Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, I, p. 197b-202a
Édition : A. Borgnet (1864) ‒ Présentation nouvelle, traduction et introductions de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2017)
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prodiges et Guerres Civiles À rome - Pompée, entre histoire et fiction - TONGRES [Myreur, p. 197b-202a]
Ans 520-523 de la transmigration = 69-66 a.C.n.
Introduction [sommaire et texte]
Le début du texte contient une allusion (dit li compte que [...] « le récit raconte que [...]») à une source ‒ évidemment une chronique ‒ qui n'est pas autrement précisée. Ce type d'allusion vague à un texte écrit est relativement rare chez Jean. S'agit-il ici d'Orose ? On n'oserait l'affirmer, même si les prodiges décrits immédiatement après par le chroniqueur (p. 198) viennent d'Orose (V, 18, 3-9) et sont tirés d'une liste (plus longue d'ailleurs) que l'historien du Ve siècle donne dans son récit des événements de l'année 91 avant notre ère (selon Jean : 69 a.C.n.). Peut-être Jean a-t-il suivi ici tout simplement Martin d'Opava (p. 405, éd. L. Weiland, 1872), mais ce dernier n'est pas sa source principale pour le récit des Guerres Civiles.
Ly Myreur contient quelques récits de prodiges, mais l'auteur ne s'y attarde pas. Les Romains par contre attachaient une très grande importance à tous les phénomènes naturels qui leur paraissaient extraordinaires et qu'ils expliquaient comme autant de signes envoyés par les dieux. Des prêtres tentaient de les interpréter et, au besoin, de les expier par des cérémonies dûment codifiées dans des livres spécialisés. Cette mentalité explique que les historiens romains antiques avaient l'habitude de signaler systématiquement dans leurs oeuvres les prodiges observés. Il n'est pas surprenant donc que Jean leur ait emprunté quelques cas significatifs. Il en a introduit dans l'histoire d'Énée (p. 28), dans celle des jumeaux fondateurs (p. 52), parmi des événements survenus en Égypte (p. 52), à l'occasion des Guerres Puniques (p. 169-170), dans les Pouilles en Italie (p. 191). Il en signale plusieurs ici (p. 198) en entamant le récit des Guerres Civiles. Il en notera d'autres, liés à la mort de César (p. 243-244) et à la naissance du Christ (p. 331-332 et p. 344-345).
Cette section s'ouvre sur la période des guerres civiles qui ensanglantèrent la fin de la République romaine : celles de Marius et Sylla, César et Pompée, Antoine et Octave. La vision qu'en donne Jean ne permet pas au lecteur de s'en faire une idée précise. Sans aucune vue d'ensemble, notre chroniqueur retient des détails, comme la mise à mort cruelle de Marcus Marius Gratidianus (par exemple Sénèque, De ira, III, 18, 1) après la victoire de Sylla à la porte Colline. Des événements réels sont incorrectement datés. Ainsi le début des hostilités entre Marius et Sylla pour la conduite de la guerre contre Mithridate VI, qui remonte à 87 avant notre ère, se situe en 69 a.C.n. selon son comput. Il attribue à des personnages réels des actions entièrement fictives. Ainsi Pompée, avant d'aller conquérir Antioche en 64 avant notre ère avec une puissante armée et d'en faire la capitale de la province de Syrie (fait historique), et parce qu'il connaissait l'hostilité de Bronchus, roi d'Antioche à l'égard de Gorgile, aurait d'abord raccompagné celui-ci dans son royaume, après deux années passées à Rome, tandis que Bronchus était précisément en train de dévaster Bougie. Pompée, pour venger son beau-frère part immédiatement sur les traces de Bronchus qu'il tue, et, avec les vingt mille hommes de son armée, il s'empare d'Antioche. Jean a ainsi glissé dans le récit des opérations de Pompée contre Antioche, récit conforme à l'histoire, un curieux détour par Bougie, dont le roi fictif, Gorgile, est censé avoir été attaqué par Bronchus, le roi tout aussi fictif d'Antioche.
Ceci dit, une bonne partie des réalisations de Pompée en Orient appartiennent à l'histoire. Pour quelques repères chronologiques précis, on verra l'article de l'Universalis. Disons une fois de plus que les notices de Jean doivent toujours être vérifiées avant de les considérer comme transmettant le souvenir de faits historiques.
