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Suétone : Vie des Douze Césars (Introduction)
MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS
Pour introduire aux aspects les plus importants de la personnalité et de l'oeuvre de Suétone, nous avons pensé intéressant de proposer des notices modernes, s'étalant sur quelque 120 années. La plus ancienne retenue est celle de la Collection Nisard (1883). Les autres proviennent d'éditions modernes ou de manuels de littérature latine, la plus récente (celle de P. Grimal) étant de 1994. Une analyse comparée de ces notices, sur le plan de la forme et du contenu, serait très révélatrice des préoccupations de chaque époque et de chaque auteur.
Quatre notices sont actuellement disponibles, celles de :
- M. Nisard (1883)
- P. Grimal (1965)
- H. Zehnacker & J.-Cl. Fredouille (1993)
- P. Grimal (1994).
M. Nisard, Suétone, Les écrivains de l'histoire d'Auguste, Eutrope, Sextus Rufus, dans Collection des auteurs latins publiés sous la direction de M. Nisard, Paris, Firmin-Didot, 1883.
Suétone (Caius Suetonius Tranquillus) naquit dans le premier siècle de l'ère chrétienne, on ne sait en quelle année. Mais comme il dit lui-même, dans deux endroits de la Vie des Douze Césars, qu'il était jeune encore vingt ans après la mort de Néron, dans la septième année du règne de Domitien (en 88 de J.-C.), ce vague renseignement, rapproché de quelques autres circonstances de sa vie, permet de conclure qu'il avait alors de quatorze à vingt-cinq ans, et de fixer l'époque de sa naissance entre les années 63 et 74 de J.-C., dont les unes appartiennent au règne de Néron, et les autres aux règnes d'Othon, de Vitellius et de Vespasien.
Il n'est pas aussi facile de savoir qui était son père. C'est une question qui a été diversement résolue par les savants. Suétone dit qu'à la bataille de Bédriac, où Othon fut vaincu par Vitellius, « son père Suétonius Lenis servait dans la treizième légion, en qualité de tribun à l' "angusticlave" ». Mais, au lieu de ce mot Lenis, Muret, dont on ne peut suspecter le témoignage, ayant lu, dans un vieux manuscrit rongé des vers, les syllabes linus, « précédées d'un petit trou », a conjecturé qu'elles étaient les dernières du mot Paulinus (ou Paullinus), et conséquemment que l'historien Suétone avait pour père Suétone Paulin, ce général si vanté par Tacite.
Cette opinion, déjà émise au commencement du XVe siècle par le savant Polentone, secrétaire de la ville de Padoue, fut adoptée, après Muret, par un assez grand nombre d'érudits, et notamment par E. V. Pighius. Mais elle ne nous paraît pas fondée. En effet, Suétone Paulin, gouverneur de Numidie (en l'an 41 de J.-C.) ; général en chef des armées de Bretagne (en 62) ; consul (en 66), dignité dont il ne fut pas, selon toute apparence, revêtu alors pour la première fois, et qui lui donnait entrée au sénat ; investi d'un commandement important dans la guerre de Vitellius, comme nous l'apprennent Tacite et Plutarque ; et enfin l'un des premiers capitaines de ce temps-là, ne servait certainement pas dans cette guerre en qualité de tribun, et de tribun à 1'« angusticlave », son titre de consul l'ayant fait sortir de cette classe des chevaliers. Concluons donc, avec de graves autorités, que ce n'est pas de ce général que Suétone a parlé dans ce passage, en termes d'ailleurs si modestes.
L'amitié intime qui a régné entre Suétone et Pline le Jeune a fait penser, à tort, à quelques critiques, que notre auteur était né, comme son ami, dans la Gaule Cisalpine. Il en faudrait alors dire autant des autres amis de Pline, entre autres Martial, Silius Italicus, Quintilien, Tacite. Plusieurs des lettres de Pline sont adressées à Suétone ou parlent de lui, et elles sont, avec quelques lignes de Spartien dans l'Histoire Auguste, l'unique source des renseignements qu'on a sur sa vie.
