donne ; se ne creieis mie bien ; mais li vray Dieu, li tous poissans, est Dieu qui fist le firmament et le monde de nulle chouse. Chi Dieu la triniteit astoit et est dedens une uniteit, qui astoit anchois le monde fais, tous temps fut, sens commenchement, sens [p. 262] fin et sierat ; tous biens et tous virtus desquendent de luy, qui est de III personnes en unc seul Dieu ; chis est Dieu omnipotent, et puis est Fis, et puis Sains-Esperis en uniteit, qui est advenus et advenir est, advenus par deiteit, advenir par humaniteit. Et chu venrat à XXe ans apres chu que je seray mors, lequeis j'ay creyut, croy et creray ; si meg mon arme à son commandement, à la grasce et loienge de luy. »

[Virgile, un catholique plein de foi] Virgile répondit courtoisement : « Seigneurs, je ne ferai rien au nom de Mars, de Jupiter et de Vénus, car ils ne sont pas de nature divine ; ce sont des étoiles et des planètes, qui n’ont d’autre pouvoir que celui que leur donne Dieu, créateur du ciel et de la terre. Vous êtes dans l'erreur. Le vrai Dieu, le Tout-Puissant, est le Dieu qui fit de rien le firmament et le monde. Ce Dieu était la trinité, en laquelle est une unité, qui existait avant la création du monde, qui exista de tout temps, sans commencement, et qui [p. 262] sera sans fin. Tous les biens et toutes les vertus descendent de lui, constitué de trois personnes en un seul Dieu ; il est Dieu Tout-Puissant, et aussi fils, et puis Saint-Esprit, advenu et à venir, advenu par déité, et à venir par humanité. Tout cela se passera vingt ans après ma mort. En tout cela, j’ai cru, je crois et je croirai ; et je remets mon âme à son commandement, à sa grâce et à sa louange. »

[Virgile dist del Saint-Triniteit - Virgile soy baptizat] Quant cheaux de Naple et cheaux d'Egipte oïrent comment Virgile desdengne leur Dieux, et se croit en uns aultre, à Virgile ont demandeit qui est chi Dieu del triniteit qui s'asemble en une uniteit ? Respont Virgile : « Chu est voir que ches trois Dieux sont trois revenant à unc seulement ; et chu est la triniteit parfaite en uniteit, toute portraite de triniteit en trestous cas, car ilh est Peire, ilh est Fis, ilh est Sains-Esperis, qui est uns seul Dieu sens division, de sa substanche tous poisans, tous parfais, de tout bonteit et vertut, sens quantiteit, sans qualiteit, sens fin, sans commenchement, Alpha et Omega at nom, qui est fontaine de scienche, qui venrat d'une virgene nastre, et XXXII ans et trois mois yrat par terre salvation querre por son peuple, et morat. Apres chu ilh briserat infeir, si en jetterat ses subgis, enssi que my et les aultres qui là mys sieront, et y ont esteit par le pechiet Adam, qui por Eve sa femme fut inobediens à Dieu. Apres, nous mainrat en paradis awec luy, et en nom del sainte baptisement de Peire et de Fis et de Sains-Epirs, je preng celle aighe qui est la triniteit enssi bien que je fuisse adont vivant, quant ilh serat sa foy prechant. Enssiment je l'ay dit à Romme aux senateurs que je le dy à vos. »

