Bibliotheca Classica Selecta - Traductions françaises : Sur la BCS - Ailleurs sur la Toile
Métamorphoses d'Ovide : Avant-Propos - Notices - Livre XII (Plan) - Hypertexte louvaniste - Iconographie ovidienne - Page précédente - Page suivante
OVIDE, MÉTAMORPHOSES, LIVRE XII
[Trad. et notes de A.-M. Boxus et J. Poucet, Bruxelles, 2008]
Quelques évocations relatives à la guerre de Troie (12, 1-145)
Les Grecs à Aulis - Présage d'un serpent métamorphosé - Sacrifice d'Iphigénie (12, 1-38)
À Troie, Priam, loin de soupçonner le désastre qui se prépare, pleure la disparition de son fils Ésaque, tandis que mouille à Aulis la flotte des Grecs conjurés, retenue par des vents contraires. Un présage, sous forme d'un serpent bientôt métamorphosé en pierre, signale aux Grecs qu'ils détruiront Troie, après une guerre d'au moins neuf années. (12, 1-23)
Le devin Calchas apprend aux Grecs que Diane, en échange de vents favorables, exige l'immolation d'Iphigénie. Prête à se sacrifier, la jeune fille est finalement sauvée par la déesse apitoyée, qui lui substitue une biche. Ainsi les Grecs peuvent-ils gagner le rivage de Phrygie. (12, 24-38)
Nescius adsumptis Priamus pater
Aesacon alis |
Priam
pleurait son fils
Ésaque, ignorant que, pourvu d'ailes
désormais, il était toujours vivant ; et même, sur un tombeau portant son nom, Hector et ses frères avaient apporté d'inutiles offrandes funèbres. De cette triste cérémonie fut absent Pâris, qui, plus tard, |
|
12, 5 |
postmodo qui rapta longum cum
coniuge bellum |
à cause
du rapt de son
épouse, avait engagé sa patrie dans une longue guerre ; mille vaisseaux conjurés et toute la nation des Pélasges confédérés le poursuivent. La vengeance n'aurait pas tardé, si la fureur des vents n'avait rendu la mer impraticable et si les navires prêts au départ |
12, 10 |
Aulide
piscosa puppes tenuisset ituras. Hic patrio de more Ioui cum sacra parassent, ut uetus accensis incanduit ignibus ara, serpere caeruleum Danai uidere draconem in platanum, coeptis quae stabat proxima sacris. . |
n'avaient été retenus en terre de Béotie, à
Aulis la poissonneuse. Là, au cours des préparatifs rituels pour un sacrifice à Jupiter, lorsque les torches allumées eurent éclairé le vieil autel, les Danaens virent ramper un serpent de couleur sombre sur le tronc d'un platane, près du lieu où avait débuté la cérémonie. |
12, 15 |
Nidus
erat uolucrum bis quattuor arbore summa, quas simul et matrem circum sua damna uolantem corripuit serpens auidoque recondidit ore. Obstipuere omnes ; at ueri prouidus augur Thestorides : « Vincemus » ; ait, « gaudete, Pelasgi ! |
Au sommet
de l'arbre se trouvait
un nid abritant huit oiseaux. |
12, 20 |
Troia cadet, sed erit nostri mora longa
laboris » ; atque nouem uolucres in belli digerit annos. Ille, ut erat uirides amplexus in arbore ramos, fit lapis et signat serpentis imagine saxum. Permanet Aoniis Nereus uiolentus in undis |
Troie tombera, mais longue sera la durée de nos
efforts ». Et il explique que les neuf oiseaux présagent neuf années de guerre. Le serpent, là où il était, enlacé aux verts rameaux de l'arbre, est transformé en pierre, en un rocher à son image. Nérée continue de se déchaîner dans les eaux d'Aonie |
12, 25 |
bellaque non transfert, et sunt qui parcere
Troiae Neptunum credant, quia moenia fecerat urbi. At non Thestorides ; nec enim nescitue tacetue sanguine uirgineo placandam uirginis iram esse deae. Postquam pietatem publica causa |
et
empêche le transport des guerriers. Il est des