Il y avait entre Suétone et Pline échange de conseils et de confidences littéraires ; et c'est sans doute aux premiers temps de leur liaison que se rapportent deux lettres de celui-ci (Pline, Epist., V, 2 et IX, 34), dont la première prouve quel soin, mais aussi quelle lenteur, Suétone apportait dans la composition de ses ouvrages, et l'autre, quelle confiance avait Pline dans les moindres avis de son ami. « Acquittez enfin », lui écrivait-il, « la promesse de mes vers, qui ont annoncé vos ouvrages à nos amis communs. On les souhaite, on les demande tous les jours avec empressement... Ne différez donc plus à nous satisfaire, ou craignez que je n'arrache par des scazons piquants ce que mes hendécasyllabes flatteurs n'ont pu obtenir. Votre ouvrage est arrivé à son point de perfection ; la lime, au lieu de le polir, ne pourrait plus que le gâter. Donnez-moi le plaisir de voir votre nom à la tête d'un livre, d'entendre dire que l'on copie, qu'on lit, qu'on achète les oeuvres de mon cher Suétone. » Pline, qui attachait une grande importance aux lectures publiques, où ses discours et ses vers étaient fort applaudis, écrivait un autre jour à Suétone : « Tirez-moi d'un embarras. On me dit que je lis mal les vers... Je songe donc à en faire lire quelques pièces à mes amis par mon affranchi... Ce qui m'embarrasse, c'est le personnage qu'il me faudra faire pendant qu'il lira. Dois-je demeurer assis, les yeux baissés, muet, ou bien accompagner sa lecture de l'oeil, du geste ou de la voix ? Mais je ne sais pas mieux gesticuler que lire. Je vous le répète donc, tirez-moi d'un embarras, etc. »
On a lieu de penser aussi, d'après un passage de Suidas, qui donne a Suétone le titre de grammairien, et d'après un mot de Pline, qui le désigne sous un nom analogue, qu'il enseigna la grammaire et la rhétorique dans ces écoles de déclamation, où l'on préparait la jeunesse aux luttes plus sérieuses du barreau. Suétone vivait alors en commun avec Pline. Soit qu'il eût fait quelque héritage, soit que l'enseignement ou ses livres l'eussent enrichi, il voulut acheter un petit bien (agellum, praediolum). « Faites en sorte », écrivait Pline à un ami de celui qui voulait vendre cette terre, « qu'elle ne lui soit vendue que ce qu'elle vaut : c'est à ce prix qu'elle lui plaira... Cette propriété tente mon cher Suétone par plus d'un endroit. Elle est voisine de Rome ; les chemins sont commodes ; les bâtiments, peu considérables ; les terres, d'une médiocre étendue, et plus capables d'amuser que d'occuper. Aux savants comme lui, il ne faut que le terrain nécessaire pour délasser leur esprit et réjouir leurs yeux, etc. »
Suétone, après avoir plaidé dans l'école des causes imaginaires, en plaida de réelles au barreau. Pline nous l'apprend dans une lettre. qui nous montre en même temps l'esprit superstitieux de Suétone, ou plutôt de cette époque. La veille d'un jour où il devait plaider, il avait prié Pline, qui jouissait d'une grande considération, de demander pour lui un délai au tribunal : un songe, disait-il, l'inquiétait sur le succès de son plaidoyer. Pour lui ôter tout scrupule, Pline lui rappela qu'il avait lui-même plaidé autrefois malgré un pareil avertissement, et que sa réputation avait commencé ce jour-là. Il lui promit toutefois de solliciter une remise, s'il persistait à ne pas vouloir plaider.
