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OVIDE, MÉTAMORPHOSES, LIVRE II
[Trad. et notes de A.-M. Boxus et J. Poucet, Bruxelles, 2005]
Des dieux capricieux (2, 708-875)
Mercure, Hersé et Aglauros (2, 708-751)
Mercure, quittant la Messénie, survole Athènes au moment de la procession des Panathénées et s'éprend de la beauté de Hersé, une des jeunes filles participant au cortège. Plein d'assurance, il décide d'entreprendre sa conquête. (2, 708-736)
Il se rend dans la demeure des filles de Cécrops (Pandrose, Aglauros et Hersé) et, rencontrant en premier lieu Aglauros, il se présente en lui demandant de favoriser son amour pour Hersé. En échange, l'indiscrète et cupide Aglauros réclame à Mercure un grand poids d'or et le fait sortir du palais. (2, 737-751)
Hinc se sustulerat paribus caducifer alis, |
Le dieu au caducée déployant ses deux ailes avait
décollé |
|
despectabat humum cultique arbusta Lycei. |
la terre chère à Minerve et le
Lycée
planté d'arbres. |
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2, 715 |
non agit in rectum, sed in orbem curuat eundem : |
une route directe, il répète sur place le même cercle. |
sic super Actaeas agilis Cyllenius arces |
ainsi, au-dessus de la citadelle de l'Acté,
l'agile
dieu du Cyllène |
|
2, 725 |
ibat eratque decus pompae comitumque suarum. |
elle était le joyau de la procession et de ses compagnes. |
2, 730 |
Vertit iter caeloque petit terrena relicto |
Le dieu change de route, quitte le ciel pour gagner la terre, |
ut teres in dextra, qua somnos ducit et arcet, |
dans sa droite la
baguette qui apporte et chasse le sommeil, |
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Quae tenuit laeuum, uenientem prima notauit |
L'occupante de la chambre de gauche remarqua la première |
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2, 745 |
Nec fingam causas, tu tantum fida sorori |
Je ne mentirai pas sur mes intentions ; toi, sois simplement |
2, 750 |
proque ministerio magni sibi ponderis aurum |
et, pour prix de ses services, exige une grande quantité d'or. |
Minerve, l'Envie et la métamorphose d'Aglauros (2, 752-832)
Minerve, déjà prévenue contre Aglauros la curieuse et craignant de la voir gagner encore en prestige, charge l'Envie d'infecter Aglauros de son venin. (2, 752-786)
L'Envie, personnage effrayant et odieux, se rend dans la florissante Athènes en semant la désolation sur son passage. Introduite dans la demeure des Cécropides, elle répand son poison dans le coeur d'Aglauros et lui inspire un très vif dépit en évoquant le bonheur de Hersé comblée par l'amour de Mercure. (2, 787-811)
Désespérée et rongée par l'envie, Aglauros décide finalement d'interdire l'accès de leur demeure à Mercure qui, pourtant très conciliant dans un premier temps, finit par forcer le passage d'un coup de sa baguette et punit la jeune fille en la métamorphosant en statue. (2, 812-832)
2, 752 |
Vertit ad hanc torui dea bellica luminis orbem |
La
déesse guerrière tourna vers Aglauros son
regard menaçant |
2, 755 |
aegida concuteret. Subit, hanc arcana profana |
Il lui vint à l'esprit qu'Aglauros, d'une main sacrilège,
avait découvert |
Protinus Inuidiae nigro squalentia tabo |
Aussitôt elle gagna la demeure de l'Envie,
souillée d'un sang noir. |
|
2, 765 |
Huc ubi peruenit belli metuenda uirago, |
Arrivée là, la redoutable guerrière s'arrête
devant la maison |
2, 770 |
Inuidiam uisaque oculos auertit ; at illa |
à cette vue elle détourne les yeux. Mais l'Envie, |
2, 775 |
Pallor in ore sedet, macies in corpore toto. |
Sa face est pâle, tout son corps est décharné, |
2, 780 |
sed uidet ingratos intabescitque uidendo |
mais elle voit, avec dépit, les succès des humains et, les
voyant, |
2, 785 |
sic opus est. Aglauros ea est. » Haud plura locuta |
Il le faut ; il s'agit d'Aglauros ». Sans un mot de plus, |
2, 790 |
uincula cingebant, adopertaque nubibus atris, |
et, couverte de nuages sombres, partout où elle s'avance, |
2, 795 |
ingeniis opibusque et festa pace uirentem Sed postquam thalamos intrauit Cecrope natae, |
les richesses et la paix, propice aux fêtes. Elle a du mal Mais, une fois dans la chambre de la fille de Cécrops, |
