Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, I, p. 328b-335a
Édition : A. Borgnet (1864) ‒ Présentation nouvelle, traduction et introductions de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2017)
[BCS] [FEC] [Accueil JOM] [Fichiers JOM] [Pages JOM] [Table des Matières JOM]
Hérode le Grand et les Romains - Gaulois - Tongrois - Flamands - Naissance de marie [Myreur, p. 328b-335a]
Ans 575-588 de la transmigration = 14-1 a.C.n.
Introduction [sommaire] [texte]
Après une longue digression ayant pour objet l'histoire d'Adam et de sa descendance jusqu'aux fils de Jacob, Jean revient à la formule annalistique, rassemblant des événements fort différents, parmi lesquels la naissance de la Vierge Marie, signalée (p. 329) entre un tremblement de terre à Chypre et le rappel de Doris par Hérode qui avait fait exécuter Mariamme.
L'essentiel du récit concerne l'histoire d'Hérode, sa famille, ses liens avec Antoine en disgrâce, les rapports très positifs qu'il noue avec Octave-Auguste, l'aide qu'il lui apporte sur le plan militaire, l'extension territoriale de son royaume (il était déjà roi de Judée) et ses importantes constructions. Mais replaçons les choses dans le contexte de l'après-Actium, en suivant M. Hadas-Lebel (Rome, Judée, Paris, 2009, p. 45-46).
La victoire d'Octave sur Antoine et Cléopâtre (en 31 avant notre ère) fut perçue par Hérode comme un très grave danger, étant donné ses rapports étroits avec le vaincu. « En fait la guerre contre les Nabatéens (cfr p. 329) avait servi ses intérêts, puisqu'il n'avait pas été obligé d'engager ses troupes au service d'Antoine. Hérode craignait néanmoins d'être déposé par le vainqueur, mais celui-ci aurait à lui trouver un remplaçant. Le seul personnage en vue qui pouvait se targer d'une légitimité était Hyrcan, le dernier des Hasmonéens [...], alors âgé de plus de quatre-vingts ans. Il fut accusé de collusion avec des Arabes et exécuté. Les Romains n'eurent guère à intervenir dans ce qui était présenté comme une affaire intérieure du royaume juif. »
« Au printemps suivant, Octave se trouvait à Rhodes [et non à Rome, comme l'écrit Jean, p. 330]. Hérode s'y rendit pour connaître le sort qui lui était réservé. Loin de jouer la contrition, signe d'une âme faible, il joua la loyauté envers l'ami perdu, non sans rappeler au passage sa détestation de Cléopâtre. Sa dignité fit impression sur Octave [qui estima que] la Judée était aux mains d'un homme irremplaçable. » Flavius Josèphe écrit à ce propos (Antiquités judaïques, XV, 198) : « Hérode revint en Judée plus honoré et plus indépendant que jamais, au grand étonnement de ceux qui s'attendaient à un résultat tout opposé ; on eût dit qu'il sortait toujours des dangers avec plus de splendeur, grâce à la protection divine ». Jean signale explicitement (p. 331) la participation très active d'Hérode aux opérations d'Octave en Égypte.
Hérode fut un grand bâtisseur, qui voulut sortir la Judée de son « provincialisme » (M. Hadas-Lebel, Rome, Judée, Paris, 2009) pour en faire un véritable royaume hellénistique. Il ne fonda toutefois pas la ville de Césarée de Palestine, comme l'écrit Jean, mais la transforma, comme il transforma Ascalon, sa ville d'origine ; il rebâtit aussi l'ancienne Samarie (fondation d'Amri, selon Jean, p. 43) pour en faire une grande cité, Sébaste ; on lui doit également d'importants travaux à Jérusalem, portant notamment sur le Temple qu'il reconstruisit avec magnificence. Si l'on ajoute à cela Massada et Hérodion, on devra conclure qu'Hérode fut réellement un grand bâtisseur.
En ce qui concerne sa famille, Hérode avait envoyé à Rome Alexandre et Aristobule, les enfants, âgés respectivement de quatorze et treize ans, qu'il avait eus de Mariamme l'Hasmonéenne. Il s'agissait de leur donner une parfaite éducation romaine. C'était là un signe clair qu'il voulait les préparer à sa succession. « L'empereur les accueillit avec bienveillance et les invita à demeurer à la cour. Ils y furent élevés en compagnie de Drusus, fils de l'impératrice Livie et frère cadet de Tibère. Au bout de cinq ou six ans, leur père vint les chercher avec la permission d'Auguste (Antiquités judaïques, XVI, 6) pour leur donner des épouses » (M. Hadas-Lebel, Rome, Judée, Paris, 2009, p. 55). Revenus de Rome et mariés chacun, ils n'acceptent pas que le successeur désigné de leur père soit Antipater, le fils de Doris, la première épouse. Ils intriguent, sont bannis, retournent à Rome pour se plaindre, mais en vain. Historiquement, il ne semble pas qu'ils soient retournés à Rome se plaindre auprès d'Auguste du sort que leur réservait leur père. Quoi qu'il en soit, ils furent tous les deux exécutés plus tard par Hérode, dans des circonstances précisées par Jean d'Outremeuse (p. 358-359).
