FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 23 - janvier-juin 2012


Le Virgile de Jean d’Outremeuse :

le panier et la vengeance (XII)


La leggenda di Pietro Barliario (Italie, XVIIe siècle)

 

par

 

Anne-Marie Boxus et Jacques Poucet

 

 

17. La leggenda di Pietro Barliario (XVIIe siècle)

L’influence de la légende médiévale de Virgile sur celle de Pietro Barliario dans l’Italie du XVIIe siècle est plus nette.

Pietro Barliario – à ne confondre ni avec Piero Bailardo (Bayard) ni avec Pierre Abélard – est un personnage semi-légendaire, médecin et alchimiste, qui naquit à Salerne et vécut aux XIe et XIIe siècles. On possède peu d’informations certaines sur sa vie ; certains Modernes doutent même de son existence.

Quoi qu’il en soit, la légende rapporte qu’un pacte avec le diable l’aurait transformé en un mage puissant, capable de se faire aimer des plus belles femmes et de réaliser des choses extraordinaires, entre autres la construction, en une seule nuit, de l’aqueduc existant encore aujourd’hui à Salerne. La mort de deux enfants, qui, dans son laboratoire, auraient touché à des livres de magie ou à des produits toxiques, aurait provoqué en lui une douleur profonde. Celle-ci aurait débouché sur une séance de repentir, publique et spectaculaire, qui se serait terminée par un miracle, le Miracolo di Barliario, à l’origine de la Fiera del Crocifisso qui se déroule encore aujourd’hui à Salerne.

Cette légende, très populaire, a donné naissance à diverses œuvres littéraires. On possède ainsi sous la plume d’un anonyme du XVIIe siècle un récit de sa vie en plus de 700 vers, qui présente des rapports évidents avec la légende médiévale de Virgile. Nous retiendrons l’épisode de la vengeance du magicien à l’égard d’une dame qui l’avait chassé sans ménagement de sa chambre (strophes 24-25 = vers 185-200).

 

185

Adirato si parte, indi comanda 

Furieux, il s'en va et commande alors

 

Ai demoni che tosto abbino spento

Aux démons d’éteindre tout de suite

 

Tutto il fuoco che fosse in ogni banda,

Tout feu qui se trouvait dans chaque foyer.

 

Fosse da loro estinto in un momento.  

Ce fut fait par eux en un instant.

 

Onde, per compir l’opera nefanda, 

Alors, pour terminer l’œuvre infâme,

190

La donna fe’ pigliar con gran tormento, 

Il fit peser sur la femme une lourde peine.

 

E in piazza fu portata di repente 

Elle fut immédiatement transportée sur la place,

 

Nuda, parea ch’ ardesse in fiamma ardente. 

Nue ; elle semblait brûler d’un feu ardent.

 

Correa il popol tutto in folta schiera   

Tout le peuple accourait en foule

 

Per provveder di fuoco le lor case.

Pour fournir du feu à leurs maisons.

195

Fra le piante di quella in tal maniera

Entre ses jambes, la flamme surgissait

 

Sorgea la fiamma, onde ciascun rimase, 

Et chacun pouvait aller là prendre du feu

 

E l’uno all’altro darlo invano spera,      

Mais pas question que l’un n’en passe à un autre,

 

Chè presto si smorzava.      

Immédiatement il s’éteignait.

                                                  

            On ne s’attardera pas à raconter la suite. Sinon peut-être un détail. Averti par la rumeur, le gouverneur intervient ; Pietro est emprisonné et condamné à mort. Mais le mage va sortir de ce mauvais pas en utilisant le tour qui, dans certaines versions (Gesta Romanorum, Giovanni Sercambi), avait permis à Virgile de quitter Rome pour Naples. Il se fait amener de l’eau, et avant de la boire, s’adresse à ceux qui l’entourent : Signori di Parlermo / Io vi saluto e a Napoli vi aspetti (v. 399-400). On songera aussi (cfr plus haut) à la manière dont le magicien Héliodore échappera aux hommes de main de l'empereur de Byzance.

            Point n’est besoin d’insister. On aura compris que, dans ce texte du XVIIe siècle, la légende médiévale de Virgile a nourri celle de Pietro Barliario. C’est un exemple, parmi beaucoup d’autres, de sa fécondité littéraire. On en restera là, car nous sommes loin du XIVe siècle et de Jean d’Outremeuse.

 

Texte : Comparetti-Pasquali, Virgilio, t. II, 1941, p. 256-273, dont on lira les observations aux p. 303-305. Une version  numérique en est disponible sur le site des Classici Italiani.

 

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