2, 800 |
inspiratque nocens uirus piceumque per ossa |
lui insuffle un poison nocif, disperse à travers ses os |
2, 805 |
cunctaque magna facit ; quibus inritata dolore |
en une splendide vision qui magnifie tout. Irritée par ces visions, |
2, 810 |
quam cum spinosis ignis supponitur herbis, |
qu'un feu qui couve sous des herbes épineuses |
exclusura deum. Cui blandimenta precesque |
pour lui interdire l'entrée. À celui-ci, qui, très
affable, |
|
2, 820 |
surgere conanti partes, quascumque sedendo |
Elle tente de se lever, mais sent que sont engourdis, |
2, 825 |
utque malum late solet inmedicabile cancer |
Comme un cancer, incurable, étend partout ses ravages, |
2, 830 |
uocis habebat iter : saxum iam colla tenebat, |
sa voix n'avait plus où passer ; son cou déjà
était pétrifié, |
Jupiter et l'enlèvement d'Europe (2, 833-875)
Mercure, remonté au ciel après la métamorphose d'Aglauros, est aussitôt renvoyé sur terre, au pays de Sidon, par Jupiter, avec ordre de conduire de la montagne vers le rivage le troupeau du roi Agénor. Sans en connaître la raison, il exécute l'ordre reçu et amène le troupeau sur le rivage où la princesse Europe a l'habitude de jouer. (2, 833-845)
Jupiter revêt l'apparence d'un taureau éclatant, suscite l'admiration et la confiance de la jeune fille, qui finit par monter sur son dos ; finalement le dieu emporte sa conquête à travers les mers loin de sa Phénicie natale. (2, 846-875)
2, 833 |
Has ubi uerborum poenas mentisque profanae |
Après avoir ainsi puni Aglauros pour ses paroles |
2, 835 |
linquit et ingreditur iactatis aethera pennis. |
qui tient son nom de Pallas et, à tire d'ailes,
pénètre dans l'éther. |
2, 840 |
suspicit (indigenae Sidonida nomine dicunt), |
- les gens du lieu l'appellent le
pays de Sidon -, |
ludere uirginibus Tyriis comitata solebat. |
de venir jouer avec ses jeunes compagnes
Tyriennes. |
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2, 850 |
induitur faciem tauri mixtusque iuuencis |
revêt l'apparence d'un taureau, et, mêlé aux
génisses, |
cornua parua quidem, sed quae contendere possis |
ses cornes sont petites, certes, mais on pourrait dire qu'elles sont |
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2, 860 |
sed quamuis mitem metuit contingere primo, |
Mais, si doux soit-il, elle craint tout d'abord de le toucher. |
2, 865 |
nunc latus in fuluis niueum deponit harenis ; |
tantôt laisse son flanc de neige reposer sur le sable jaune. |
cum deus a terra siccoque a litore sensim |
insensiblement, le dieu s'éloigne de la terre ferme et du rivage, |
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2, 875 |
inposita est ; tremulae sinuantur flamine uestes. |
et pose l'autre sur son dos ; son vêtement s'agite et ondule au
vent. |
NOTES
Munychie (2, 709). La scène se situe maintenant en Attique, la terre chère à Minerve (Pallas-Athéna). Munychie est un des ports d'Athènes, dans la presqu'île du Pirée.
Lycée (2, 710). Le Lycée est un gymnase et un jardin d'Athènes consacrés à Apollon Lykios, sur les bords de l'Ilissos. Il est notamment célèbre par les leçons qu'y donna Aristote, ce qui explique que le terme sert également à désigner l'école aristotélicienne.
la citadelle en fête de Pallas (2, 711-713). Évocation de la procession des Panathénées, fête solennelle et très ancienne en l'honneur de la déesse Athéna, et consistant notamment en une procession (représentée sur la frise du Parthénon), à laquelle participaient des jeunes filles ( « canéphores », c'est-à-dire « porteuses de corbeilles ») portant des offrandes à la déesse d'Athènes, vénérée dans le Parthénon, sur l'Acropole.
milan (2, 716). Cet oiseau était traditionnellement considéré comme un voleur.
exta (2, 716). Dans le sacrifice romain, on distingue les exta, ou fressure (coeur, foie, poumons, vésicule biliaire, bref les organes réputés siège de la vie), des uiscera, ou chairs (au sens technique du terme, ce qui se trouve entre la peau et les os). Les exta ainsi que le sang forment la part consacrée, réservée aux dieux ; l'officiant et les assistants ont droit à la consommation des chairs ; c'est la part profane.