Quant à l'histoire primitive des rois de Tongres et de leurs réalisations, elle relève entièrement de la fiction. Tongres est avec Arlon et Tournai l'une des trois plus anciennes villes de Belgique. Elle doit son origine à un camp établi par les lieutenants de Jules César, Sabinus et Cotta. Avant l'occupation romaine, la région aurait été occupée par la tribu gauloise des Éburons. Cela n'empêche évidemment pas Jean de présenter (p. 200-201) les réalisations d'Humbris, deuxième roi légendaire de Tongres, qu'on pourra rapprocher de la version de la Geste de Liege (vers 1213-1253).
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* Digression : Hombris second roi de Tongres - Ses premières réalisations (66 a.C.n.)
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Rome : Guerres extérieures et prélude aux guerres civiles : Rome soumet les habitants du Picénum - Prodiges annonciateurs de guerres civiles - Rivalité entre Marius et Sylla à propos de la guerre contre Mithridate - Succession au Danemark (69 a.C.n.)
Ors revenant à nostre matere, dit li compte que, l'an Vc et XX, envoiat li peuple des Romans Luchien Cornelien consules contre les Pithences, qui avoient esteit par mult d'anneis en tregut des Romans, [p. 198] et adont requeroient alcunne liberteit, porquen I crudeile guere en est suscitée, qui durat IIII ans. Et al Ve année ilh prisent fin, et furent remis en servaige com devant. |
Revenons maintenant à notre sujet. Le livre raconte qu'en l’an 520 [69 a.C.n.], le peuple romain envoya le consul Lucius Cornélius se battre contre les habitants du Picénum, tributaires des Romains durant de nombreuses années [p. 198] et réclamant quelque liberté. Cela provoqua une guerre cruelle, qui dura quatre ans. La cinquième année, ils retombèrent en servitude, comme avant. |
En cel an meismes apparurent des crueux signes, car en la partie d'oriente ilh apparut I feux tout reon, qui oit grant resplendeur en chiel vers Aretine ; et dehours des pains, quant ons le fendoit, si coroit sanc fours, com chu fust d'unne plaie de corps d'hommes ; et puis par VII jours continueils ilh chaïrent pieres et testeals de chiel awec sclaides, et devastarent grant partie de chest terre ; et sy veit-ons flammes issir de terre en pluseurs parties mult oribles, et monteir en hault à la region de feu qui siet sus l'aire enssi qu'ilh vosiste monteir à chiel, por laqueile toutes les biestes mues qui astoient aconstummeit del demoreir et de vivre entres les gens, issirent de leurs estaubles, les alcunnes sont corues es montangnes, et les aultres aux bois se sont absconseeis. Et les chiens oussi, qui sens les hommes ne puelent vievre, aloient ruweir awec les leux, et huleir par les cachies, bois et montangnes. Et quant les VII jours furent passeis, si fut troveis par les clercs que chu segnifioit crueux batalhes entres les citains de Romme. |
Cette même année, des signes cruels se manifestèrent. À l'est apparut une boule de feu qui resplendit très fort dans le ciel vers Arétium. Quand on coupait les pains, du sang en sortait, comme de la plaie d’un corps humain. Durant sept jours sans interruption, des pierres et des tessons mêlés de grêlons tombèrent du ciel et dévastèrent une grande partie de cette région. On vit des flammes effrayantes sortir de terre en plusieurs endroits et monter vers la région ignée au-dessus de l'air, comme si elles voulaient atteindre le ciel. Cela fit sortir de leurs étables toutes les bêtes silencieuses qui d'habitude restaient et vivaient parmi les hommes ; certaines coururent dans les montagnes, d’autres se cachèrent dans les bois. Les chiens aussi, qui ne peuvent vivre sans les hommes, allèrent rugir avec les loups et hurler à travers les routes, les bois et les montagnes. Et quand les sept jours furent passés, les savants découvrirent que ces signes annonçaient de cruelles batailles entre les citoyens de Rome. |
