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MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


APULEE

Le conte d'Amour et de Psyché 5

(Mét., V, 11, 3 - 15, 5)

Psyché attend famille. Second avertissement (V, 11, 3 - 13, 6)

(3) Cependant le mystérieux époux de Psyché continue ses admonitions nocturnes. Tu le vois, disait-il, la Fortune déjà escarmouche de loin contre toi, et va bientôt, si tu ne te tiens ferme sur tes gardes, engager le combat corps à corps. (4) Deux monstres féminins ont mis en commun, pour te perdre, leur infernal génie. Leur plan est de t'amener à surprendre le secret de ma figure. Or, je te l'ai dit souvent, tu ne la verras que pour ne plus la revoir. (5) Si donc ces infâmes mégères revenaient armées de perfides desseins (elles reviendront, je le sais), point d'entretien avec elles; ou si c'est trop exiger de ce coeur si simple et si bon, du moins sur ce qui me touche n'écoute rien, ne réponds rien. (6) Nous allons voir s'augmenter notre famille. Enfant toi-même, tu portes un enfant dans ton sein, enfant qui sera dieu si tu respectes mon secret, simple mortel, si tu le profanes.

(V, 12, 1) Grande joie de Psyché à cette nouvelle. Une progéniture divine ! un si glorieux gage de leur union ! Et ce respectable nom de mère ! (2) Dans son impatience, elle compte les jours et récapitule les mois. Elle suit avec surprise l'incompréhensible progrès de ce petit ventre qui s'arrondit; effet prodigieux d'une si légère piqûre. (3) Cependant les deux abominables Furies dont la bouche distille le poison, pressaient déjà leur retour avec l'impatience du crime. Nouvelle visite, nouvel avertissement de l'époux. (4) Ma Psyché, voici le jour décisif; nous touchons à la crise. Ton propre sexe, ton propre sang est armé contre toi. L'ennemi est en marche, il a pris position; le signal est donné. Déjà tes affreuses soeurs ont le poignard levé sur toi. (5) O ma Psyché ! quelles calamités nous menacent ! Aie pitié de toi, aie pitié de nous, et que ta discrétion inviolable conjure la ruine de ta maison, de ton mari, la tienne, celle de notre enfant. (6) Ces femmes, qu'une haine homicide, et les droits du sang foulés aux pieds, ne te permettent plus d'appeler tes soeurs, ces sirènes vont se remontrer sur la montagne, et envoyer à l'écho des rochers leur appel perfide. Ne les reçois pas, ne les écoute pas.

(V, 13, 1) Psyché répond, d'une voix entrecoupée par les sanglots et les larmes : Je vous ai montré, je pense, que je tiens ma parole et que je sais me taire; laissez-moi vous prouver maintenant que ma persévérance n'est pas moindre que ma discrétion. (2) Ordonnez seulement à notre Zéphyr de me prêter encore son ministère; et, ne pouvant jouir de votre divine image, que j'aie du moins la consolation de voir mes soeurs. (3) Je vous en conjure par les boucles flottantes et parfumées de votre chevelure, par ces joues charmantes, non moins délicates que les miennes; par cette poitrine qui brûle de je ne sais quelle mystérieuse chaleur. Un jour les traits de cet enfant me révéleront ceux de son père; mais qu'aujourd'hui j'obtienne de vous d'embrasser mes soeurs. (4) Accordez cette faveur à mes instances, et comblez d'une douce joie le cœur de cette Psyché aussi dévouée qu'elle vous est chère. (5) Désormais je ne vous parle plus de votre visage : les ténèbres n'ont plus rien qui m'importune; vous êtes ma lumière, à moi. (6) Elle dit, et en même temps lui prodigue les plus douces caresses. Le charme opère. L'époux, de ses propres cheveux, essuie les larmes de sa Psyché, et s'évanouit encore de ses bras, avant que le jour n'ait paru.

 

Deuxième visite des soeurs (V, 14, 1 - 15, 5)

(V, 14, 1) À peine débarqué, le couple conspirateur, sans visiter père ni mère, va droit au rocher, en franchit la hauteur d'une traite; et toutes deux, au hasard de ne pas trouver de vent pour les porter, se lancent aveuglément dans l'espace : (2) mais Zéphyr est là, prêt à exécuter, bien qu'à contrecoeur, les ordres de son maître. Son souffle les reçoit, et les dépose mollement sur le sol de la vallée. (3) Aussitôt elles précipitent leurs pas vers le palais. Elles embrassent déjà leur proie, et la saluent effrontément du nom de soeur; elles l'accablent de cajoleries : (4) Psyché n'est pas une petite fille à cette heure; la voilà bientôt mère. Sais-tu ce que nous promet cette jolie petite rotondité ? Quelle joie pour notre famille ! (5) oh! que nous allons être heureuses de choyer ce petit trésor ! Si (ce que nous ne pouvons manquer de voir) sa beauté répond à celle des auteurs de ses jours, ce sera un vrai Cupidon.

(V, 15, 1) Enfin elles jouent si bien la tendresse, qu'insensiblement le coeur de Psyché se laisse prendre à la séduction. Elle les fait asseoir, pour reposer leurs jambes de la fatigue du voyage. Puis, la vapeur d'un bain chaud ayant achevé de les remettre, elle leur fait servir sur une table magnifique les mets les plus recherchés et les plus exquis. (2) Psyché veut un air de lyre, et les cordes vibrent; un air de flûte, et la flûte module; un choeur de voix, et les voix de chanter en partie. Aucun musicien n'a paru, et les oreilles sont charmées par la plus suave harmonie: (3) mais l'âme des deux mégères est à l'épreuve des attendrissements de la musique, et elles n'en songent pas moins à enlacer leur soeur dans leurs traîtres filets. Avec une indifférence apparente, elles lui demandent quel air a son mari ? quelle est son origine et sa famille ? (4) La pauvre Psyché avait oublié sa réponse précédente; elle fit un nouveau conte. Son mari était d'une province voisine; il faisait valoir par le négoce un capital considérable; c'était un homme de moyen âge, et dont les cheveux commençaient à grisonner. (5) Là-dessus, coupant court à toute information, elle les comble de nouveau des plus riches présents, et leur fait reprendre leur route aérienne.

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