Les nombreuses récompenses territoriales attribuées par Auguste au roi Hérode sont bien détaillées par M. Hadas-Lebel (p. 56-58). Jean en cite deux (p. 331). Les principaux territoires ainsi donnés portent, selon les sources antiques, les noms de Trachonitide, de Batanée et d'Auranitide (tous au nord-est de la mer de Galilée). Jean date cette opération de 10 a.C.n. : elle eut lieu en 23 avant notre ère, soit un décalage de treize années. [Auguste] aurait aussi envisagé, selon Josèphe, de confier à Hérode l'Arabie voisine. « Il se ravisa pourtant en percevant chez son ami les signes d'une altération mentale inquiétante et "ne jugea pas raisonnable de donner encore un pays à gouverner à un vieillard qui avait de telles querelles avec ses fils" (Antiquités judaïques, XVI 355) » (M. Hadas-Lebel, Rome, Judée, Paris, 2009, p. 58)
Si, dans l'ensemble, les notices rassemblées par Jean sur Hérode correspondent à la réalité historique, cette correspondace globale n'exclut pas nombre d'imprécisions ou d'erreurs, chronologiques ou autres. Mais faire la critique détaillée de toutes les informations fournies par le chroniqueur liégeois serait un travail que nous ne pouvons faire ici.
Parmi les autres événements, Jean signale une guerre, entre le duc de Gaule Franco et le comte de Flandre Flamand, qui aboutit à la fondation d'Arras par ce dernier. Une curieuse légende étiologique est attachée à cette fondation. On notera aussi (p. 332) une série impressionnante de villes fondées dans notre pays, en 8 et 7 a.C.n., par Lotringe, le roi de Tongres : Ougrée, Jemeppe, Flémalle, Engis, Awir, Horion, Flône, Chokier, Ramet, Taviers, Esneux, Ampsin, Lobbes, Jehay, Seneffe, Thys, Ster et Bovenistier. Anticipation fantaisiste bien sûr, mais qui permet à Jean d'Outremeuse de mettre en parallèle, en tant que « grands bâtisseurs », Lotringe et Hérode. Tout est bon pour donner du lustre à « nos régions » ! Sur toutes ces fondations, fantaisistes évidemment, parce que totalement anachroniques, nous ne pouvons pas non plus nous étendre.
On connaît l'intérêt général de Jean pour les questions chronologiques. On a aussi à l'occasion confronté son comput avec le nôtre. Faisons l'exercice pour la présente section. La date de la mort d'Horace dans le comput de Jean correspond à celle de l'histoire (-6 des deux côtés). Les dates de naissance par contre diffèrent de quatre années (65 a.C.n. chez le chroniqueur, -61 de notre ère). En ce qui concerne Virgile, Jean place sa naissance le 6 mai 519 (soit 70 a.C.n.) et sa mort le 6 mai 571 (soit 18 a.C.n.). Ces deux dates sont très proches de celles données dans l’antiquité classique et considérées comme historiques : 15 octobre 70 pour la naissance de Virgile et 20 septembre 19 pour sa mort. Nous avons vu plus haut (p. 171b) ce qu'il en était de deux autres personnages de l'antiquité romaine, Cicéron et Pompée : le chroniqueur liégeois plaçait la naissance du premier en 109 et celle du second en 108, de sa propre chronologie. Dans l'histoire authentique, les deux hommes sont nés en -106. Mais des comparaisons de ce genre ‒ il faut bien l'avouer ‒ peuvent paraître quelque peu vaines.
Terminons ces varia en signalant que la question de la source d'huile et du prodige céleste (p. 331, cfr aussi p. 344-345) a été discutée en détail dans un article des FEC (t. 29, 2015) consacré aux « Marqueurs » de la Nativité.
****
****
Au temps de la bataille d'Actium : Séisme à Chypre et naissance de la vierge Marie - Hérode envoie ses fils Alexandre et Aristobule à Rome et prouve sa fidélité à Antoine, malgré la ruse de Cléopâtre - Bataille d'Actium et arrivée d'Hérode à Rome - Lotringe roi de Tongres (14-12 a.C.n.)
[Mouvement de terre] Sour l’an del transmigration de Babylone deseurdit, Vc LXXV, oit en [p. 329] Cypre si grant mut de terre, que pluseurs citeis en furent reverséez et abatuez, et fut chu en mois de may. |
[Tremblement de terre] En l'an 575 de la transmigration de Babylone (14 a.C.n.), [p. 329] il se produisit à Chypre un séisme si important qu'il détruisit et ruina plusieurs cités. Cela se passa durant le mois de mai. |
[p. 329] [La nascenche Nostre-Dame sainte Marie] En cel année meisme, le VIIIe jour de mois de septembre, fut née la benoite virge Marie ; de laqueile nativiteit nos devons faire grant fieste et grant joie, car aultrement ne fussiens mie delivreis des grandes paines d'ynfeir. |
[p. 329] [Naissance de Notre-Dame sainte Marie] En cette même année, le 8 septembre, naquit la benoîte vierge Marie. Nous devons grandement fêter cette nativité et en éprouver beaucoup de joie, car sans elle, nous n'aurions pas été délivrés des lourdes peines de l'enfer. |
