Tacite - Germanie - XLIII à XLVI - Notes

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À l'arrière (XLIII 1). Retro s'oppose à frons Germaniae (XLII 1). Tacite aborde maintenant la description de peuples périphériques dont l'importance va en décroissant. Il s'intéresse surtout à ce qui les rapproche ou les distingue des Germains. Les Marsignes étaient établis à l'extrémité septentrionale du Krkonose (Riesengebirge) dans la Silésie, les Cotins (ou Gotins) en Moravie entre la Jihlava et la région de Brno, les Oses (Cf. XXVIII 3) près de l'Eipfel, affluent du Danube, les Bures entre les cours supérieurs de l'Oder et du Vah.

Sarmates (XLIII 1). Cf. I 1.

Quades (XLIII 1). Cf. XLII 1.

fer ( XLIII 1). Cf. VI 1. Ils pourraient s'en faire des armes efficaces pour se défendre contre les peuples qui leur imposent le tribut.

chaîne (XLIII 2). Les Carpates orientales.

Au-delà (XLIII 2). Le nom de Lygiens (Cf. Ann. XII 29, 3), comme celui de Suèves, est générique. Ces peuples vivaient entre l'Oder et la Vistule, dans la partie sud-ouest de la Pologne actuelle. Imprécise, la description de Tacite mène du sud vers le nord. La transmission du nom des Elisii est incertaine, d'où diverses transpositions en français (Halisiens, Hélysiens, etc...).

Castor et Pollux (XLII 3). S'agissant de jumeaux divins comme les Dioscures, d'autres comparaisons s'imposent dans la sphère indo-européenne, par. ex. les Açvins de l'Inde védique. Sur l'absence de représentation cf. IX 2.

pouvoir royal (XLIV 1). À mesure que l'exposé progresse, on y découvre des peuples de plus en plus soumis à cette forme de pouvoir, ce qui, aux yeux de Tacite, atténue leur caractère germanique. Cf. VII 1. L'auteur soulignera ailleurs l'incompatibilité entre pouvoir royal et liberté. Cf. Ann. I 1, 1. Or celle-ci est la caractéristique par excellence des Germains. Cf. XXXVII 3.

en plein Océan (XLIV 2). L'habitat des Suiones se situe dans les îles du Golfe de Suède (p. ex. Bornholm) ou dans le sud de la Suède, la Scandinavie étant considérée comme une île. Cf. I 1; Pline (NH IV 96).

embarcations (XLIV 2). Germanicus en utilisa aussi (Cf. Ann. II 6, 2). L'archéologie a confirmé l'existence de bateaux de ce genre, qui n'étaient pas adaptés à la navigation en haute mer.

richesse (XLIV 3). Autre caractéristique différenciant ces peuples des Germains (Cf. V 2-3). Cette richesse leur vient du commerce des fourrures (Cf. XVII 1) et de l'ambre (Cf. XLV 4-5). Au contraire des autres peuples germaniques, l'exercice de la royauté est lié à la richesse. Cf. VII 1.

armes (XLIV 3). On émet l'hypothèse que la description rapportée par Tacite ne concerne qu'un moment de célébration religieuse, comparable au culte de Nerthus (Cf. XL 2-4) et non pas l'ordinaire de la vie quotidienne.

affranchi (XLIV 3). Cf. XXV 2.

une autre mer (XLV 1). Cf. XVII 1. C'est l'Arctique dont la description est à rapprocher de celle des abords de Thulé. Cf. Agr. X 6; Pline (NH IV 16, 104).

bruit (XLV 1). La description du char du soleil est conventionnelle, fréquente aussi l'allusion au bruit que fait le soleil en se couchant, quand le métal surchauffé de son char rencontre le froid de l'eau. Cf. Lucain (IX 866). Tacite est toutefois seul à faire allusion au bruit que fait le soleil levant.

jusque là (XLV 1). Tacite reprend le lieu commun selon lequel l'Océan marque l'extrémité du monde. Cf. I 1; II 1.

mer de Suévie (XLV 2). En dehors de Tacite, personne ne désigne ainsi la Baltique. Méla (III 31 et 54) et Pline (NH IV 96-97) l'appellent Golfe de Codanus. Ptolémée (Géog. II 11 1) fait la distinction entre l'Océan germanique à l'ouest de la Vistule et l'Océan sarmate à l'est de celle-ci (ibid. III 5,1).