gens qui croient que Neptune épargne Troie, parce qu'il a construit les murs de la cité. Mais tel n'est pas l'avis du fils de Thestor ; car il sait, et il ne le cache pas, que le sang d'une vierge doit apaiser la colère de la déesse vierge. Quand l'intérêt public eut triomphé de l'amour paternel, et le roi du père, |
12, 30 |
rexque patrem uicit castumque datura cruorem flentibus ante aram stetit Iphigenia ministris, uicta dea est nubemque oculis obiecit et inter officium turbamque sacri uocesque precantum supposita fertur mutasse Mycenida cerua. |
quand,
parmi les officiants éplorés,
Iphigénie se tint debout devant l'autel, prête à offrir son sang de vierge, la déesse céda : elle répandit un nuage devant les yeux des assistants, et on rapporte que, durant l'office sacré, parmi la foule en prière, elle transforma la fille de Mycènes en une biche mise à sa place. |
12, 35 |
Ergo
ubi, qua decuit, lenita est caede Diana, et pariter Phoebes, pariter maris ira recessit, accipiunt uentos a tergo mille carinae multaque perpessae Phrygia potiuntur harena. |
Alors,
dès que cette immolation destinée à l'apaiser
eut satisfait Diane, la colère de la mer cessa, en même temps que celle de Phébé. Les mille vaisseaux, poussés à l'arrière par le souffle des vents, s'installent, après de multiples épreuves, sur le littoral de Phrygie. |
Devant Troie : Protésilas et Hector - Cygnus, métamorphosé en cygne, et Achille (12, 39-145)
La Renommée, Fama, du haut de sa demeure aux confins de l'univers, lieu de convergence et de transmission de nouvelles, vraies et fausses, séjour aussi d'abstractions personnalisées, observe et diffuse tout ce qui se passe dans l'univers. (12, 39-63)
Ainsi annonce-t-elle en Phrygie l'arrivée des vaisseaux grecs, que les Troyens attendent de pied ferme. Dès les premiers engagements sont évoqués Hector et Achille, les deux adversaires les plus représentatifs de l'Iliade. Hector abat Protésilas, cependant qu'Achille s'acharne en vain contre Cygnus. (12, 64-81)
En effet, Cygnus doit à son père Neptune d'être invulnérable aux traits. Achille, peu accoutumé à l'échec, énumère tous ses hauts faits depuis le début de l'expédition contre Troie ; il teste ses capacités en tuant l'obscur Ménétès, qui se trouvait devant lui, et quand il s'est rassuré, il retire le trait du corps de sa victime. Mais les traits qu'il lance contre Cygnus restent toujours sans effet. Finalement, il poursuit et coince contre un rocher son adversaire, qui lui échappe une fois de plus en étant métamorphosé en cygne par Neptune. (12, 82-145)
12, 39 |
Orbe locus medio est inter terrasque fretumque |
Il existe
au centre de l'univers un lieu situé entre les
terres, |
caelestesque plagas, triplicis confinia mundi, unde quod est usquam, quamuis regionibus absit, inspicitur, penetratque cauas uox omnis ad aures. Fama tenet summaque domum sibi legit in arce, innumerosque aditus ac mille foramina tectis |
les mers
et les régions célestes, aux confins de notre monde triple. De là on voit ce qui se passe partout, même dans les lieux éloignés ; toutes les voix y pénètrent au creux d'oreilles réceptives : domaine de la Renommée. Ce sommet qu'elle a choisi pour demeure, elle l'a doté d'innombrables accès et de mille trous forés dans le toit. |
|
12, 45 |
addidit et nullis inclusit limina portis ; nocte dieque patet ; tota est ex aere sonanti, tota fremit uocesque refert iteratque quod audit ; nulla quies intus nullaque silentia parte. Nec tamen est clamor, sed paruae murmura uocis, |