[p. 329] [De Herode qui remandat Doliside] A cel temps avoit esteit Herode mult malaide por l'amour de sa femme Mariane, et astoit mult bien garis. Se remandat sa femme Dossid et son fis Antypater que ilh avoit dejetteit, à la proier Mariane, hours de Jherusalem ; et les II fis que ilh avoit oyut de li, Alexandre et Aristoble, cheaux prist-ilh et les vestit mult richement, et leurs donnat beauz chevals et belles armes, et or et argent à grant planteit. Et apres les envoiat à Romme por aprendre les ars de clergerie. |
[p. 329] [Hérode rappelle son épouse Doris] À l'époque, Hérode, qui avait été très malade à cause de son amour pour sa femme Mariamne (cfr p. 307), s'était très bien remis. Il rappela sa femme Doris et son fils Antipater, [naguère] chassés de Jérusalem à la demande de Mariamne (cfr p. 306). Il prit chez lui Alexandre et Aristobule, les deux fils qu'il avait eus de Mariamne, les équipa d'habits somptueux, de beaux chevaux, de belles armes, d'or et d'argent en abondance. Ensuite il les envoya à Rome pour y être formés aux arts de la clergie. |
[p. 329] [De malische Cleopatra] De chu que Herode avoit ochis Mariane, sa femme, le commenchat mult à haiir la royne Cleopatre de Athenne, cuy Anthone, le saingnour Herode, amoit mult fortement. A cel temps astoit roy d'Arabe Gadus, qui astoit cusiens germains à Herode. Si s'avisat la royne Cleopatre comment elle poroit faire ochire Herode ; se priat à Anthone que ilh fesist alleir Herode chevalchier sour le roy d'Arabe, por sa terre conquesteir : et chu faisoit-elle portant que elle quidoit que Herode ne dewist pais faire chu ne aleir sour le roy Gadus, qui astoit son cusiens germains, dont Anthone ly deust trenchier la tieste. Mains ilh n'avient pas enssi, car Herode y alat oussitoist que Anthonne ly oit commandeit ; chu fut sour l'an Vc LXXVI, et demorat là bien I an. |
[p. 329] [Méchanceté de Cléopâtre] Parce que Hérode avait tué sa femme Mariamne, la reine Cléopâtre d'Athènes [= la reine d'Égypte], dont Antoine, seigneur d'Hérode, était très épris, se mit à le haïr beaucoup. Gadus, un cousin germain d'Hérode, était alors roi d'Arabie. Cléopâtre, cherchant un moyen de faire tuer Hérode, pria Antoine de l'envoyer faire une expédition contre le roi d'Arabie, pour conquérir son pays. Elle agissait ainsi, croyant qu'Hérode refuserait de marcher contre son cousin germain, le roi Gadus, et que dès lors Antoine devrait lui faire trancher la tête. Mais cela ne se passa pas ainsi, car Hérode exécuta immédiatement les ordres qu'Antoine lui avait donnés. Cela se passa en l'an 576 [13 a.C.n.]. Hérode resta absent au moins un an. |
[Grant guerre entre Cesaire et Anthone] A cel temps mut grant guerre entre l'emperere Augustus Cesaire et Anthone, por l'empire de Romenie à avoir, car Anthonne voloit avoir plus à l'empire que Augustus ; et chu faisoit-ilh par le conselhe Cleopatre, la royne. Adont assemblat cascons ses oust et se soy combatirent li unc contre l'autre, entre Gresche et Romenie, à une castelle qui astoit nommeis Antyons, sour l'an Vc LXXVII, en mois de jule ; à celle batalhe ne fut mie Herode, car Anthonne l'avoit envoiiet en Arabe, enssi com dit est. En celle batalhe fut Anthonne desconfis et vancus. |
[Grande guerre entre César et Antoine] À cette époque, une grande guerre éclata entre l'empereur Auguste César et Antoine, pour la possession de l'empire romain. Antoine en effet tenait plus qu'Auguste à obtenir l'empire ; et il agissait sur les conseils de Cléopâtre, la reine. Chacun rassembla alors ses forces. Ils se battirent l'un contre l'autre, en un endroit fortifié entre la Grèce et Rome, nommé Actium, en l'an 577 [12 a.C.n.], durant le mois de juillet. Hérode ne prit pas part à cette bataille, Antoine l'ayant envoyé en Arabie, comme on vient de le dire. Dans ce combat, Antoine fut défait et vaincu. |
[Herode vient à Rome] Mains quant Herode le soit, si soy partit d’Arabe et vient à Romme mult dolans, car ilh amoit Anthonne plus que nulle homme de monde ; et ilh avoit droit, car par luy avoit-ilh [p. 330] oyut la saingnorie qu’ilh tenoit. |
[Hérode vient à Rome] Quand il apprit ces nouvelles, Hérode quitta l'Arabie et se rendit à Rome, très affecté, car il aimait Antoine plus que tout autre au monde. À juste titre, car c'est d'Antoine [p. 330] qu'il tenait sa seigneurie (de Judée). |
[Lotringe, le VIe roy de Tongre] En cel an meismes, le IIIe jour de septembre, morut ly Ve roy de Tongre ; si fut roy apres son fis, qui fut nommeis Lotringe : chis ragnat XX ans. |
[Lotringe, le sixième roi de Tongres] En cette même année mourut le cinquième roi de Tongres. Son fils, Lotringe, lui succéda sur le trône, qu'il occupa durant vingt ans. |
Auguste et Hérode le Grand : Hérode gagne les faveurs d'Auguste - Auguste César, aidé d'Hérode, conquiert l'Égypte - Mort d'Antoine et Cléopâtre - Hérode au sommet de son pouvoir et brillant constructeur - Prodiges à Rome (11-10 a.C.n.)