On retrouve un peu plus tard Suétone engagé dans une autre carrière, que lui ouvrit l'amitié de Pline. Ce dernier lui avait fait donner la charge de tribun militaire. Suétone voulut la céder à un de ses parents ; Pline s'y employa. Il fit encore davantage. Étant gouverneur de Bithynie, où l'on peut croire qu'il avait emmené Suétone, il demanda pour lui à Trajan une faveur dont ce prince était justement avare : c'était le « droit de trois enfants ». Trajan la lui accorda, tout en lui faisant sentir de quel prix elle était. La lettre de Pline (Epist., X, 96) fait beaucoup d'honneur à Suétone. « Suétone », écrit-il à l'empereur, « le plus intègre, le plus honorable, le plus savant de nos Romains, partage depuis longtemps ma maison. J'aimais ses moeurs, son érudition ; et plus je l'ai vu de près, plus je me suis attaché à lui. Il peut appuyer d'un double motif ses droits au privilège dont jouissent ceux qui ont trois enfants. Il mérite d'abord tout l'intérêt de ses amis, et ensuite son mariage n'a pas été heureux » (c'est-à-dire que ce mariage a été stérile). « Il faut qu'il obtienne de votre bonté ce que lui a refusé l'injustice de la fortune. Je sais, seigneur, combien est importante la grâce que je vous demande ; mais c'est à vous que je la demande, à vous dont j'ai toujours trouvé la bienveillance si facile à mes désirs. Vous pouvez juger à quel point je souhaite cette faveur. Si je ne la désirais que médiocrement, je ne la demanderais pas de si loin. »
Depuis cette époque jusqu'au règne d'Adrien, l'on perd de vue Suétone, qui devint, on ignore comment, secrétaire particulier de ce prince. Spartien, le seul auteur qui nous en instruise, ne nous apprend que sa disgrâce. « Adrien », dit-il, « donna des successeurs à Septicius Clarus, préfet du prétoire, à Suétonius Tranquillus et à d'autres qui, sans y être autorisés par lui, avaient eu trop de familiarités avec l'impératrice Sabine. » Quelques critiques ont vu là des relations coupables. Mais, comme le remarque Bayle, les deux mots iniussu eius rendent cette explication ridicule ; car comment supposer qu'Adrien permît aux uns et défendît aux autres des rapports de ce genre avec sa femme ? Il y faudrait plutôt voir l'ordre ou la permission donnée par Adrien, à quelques personnages de sa cour, de se dispenser de certains égards avec Sabine, dont l'humeur acariâtre le fatiguait, selon le même Spartien, et qu'il eût, disait-il lui-même, répudiée, s'il eût été simple particulier. Quoi qu'il en soit, Suétone fut renvoyé de la cour impériale en l'année 121 de J.-C. On ignore combien de temps il survécut à cette disgrâce.
Il ne nous reste de Suétone, outre les Vies des douze Césars, qu'un traité sur les rhéteurs illustres, réduit à six chapitres, mais où l'on trouve des faits d'histoire littéraire qui ne sont consignés que là ; un autre sur les grammairiens, plus étendu que le premier, et peut-être complet ; les vies de Lucain, de Juvénal, de Perse, attribuées par d'autres à Probus, mais où Saumaise a reconnu le style de Suétone ; celles de Térence et d'Horace, dont l'authenticité n'est point contestée, et qui faisaient partie d'un ouvrage sur tous les poètes latins, où se lisait une vie de Virgile, dont le grammairien Donat a extrait quelques lignes ; enfin une notice fort courte sur Pline l'Ancien, qui paraît lui être attribuée à tort, le style portant la marque d'un âge postérieur, et la brièveté même de la notice faisant douter que l'intime ami de Pline le Jeune ait été si laconique sur la vie de Pline l'Ancien : outre une erreur grossière, qui fait naître l'oncle au même lieu que le neveu.
Suétone avait aussi écrit un assez grand nombre d'ouvrages dont on ne connaît aujourd'hui que les titres : un livre sur les jeux (ou les écoles) des Grecs ; deux sur les spectacles des Romains ; deux sur les lois et les coutumes de Rome ; un sur la vie de Cicéron ou sur son traité de la République ; trois sur les rois ; un sur l'institution des offices ; huit au moins sur les préteurs ; ainsi que des tableaux généalogiques ; une dissertation sur l'année romaine, sur les noms propres, sur les défauts du corps, sur les paroles de mauvais augure, sur les signes employés par les grammairiens, sur les vêtements ; des mélanges intitulés de Rebus variis, ou Prata ou Parerga, et d'autres encore, dont nous ignorons jusqu'aux titres.