[p. 198] [Del guerre entre Marius et Scillus] Et enssi en avient, car en chest an meisme vers la fin, assavoir en mois de jenvier, commenchat chest guere entres II consules, assavoir Marius et Scillus. |
[p. 198] [Guerre entre Marius et Sylla] Et c’est ce qui se produisit, car, vers la fin de cette même année, en janvier, une guerre commença entre les deux consuls, à savoir Marius et Sylla. |
Et en cel an meisme est commenchié la guere entres les Metridaciiens del ysle de Ponti, et Scillus le consul qui astoit aleis en Aisie, où ilh astoit envoyés de part les Romans. Si laisat Asie et vient en Campaine en Ytalie, et là est absconseis par alcuns jours ; et Mariens l'autre consul, à cuy ly debas astoit, desiroit que on l'envoiast combattre contres les Metridaciiens, là ons avoit envoiet Scillus, dont ilh astoit yreis et fortement destobleis. |
La même année marqua le début de la guerre entre le peuple du roi du Pont, Mithridate, et Sylla, qui se trouvait en Asie, en tant que consul envoyé par les Romains. Sylla quitta l’Asie et revint en Campanie, en Italie, où il se cacha durant plusieurs jours. Marius, l’autre consul, avec qui Sylla était en désaccord, désirait être envoyé pour combattre Mithridate, dans une guerre qui avait été confiée à Sylla, ce dont il était irrité et très mécontent. |
Adont s'avisat Scillus, se vient à Romme atout ses gens d'armes et por combattre contre Maryens. Et tantoist de plaine venue ilh at ochis Sulpityens le consul qu'ilh encontrat, qui astoit del ayde Maryens. Et Maryens soy mist al fuyr ; mains apres soy comprisent ensemble tant de fois, que chu fut mervelhe des gens qu'ilhs [p. 199] ochioient ly I l'autre cascon jour. |
Ensuite Sylla décida de revenir à Rome avec ses armées, pour combattre Marius. Et aussitôt sur le champ de bataille, il rencontra et tua le consul Sulpicius, un auxiliaire de Marius. Marius se mit à fuir. Dans la suite ils s'affrontèrent tant de fois que le nombre de gens qu'ils tuaient l'un et l'autre [p. 199] quotidiennement était incroyable. |
Item, l'an Vc et XXI morut Eneas, le VIIIe roy de Dannemarche ; si regnat apres son fis Audax XVIII ans. |
En l’an 521 [68 a.C.n.] mourut Éneas, le huitième roi de Danemark. Après lui, son fils Audax régna pendant dix-huit ans. |
Expansion romaine au Proche-Orient : Pompée soutient Gorgile de Bougie contre Bronchus, roi d'Antioche, et soumet Antioche aux Romains - Pompée impose son ordre en Arménie, en Bithynie, à Antioche (68 a.C.n.)
[p. 199] [De roy Bronchus] En cel an meismes soy partit de Romme ly roy Gorgile de Bugie, se montat sour mere awec sa femme et son jovene enfant Virgile ; et li prinche Pompeyus, son seroge, le convoiat jusques en son pays à LXm hommes d'armes, portant que ly roy Gorgile astoit hays de roy Bronchus de Anthioche. Et cesti conduit ly fut profitauble, car ilh trovat le roy Bronchus ardant et destruant son pays. Se le monstrat à Pompeyus, en deplandant de roy Bronchus à li sicom prinche de Romme, qui doit subvenir tous les amis des Romans contre leurs annemis. |
[p. 199] [Le roi Bronchus] En cette même année, le roi Gorgile de Bougie quitta Rome, et prit la mer avec sa femme et son jeune enfant Virgile. Le prince Pompée, son beau-frère, le raccompagna dans son pays avec soixante mille hommes armés, car le roi Gorgile avait pour ennemi le roi Bronchus d’Antioche. Cette escorte fut bien utile à Gorgile, car Bronchus incendiait et dévastait son pays. Gorgile, en se plaignant de Bronchus, fit constater le fait à Pompée, qui en tant que prince de Rome, devait aider tous les amis des Romains contre leurs ennemis. |
Et Pompeyus jurat Jupiter, en cuy ilh creioit, qu'ilh serat amendeit. Atant vinrent en Bugie ; mains, quant Bronchus le soit, si s'en ralat en son pays ; et Pompeyus s'en allat apres, et jurat qu'ilh ne retourneroit, se l'auroit destruit. Enssi soy partirent le roy Gorgile et Pompeyus, et nagont tant qu'ilhs vinrent en Antyoche anchois que ly roy Bronchus y revenist ; car ilh astoit par I tourment de mere eslongiet son chemyn. |