[p. 330] [Herode parolle à l’emperere] Item, l'an Vc LXXVIII entrat Herode à Romme, en mois d'avrilh, et là vient-ilh par-devant Augustus, et se soy despulhat de ses riches vestimens royals, si revestit des malvais vestimens, sique ilh semblait bien hons de douls, puis dest, sens riens salweir : « Cesaire, Cesaire, vos aveis Anthonne, mon saingnour, desconfis, chu poise moy. Oncques en ma vie je n'oy si grant douls, car je n'amay oncques tant homme, com je fasoy luy, et bien le vos eusse monstreit à la batalhe sour Ancyon, se je y awisse esteit ; car je li awisse fait aide contre vos à mon poioir, et se ilh me vosist avoir creyut, mes cuers et mon poioir li fust habandoneis, car ilh awist ochis la dammoselle Cleopatra, por cuy conselhe ilh at commenchiet chu dont ilh at esteit desconfis ; car elle ne voult oncques souffrir que ilh fust bien de vos, ains at fait tosjours discors entre vos dois. Si vos prie, puisque mon saingnour est desconfis, que vos me tolleis mon honneur, car je moy rens por vancus, et por chu suy venus à vos ; car, puisque mon singnour est venus à honte, je ne veulhe mie estre à honneur. Ors me veulhiés tollir la vie ; car sachiés, se la vostre vie astoit en ma balhie je le vos tonroie et metteroie vostre corps à grant vitanche, à plus tost que je pouroie. » |
[p. 330] [Hérode parle à l'empereur] En avril 578 [11 a.C.n], Hérode arriva à Rome et se présenta devant Auguste. Il avait troqué ses vêtements royaux contre des vêtements grossiers, prenant ainsi l'apparence d'un homme en deuil. Il dit à l'empereur, sans aucune salutation préalable : « César, César, vous avez vaincu mon seigneur Antoine, ce qui m'accable. Jamais de ma vie je n'ai aimé quelqu'un comme j'ai aimé cet homme. Je vous l'aurais prouvé, à la bataille d'Actium, si j'avais été présent. Je l'aurais aidé contre vous, de tout mon pouvoir, et s'il avait voulu me croire, mon ardeur et mon pouvoir lui auraient été acquis, car il aurait tué la jeune dame Cléopâtre, sur le conseil de laquelle il entreprit ce qui causa sa perte. Jamais elle n'a voulu supporter qu'il s'entende avec vous ; elle a toujours suscité la discorde entre vous. Je vous prie donc, puisque mon seigneur a été vaincu, de me retirer mon titre honorifique : je me rends, en tant que vaincu. C'est pour cette raison que je suis venu vers vous : puisque mon seigneur a été couvert de honte, je ne veux pas être à l'honneur. Enlevez-moi la vie ; car sachez bien que si la vôtre était en mon pouvoir, je vous l'enlèverais et dès que je le pourrais, j'infligerais à votre corps une grande infamie. » |
[L’Emperere parolle à Herode] Quant Cesaire oit escuteit Herode, si l'en prist grant piteit, se dest : « Herode, grandement m'aveis manechiet et assalhit de parolles, et por mon chief vos n'aureis jà maul por moy, car je voy bien que vos amiés vostre saingnour de loial amour ; et partant je vos ren vostre honnour, et encor le vos accresceray ains que je mure, car en vos at grant loialteit, quant vostre saingnour voleis faire compangnie, oussi bien à maul com à bien. Et Anthonne vostre sire fist maul de chu qu'ilh duit quant ilh creit mies le conselhe de la royne Cleopatra que le mien et le vostre ; car par sa conselhe est-ilh alleis à maul, et je en ay gangniet de quoy je suy joians. » |
[L'empereur parle à Hérode] Quand César eut entendu Hérode, il le prit en grande pitié : « Hérode, vous m'avez longuement menacé et assailli de paroles ; de ma part, vous n'aurez jamais à souffrir aucun mal, car je vois bien que vous aimiez votre seigneur d'un amour loyal. C'est pourquoi, je vous rends votre titre, et je l'augmenterai encore avant ma mort, car il y a en vous une grande loyauté, puisque vous avez voulu accompagner votre seigneur, autant dans le malheur que dans le succès. Votre seigneur Antoine a mal agi en jugeant que le conseil de la reine Cléopâtre était préférable au mien et au vôtre. En effet, en suivant ce conseil, il est allé à sa perte, et moi, j'y ai gagné, ce dont je me réjouis. » |
[Herode fut de conselhe l’Emperere] Enssi retient Cesaire Herode de son conselhe et de son hosteit, [p. 331] et mult l'amat ; se le creit et ovrat de son conselhe. |
[Hérode participe au conseil de l'empereur] Ainsi, César retint Hérode dans son conseil et sa demeure [p. 331]. Il l'aima beaucoup, lui fit confiance et suivit ses avis. |
[p. 331] Item, l'an Vc LXXIX, en mois de marche, alat li emperere Augustus Cesaire en Egypte, et emynat awec ly Herode, por conquesteir la terre tout entour ; là siervit si loialment Herode Cesaire de son corps, de son avoir et de ses amis, que Cesaire s'en mervelhoit, et disoit que ilh n'avoit oncques veyut hons de si tres grant serviche et loialteit. Cesaire ne prist oncques en chi pays-là chasteal ne citeis par forche, que Herode ne fust toudis ly promier qui entroit dedens. Et quant ons astoit en batalhes, Herode le faisoit si bien que ons ne parloit de nuls bien fait se del sien nom. Et enssi Herode porveioit sy bien l'oust de chu qu'ilh y falloit, que oncques n'y fallit viandes al alleir ne al revenir. Si saigement servit Herode Cesaire, que Cesaire mult l’amoit. |