Cette liste, déjà assez longue, a été mal à propos augmentée d'une Historia ludicra, qui n'est sans doute, sous un autre titre, que le livre sur les spectacles, et d'un traité de Puerorum lusibus, dont une faute de copiste a fait un ouvrage distinct du livre sur les jeux des Grecs. Enfin, on lui a attribué, à cause de la prétendue conformité du nom de Tarquitius avec celui de Tranquillus, dont on voulait que le premier fût une altération, un livre de illustribus viris, qui est vraisemblablement de ce Tarquitius, auteur cité par Lactance et par Ammien Marcellin. Il en est de même d'un autre livre ayant le même titre, que l'on a aussi attribué à Pline le Jeune et à Cornélius Népos, et qui a été reconnu depuis pour une production d'Aurélius Victor. Enfin, il n'est pas jusqu'à l'ouvrage de César sur la guerre des Gaules, dont on n'ait voulu faire honneur à Suétone.
Les érudits du seizième siècle ont peut-être trop admiré Suétone ; mais en revanche la critique moderne l'a peut-être apprécié au-dessous de sa valeur. La sincérité de ses récits, sa candeur, à laquelle Vopisque, après Pline le Jeune, a rendu hommage, un remarquable talent d'écrivain, et surtout l'intérêt qui s'attache à une histoire domestique et secrète, font de son principal ouvrage un des plus précieux monuments de la littérature latine.
P. Grimal, La littérature latine, Paris, 1965, p. 113-115 (Que sais-je ?, 327)
C. Suetonius Tranquillus, qui fut, en fait, un contemporain et un ami de Pline le Jeune, [...] était né à Rome, vers 70, d'une famille de chevaliers ; mais il ne voulut pas aborder une carrière d'administrateur ou de soldat, comme la plupart des chevaliers. Il était avant tout un homme d'études, et toute sa vie s'adonna à des recherches érudites, qui rappellent, par certains aspects, celles de Varron. Il limita ses travaux presque uniquement au genre de la biographie. Il composa ainsi un livre Sur les hommes illustres (De uiris illustribus), puis sa grande oeuvre, la Vie des Césars, entièrement conservée.
Dans le premier ouvrage, Suétone ne se limitait pas aux politiques et aux hommes de guerre, mais avait consacré un livre aux orateurs, un autre aux poètes, puis aux grammairiens et aux rhéteurs, aux philosophes, etc. De ce vaste ensemble nous ne possédons que les notices relatives aux grammairiens et aux rhéteurs, particulièrement précieuses pour la connaissance de l'enseignement à Rome et de son histoire. Des autres « chapitres », nous n'avons plus que des notices détachées ; mais celles qui concernent les écrivains ont été utilisées par saint Jérôme, pour sa Chronique, si bien qu'il est possible, jusqu'à un certain point, de les reconstituer. Suétone, dans ces biographies érudites, s'est surtout préoccupé de rassembler des documents, et beaucoup moins d'en contrôler et critiquer la valeur. Il est un témoin (l'un des premiers) de la tradition scolaire (nous dirions universitaire) qui se forme et qui se répétera, avec des variations diverses, pendant toute la fin de l'Antiquité et le Moyen Age, par exemple dans les commentaires de Donat (sur Virgile et sur Térence) à la fin du IVe siècle, et ceux de Servius (qui vécut aux environs de 400 apr. J.-C.) sur le même Virgile.