Pompée jura par Jupiter, en qui il croyait, que Bronchus serait puni. Mais lorsqu'ils arrivèrent à Bougie, Bronchus, qui avait appris son arrivée, était reparti pour son pays. Pompée le poursuivit, jurant de ne retourner (à Rome) qu'après l'avoir abattu. Ainsi le roi Gorgile et Pompée se mirent en route, naviguèrent et arrivèrent à Antioche avant même le retour du roi Bronchus, retardé durant sa traversée par une tempête. |
Si trovarent les portes oviertes, et entront ens de plaine venue ; si l'at conquesteit et faite subgite aux Romans. Mains dedens VI jours qu'ilhs sorjournont là revient ly roy Bronchus ; et enssitoist que Pompeyus le veit, se le corit sus, luy et ses gens, et les ochist tous, et y oit bien XXm hommes ochis que noiiés. Enssi fut vengiet li roy Gorgile de Bugie. |
Ils trouvèrent ouvertes les portes de la ville et y entrèrent immédiatement. Pompée conquit la cité et la soumit aux Romains. Mais au cours des six jours où ils restèrent là, le roi Bronchus revint. Dès qu’il le vit, Pompée fonça sur lui et le tua, lui et toutes ses troupes ; au moins vingt mille hommes furent tués ou noyés. Ainsi fut vengé le roi Gorgile de Bougie. |
[p. 199] [De Pompeyus et de Mittridath] Adont vient à Pompeyus I chevalier de Armenie, qui ly priat merchi en disant que cheaux d'Armenie avoient ochis leur roy et ses enfans, et qu'ilh les vosist aleir corregier de celle forfait. |
[p. 199] [Pompée et Mithridate] Alors un chevalier d’Arménie vint vers Pompée et implora sa pitié en disant que les Arméniens avaient tué leur roi et ses enfants. Il lui demanda d'aller les châtier pour ce forfait. |
Pompeyus entrat en la royalme de Armenie, se le conquiste, et prist si grant venganche des maulfaisteurs que chu fut mervelhe, et metit tout le rengne en tregut des Romans. Et chi roy de Armenie qui fut ochis astoit nomeis Mitridath, qui astoit roy de Ponti et d'Armenie. Et l'avoient ochis portant qu'ilh ne voloit conquere et osteir à roy Nycomedes de Brithine, qui astoit amis aux Romans. |
Pompée pénétra dans le royaume d’Arménie, en fit la conquête et exerça contre les coupables une vengeance terrible qui fit merveille. Pompée soumit tout le royaume au tribut des Romains. Le roi d’Arménie, qui fut tué, s’appelait Mithridate ; il était roi du Pont et d’Arménie et on l'avait tué parce qu’il refusait de conquérir la Bithynie pour l'enlever au roi Nicomède, ami des Romains. |
Et, quant ilh l'orent ochis, si s'en alerent les Armeniens al regne Nychomedes por conquere. Et avoient jà pris Capadoche, et si en jettarent Ariobar, ayon le roy qui vies hons astoit. Et puis [p. 200] si ont dissipeit tout le regne de Brithine ; si ont encachiet Nychomedes et son frere Philomene. |
Après avoir tué Mithridate, les Arméniens partirent à la conquête du royaume de Nicomède. Ils prirent d'abord la Cappadoce dont ils expulsèrent le vieil Ariobarzane, l’aïeul du roi. Ensuite, [p. 200] ils ravagèrent toute la Bithynie, et en chassèrent Nicomède et son frère Philomène. |
Tout chu fut dit à Pompeyus, et Pompeyus s'en alat iIIuc ; et si en pendit XXIIIm aux arbres par les bois et les jardins, et se remist Nychomedes en son rengne, et à Philomene donnat le regne d'Armenie, et à Ariobat donnat-ilh le regne de Antyoche, et les mist en possession. |
Tout cela fut rapporté à Pompée, qui se rendit sur place. Il fit pendre vingt-trois mille personnes aux arbres dans les bois et les jardins. Il replaça Nicomède sur son trône, attribua le royaume d’Arménie à Philomène et celui d’Antioche à Ariobarzane, les installant au pouvoir. |
Pompée et Sylla à Rome : Sylla, banni de Rome par Pompée, fait la guerre contre Rome et son rival Marius, défait les Romains, tuant notamment le consul Marius (67 a.C.n.) - Sylla livre une bataille victorieuse au fils de Marius (66 a.C.n.)