Pas une seule porte n'en ferme les entrées : nuit
et jour, la demeure est ouverte. Tout entière en airain sonore, elle vibre de partout, renvoie les sons et répète ce qu'elle entend ; aucun calme ne règne à l'intérieur et nulle part le silence. Ce ne sont pas vraiment des cris, mais un sourd murmure, |
12, 50 |
qualia de pelagi, siquis procul audiat, undis esse solent, qualemue sonum, cum Iuppiter atras increpuit nubes, extrema tonitrua reddunt. Atria turba tenet ; ueniunt, leue uulgus, euntque mixtaque cum ueris passim commenta uagantur |
comme
celui des flots de la mer, quand on l'entend de
loin, ou comme le bruit des grondements lointains du tonnerre, quand Jupiter fait se heurter les sombres nuages. Les salles sont pleines de foule, peuple léger, qui va et vient. Partout se répandent des nouvelles, mélange de faux et de vrai, |
12, 55 |
milia rumorum confusaque uerba uolutant ; e quibus hi uacuas inplent sermonibus aures, hi narrata ferunt alio, mensuraque ficti crescit et auditis aliquid nouus adicit auctor. Illic Credulitas, illic temerarius Error |
et
partout mille rumeurs confuses circulent et se
répètent. Certains de ces propos emplissent des oreilles vides, d'autres portent ailleurs ces récits. Ainsi croît l'affabulation, et chaque nouvel intervenant en rajoute à ce qu'il a entendu. C'est là que séjournent la Crédulité, l'Erreur irréfléchie, |
12, 60 |
uanaque Laetitia est consternatique Timores Seditioque repens dubioque auctore Susurri. Ipsa, quid in caelo rerum pelagoque geratur et tellure, uidet totumque inquirit in orbem. Fecerat haec notum, Graias cum milite forti |
la Joie
factice et les Terreurs désolées, la Révolte
prête à éclater et les Chuchotements d'un locuteur peu digne de foi. Tout ce qui se passe dans le ciel, et sur mer, et sur terre, la Renommée le voit et elle enquête dans le monde entier. Elle avait proclamé la nouvelle de l'arrivée des vaisseaux grecs, |
12, 65 |
aduentare rates ; neque inexspectatus in armis |
chargés
de vaillants guerriers. Lorsque se présente
l''ennemi en armes, il est attendu de pied ferme : les Troyens défendent leurs accès et surveillent le rivage. Comme l'a décidé le destin, Protésilas, tu tombes le premier sous la lance d'Hector ; les Danaens paient cher les combats engagés et la mort de ce héros leur découvre Hector. |
Nec
Phryges exiguo, quid Achaica dextera posset, sanguine senserunt ; et iam Sigea rubebant litora, iam leto proles Neptunia, Cygnus, mille uiros dederat, iam curru instabat Achilles totaque Peliacae sternebat cuspidis ictu |
Les
Phrygiens aussi, à l'abondance du sang versé,
ont compris ce que pouvait le bras des Achéens. Déjà le rivage de Sigée était rouge de sang ; déjà Cygnus, né de Neptune, avait livré mille héros au trépas ; déjà Achille, du haut de son char, pressait tous les rangs ennemis, qu'il décimait avec sa lance du Pélion. |
|
12, 75 |
agmina ; perque acies aut Cygnum aut Hectora
quaerens congreditur Cygno ; decimum dilatus in annum Hector erat ; tum colla iugo candentia pressos exhortatus equos, currum derexit in hostem concutiensque suis uibrantia tela lacertis : |
À travers
les lignes, il cherche Cygnus ou Hector, il rencontre Cygnus – Hector avait été remis à dix ans plus tard. Alors Achille stimula ses chevaux, dont la blanche encolure supportait le joug. Dirigeant son char contre l'ennemi et agitant les traits que brandissaient ses bras, il dit : |
12, 80 |
« Quisquis