Quelle que soit l'importance, pour la formation de l'histoire littéraire comme genre, des biographies composées par Suétone sur les écrivains, celle des Vies des Césars est évidemment beaucoup plus grande encore, puisque, pour les parties perdues des Annales et des Histoires de Tacite, elles constituent une source précieuse. Les biographies des empereurs ne sont pas des oeuvres historiques au sens où on l'entend généralement, car elles ne tiennent de la chronologie et de l'enchaînement des événements qu'un compte très approximatif, chaque fait se classant (à peu près) dans une catégorie : enfance et origine, caractère, portrait physique, portrait intellectuel, activités militaires, jeux donnés au peuple, etc. Ici encore, la critique est à peu près inexistante, mais Suétone, vers 120, dut à l'amitié du préfet du prétoire Septicius Clarus (un ami de Pline, qui avait survécu à celui-ci et continué à protéger Suétone) de devenir secrétaire ab epistulis (chargé de la correspondance) dans les services d'Hadrien. Et cela lui permit d'accéder librement aux archives du Palatin, si bien que son information nous a conservé des documents qui, sans lui, auraient disparu, car nul autre historien ne pouvait en avoir connaissance. Cette situation de Suétone à la cour ne dura pas ; en 122, Hadrien l'éloigna parce que, paraît-il, quelques dignitaires, avec lui, avaient introduit trop de familiarité dans l'entourage de l'impératrice Sabine. Un autre avantage de la Vie des Césars vient pour nous, aussi, de ce que Suétone puise des renseignements dans les ouvrages perdus des historiens de l'Empire, ce qui permet de parvenir à une perspective plus juste sur des événements et des hommes qui ont été l'objet tantôt d'une admiration passionnée, tantôt d'une haine farouche.
H. Zehnacker & J.-Cl. Fredouille, Littérature latine, Paris, PUF, 1993, p. 317-320
L'historiographie romaine fut longtemps tributaire du principe annalistique, fondé sur la succession annuelle des magistrats de la République, puis du Principat. L'oeuvre de Tacite est encore largement inscrite dans ce cadre. Suétone, qui n'a guère qu'une quinzaine d'années de moins que Tacite, inaugure une forme nouvelle de l'histoire, où la structure de base est constituée désormais par les règnes des empereurs d'où l'idée d'une succession de biographies.
Suétone est issu d'une famille équestre, probablement de Rome ; son père était officier et combattit à Bédriac dans l'armée d'Othon. Une série de renseignements nous est fournie par les Lettres de Pline le Jeune, qui fut son ami et favorisa son ascension. Grâce à Pline, Suétone fut exempté de la charge militaire qui était le prélude obligé de toute carrière équestre ; par l'entremise de Pline encore, il obtint de Trajan le ius trium liberorum, bien qu'il n'eût pas d'enfants. Dès lors il gravit rapidement les échelons d'une belle carrière dans les services centraux de l'Empire. À sa mort, Pline laissait Suétone à un autre protecteur, Septicius Clarus, celui-là même à qui il avait dédié l'ensemble de ses Lettres. En 119 Hadrien éleva Septicius à la préfecture du prétoire, et Suétone devint secrétaire ab epistulis, une charge considérable qui impliquait la gestion de toute la correspondance des bureaux impériaux. Mais en 122, la brutale disgrâce de Septicius priva également Suétone de sa fonction ; on perd dès lors sa trace.
Quand nous considérons Suétone comme un historien, nous sommes victimes de la même erreur de perspective que celle qui nous fait prendre, par exemple, Celse pour un médecin. La tradition manuscrite ne nous a transmis que les biographies impériales, mais Suétone fut en réalité un polygraphe, comparable à bien des égards à Varron. Il avait écrit de nombreux traités, dont certains en grec, sur les sujets les plus divers : sur les jeux des Grecs, sur les termes injurieux (en grec), sur les signes de critique et d'abréviation, sur le De republica de Cicéron ; puis un ensemble de traités sur les realia de Rome : les jeux publics, l'année romaine, le costume, les usages et les moeurs des Romains ; et encore, un traité sur les courtisanes célèbres, un autre sur les rois, etc. L'un de ses ouvrages s'intitulait Prata (les Prairies) et constituait peut-être, comme on l'a conjecturé, une encyclopédie d'histoire naturelle.
Il nous reste, d'abord, le De grammaticis et rhetoribus, retrouvé dans un manuscrit en Allemagne vers 1450. Ce texte, dont la fin est perdue, ne constitue sans doute qu'une partie d'un ensemble plus important. Nous possédons en effet d'autres fragments apparentés, conservés soit par saint Jérôme, soit par d'autres auteurs tardifs. L'oeuvre dans son ensemble s'appelait peut-être De uiris illustribus et formait un recueil de biographies divisé en cinq sections : les poètes, les orateurs, les historiens, les philosophes, et enfin les grammairiens et rhéteurs. Quelques vies de poètes (Térence, Horace, Lucain), transmises par leurs traditions manuscrites respectives, ainsi qu'une partie de la vie de Virgile par Donat, remontent au De uiris illustribus. En plus de ses recherches personnelles, Suétone avait puisé chez des auteurs comme Varron, Cornélius Népos ou Hygin.