[Virgile parle de la Sainte Trinité - Virgile se baptise] Quand les Napolitains et les Égyptiens entendirent comment Virgile dédaignait leurs dieux et mettait sa foi en un autre, ils lui demandèrent qui était ce Dieu de la Trinité rassemblée en une unité. Virgile répondit : « C’est vrai que ces trois Dieux sont trois, mais ils se réduisent à un seul ; c’est la trinité parfaite en l’unité, représentant la trinité entière en tous les cas, car il est Père, il est Fils, il est Saint-Esprit, un seul dieu sans division, tout puissant par sa substance, absolument parfait, de toute bonté et vertu, sans quantité, sans qualité, sans fin, sans début. Il a comme nom Alpha et Omega, c'est une fontaine de sagesse, qui viendra et naîtra d’une vierge. Durant trente-deux ans et trois mois, il résidera sur terre cherchant à sauver son peuple, puis il mourra. Après quoi, il brisera [les portes] de l’enfer, et en fera sortir ses fidèles, comme moi et les autres qui auront été placés là suite au péché d’Adam, lequel, à cause d’Ève sa femme, a désobéi à Dieu. Après cela il nous emmènera au paradis. Au nom du saint baptême du Père, du Fils et du Saint-Esprit, je prends cette eau qui est aussi la trinité. Puissé-je être encore vivant quand sa foi sera prêchée ! Je vous le dis à vous ici comme je l’ai dit aux sénateurs à Rome. »

[Virgile fist le compte d’or] Quant les Egyptiiens entendirent chu, se dessent à Virgile : « En nom de cel Dieu et de tout ses virtus, nos fais le compte d'or por avoir perpetuel memoire. » Adont leur respondit Virgile que volentier le feroit en unc kalendier solonc la novelle loy advenir ; et le voirat ens asseir por si que ly angle le garderat, et ilh demonstrerat l'an tout altour al thier de la lune novelle. Enssi fist-ilh le compte d'or, et les Egyptiens en virent la coppie et le portarent en Egypte. Et Virgile envoiat la coppie à Romme, et li principaul demorat à Napple.

[Virgile définit le nombre d’or] Quand les Égyptiens entendirent cela, ils dirent à Virgile : « Au nom de ce Dieu et de tous ses pouvoirs, fais-nous le nombre d’or, pour que nous l’ayons perpétuellement en mémoire. » Alors Virgile leur répondit qu’il le ferait dans un calendrier conforme à la nouvelle loi à venir ; et il voudra le placer enfermé, sous la garde d'un ange et il décrira l’année autour du troisième quartier de la lune nouvelle (?). Ainsi calcula-t-il le nombre d’or, et les Égyptiens en reportèrent la copie en Égypte. Virgile en envoya une copie à Rome, tandis que l’original resta à Naples.

 

 Dernières années de Virgile à Naples : Les bains de Pouzzoles - Une vie studieuse entrecoupée de mondanités - Digression : Hérode épouse Mariamne et se fait circoncire - Un banquet mémorable et des jeux fabuleux, voire grivois (30/28 a.C.n.)

 

[p. 262] [De bangnes Virgile qui garissoient de tout maladies] Item, l'an Vc et LIX, edifiat Virgile une vilhete qu'ilh appellat Puchoul, et encour le nom-ons enssi. En celle [p. 263] vilhe édifiat-ilh des bangnes subtils, là ilh se bangnoient toutes gens qui malaides astoient de queilconques maladies qui puet venir, hommes et femmes ; se mors ne est, ilh fait tout le mal issir fours ; et si astoit escript deseur cascon bangne, de lettre de laiton, de queile maladie ilh garissoit ; qui puis durarent longement, et puis furent destruys par le phisichiens de Salerne, qui par faux ribaux fisent embleir les lammes de tous les bangnes où les escriptures astoient. Onques depuis ne fut nuls qui soy oisast bangnier plus dedens les dis bangnes, car ons ne savait auqueiles maladies ilhs astoient bons ou malvais ; mains les bangnes sont encors tous là.

[p. 262] [Les bains de Virgile qui guérissaient toutes les maladies] En l’an 559 [30 a.C.n.], Virgile fonda une petite ville qu’il appela Pouzzoles et qui porte encore ce nom. Il y installa des bains miraculeux, où venaient se baigner toutes les personnes, hommes et femmes, qui étaient atteintes de toutes les maladies possibles ; si le patient ne meurt pas (si sa maladie n'est pas mortelle ?), le bain fait sortir tout le mal de son corps. Chaque bassin portait une inscription en lettres de laiton, spécifiant la maladie qu'il traitait. Ces bains restèrent longtemps en activité, puis furent détruits par les médecins de Salerne qui firent enlever par de fourbes scélérats les plaquettes sur lesquelles se trouvaient les inscriptions. Depuis lors, jamais plus personne n’osa utiliser ces bains, car on ignorait pour quelles maladies ils étaient bons ou mauvais ; mais tous les bassins sont encore là.