Acté (2, 720). Ancien nom de l'Attique (cfr 2, 554, 6, 711 et 8,170). La citadelle est l'Acropole.
dieu du Cyllène (2, 720). Hermès-Mercure, qui naquit sur le mont Cyllène, en Arcadie (cfr 1, 713 ; 2, 818). Sur ce dieu, voir notamment 1, 668-716 (lien avec Argus et Syrinx) ; 2, 684-707 (épisode de Battus).
Lucifer... Phébé (2, 722-723). Lucifer (Étoile du matin ou Vénus ; cfr 2, 114) est moins brillante que Phébé, c'est-à-dire la Lune (cfr 1, 11).
Hersé (2, 724). Une des Cécropides, la soeur d'Aglauros et Pandrosos (voir 2, 558-559). Ovide imagine la jeune fille participant à la procession des Panathénées (2, 711)
Baléares (2, 727). Les frondeurs des Îles Baléares étaient réputés pour leur habileté (cfr par exemple Tite-Live, 38, 29, 6). La fronde intervient à nouveau en 4, 709-710, également dans une comparaison.
baguette (2, 735). Le caducée, dont il a déjà été question dans l'épisode d'Argus (1, 672-674 ; 1, 715).
petit-fils d'Atlas et de Pléioné (2, 742-3). Hermès-Mercure est le fils de Zeus-Jupiter et de Maia, une des Pléiades, qui sont filles d'Atlas et Pleioné. Cfr 2, 685 et 2, 697-704.
la tante (2, 746). Dans la mesure où le dieu pourra s'unir à Hersé et avoir des enfants d'elle, Aglauros deviendra leur tante.
avaient contemplé (2, 748). Allusion au récit de la corneille à propos d'Érichthonius (2, 552-561)
déesse guerrière (2, 752). Pallas-Athéna ou Minerve, dont le rôle dans la naissance d'Érichthonius est expliqué en note à 2, 553.
égide (2, 755). Un attribut important de Pallas est l'égide, sorte de bouclier recouvert de la peau de la chèvre Amalthée et orné de la figure de la gorgone Méduse. Il fut offert par Zeus à Athéna, qui le porte souvent sur sa poitrine.
le fils du dieu de Lemnos (2, 757). Érichthonius est le fils d'Héphaistos-Vulcain (cfr note à 2, 553 ), et ce dernier est lié à l'île de Lemnos, où il serait tombé un jour que Zeus l'avait précipité du haut de l'Olympe (Homère, Iliade, 1, 590-594).
Envie (2, 760ss). Divinité allégorique, dont Ovide fait un portrait imagé, évoquant dans une certaine mesure la « Rumeur » de Virgile (Énéide, 4, 173-197). Pour ne pas quitter l'Énéide, on songera aussi à l'épisode de Junon (Énéide, 7, 323 et suivants) qui évoque des enfers la Furie Allecto qu'elle charge de mettre le Latium à feu et à sang, notamment en s'attaquant à Amata et à Turnus.
Tritonia (2, 783). Titre donné à Minerve, pour des raisons discutées, entre autres parce qu'elle serait née sur les bords du lac Triton en Libye ou d'une rivière en Béotie. Cfr aussi 5, 250, et 6, 1.
citadelle de la Tritonide (2, 793). L'Acropole d'Athènes. Dans cette expression, Athéna est désignée sous un titre légèrement différent de celui de Tritonia. Cfr aussi 5, 250.
dieu du Cyllène (2, 818). Mercure. Voir 2, 720.
descendant d'Atlas... (2, 834). Mercure, qui quitte Athènes, patrie de Pallas-Athéna, où se situait l'épisode lié à Hersé et Aglauros.
Fidèle ministre de mes ordres (2, 837). Une des fonctions de Hermès-Mercure était d'être messager des dieux, et spécialement de son père Jupiter.
la gauche... ta mère... pays de Sidon (2, 839-840). Maia, mère de Mercure, était une des Pléiades, une constellation (2, 743). Ovide imagine sans doute Jupiter regardant vers le sud et voyant sur sa gauche l'Orient et la région de Phénicie, désignée par la ville de Sidon.
la fille du grand roi (2, 844). Europe, fille d'Agénor (selon Ovide, 2, 858) ou de Phénix, selon Homère, Iliade, 14, 321-322.
Tyriennes (2, 845). Tyr et Sidon sont les deux villes importantes de Phénicie.
majesté et amour (2, 846-7). À propos du contraste entre Maiestas et Amor, voir B. Otis, Ovid, Cambridge, 1970, p. 122-124.
triple pointe (2, 849). Cfr 2, 325-6 : « la flamme aux trois dards ».
fanon (2, 854). « Repli de la peau, qui pend sous le cou de certains animaux » (Larousse).
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