la Mère des Dieux (XLV 2). Pour l'interpretatio Romana cf. XL 2.

fer (XLV 3). Même si le travail du fer débuta dans cette région vers le milieu du Ier millénaire A.C., ce n'est qu'après le Ier siècle P.C. que le fer remplaça les armes et les outils de pierre et d'os.

paresse (XLV 3). Cf. XIV 3. Cette activité agricole est confirmée par la découverte de réserves de grains de blé, seigle, millet, orge et d'outils agricoles en fer dans les tombes.

ambre (XLV 4). À l'époque romaine, la côte sud-ouest de la Baltique, au nord de l'actuelle Kaliningrad, était comme aujourd'hui, la source la plus importante d'approvisionnement d'ambre. Le commerce, qui remontait à l'époque néolithique, couvrait depuis longtemps de longues distances puisqu'on trouve des objets d'ambre dès le XVIIe siècle A.C. dans la Grèce mycénienne. Au temps de l' Empire romain, existaient deux itinéraires menant au cours inférieur de la Vistule. Selon Pline, des Germains livraient l'ambre à Carnuntum (près de l'actuelle Bratislava) en Pannonie, mais à l'époque de Néron l'organisateur des jeux impériaux envoya directement un marchand romain vers la côte de la Baltique qui en revint avec un stock impressionnant, dont une pièce pesant treize livres. Cf. NH XXXVII 44-46. Cette anecdote illustre les rapports plus directs que Rome a entretenus avec la Baltique, sans plus passer par des intermédiaires germains, entre la moitié du Ier et celle du IIe siècle P.C., période la plus intense du commerce de l'ambre. En témoignent la découverte sur la côte sud-ouest de la Baltique d'objets en bronze de fabrication romaine et de nombreuses monnaies de bronze et d'argent. Il semble d'ailleurs que Tacite se soit aussi appuyé sur les récits de voyages de négociants d'ambre. Glesum est à rapprocher de la racine germanique * glô (= briller. Cf. anglais glass).

usage (XLIV 4). L'archéologie a par contre révélé que l'ambre travaillé était aussi répandu parmi les peuples du Nord de l'Europe que dans ceux de l'Empire. Tacite veut surtout insister sur les excès d'une société civilisée qui paie très cher des objets dont la valeur est surfaite. Encore un vice dont, selon l'auteur, les sociétés barbares du nord de l'Europe sont exemptes. Cf. V 2 - 3.

résine d'arbres (XLV 5). Cette théorie est très ancienne qui apparaît dans le mythe grec des Héliades, soeurs de Phaéton, transformées après la mort de celui-ci en arbres pleureurs, dont les larmes se durcissent en ambre. Faut-il voir un lien implicite dans le texte de Tacite avec le mythe du char du soleil levant (Cf. XLV 1)? Cela expliquerait, dans la suite immédiate du texte, la rupture que constitue la présentation des Sithons après les Estes. Chez Martial l'ambre est désigné par Phaethontide... gutta (IV 32, 1) et, dans un contexte semblable, le peuplier par Flentibus Heliadum ramis (IV 59, 1). S'appuyant sur des auteurs grecs plus récents, Pline (NH. XXXVII 39) situe en Orient les arbres producteurs d'ambre. Il est à noter que le mot latin sucinus désignant l'ambre dérive de sucus (suc, sève).

Orient (XLV 5). Cf. Théophraste (Hist. pl. IX 4; 6; 7, 3); Pline (NH VI 154; XII 51-65). Tacite émet l'hypothèse de l'existence de terres semblables au (Nord)-Ouest où le soleil brille perpétuellement. Cf. XLV 1.

Sithons (XLV 6). Après avoir décrit les Estes (Cf. XLV  2 sqq), Tacite revient au nord-ouest dans les parages des Suiones (Cf. XLIV 2 sqq). Comme il est seul à mentionner leur tribu, la localisation des Sithons est des plus problématique. Quant à l'exercice de la royauté par une femme, on a émis l'hypothèse d'une compréhension erronée par Tacite du rôle important dévolu à une prêtresse dans la communauté (Cf. VIII 2). Il est difficile aussi de rattacher cette affirmation de Tacite au récit légendaire remontant à l'antiquité tardive (Cf. Paul Diacre [Hist. Lang. I 15]) et repris à l'époque médiévale, d'un royaume d'Amazones nordiques (Cf. Adam de Brême, III 15; IV 19). La préoccupation de Tacite est plutôt de montrer le degré extrême de la soumission au pouvoir royal (Cf. XLIV 1 et XLIV 3), lequel est d'autant plus inacceptable qu'il est exercé par une femme. Cf. Ann. XII 40, 3.

