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MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS
Première épreuve : le tri des grains (VI, 10, 1 - 11, 2)
(VI, 10, 1) En proférant ces mots, elle s'élance sur la pauvre Psyché, met sa robe en pièces, lui arrache les cheveux, et lui meurtrit de coups la tête. Ensuite elle se fait apporter du froment, de l'orge, du millet, de la graine de pavots, des pois, des lentilles et des fèves. Elle mêle et confond le tout, et s'adressant à sa victime : (2) Une servante, une créature si disgraciée doit être une habile personne pour avoir su se faire si bien venir. Eh bien ! je veux essayer ton savoir faire. (3) Tu vois cet amas de graines confondues ? tu vas me trier tout, séparer chaque espèce, et en faire autant de tas. Je te donne jusqu'à ce soir pour m'expédier cette tâche. (4) Et, après lui avoir taillé cette belle besogne, la déesse sort pour se rendre à un repas de noces.
Psyché ne songe pas même à mettre la main à ce chaos inextricable. Elle reste immobile et stupéfaite d'une exigence aussi extravagante. (5) Alors la fourmi, chétive habitante des champs, qui pouvait si bien apprécier la difficulté d'une semblable tâche, prend en pitié l'épouse d'un dieu, qu'elle y voit impitoyablement condamnée. Tout indignée de cet acte de marâtre, elle court convoquer le ban des fourmis de son quartier. (6) Soyez compatissantes, filles alertes de la terre; vite au travail ! une femme aimable, l'épouse de l'Amour, a besoin de vos bons offices. (7) Aussitôt la gent aux mille pieds de se ruer, de se trémousser par myriades. En un clin d'oeil tout cet amas confus est divisé, classé par espèces, distribué en autant de tas distincts; et zeste, tous les travailleurs ont disparu.
(VI, 11, 1) Vers le soir, Vénus revient de la fête, échauffée par les rasades, arrosée de parfums et couverte de guirlandes de roses. Elle voit avec quel soin merveilleux la tâche a été remplie : (2) Ce n'est pas toi, coquine, cria-t-elle, qui as fait cette besogne. J'y reconnais la main de celui à qui tu as trop plu, pour ton malheur et pour le sien. Là-dessus, elle jette à Psyché un morceau de pain, et va se mettre au lit.
Deuxième épreuve : les brebis à la toison d'or (VI, 11, 3 - 13, 1) (3) Cependant Cupidon, confiné au fond du palais, y subissait une réclusion sévère. On craint qu'il n'aggrave sa blessure par son agitation turbulente : surtout, on veut le séquestrer de celle qu'il aime. Ainsi séparés, bien que sous le même toit, les deux amants passèrent une nuit cruelle. (4) Le char de l'Aurore se montrait à peine, que Vénus fit venir Psyché, et lui dit : Vois-tu ce bois bordé dans toute sa longueur par une rivière (5) dont les eaux sont déjà profondes, bien qu'encore voisines de leur source ? Un brillant troupeau de brebis à la toison dorée y paît, sans gardien, à l'aventure: il me faut à l'instant un flocon de leur laine précieuse. Va, et fais en sorte de me le rapporter sans délai.
(VI, 12, 1) Psyché court, vole; non pour accomplir l'ordre de la déesse, mais pour mettre un terme à ses maux dans les eaux du fleuve. Or, voici que, de son lit même, un vert roseau, doux organe d'harmonie, inspiré tout à coup par le vent qui l'agite et qui murmure, se met à prophétiser en ces termes : (2) Pauvre Psyché, déjà si rudement éprouvée, garde-toi de souiller par ta mort la sainteté de mes ondes, et n'approche pas du formidable troupeau qui paît sur ce rivage. (3) Tant que le soleil de midi darde ses rayons, ces brebis sont possédées d'une espèce de rage. Tout mortel alors doit redouter les blessures de leurs cornes acérées, le choc de leur front de pierre, et la morsure de leurs dents venimeuses; (4) mais une fois que le méridien aura tempéré l'ardeur de l'astre du jour, que les brises de la rivière auront rafraîchi le sang de ces furieux animaux, tu pourras sans crainte gagner ce haut platane nourri des mêmes eaux que moi, et trouver sous son feuillage un sûr abri. (5) Alors tu n'auras, pour te procurer de la laine d'or, qu'à secouer les branches des arbres voisins, où elle s'attache par flocons.