[p. 200] [Scilla banni fours de Romme] A cel temps avoit grant guere à Romme entre le peuple meismes : si en estoient capitains les dois consules Mariien et Scilla. Quant je dy consule, si entendeis que chu sont les consules por le temps present ou chaux qui ont esteit consules ; car quiconques ait esteit consule de Romme, ilh serat à tousjours tant com ilh viverat nommeis consul. Sour l'an Vc et XXII, Pompeyus, qui veioit les Romans perturbeis de guere, si regardat le tort et le droit quant ilh fut revenus de coregier cheaux deseurdit ; se fist, par sentenche qui n'at point de rapel, bannir fours de Romme Scilla awec tout sa partie, où ilh avoit mult de nobles consules et senateurs, et saingnours awec leurs femmes et leurs enfans. Quant ilhs furent vuidiés, si commencharent la guere contre les Romans, et orent une batalhe à eaux I jour ; si conduisoit les Romans Norbans et Tirmaine consuls ; si furent le Romans desconfis, et perdirent par ochision Vlm hommes, et en fut pris VIm à prisonnirs. Et là fut mors Marien le consule, et Norbains ; si fut consul apres luy Mariens son fis, qui la guere maintenoit. Pompeyus adont astoit en Athenes, où ly peuple astoit rebelle ; et ilh n'y at nulle des aultres consules qui les puisse tenir en pais qu'ilh ne guerient. |
[p. 200] [Sylla banni de Rome] En ce temps-là, à Rome une grande guerre opposa les citoyens entre eux : les chefs rivaux étaient les deux consuls Marius et Sylla. Quand je dis « consuls », comprenez que ce sont les consuls en charge ou les anciens consuls ; car quiconque a été consul à Rome sera, jusqu'à sa mort, toujours appelé consul1. En l’an 522 [67 a.C.n.], Pompée, voyant les Romains accablés par la guerre, considéra les torts et le droit qu'il avait, à son retour, de corriger les gens cités plus haut. Par une sentence sans appel, il fit bannir de Rome Sylla et tous ses partisans, dont un grand nombre de notables, consuls et sénateurs, ainsi que des seigneurs avec femmes et enfants. Après avoir été expulsés, ceux-ci se mirent à faire la guerre aux Romains. Un jour se déroula entre eux une bataille. Les consuls Norbanus et Tirmaine menaient les Romains, qui furent défaits ; ils comptèrent six mille tués et six mille prisonniers. Là moururent le consul Marius et Norbanus ; après lui son fils Marius fut consul et il poursuivit la guerre. Pompée à ce moment-là se trouvait à Athènes, où le peuple s'était rebellé. Aucun des autres consuls ne pouvait les maintenir en paix ni les empêcher de faire la guerre. |
Si avient que l'an Vc et XXIII oit I batalhe entre Scillan et Marien, le fis Marien devantdit, et Pirus Carbo ; si oit Scilla la victoire, et ochist de ses annemis XVm hommes ; et des siens furent mors IIIIc. |
En l’an 523 [66 a.C.n.], se déroula une bataille entre Sylla et Marius, fils du Marius cité plus haut, et Papirius Carbo. Sylla l'emporta, tua quinze mille ennemis et compta quatre cents morts parmi les siens. |
1 Ce qui n'est pas tout à fait exact : les consuls qui continuaient à exercer un commandement après leur sortie de charge portaient le tItre de « proconsuls »; tous les anciens consuls portaient celui de « consulaires » (consulares). Mais on sait combien Jean ne maîtrise pas les institutions antiques.
Digression : Humbris, second roi de Tongres - Ses premières réalisations (66 a.C.n.)