[p. 263] [Del hostel Virgile - Des jeux Virgile] Item, apres chu estudiat Virgile sens issir de son hosteil, fours que quant ilh alloit disneir ou souppeir awec les gens de Napples, ou eaux awec ly ; là faisoit-ilh des jeux si beals et si mervelheux, que chu sieroit grant enlongement de ma mateire del tout à racompteir ; car l'une fois faisoit venir al disneir uns veneurs cornant, puis venent bisses et cherfs lanchantes parmy les tables sens touchier nuls viandes. Apres faisoit venir menestreis tres-joliement trompant, et musant, et violant tous instrumens de musiques. Et les chierfs, et levriers, et braches devenoient incontinent et visiblement damoiselles noibles et dameseaux, qui dansoient de mult noble affaire ; et si tenoit cascon une escuele plaine de roisins tantoist colhus de pays où ilh astoient meurs, car à Naple point ne cressoient à cel temps, car ch'astoit en marche.

[p. 263] [La demeure de Virgile - Les jeux de Virgile] Dans la suite, Virgile étudia sans plus sortir de sa demeure, excepté pour dîner ou souper chez des Napolitains ou les recevoir chez lui. Il y organisait des jeux si beaux et si merveilleux que je m'éloignerais trop de mon sujet si je voulais les raconter tous. Ainsi, il faisait venir au dîner des chasseurs jouant du cor ; puis des biches et des cerfs arrivaient courant à travers les tables sans toucher les aliments. Puis des ménestrels se produisaient, jouant très joliment de la trompe, de la musette, de la viole et de tous les instruments ; les cerfs, les lévriers et les braques devenaient soudain de nobles damoiselles et damoiseaux, dansant très gracieusement. Chacun tenait une petite coupe de raisins fraîchement cueillis dans les pays où ils mûrissaient, car à Naples ils ne poussaient pas à cette époque, car on était en mars.

[p. 263] [An -29] [Des femmes Herode] Item, l'an Vc et LX, le XVIe jour de may, donna Hircain à Hérode une siene cusin à femme, qui fut nommée Mariane ; et oit Herode II femmes. De cel Mariane oit Herode unc fis qui fut nommeis Alixandre. En cel an meismes soy fist Herode circoncir à la loy des Juys por l'amor qu'ilh avoit à sa femme Mariane, qui astoit juée

[p. 263] [Les épouses d'Hérode] Le 16 mai de l'an 560 [29 a.C.n.], Hyrcan donna en mariage à Hérode une cousine à lui, qui s'appelait Mariamne : Hérode eut ainsi deux épouses. De cette Mariamne, il eut un fils appelé Alexandre. Cette année aussi, Hérode se fit circoncire, selon la loi juive, pour l'amour de sa femme Mariamne, qui était juive.

[De convive Virgile] Item, l'an Vc et LXI, en mois d'avrilh, fist Virgile I disneir à ches de Napple tous femmes et hommes pres de IIc milhes, en son jardin qui ne tenoit que I journal de [p. 264] terre, et y seirent bien aise et plantiveusement à taubles tous.

[Les convives de Virgile] En l’an 561 [28 a.C.n.] en avril, Virgile organisa en son jardin un dîner pour tous les habitants de Naples, près de deux cent mille femmes et hommes. Alors que le jardin ne comptait qu’un [p. 264] arpent de terre, tous les convives étaient attablés, largement et à l’aise.