es, o iuuenis, » dixit « solamen habeto |
« Qui
que tu sois, jeune homme, le fait d'avoir été
égorgé par Achille d'Hémonie te consolera de mourir ! ». L'Éacide n'en dit pas plus : sa lourde pique suit ses paroles. mais sans que son trait assuré n'ait dévié, la pointe de fer qu'il lança n'eut aucun effet, et, tel un trait émoussé, |
12, 85 |
utque hebeti pectus tantummodo contudit ictu. « Nate dea, nam te Fama praenouimus, » inquit ille « quid a nobis uulnus miraris abesse ? » (Mirabatur enim.) « Non haec, quam cernis, equinis fulua iubis cassis neque onus, caua parma, sinistrae |
elle ne
fit que s'écraser sur la poitrine de Cygnus. |
12, 90 |
auxilio mihi sunt ; decor est quaesitus ab
istis ; Mars quoque ob hoc capere arma solet ! Remouebitur huius tegminis officium ; tamen indestrictus abibo. Est aliquid non esse satum Nereide, sed qui Nereaque et natas et totum temperet aequor. » |
ne
sont pour moi une aide ; je n'en attends que la
parure ; Mars aussi porte des armes dans ce but ! Si l'on me retire cette protection, je m'en sortirai toutefois sans blessure. C'est important d'être issu, non d'une Néréide, mais du roi qui règne sur Nérée et ses filles et sur tout l'océan. » |
12, 95 |
Dixit
et haesurum clipei curuamine telum misit in Aeaciden, quod et aes et proxima rupit terga nouena boum, decimo tamen orbe moratum est. Excutit hoc heros rursusque trementia forti tela manu torsit ; rursus sine uulnere corpus |
Cela dit,
Cygnus envoya sur l'Éacide
un trait qui devait se fixer sur la courbure de son bouclier, et qui perça le bronze et le cuir, les neufs premières peaux de boeuf, mais resta arrêté par la dixième. Le héros l'arracha et de sa main puissante lança à nouveau un trait redoutable. Une fois encore, le corps de son adversaire |
12, 100 |
sincerumque fuit. Nec tertia cuspis apertum et se praebentem ualuit destringere Cygnum. Haud secus exarsit quam circo taurus aperto, cum sua terribili petit inritamina cornu, poeniceas uestes, elusaque uulnera sentit. |
resta
intact, sans blessure. Un troisième trait ne
réussit pas à atteindre Cygnus, qui était là, découvert, s'offrant aux coups. Achille brûle de rage, tel, dans l'arène d'un cirque, un taureau aux cornes redoutables qui fonce sur les capes de couleur pourpre qui l'excitent et comprend que ses coups sont esquivés. |
12, 105 |
Num
tamen exciderit ferrum, considerat, hastae ; haerebat ligno. « Manus est mea debilis ergo, quasque » ait «ante habuit uires, effudit in uno ? Nam certe ualuit, uel cum Lyrnesia primum moenia deieci, uel cum Tenedonque suoque |
Le héros vérifie toutefois si
le fer du javelot n'a pas quitté sa
hampe, mais il restait bien fixé au bois. Achille se dit : « Ma main manque-t-elle donc de vigueur, et sa force de jadis a-t-elle disparu en un instant ? Elle était grande en tout cas quand je fus le premier à ébranler les remparts de Lyrnèse ou quand j'ai noyé dans leur sang |
Eetioneas impleui sanguine Thebas, uel cum purpureus populari caede Caicus fluxit opusque meae bis sensit Telephus hastae. Hic quoque tot caesis, quorum per litus aceruos et feci et uideo, ualuit mea dextra ualetque. » |
les gens de Ténédos et
de la Thèbe d'Éétion, ou
quand s'empourprèrent les flots du Caique lors du massacre du peuple et lorsque Télèphe à deux reprises éprouva l'effet de ma lance. Ici aussi, tous ces morts entassés que j'aperçois sur le rivage, témoignent de la valeur qu'avait et qu'a toujours mon bras. » |
|
12, 115 |
Dixit