[p. 200] [Humbris, li IIe roy de Tongre] En cel an meismes morut Tongris, li promier roy de Tongre ; si regnat apres luy Humbris son fis com secons roy de Tongre VIII ans. Et son aultre fis Hernebant fut roy de Rains, ly et ses heurs jusques al temps sains Remy qui convertit le pays à la loy Jhesu-Crist. |
[p. 200] [Humbris, deuxième roi de Tongres] Cette année mourut Tongris, le premier roi de Tongres. Son frère Humbris, second roi de Tongres, lui succéda et régna huit ans. Son autre fils, Hernebaut et ses héritiers, régnèrent à Reims, jusqu’au temps de saint Remi, qui convertit le pays à la foi du Christ. |
Quant Tongris fut mors, son fis li fist faire une tombe de jaspe et de crestal ; et de chu astoit ly senescal soverains de Tongre, et fut nomeis maistre Thibals de Rains deviseur. Et [p. 201] fut fait un temple cathedral, où Jupiter seioit sour unc cheval, et Venus, d'autre costeit, vestis d'onne robe de cendal vermelhe à I roge capel et à I mantel blewe. |
À la mort de Tongris, son fils lui fit faire un tombeau de jaspe et de cristal ; dès ce moment il devint le sénéchal souverain de Tongres, et maître Thibaut de Reims fut nommé son exécuteur. On [p. 201] construisit un temple majestueux où trônaient Jupiter à cheval d'un côté et Vénus de l'autre, vêtue d’une robe de soie vermeille, d’une capeline rouge et d’un manteau bleu. |
[Hambreux, Ains, Hollegnoul et Hollongne] En cel promier année fondat ly roy Humbris IIII vilhes : l'une apellat solonc son nom Hambreux, l'autre nomat-ilh Ains, la tirche Hollengnoul et la quarte Hollongne : celle fut sour la rivier que ons nom le Gaire. |
[Ombret, Ans, Hognoul et Hollogne] Au cours de cette première année, le roi Humbris fonda quatre villes : il en appela une Ombret, d’après son propre nom, l’autre Ans, la troisième Hognoul et la quatrième Hollogne ; celle-ci était sur la rivière appelée Geer. |
Pompée ramène l'ordre : À Athènes et en Arménie où il installe roi le Romain Alexandre - À Rome, Sylla mène une guerre très cruelle contre ses concitoyens, Pompée l'attaque, le vainc, le massacre, lui et ses partisans, mettant fin à l'épisode Sylla (66 a.C.n.)
[p. 201] [De Pompeyus et Tygranus] En cel an meismes remist Pompeyus cheaux d'Athenes en la subjection des Romans, et s'en allat par mere en Surie. Si vient à luy Quetellus, Ii fis Philomene, le roy d'Armenie, et ly dest que son peire astoit mors, se devoit eistre roy ; mains ses gens ne le voloient mie, anchois voloient avoir Tygranus, qui astoit annemis aux Romans. Quant Pompeyus l'entendit, se Ii donnat lettres sailée de son sael, et Ii chargat Vc chevaliers por ly à mettre en la possession del royalme. Si en alerent et fut fait enssi. |
[p. 201] [Pompée et Tigrane] Cette même année [66 a.C.n.], Pompée, après avoir ramené les Athéniens sous la domination des Romains, gagna la Syrie par la mer. Quetellus, fils de Philomène, roi d’Arménie, vint annoncer la mort de son père à Pompée et lui demanda de le désigner comme roi. Mais son peuple ne voulait pas de lui et exigeait comme roi Tigrane, un ennemi des Romains. Quand Pompée apprit cela, il remit à Quetellus une lettre scellée de son sceau et chargea cinq cents chevaliers de le mettre à la tête du pays. Ils s’en allèrent et il en fut fait ainsi. |
Mains les chevaliers ne furent pais II journées en revenant, que cheaux d'Armenie ochirent leur roy, et fisent roy Tygranus, dont la plus grant partie des gens de pays en furent mult dolans. Se le mandarent à Pompeyus en Surie, où ilh faisoit I conte por gardeir Surie, qui tout astoit aux Romans, lyqueis conte fut nomeis Taurus. |
Mais les chevaliers n’étaient pas partis de deux jours que les Arméniens tuèrent le roi et couronnèrent Tigrane, au grand mécontentement de la majorité de la population. Ils en avertirent Pompée en Syrie ; celui-ci nomma un comte, du nom de Scaurus, chargé de gouverner la Syrie, entièrement soumise aux Romains. |
Quant Pompeyus entendit les dit novelles, si entrat en la royalme d'Armenie, et destruite tous cheaz qui avoient esteit à conselhe del ochire le roy Querillus, et avoient eslus à roy Tygranus, lequeile ilh fist escorchier tout vief, et le laissat enssi ; se morit à grief tourment. Apres tout chu ilh coronat à roy I Romans, qui fut nomeis Alixandre. |