[Des XVIII mes Virgile- De diverse pays] Promirs ons aportat à tauble pain, vin et seil, qui tout subitement furent mis al tauble ; incontinent les mes l'uns apres l'autre aporteit, et les devanttrains si reportent si honestement et si hastiement, qu'il n'y awist tant seulement que C hommes seant à tauble nient plus n'astoient encombreis del siervir ou del deservir. Et si servit de XVIII mes, dedens compteis les entre-mes ; mains queiles ilhs furent je ne le sçaroy dire, mains bien sçay que teis mes y oit qui vient d'Indre, et de Persie, et de Libie, d'Etyoppe, de Nubie, de Babylone, et d'Ybernie, et d'Aquilone.

[Les XVIII mets de Virgile - Divers pays] D’abord, on apporta du pain, du vin et du sel, qui tous apparurent brusquement sur la table. Sans arrêt on servait les mets les uns après les autres ; les gens à l’intérieur se comportaient aussi correctement et aussi habilement que s'il n'y avait eu que cent convives à table et les gens chargés du service n’étaient pas débordés. On servit dix-huit mets, dont les entremets. Je ne puis préciser de quels plats il s’agissait, mais je sais que certains venaient d’Inde, de Perse, de Libye, d’Éthiopie, de Nubie, de Babylone, d’Hibernie (Irlande) et des pays du Nord.

[Dez annet Virgile] Car d'Yberne vinrent annettes qui là croissent sour les arbres qui les portent enssi com fruis, qui sont solonc les riviers qui les gardes ; car quant ilh sont meurs, ilh chient ; se ilhs chient à terre, ilh purissent, et s'ilh chient en l'aighe, ilh prendent vie, et se noient tantoist. Et est viande que ons mangnoit mantenant le venredi et en Quaramme, sicom fruis d'arbre. Virgile se les donnat rosties et stechinées de basmes qui vient d'Egypte.

[Les annettes de Virgile] Des annettes provenaient d’Hibernie, où elles poussent comme des fruits sur les arbres, près des rivières qui assurent leur survie. En effet une fois mortes, elles tombent : si c'est par terre, elles pourrissent, mais si c'est dans l’eau, elles revivent et se mettent aussitôt à nager. C’est une viande qu’on mange maintenant le vendredi et en carême, comme des fruits d'arbres. Virgile les présenta rôties et piquées de graines odoriférantes venant d’Égypte (p. 284-285).

[Des pommes de Nubie] Et l'autre mes, qui furent pommes de Nubie que ons appelle Lipte, qui de si noble sawour sont que les gens en vivent del oudeur ; bien furent serviz de tous mes, et de beals jeux à grant planteit.

[Les pommes de Nubie] Autre mets à signaler, des pommes de Nubie, qu’on appelle Lepte. Elles ont une saveur si sublime que les gens vivent de leur parfum. On servit tous ces mets, accompagnés de jeux magnifiques et nombreux.

[L’homme en sepelise de femme] Entre lesqueiles Virgile fist que toutes les femmes vestirent les vestimens et les braies des hommes, et les hommes les vestimens des femmes, et n'avoient point de barbes, mains les femmes avoient barbes ; de chu orent grant mervelhe et grant joie.

[L’homme en tenue de femme] Durant ces jeux, Virgile imagina que toutes les femmes portent les vêtements et les braies des hommes, et les hommes, les habits des femmes ; les hommes n’avaient pas de barbes, mais les femmes en avaient ; cela étonna et amusa prodigieusement les convives.

[Apres vinrent tos nus] Apres tantoist se vinrent tous nus danseir, salhans et trippans à grant joies, et leurs membres natureis, que ons se doit honstier del monstreir, veirent tout clers. Et quant tout chu fut fait, ilhs se voient seant à tauble, mangnant et bevant, car ilhs n'astoient encors movis de la table, mains li jeux astoit fais par semblanche.

[Après ils apparurent tout nus] Aussitôt après, ils vinrent danser tous nus, sautant et trépignant très joyeusement, et leurs membres naturels, que l’on doit avoir honte de montrer, étaient clairement visibles. Et quand tout fut fini, ils se retrouvèrent attablés, mangeant et buvant, n’ayant pas encore quitté la table. Ces jeux étaient faits par magie.

 

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