[p. 331] En l'an 579 [10 a.C.n.], au mois de mars, l'empereur Auguste César se rendit en Égypte et emmena avec lui Hérode, pour conquérir le pays tout entier. Là Hérode mit au service de César son corps, ses biens et ses amis avec tant de loyauté, que César s'en émerveillait, disant qu'il n'avait jamais vu homme si serviable et si fidèle. Dans ce pays, César ne prit par la force aucun château ni aucune cité, sans qu'Hérode ne soit toujours le premier à y pénétrer. Et quand il y avait une bataille, Hérode se comportait si bien que l'on ne citait aucun haut fait qui ne soit lié à son nom. En outre il fournissait si bien à l'armée tout le nécessaire qu'elle ne manquait jamais de ravitaillement ni à l'aller ni au retour. Hérode servit César si sagement que celui-ci l'aima beaucoup. |
[p. 331] Et quant Cesaire Augustus oit conquis Egypte et tout le paiis altour, si soy retournat à Romme à grant joie, puist fist-ilh ochire Anthonne et Cleopatra. |
[p. 331] Et quand César Auguste eut conquis l'Égypte et toute la terre aux alentours, il retourna avec une très grande joie à Rome, puis il fit mettre à mort Antoine et Cléopâtre. |
[Malisce de femme] Et alcuns dient que Anthonne soy desperat et soy ochist apres chu qu'ilh fut desconfis, et que la royne Cleopatra, apres le mort de Anthonne, soy vestit et s'apparelhat de ses beais draps d'or royals, et s'en allat à Romme alle emperere Augustus, portant qu'elle quidat que Augustus dewist prendre plaisance en lée, car elle astoit mult belle damme et jovene. Mains li emperere ne le voult mie laissier venir en sa presenche, anchois mandat qu'elle fuist prise ; mains alcuns li laissat savoir, si s'enfuit et revient en Egypte, si soy fist mordre de I serpent que ons nom aspis, de quoy elle morut tantoist, et se soy fist ensevelir en la sepulture de son marit Anthonne. |
[Ruse féminine] Certains racontent qu'Antoine, qui était désespéré, se suicida après sa défaite et que la reine Cléopâtre, après la mort d'Antoine, se vêtit et se munit de ses belles parures royales tissées d'or. Elle partit pour Rome, chez l'empereur Auguste, parce qu'elle croyait qu'Auguste devrait la trouver plaisante, car elle était une femme très belle et jeune. Mais l'empereur ne voulut pas l'admettre en sa présence et ordonna de l'emprisonner. Lorsqu'elle fut informée du projet, elle s'enfuit et retourna en Égypte, où elle se fit mordre par un serpent, que l'on nomme aspic. Elle mourut aussitôt et se fit ensevelir dans la sépulture de son époux Antoine. |
[p. 331] [Herode fut fait roy de IIII rengnes] Apres, quant ly emperere fut revenus à Rome, vinrent les Romans al emperere et li dessent que ly regne Herode astoit trop petis, et que grant terre apartenroit bien à I si valhant homme. A chu s'acordat bien Cesaire, et appellat Herode et ly donnat la terre de Traconie et la terre de Marcune ; si fust adont Herode sires de IIII regnes. |
[p. 331] [Hérode roi de quatre royaumes] Par la suite, quand l'empereur fut rentré à Rome, les Romains vinrent le trouver et lui dirent que le royaume d'Hérode était trop petit et qu'un homme si vaillant devait posséder un grand pays. César approuva ; il appela Hérode et lui donna la Thraconide et la Marconide. Ainsi Hérode devint alors le seigneur de quatre royaumes. |
[Herode fondat la citeit Cesaire] Puis en rallat Herode en Egypte, si y fondat I mult belle citeit que ilh appellat Cesaire ; et cel est Cesaire Palestine, dont sains Eusebe et sains Cornilles furent puis evesques, ly I apres l'autre longtemps. |
[Hérode fonde la cité de Césarée] Ensuite Hérode retourna en Égypte et y fonda une très belle cité appelée Césarée, Césarée de Palestine dont ensuite saint Eusèbe et saint Corneille furent longtemps évêques, l'un après l'autre. |
[Del fontaine Trans Tiberim, qui jectoit oyle] [Des trois cercles deleis le soleal] En cel temps, en Trans Tyberim à Romme, apparut I fontaine qui jettoit [p. 332] oyle à si grant planteit, que li riwe en corrait par si grant habundanche que ch'estoit mervelhe. Item, adont apparurent trois cercles entour le soleal, sicom ly arc Dieu. |
[La source Trans Tiberim, qui produisait de l'huile] [Les trois cercles près du soleil] En ce temps-là, au-delà du Tibre, à Rome, apparut une source produisant [p. 332] tellement d'huile qu'elle s'écoulait avec une abondance prodigieuse. En outre apparurent trois cercles autour du soleil, comme l'arc-en-ciel (p. 344-345). |
[p. 332] [Des edifiches Herode] A cel temps fist Herode el citeit de Cesaire, en la maistre porte, une thour mult riche, tout de blanc marbre, encontre la venue Augustus Cesaire, portant que ilh devoit entreir par celle porte en la citeit. Et fut chu sor l'an Vc LXXIX. Item, Herode apres chu restablit la citeit de Ascalonne, et y fist I gran palais, car ilh astoit de Ascalonne neis ; et fut chis Herode appelleis Herode Ascalonita, portant qu'ilh sourjournoit mult volentier en chis palais. |
[p. 332] [Les édifices d'Hérode] En ce temps-là, Hérode fit faire dans la cité de Césarée, en la porte principale, une tour somptueuse, toute de marbre blanc, pour la venue d'Auguste César, car c'est par cette porte qu'il devait entrer dans la ville. C'était en l'an 579 [10 a.C.n.]. Après cela, Hérode restaura la cité d'Ascalon, et y construisit un grand palais. Il était en effet né à Ascalon. C'est d'ailleurs parce qu'il séjournait volontiers dans ce palais qu'il fut appelé Hérode l'Ascalonite. |
Divers : Constructions à Tongres et à Jérusalem - Mort d'Horace - Guerre entre Franco, duc de Gaule, et Flamand, comte de Flandre, fondateur d'Arras (9-7 a.C.n.)