Quand il apprit ces nouvelles, Pompée pénétra en Arménie et anéantit tous ceux qui avaient conseillé de tuer le roi Quetellus et intronisé Tigrane comme roi. Il fit écorcher vif ce dernier et le laissa dans cet état où il mourut dans de grandes souffrances. Après cela, il choisit de couronner comme roi un Romain, nommé Alexandre. |
[p. 201] [Scilla à la porte Coloine] A cel temps guerioit fortement Scilla tous les Romans, enssi ses amis com ses annemis, et les ochioit tous al defours de Romme, devers la porte Coloine. Adont Campino, ly dus de Savinia, soy combatit à luy ; se Ii ochist Scilla et ses gens VIIIm homme, et tantoist en l'heure ilh entrat à Romme, et y ochist IIIm hommes qui astoient sens armes et n'astoient nient culpauble de la guere. Catulus Quintus adont dest à Scilla à hault vois et astoit de sa [p. 202] partie : « Desqueis hommes astons-nos victorieux, qui ochions le peuple de nostre pays ? » Adont en fut dolens Scilla, et dest que li peuple nient culpaible lasseroit en pais. |
[p. 201] [Sylla à la Porte Colline] À l’époque Sylla menait une grande guerre contre tous les Romains, amis comme ennemis : il les tuait tous en dehors de Rome, aux environs de la Porte Colline. C'est alors que Campino, duc de Savinia, combattit contre lui. Sylla le tua ainsi que huit mille de ses hommes, puis aussitôt entra dans Rome. Il y tua trois mille hommes désarmés qui n’étaient pas responsables de la guerre. Alors Catulus Quintus, un de ses partisans, lui dit à haute voix [p. 202] : « De qui sommes-nous donc vainqueurs, nous qui tuons nos concitoyens ? » Sylla en fut très affligé et dit qu'il laisserait en paix ceux qui n'étaient pas coupables. |
[Crualteit] Apres I jour at Scilla pris March Marien de Cyeurecase, sy l'at fait loyer les mains, et le fist porteir à fluve del Tybre, et commandat à son peuple qui là logoit qu'ilh ly crevassent les yeux, et tous les membres ly tallassent l'unc apres l'autre crueusement, si qu'ilh morist à grant tourment. Et enssi fut-ilh fait. |
[Cruauté] Le jour suivant, Sylla prit Marcus Marius de Syracuse, lui fit lier les mains, le fit porter près du Tibre et demanda à ceux de ses hommes qui campaient là de lui crever les yeux et de lui couper cruellement tous les membres, l'un après l'autre, jusqu’à ce qu’il meure dans de grands tourments. Et il en fut fait ainsi. |
Apres une altre jour Mariien, ly fis Mariien le consule, oit batalhe contre Scilla ; si fut desconfis, si s'enfuit à Preneste, et Scilla le suit et l'assegat dedens le casteal de Preneste. Si laisat à casteal gens por tenir le siege, et vint à Romme à la porte Coline ; si soy combattit à Lampoine et Carmat, roys de Mariaine, qui avoient grant gens. Scilla en ochist LVlm, et en prist XIIllm ; Pirus Carbo adont fuit. |
Le lendemain, Marius, fils du consul Marius, combattit Sylla. Vaincu il s’enfuit à Préneste, où Sylla le suivit et l’assiégea dans le castel fortifié de Préneste. Il y laissa des hommes à lui pour tenir le siège et revint à Rome à la porte Colline. Il livra bataille contre Lampoine et Carmat, rois de Mauritanie qui disposaient de forces nombreuses. Sylla tua cinquante-six mille hommes et fit quatorze mille prisonniers. Papirius Carbo s’enfuit. |
[p. 202] Enssi que ches chouses se fasoient, avient que Pompeyus rapassat mere et vient en Ytaile, et entendit la guere eistre recommenchié ; se vient à Romme, et corut sus Seilla, et ly copat la tieste, et toutes ses gens ochist partout sus le Tybre et à la porte Coline ; et en Greche mandat al roy qu'ilh les metist tous cheals de leurs compangnie à mort. Enssi fynat la guere de Scilla le valhan guerieur. |
[p. 202] Pendant ces événements, Pompée retraversa la mer et revint en Italie, où il apprit que la guerre avait repris. De retour à Rome, il attaqua Sylla, lui coupa la tête et massacra tous ses hommes partout, le long du Tibre et à la Porte Colline. En Grèce, il ordonna au roi de mettre à mort tous leurs partisans. Ainsi se termina la guerre de Sylla le vaillant guerrier. |
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