rattacher (XLVI 1). Tacite conclut la seconde partie de son opuscule, comme il l'avait commencée, par des considérations sur le rattachement discutable de peuples à la sphère germanique. Cf. XXVIII où la difficulté de savoir s'il s'agissait de Germains ou de Gaulois procédait du territoire qu'ils occupaient. Ici le rattachement aux Germains ou aux Sarmates ne se fera pas en fonction de critères physiques, pourtant si importants pour Tacite (Cf. IV), mais culturels, notamment la langue et le mode de vie, comme ce fut déjà le cas en XLIII 1. Les trois peuples cités forment une ligne continue du sud au nord.

Sarmates (XLVI 1). Cf. I 1.

Peucins (XLVI 1). Ils constituaient une partie des Bastarnes et étaient établis dans la région danuvienne de Peukè, c'est à dire des bouches du Danube au Dniester. Cf. Strabon (VII 3, 17). Selon Pline (NH IV 100), les Peucins et les Bastarnes formaient le cinquième parmi les plus importants groupes germaniques. Les Bastarnes sont le premier peuple germanique à être impliqué dans des conflits avec ceux de la Méditerranée. Il est vraisemblable qu'ils soient les Galates qui, en 230 A.C., ont attaqué la cité grecque d'Olbia sur la Mer Noire. Cf. Trogue-Pompée (Prol. 28). On les retrouve un demi-siècle plus tard aux côtés de Philippe V de Macédoine et de Persée contre les Romains et les Dardaniens. Cf. Tite-Live (XL 5, 10; 57-58). Mithridate rechercha aussi leur alliance. Cf. Appien (Mithridate XV 69, 71). Ils furent défaits par M. Licinius Crassus. On les assimila tour à tour à des Celtes ou à des Scythes. Strabon (VII 3, 17) est le premier à les assimiler de manière peu sûre à des Germains tandis que Pline est seul auteur à les classer comme Germains sans plus.

Vénèthes (XLVI 2). Ils vivaient à l'emplacement de l'actuel Belarus. Leur identification est problématique. Ils sont à rapprocher sans doute des Venedae cités par Pline (NH IV 97) et Ptolémée (Geog. III 5, 7). Pour l'habitat cf. XV 1. Tacite (Hist. I 79, 9) mentionne ailleurs que les Sarmates Roxolans ne se servent pas de boucliers. Cf. VI 1. Sur l'importance de l'infanterie, cf. VI 3.

Fennes (XLVI  3). Ils sont difficiles à localiser, peut-être en Finlande, et ont souvent été identifiés avec les Lapons. Tacite est le premier à en faire mention. Il faut tenir compte de la place que cette description accorde à des lieux communs de rhétorique. À côté des Germains plus ou moins barbares, les Fennes représentent l'antithèse absolue de la civilisation. Tout en décrivant un peuple en état complet de nature, Tacite amorce, non sans ironie, une réflexion philosophique sur l'absence de biens qui rend la vie exempte de tout souci. Cf. Sénèque (Ep. XC 16; 41). Sa conclusion rejoint aussi Sénèque (Ep. XVII, 6-7). Il exprime ailleurs son peu de sympathie pour les philosophes. Cf. Agr. IV 5; XLII 6.

racontars (XLVI 4). Depuis les débuts de la littérature grecque, il est question de peuples étranges vivant aux confins du monde, tels les Lotophages, les Lestrygons et autres Cyclopes de l'Odyssée. On trouve chez Hérodote (IV 23 sqq) les premières légendes concernant des peuples septentrionaux étranges. Cf. aussi Méla (III 56), Pline (NH IV 95), Ptolémée (Géog. III 5,10). Tacite utilise vraisemblablement une source grecque, comme le suggère l'accusatif pluriel Oxionas. Une réflexion brève et proche de celle qu'il a émise en III 3, met fin, pour le moins abruptement, à la Germanie.

 

Tacite - Germanie - XLIII à XLVI - Notes

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