[p. 332] [De Lotringe, le roy de Tongre et de Lotringe] Item, l'an Vc et IIIIxx recommenchat ly roy de Tongre à porfaire son casteal, que son peire avoit commenchiet sour une roche seiant sour Mouse, qui fut appelleis Lotringe apres son nom et le nom de son pere, qui puis fuit destruis par les Huenx. |
[p. 332] [Lotringe, roi de Tongres et de Lotharingie] En l'an 580 [9 a.C.n.], le roi de Tongres termina le château que son père avait commencé à élever sur un rocher surplombant la Meuse (p. 275). Ce palais s'appela Lotringe, d'après son nom et celui de son père. Ensuite, le château fut détruit par les Huns. |
[Del thour Agrippe en Jherusalem] En cel an meismes fist Herode en Jherusalem I thour que ilh appellat Aggrippe, apres le nom Agrippe, le senescal de Cesaire ; et si avoit pardevant fait faire une altre qu'ilh appellat Anthonne, qui ors est nommée la thour David. |
[La tour Agrippa à Jérusalem] Cette même année, Hérode fit élever à Jérusalem une tour, qu'il appela Agrippa, d'après le nom d'Agrippa, le sénéchal de César. Précédemment, il en avait fait une autre qu'il avait appelée Antonia et qui s'appelle maintenant tour de David. |
[Des armes l’emperere de Romme] Apres chu fist faire Herode une aigle d'or, et le mist sour le grant porte de temple, en l'honour des Romans ; car ly emperere de Romme portoit une aigle en ses armes, encor font, qui est noire sour or. De chu furent les Juys mult corochiés sour Herode, car ilhs ne porent oncques ameir les Romans. |
[Les armes de l’empereur de Rome] Ensuite, Hérode fit faire un aigle en or qu'il plaça sur la grande porte du Temple, en l'honneur des Romains. L'empereur de Rome portait un aigle dans ses armes, comme c'est encore le cas, noir sur or. Suite à cela, les Juifs furent très irrités contre Hérode, n'ayant jamais pu aimer les Romains (p. 367-368). |
Apres chu, sour l'an [Vc] IIIIxx et I, morut li poete Orasses, qui fut mult saige cleirs, et fut disciple à Virgile. |
Ensuite, en 581 [8 a.C.n.], mourut le poète Horace (p. 213), clerc très sage et disciple de Virgile. |
[p. 332] [Lotringe, roy de Tongre, fondat ches villes : Ougnee, etc. - Gemeppe, Flemale et pluseurs altres vilhes - Lobbes - Geneffe] En cel an meismes commenchat à fondeir Lotringe, ly roy de Tongre, ches vilhes : Ougnée, Gemeppe, Flemaile, Engis, Awir, Horion, Floyne, Chokier, Ramey, Tayniers, Asseneur et Amechiens ; et ne cessat d'ovreir tant que ilh oit tout faite. Et puis se fist Lobbe et pluseurs aultres vilhes en chi paiis del amont. Et puis se fondat Jehain et Geneffe, Thys, Stirs et Bovengniestiers. |
[p. 332] [Des villes fondées par Lotringe, roi de Tongres : Ougrée, etc. - Jemeppe, Flémalle et plusieurs autres - Lobbes - Seneffe] Au cours de cette même année [8 a.C.n.], Lotringe, roi de Tongres, entama la fondation des villes suivantes : Ougrée, Jemeppe, Flémalle, Engis, Awir, Horion, Flône, Chokier, Ramet, Taviers, Esneux et Ampsin. Il ne cessa d'y travailler, jusqu'à ce qu'il eût tout terminé. Et puis, il fit Lobbes et plusieurs autres villes dans le haut du pays. Il fonda Jehay, Seneffe, Thys, Ster et Bovenistier. |
[Le casteal Herodiane] Item, l'an Vc IIIIxx et II, commenchat à faire Herode unc casteal mult beal et noble, droit en la plache où ilh avoit desconfit les [p. 333] Juys, qui le cachoient quant son frere fuit mors por Antygonus, quant Hircans fut pris, où ilh alloit parleir al roy de Turquie. Cheluy casteal fist Herode mult fort et mult noble, et puis le nommat Herodiane, el ramembrance de son nom ; en lequeile casteal ilh fut ensevelis, quant ilh fut mors. |
[Le château Hérodion] En l'an 582 [7 a.C.n.], Hérode entreprit la construction d'un château très beau et célèbre, à l'endroit exact où il avait vaincu ses [p. 333] poursuivants juifs, suite au meurtre de son frère par Antigone, lorsque Hyrcan fut capturé, alors qu'il allait parler au roi des Parthes (p. 272). Hérode construisit ce remarquable château fortifié, qu'il nomma Hérodion, en souvenir de son propre nom. C'est dans ce château qu'il fut enseveli après sa mort (p. 369). |
[p. 333] [Guerre entre Franco et Flamens] En cel an meismes, grant guerre s'enmut entre Franco le duc de Galle, et Flamens le comte de Flandre ; si orent batalhe ensemble, mains ly dus Franco fut desconfis et ses gens livreis al mort. Et fut cel desconfiture trop mervelheux, car li conte de Flandre portoit adont l'escut d'oir semeit de ras de sable ; si fist en cel batalhe armeir Xm hommes à teils armes, et enbussier en unc bosket ; et quant che vient que la batahle fut la plus grant, si vinrent les Xm hommes en escriant : « Aux ras ! aux ras ! » et se firent en la batalhe. Quant les Sycambiens, qui astoient lasseis, les perchurent, se furent mult enbahis et se misent al fuir. |