et, ante actis ueluti male crederet, hastam misit in aduersum Lycia de plebe Menoeten loricamque simul subiectaque pectora rupit. Quo plangente grauem moribundo uertice terram, extrahit illud idem calido de uulnere telum |
Il parla
et, comme s'il avait peine à croire en ses
exploits passés, il envoya contre Ménétès, un simple Lycien qui était en face de lui, un épieu qui lui transperça la poitrine et sa cuirasse protectrice. Tandis que le crâne du moribond heurtait lourdement la terre, le même Achille retira son trait de la blessure encore chaude et dit : |
12, 120 |
atque ait: «Haec manus est, haec qua modo
uicimus hasta utar in hoc isdem ; sit in hoc, precor, exitus idem ! » Sic fatur Cygnumque petit, nec fraxinus errat inque umero sonuit non euitata sinistro ; inde uelut muro solidaque a caute repulsa est. |
« Voici la main, voici le javelot avec lequel
je viens de l'emporter ; |
12, 125 |
Qua
tamen ictus erat, signatum sanguine Cygnum |
Cependant
à l'endroit du coup, Achille avait vu Cygnus marqué par une tache de sang, mais il s'était réjoui en vain : il n'y avait pas de blessure, et ce sang était celui de Ménétès ! Alors, tout frémissant, il se précipita du haut de son char et, tandis que, armé de sa brillante épée, il affronte de face |
12, 130 |
ense petens, parmam gladio galeamque cauari cernit et in duro laedi quoque corpore ferrum. Haud tulit ulterius clipeoque aduersa reducto ter quater ora uiri capulo et caua tempora pulsat cedentique sequens instat turbatque ruitque |
son
adversaire insouciant, il constate que sa lame
a percé |
12, 135 |
attonitoque negat requiem ; pauor occupat illum ante oculosque natant tenebrae retroque ferenti auersos passus medio lapis obstitit aruo ; quem super inpulsum resupino corpore Cygnum ui multa uertit terraeque adflixit Achilles. |
l'étourdit, ne lui laissant aucun répit. Cygnus
est en proie à la peur, des ténèbres flottent devant ses yeux et, marchant à reculons, il heurte une pierre qui lui fait obstacle au milieu du champ. Achille le pousse contre cette pierre ; de toute sa force, il le renverse sur le dos et le maintient cloué au sol. |
12, 140 |
Tum
clipeo genibusque premens praecordia duris uincla trahit galeae, quae presso subdita mento elidunt fauces et respiramen iterque eripiunt animae. Victum spoliare parabat ; arma relicta uidet ; corpus deus aequoris albam |
Alors lui
écrasant durement la poitrine avec son bouclier
et ses genoux , il lui arracha les lanières du casque, qu'il lui passa sous le menton, le pressa, l'étrangla, lui coupant la respiration et le souffle. Il se préparait à dépouiller le vaincu, quand il voit que celui-ci a abandonné ses armes ; le dieu de la mer |
12, 145 |
contulit in uolucrem, cuius modo nomen habebat. |
l'a transformé en l'oiseau blanc, dont il portait naguère le nom. |
NOTES
Priam... Ésaque (12, 1). Transition servant à introduire quelques épisodes relatifs à la guerre de Troie. L'histoire d'Ésaque (11, 762) est racontée par Ovide en 11, 749-795.
Pâris... (12, 4-6). Allusion au rapt d'Hélène, l'épouse de Ménélas, par Pâris/Alexandre, un fils de Priam. Cette légende célébrissime provoqua la guerre de Troie, évoquée dans les vers suivants. Dans toute cette partie des Métamorphoses, Ovide s'inspire beaucoup de l'Iliade d'Homère, en faisant généralement de simples allusions, tant les légendes étaient connues. Mais il s'inspire aussi des successeurs d'Homère, les poètes « cycliques », et aussi des poètes tragiques, pour les épisodes non traités par Homère.