(VI, 13, 1) Ainsi le bon roseau faisait entendre à Psyché de salutaires conseils. Elle y prêta une oreille attentive, et n'eut pas lieu de s'en repentir; car, en suivant ses instructions, elle eut bientôt fait sa collecte furtive, et retourna vers Vénus, le sein rempli de cet or amolli en toison.
Troisième épreuve : l'eau de la source du Styx (VI, 13, 2 - 16, 1) (2) Psyché ne se vit pas mieux accueillie après le succès de cette seconde épreuve. Vénus, fronçant le sourcil, dit avec un sourire amer : (3) Toujours la même protection frauduleuse ! Mais je vais faire un essai décisif de ce courage si ferme et de cette conduite si prudente. (4) Vois-tu ce rocher qui se dresse au sommet de cette montagne escarpée ? Là jaillit une source dont les eaux noirâtres, recueillies d'abord dans le creux d'un vallon voisin, se répandent ensuite dans les marais du Styx, et vont grossir les rauques ondes du Cocyte. (5) Tu iras au jet même de la source puiser de son onde glaciale, et tu me la rapporteras dans cette petite bouteille. Elle dit, et lui remet un flacon de cristal poli, en accompagnant l'injonction des plus terribles menaces.
(VI, 14, 1) Psyché hâte le pas pour gagner le sommet du mont, croyant bien cette fois y trouver le terme de sa misérable existence. Arrivée au haut, elle voit toute l'étendue et la mortelle difficulté de sa tâche, et quels périls il lui faut surmonter. (2) En effet, le rocher s'élevait à une hauteur effroyable, et c'était à travers ses flancs abrupts, d'un escarpement inaccessible, que l'onde formidable trouvait passage. Elle s'échappait par une foule de crevasses, (3) d'où elle glissait perpendiculairement, et s'encaissait ensuite dans une rigole étroite et profonde, qui la conduisait inaperçue jusqu'au fond du vallon. (4) Du creux des rocs qui enfermaient ses deux rives, on voyait s'allonger de droite et de gauche d'affreuses têtes de dragons aux paupières immobiles, aux yeux constamment ouverts; gardiens terribles et qui ne s'endorment ni ne se laissent gagner. (5) De plus, ces eaux étaient parlantes et savaient se défendre elles-mêmes : Arrière ! Que fais-tu ? où vas-tu? Prends garde ! fuis ! Tu mourras! Tels étaient les avertissements qu'elles ne cessaient de faire entendre. (6) Psyché resta pétrifiée en voyant l'impossibilité de sa tâche. Présente de corps, elle est absente par ses sens.
(VI, 15, 1) Accablée par la conscience de son danger, elle n'a pas même la triste ressource des larmes; mais une providence tutélaire veillait sur cette âme innocente. Le royal oiseau de Jupiter, l'aigle aux serres ravissantes, parut tout à coup, déployant ses grandes ailes. (2) Il n'a pas oublié combien il fit autrefois sa cour au souverain des dieux par le rapt de ce jeune Phrygien qui lui sert à boire, et que ce fut Cupidon lui-même qui l'inspira. Des hauteurs de l'Olympe, il vient offrir bien à propos son assistance, jaloux de se rendre agréable au mari en secourant sa jeune épouse. Le voilà donc qui voltige autour de Psyché, et lui dit : (3) Eh quoi ! pauvre innocente, croyez-vous que vos mains novices puissent dérober une seule goutte de l'eau de cette fontaine ? Vous flattez-vous d'approcher seulement de ses bords sacrés et terribles ? (4) Ne savez-vous pas que les dieux, que Jupiter lui-même, ne les nomment qu'en tremblant ? qu'ils jurent par la majesté du Styx, comme vous autres mortels vous jurez par la puissance des dieux ? (5) Mais confiez-moi ce flacon. Il dit, s'en empare, et ne tarde pas à le rapporter plein, passant et repassant, majestueusement soutenu par le balancement de ses puissantes ailes, entre ces deux rangs de gueules béantes, qui ne peuvent que montrer leurs dents terribles et darder sans effet leur triple langue. (6) L'onde s'irrite, et lui crie : Loin d'ici, sacrilège ! Mais il disait : C'est par l'ordre de Vénus; et ce mensonge adroit lui servit aussi de passeport.
(VI, 16, 1) Psyché reçoit avec joie le flacon si heureusement rempli, et le rapporte en toute hâte à Vénus; mais rien n'apaise l'implacable déesse.
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