[p. 333] [Guerre entre Franco et Flamand] En cette même année [7 a.C.n.], une grande guerre opposa Franco, le duc de Gaule, et Flamand, comte de Flandre. Lors de la confrontation, le duc Franco fut vaincu et ses gens mis à mort. Cette défaite fut l'objet d'un prodige. Le comte de Flandre portait alors un bouclier d'or, semé de rats de sable (p. 151). Pour la bataille, il avait armé dix mille hommes, qu'il avait placés en embuscade dans un petit bois. Au plus fort du combat, les dix mille hommes arrivèrent en criant : « Aux rats ! Aux rats ! » et entrèrent dans la bataille. Quand les Sicambres, fatigués, les virent, ils furent très surpris et s'enfuirent. |
[Li conte de Flandre fondat Aras] [Atrabatum]En l'honeur de cel victoire, fondat li conte de Flandre, en propre lieu où li batalhe fut, une citeit que ilh nommat Arras, et encor le nom-ons enssi ; et fut fondée l'an Vc IIIIxx et II, en mois de decembre, jenvier et fevrier. Mains, longtemps là apres, furent cheaux qui habitoient en ladit citeit honteux de chu que leur vilhe avoit I si maulhonieste nom, se le nommarent Atrabatum apres leurs saingnour ; et encor le nom-ons ensssi en latien, mains tousjours en roman l'apelle-ons Aras. |
[Le comte de Flandre fonde Arras] [Atrabatum] Pour célébrer cette victoire, le comte de Flandre, à l'endroit même de la bataille, fonda une cité qu'il nomma Arras, nom encore actuel. La ville fut fondée en l'an 582, pendant les mois de décembre, de janvier et de février. Longtemps après cela, les habitants de cette cité, honteux de voir leur ville porter un nom si déshonorant, l'appelèrent Atrabatum, d'après le nom de leur seigneur. C'est encore son nom latin, mais en roman, on l'appelle toujours Arras. |
Autres constructions d'Hérode - Divers (6-5 a.C.n.) - Hérode bannit Alexandre et Aristobule, accusés de comploit (3-2 a.C.n.) - Paix établie par le duc de Bourgogne entre Gaulois et Flamands - Séisme en Judée (2-1 a.C.n.)
[p. 333] [De castel Fasel] Item, l'an Vc IIIIxx et III, fist faire Herode I casteal que ilh appellat Fasel, apres son freire Fasiau. |
[p. 333] [Le château de Phasaël] En l'an 583 [6 a.C.n.], Hérode fit construire un château-fort, qu'il appela Phasaël, du nom de son frère. |
[Sebaste chief de Samarie] En cel an meismes, redifiat Herode tout le royalme de Samarie, que Johans Hircain avait destruit et fondue jusqu'à terre ; et le remidrat d'unne grant citeit que ilh nommat Sebaste, qui fut et est ly chiest del regne de Samarie. Et portant l'apellarent les alcuns longtemps le royalme de Sebaste. |
[Sébaste, capitale de la Samarie] La même année, Hérode reconstruisit tout le royaume de Samarie, que Jean Hyrcan avait détruit et rasé (p. 169). Il le dota d'une grande cité, Sébaste, qui fut et reste la capitale du royaume de Samarie. Pour cette raison, certains appelèrent longtemps la Samarie le royaume de Sébaste. |
[De Herode qui fist I riche temple à Sebaste] Item, Herode fist en cel citeit de Sebaste I riche temple en l'honeur de Cesaire, et encor fist-ilh I aultre temple, sour l'an Vc IIIIxx et IIII, en mois de junne, deleis l'unne des fontaines dont ly fluis Jordan sourt : et fut tous de blanc marbre, mult bien ovreit et polit. Long chouse serait del tout [p. 334] racompteir chu que Herode fist à son temps, car ilh n'oit bonne vilhe en son paiis que ilh ne fesist alconne riche chouse en l'honeur de Cesaire. |
[Hérode fait un riche temple à Sébaste] En outre, Hérode édifia à Sébaste un temple somptueux en l'honneur de César. Il en fit encore un autre, en l'an 584 [5 a.C.n.], au mois de juin, près d'une des sources du Jourdain : c'était un temple tout de marbre blanc, très bien travaillé et brillant. Il serait trop long de raconter [p. 334] tout ce que fit Hérode de son vivant, car il n'y eut en son pays aucune ville importante, dans laquelle il ne fit pas édifier un riche monument en l'honneur de César. |
[p. 334] [Henawe] En cel an meisme, morut Flamens ly conte de Flandre IXe ; si regnat apres luy son anneis fis, qui fut nommeis Clovenus, et regnat XXIIII ans. Et son aultre fis, qui fut nommeis Aras, fut sires d'Aras et sire de Henawe, qui adont astoit petite. |
[p. 334] [Hainaut] Cette même année [5 a.C.n.], mourut Flamand, le neuvième comte de Flandre ; son fils aîné, nommé Clovenus, régna après lui durant vingt-quatre ans. Son autre fils, qui s'appelait Arras, fut seigneur d'Arras et de Hainaut, une seigneurie alors peu importante. |
Sour l'an Vc IIIIxx et V, fut trovée et provée en propre adulteir Alibaine, la filhe Augustus l'emperere ; mains quant son pere le soit, se l'envoiat en Ysrael. |
En l'an 585 [4 a.C.n.], [Julie], la fille de l'empereur Auguste, fut convaincue d'adultère. Quand son père l'apprit, il l'envoya en Israël. |