Pélasges... Aulis... (12, 7-10). À la suite du rapt d'Hélène par Pâris, les Grecs (appelés par Homère Achéens, ou Danaens, et ici par Ovide Pélasges, du nom d'un peuple primitif qui avait occupé la Grèce), s'étaient confédérés sous le commandement en chef d'Agamemnon de Mycènes, à la demande de son frère Ménélas, pour aller récupérer Hélène. Les troupes se rassemblèrent à Aulis, un port de Béotie. Mais Agamemnon offensa Artémis/Diane, laquelle, pour le châtier, empêcha les vents de souffler et la flotte de prendre la mer.
un serpent... (12, 11-23). Le présage du serpent et son interprétation sont directement inspirés d'Homère, Iliade, 2, 302-330, où Ulysse l'évoque pour rendre courage aux Grecs fatigués par leur long siège devant les murs de Troie.
fils de Thestor... (12, 18). Le fils de Thestor est le devin Calchas, très présent dans l'Iliade d'Homère, comme dans l'Iphigénie en Aulide d'Euripide.
Nérée (12, 24). Nérée, un dieu marin, père des Néréides (cfr 11, 361), désigne ici la mer, par métonymie.
Aonie (12, 24). L'Aonie, nom mythique de la Béotie, désignant ici le détroit de l'Euripe, séparant Aulis en Béotie de Calchis en Eubée.
Neptune (12, 25-26). Poséidon/Neptune, frère de Zeus/Jupiter et souverain des mers. Il avait, avec Apollon, aidé Laomédon à ériger les murs de Troie (Voir n. à 11, 195).
sang d'une vierge... la déesse... (12, 27-38). Le récit du sacrifice d'une vierge, la fille de Mycènes (v. 34), c'est-à-dire Iphigénie (v. 30), la fille qu'Agamemnon devait sacrifier à la déesse (Diane/Artémis/Phébé, v. 35 et 36), et celui de son sauvetage par Diane, sont des thèmes posthomériques, devenus canoniques depuis Euripide et son Iphigénie à Aulis. Ovide se borne à de simples allusions, la légende étant très connue. La substitution d'une biche par Diane apitoyée est donc une métamorphose de plus dans le recueil d'Ovide. On songera à propos du sacrifice d'Iphigénie au célèbre passage de Lucrèce, 1, 80-101.
Phrygie (12, 38). Sur le rivage proche de la ville de Troie.
aux confins de notre monde triple (12, 40). La formule du monde triple (triplicis confinia mundi) se retrouvera dans Mét., 15, 859 (mundi regna triformis).
Renommée (12, 43). Cette personnification de la Renommée, ou Fama, évoquée dans les vers 39-63, peut être rapprochée d'autres passages où Ovide imagine le séjour de l'Envie (Inuidia) en 2, 760-796 ; de la Faim (Fames) en 8, 788-808 ; du Sommeil (Somnus) en 11, 592-615). Voir surtout Virgile, Én., 4, 173-195, avec note.
Crédulité... (12, 59). Ici commence l'énumération d'une suite d'allégories, en quelque sorte secondaires, accompagnant la Renommée. Certaines d'entre elles sont sans doute des trouvailles d'Ovide.
Protésilas... Hector (12, 67-69). Protésilas, héros thessalien, serait le premier Grec à avoir perdu la vie en débarquant à Troie, frappé par Hector, le fils aîné de Priam, le plus vaillant des Troyens. Un oracle avait prédit que le premier homme qui débarquerait trouverait une mort immédiate. Protésilas se dévoua et périt de la main d'Hector, selon la version que suit ici Ovide. Ce Protésilas venait d'épouser Laodamie, juste avant son départ pour Troie.
Sigée (12, 71). Le Sigée (Sigeion) était un promontoire de la Troade, au nord-ouest de Troie (voir 11, 197).
