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MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


APULEE

Le conte d'Amour et de Psyché 10

(Mét., VI, 5, 1 - VI, 9, 6)

Vénus fait lancer par Mercure un avis de recherche et Psyché décide de se livrer
(VI, 5, 1 - 8, 4)

(VI, 5, 1) Découragée de ce nouvel échec, et renonçant à suivre un mari qui a des ailes, Psyché se livre à de cruelles réflexions. (2) Où chercher du secours, quand des déesses même ne me témoignent qu'une bonne volonté stérile ? (3) Où porter mes pas, quand tant de pièges m'environnent ? Quel toit, quelle retraite assez obscure pour me cacher à l'oeil inévitable de la toute-puissante Vénus ? Allons, Psyché, une résolution énergique ! plus d'illusions frivoles. Va, de toi-même, te remettre aux mains de ta souveraine : ta soumission, pour être tardive, peut encore la désarmer. (4) Qui sait ? peut-être celui que tu cherches va-t-il se retrouver dans le palais de sa mère. Ainsi décidée à cette soumission hasardeuse, dût-elle y trouver sa perte, Psyché déjà préparait son exorde.

(VI, 6, 1) Cependant Vénus, qui a épuisé tous les moyens d'investigation sur terre, en va demander au ciel. Elle ordonne qu'on attelle son char d'or, oeuvre merveilleuse de l'art de Vulcain, qui lui en avait fait hommage comme présent de noces. La riche matière a diminué sous l'action de la lime; mais, en perdant de son poids, elle a doublé de prix. (2) De l'escadron ailé qui roucoule près de la chambre de la déesse, se détachent quatre blanches colombes; elles s'avancent en se rengorgeant, et viennent d'un air joyeux passer d'elles-mêmes leur cou chatoyant dans un joug brillant de pierreries. (3) Leur maîtresse monte; elles prennent gaiement leur vol; une nuée de passereaux folâtres gazouillent autour du char. D'autres chantres des airs, au gosier suave, annoncent, par leurs doux accents, l'arrivée de la déesse. (4) Les nuées lui font place; le ciel ouvre ses portes à sa fille chérie, et l'Empyrée tressaille d'allégresse à sa venue. L'harmonieux cortège défile, sans avoir à craindre la rencontre de l'aigle, ni du vorace épervier.

(VI, 7, 1) Vénus va droit à la royale demeure de Jupiter, et la fière solliciteuse demande hardiment qu'il lui prête le ministère de Mercure; car il lui faut la meilleure poitrine de l'Olympe. (2) Signe d'assentiment des noirs sourcils. Vénus revient triomphante, et, tout en descendant des cieux avec Mercure, lui dit d'un ton animé : (3) Mon frère l'Arcadien, vous savez que votre soeur Vénus ne fait jamais rien sans vous; vous n'ignorez pas non plus que je suis en quête d'une esclave à moi qui se cache, et que je perds mon temps à la chercher. Je n'ai plus qu'une ressource, c'est de faire proclamer que je promets récompense à qui la trouvera. (4) Je compte sur vous pour me rendre, sans tarder, ce bon office. Surtout que son signalement soit clair et précis. S'il y a lieu plus tard de poursuivre quelque receleur en justice, qu'on ne puisse prétexter cause d'ignorance. (5) Là-dessus, elle remet par écrit à Mercure le nom de Psyché avec les indications nécessaires, et regagne son palais.

(VI, 8, 1) Mercure, empressé de s'acquitter de la commission, se met à parcourir la terre, proclamant partout ce qui suit : "(2) On fait savoir qu'une fille de roi, du nom de Psyché, esclave de Vénus, a pris la fuite. Quiconque pourra la livrer, ou indiquer sa retraite, (3) recevra pour sa peine sept baisers de la bouche même de Vénus; plus, un huitième, emmiellé de ce que ses lèvres ont de plus doux. S'adresser pour la réponse au crieur Mercure, derrière les Pyramides Murciennes." (4) À cette annonce, on juge quelle excitation l'espoir d'un pareil prix dut produire chez les mortels. Cette circonstance acheva de détruire toute irrésolution dans l'esprit de Psyché.

 

Vénus accueille très durement Psyché (VI, 8, 5 - 9, 6)

(5) Déjà elle approchait des portes de sa maîtresse; l'Habitude, une des suivantes de Vénus, accourt, en criant du plus haut ton de sa voix : (6) Te voilà donc, servante détestable ! Enfin tu te souviens que tu as une maîtresse ! Ne vas-tu pas, avec l'effronterie dont tu es pourvue, feindre d'ignorer quelle peine nous avons eue à courir après toi ? (7) Par bonheur, c'est dans mes mains que tu tombes; autant vaudraient pour toi les griffes de l'enfer. Ah ! tu vas recevoir le prix de ta rébellion.

(VI, 9, 1) Et, la saisissant par les cheveux, elle entraîne la pauvrette, qui n'oppose aucune résistance. En voyant sa victime devant elle, et comme offerte à ses coups, Vénus poussa un grand éclat de rire; de ce rire que produit souvent l'excès de la colère. (2) Enfin, dit-elle, en secouant la tête et se frottant l'oreille droite, vous daignez venir saluer votre belle-mère. N'est-ce pas à votre mari, malade par votre fait, que s'adresse l'honneur de votre visite ? Oh ! soyez tranquille; on vous traitera comme le mérite une aussi estimable belle-fille. Où sont, dit-elle, mes deux servantes, l'Inquiétude et la Tristesse ? (3) On les introduit; et Vénus livre Psyché à leurs mains cruelles. Suivant l'ordre qu'elles ont reçu, elles la frappent de verges, la torturent de mille manières, puis la ramènent en présence de leur maîtresse.

(4) Vénus se mit de nouveau à rire. Oh ! voici, dit-elle, un gros ventre bien fait pour me disposer à la commisération. Cette belle progéniture va faire de moi une si heureuse grand-mère ! Grand-mère ! (5) n'est-ce pas bien réjouissant de s'entendre donner ce nom, et d'avoir pour petit-fils l'enfant d'une vile servante ? (6) Mais je suis folle, en vérité, d'appeler cela mon fils. Ce mariage disproportionné, consommé dans une campagne, sans témoins, sans le consentement du père, ne saurait être légitime. Le marmot sera bâtard, supposé que je lui donne le temps de naître.

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