Item, l'an Vc IIIlxx et VI, morut Quormant, le IXe roy de Hongrie ; si regnat apres luy son fis Sedroc, IX ans. |
En l'an 586 [3 a.C.n.], Quormant, neuvième roi de Hongrie, mourut ; après lui son fils Sedroc régna neuf ans. |
[p. 334] [Grant reparation al temple de Jherusalem] En cel an meismes, fist Herode grant reparation al temple de Jherusalem, et y donnat mains noble doins et riches, dont ly temple fut plus honnoreis qu'ilh n'avoit esteit longtemps devant. En cel an meismes, en mois d'awoust, revinrent Alixandre et Aristoble, les dois fis Herode, del estude de Romme ; puis soy mariarent : se prist Aristoble la filhe Salomé, son antain, et Alixandre prist la filhe de roy de Capadoche. En cel an meismes, muet grant discorde entre les dois freres deseurdit al ocquison de la terre que Herode leur pere tenoit, qui encor astoit en vie ; et disoit cascons d'eaux dois qu'ilh averoit tout la terre apres leur pere. |
[p. 334] [Grande réparation au Temple de Jérusalem] Cette même année [3 a.C.n.], Hérode fit d'importantes réparations au Temple de Jérusalem ainsi que de nombreuses offrandes nobles et riches, ce qui honora davantage le Temple qu'il ne l'avait été depuis longtemps. Cette même année, au mois d'août, les deux fils d'Hérode, Alexandre et Aristobule, revinrent de Rome après leurs études, puis se marièrent : Aristobule épousa Salomé, la fille de sa tante, et Alexandre épousa la fille du roi de Cappadoce. Cette année-là, une grave discorde s'éleva entre les deux frères, à propos du territoire que détenait leur père Hérode, toujours en vie ; chacun prétendait obtenir l'entièreté du territoire après leur père. |
[Herode fut corochiés encontre ses trois fis] Herode le soit, de quoy ilh soy corochat mult à eaux, et leur dest que ch'astoit sens raison qu'ilh soy combatoient, car Antipater, son anneis fis, sieroit roy apres luy, car ilh ly avoit pluseurs fois otriet. Por ceste raison se corochont les dois freres à leur pere, et subtiliarent plus d'unne an comment ilhs poroient ochire leur père ; mains unc chevalier, qui savoit leurs secreis, l'at à Herode dit et reveleit. |
[Hérode irrité contre ses trois fils] Hérode l'apprit et fut très irrité contre eux. Il leur dit qu'ils se querellaient sans raison parce qu'Antipater, son fils aîné, lui succéderait comme roi : il le lui avait promis à plusieurs reprises. Cela amena Alexandre et Aristobule à se fâcher contre leur père. Pendant plus d'un an, ils imaginèrent un moyen subtil de faire mourir leur père, mais un chevalier, qui était au courant de leurs secrets, les révéla à Hérode. |
[Herode bannit ses enfants] Adont les mandat Herode, et ilhs vinrent l'an Vc IIIIxx et VII, le IXe jour de mois de jule. Et quant Herode les veit, ilh les encachat et les banist fours de sa terre ; si s'en alarent à Romme, et soy plandirent de leur pere à l'emperere Cesar, et ly demonstrarent le tort que ilh leur faisoit. Mains chu ne leur valut riens, car ly emperere ne voult nient entendre à eaux. |
[Hérode bannit ses enfants] Alors Hérode les convoqua. Ils arrivèrent le neuf juillet de l'an 587 [2 a.C.n.]. Dès qu'Hérode les vit, il les expulsa et les bannit de son pays. Ils retournèrent à Rome, se plaignirent de leur père à l'empereur César, et lui expliquèrent les torts d'Hérode à leur égard. Mais cela ne leur servit à rien, car l'empereur ne voulut en rien les entendre. |
[p. 334] [De duc de Galle et des Flamens] En cel an meismes, assemblat ly duc de Galle, Franco, son oust, et entrat en la terre de Henawe ; se le conquist et coupat le chief Aras, qui en astoit prinche, et puis entrat en la terre de Flandre, [p. 335] et grandement le destruit. Mains Cloveus, le conte, assemblat ses gens, si alat encontre luy : si orent batalhe ensemble et furent les Flamens desconfis. Adont fist li dus de Borgongne la paix entres les Flamens et les Sycambiens, qui fut mult bonne. |
[p. 334] [Le duc de Gaule et les Flamands] Cette même année [2 a.C.n.], le duc de Gaule, Franco, rassembla son armée et pénétra dans la terre du Hainaut. Il la conquit et coupa la tête d'Arras, qui en était le prince. Puis il entra en Flandre [p. 335] et y fit beaucoup de ravages. Mais le comte Clovenus rassembla ses gens et marcha contre lui : ils se battirent et les Flamands furent vaincus. Le duc de Bourgogne établit entre Flamands et Sicambres une paix qui se révéla très bonne. |
Droit à cel temps, assavoir sour l'an Vc IIIIxx et VIII, fut grant muet de terre vers le paiis de Judée, dont pluseurs citeis et casteals chaïrent. |
Exactement à cette époque, c'est-à-dire en 588 [1 a.C.n.], un grand tremblement de terre secoua la Judée, où plusieurs villes et châteaux s'écroulèrent. |
[Suite]
[Bibliotheca Classica Selecta] [Folia Electronica Classica] [Accueil]
Accès vers Ly Myreur : [Par pages] [par fichiers] [par Table des Matières]