Cygnus (12, 72). Ovide a déjà évoqué deux fois dans son ouvrage un personnage nommé Cygnus, qui fut métamorphosé en cygne. D'abord en 2, 367-380, où un Cygnus, roi des Ligures, ne peut se consoler de la mort de Phaéton, puis en 7, 371-381, où un Cygnus, un enfant passablement capricieux, est transformé en cygne. On verra aussi 12, 580-583, où Cygnus, l'adversaire d'Achille, est présenté comme l'oiseau de Phaéton.
lance du Pélion (12, 74). Homère, Iliade, 16, 141-144, parle d'une lourde pique en bois du Pélion (mont de Thessalie, proche de l'Ossa), pique qu'Achille est seul à pouvoir brandir, et qui avait été offerte par le centaure Chiron à Pélée, le père du héros.
dix ans plus tard (12, 76). Hector tombera de la main d'Achille, presque à la fin du siège qui dura dix ans, comme le raconte le début du chant 22 de l'Iliade.
Éacide (12, 82). Désigne Achille, qui était le petit-fils d'Éaque, père de Pélée.
Néréide... (12, 93-94). La mère d'Achille, Thétis, est la fille de Nérée, dieu marin subalterne par rapport à Neptune, le père de Cygnus.
Lyrnèse (12, 109). Lyrnèse est, tout comme Thèbes (vers 110), une ville de Mysie.
Ténédos (12, 110). Ténédos est une île de la mer Égée, proche du rivage de Troie (voir Virg., Én., 2, 21 ; et aussi Mét., 1, 515).
Thèbe d'Éétion (12, 110). Thèbe (ou Thébé) sous le Placos, où régnait Éétion, le père d'Andromaque, est, comme Lyrnèse, une ville de Mysie. C'étaient des cités alliées de Troie.
Caïque (12, 111). Le Caïque est un fleuve de Mysie (cfr Mét., 2, 243, et 15, 277).. Depuis Homère, les lieux qui viennent d'être cités, font partie du catalogue des conquêtes attribuées à Achille. Elles seront du reste rappelées par Ulysse en Mét., 13, 171-175.
Télèphe (12, 112). Fils d'Héraclès/Hercule et de l'Arcadienne Augé, une prêtresse d'Athéna que son père avait vouée à la virginité, Télèphe était né en cachette et avait été exposé sur le mont Parthénios ; nourri par une biche, il avait été recueilli par des bergers. Selon une version de leur légende, Augé et Téléphe qui avaient été enfermés dans un coffre et jetés à la mer échouèrent en Mysie, à l'embouchure du fleuve Caïque. Ils furent recueillis par le roi de Mysie Teuthras, qui épousa la mère et adopta l'enfant.
Certains récits rapportent que les Grecs, en route vers Troie, se trompèrent de route et voulurent s'emparer de la Mysie. Télèphe se battit contre eux et fut blessé par la lance qu'Achille avait reçue de Chiron, et qui provoqua chez lui une blessure persistante. Un oracle lui apprit que sa blessure ne pourrait être guérie que par celui qui la lui avait infligée.
Ayant reconnu leur erreur, les Grecs conclurent une trève avec les Mysiens et retournèrent à Aulis, d'où ils repartirent une seconde fois, plus tard, après le sacrifice d'Iphigénie. Comme Télèphe avait besoin d'Achille pour être guéri et que, par ailleurs, les Grecs avaient besoin de Télèphe pour trouver le chemin de Troie (un oracle ayant annoncé que lui seul pourrait permettre aux Grecs de conquérir Troie), on trouva un terrain d'entente. Achille en passant sa lance sur la plaie persistante de Télèphe le guérit, et Télèphe, qui avait épousé une fille de Priam, se borna à guider les Grecs vers Troie avant de regagner la Mysie, sans prendre part à la guerre. Cfr Hygin, Fab., 99-101 et Apollodore, Epitomé, 3, 17-20.Ménètès (12, 116). Ce Lycien est une invention d'Ovide, qui emprunta peut-être ce nom à Virgile, Én., 5, 160 ou 12, 517.
lui (12, 120). Il s'agit de son adversaire Cygnus.
Métamorphoses d'Ovide : Avant-Propos - Notices - Livre XII (Plan) - Hypertexte louvaniste - Iconographie ovidienne - Page précédente - Page suivante