Mais la notoriété de Suétone provient surtout de ses biographies impériales, et l'importance du sujet doit avoir contribué pour beaucoup à la conservation de l'oeuvre. Seul manque au texte le premier cahier (« quaternion ») de la vie de César ; cette lacune nous a malheureusement privés du titre originel. Mettons : De uita Caesarum, ou, si l'on préfère, De uita duodecim Caesarum libri VIII (Vies des douze Césars, en huit livres). La date de publication d'une partie au moins de l'ensemble doit se situer entre 119 et 122.
Jules César, Auguste, Tibère, Caligula, Claude et Néron donnent lieu, chacun, à un livre. Puis les biographies se font plus courtes : les trois empereurs de l'année 68/69, Galba, Othon et Vitellius, se partagent le livre 7, tandis que les vies des trois Flaviens, Vespasien, Titus et Domitien, forment le livre 8.
Les Vies des douze Césars présentent ce paradoxe d'avoir été beaucoup lues par un vaste public, et, naguère encore, sévèrement jugées par les savants. Ceux-ci avaient tendance à dénier à Suétone toute intention historique et toute valeur artistique. Ils le présentaient comme un fureteur d'archives, un « rat de bibliothèque », qui n'aurait vu que le petit côté des hommes et des choses et se serait amusé à collectionner les faits et les ragots de manière purement anecdotique.
Un tel jugement n'est plus possible aujourd'hui. Il convient de prêter attention, d'abord, à la technique même de la biographie. Suétone ne procède pas de manière chronologique, mais per species, par catégories ou par points de vue. On attribuait naguère cette façon de faire à la biographie érudite alexandrine, dépourvue, croyait-on, de qualités littéraires. Mais ce n'étaient là que des hypothèses ; plus qu'aux érudits hellénistiques, la biographie de Suétone doit ses caractères propres à la tradition romaine des elogia et des laudationes funebres.
Suétone choisit de décrire le caractère et les pensées des empereurs, non pas au moyen d'une analyse psychologique ou en leur prêtant des discours, comme le fait par exemple Tacite, mais en notant objectivement leurs faits et gestes. Dans une telle optique, l'intérêt accordé aux moindres détails se justifie aisément, car ce sont eux qui sont parfois les plus révélateurs d'une personnalité. On a pu parler, à ce propos, de « behaviorisme »; on peut rappeler aussi la technique du roman réaliste. Les intentions historiques de Suétone sont donc clairement perceptibles.
Ses intentions littéraires ne le sont pas moins. Suétone adopte le ton le plus « factuel » possible : les phrases sont généralement brèves, l'usage de la subordination est limité, la vocabulaire affecte la modération, voire la neutralité. Mais quand ces moyens, savamment dosés, servent à dénoncer la férocité de Domitien, l'effet est garanti, et l'on peut y être plus intensément sensible qu'à l'éloquence d'un Juvénal.
Les biographies de l'Histoire Auguste semblent procéder de la même optique que celle de Suétone. Mais en réalité, cette collection de biographies impériales, rédigées au Bas-Empire, reflète des visées politiques et littéraires totalement différentes.
P. Grimal, La littérature latine, Paris, 1994, p. 477-482 [sans toutes les notes]
Suétone, C. Suetonius Tranquillus, grand ami de Pline le Jeune et son cadet d'environ huit ou dix ans, [...[ appartenait à une famille de rang équestre. Nous savons que son père combattit, comme tribun « angusticlave » à la bataille de Bédriac, dans la XIIIe légion, du côté d'Othon [Vie d'Othon, 10]. Nous ignorons le lieu et la date de sa naissance. Une inscription découverte à Hippone (Hippo Regia, Bône) en 1951 nous apporte des précisions sur sa carrière, non sur ses origines. Nous savons, par exemple, maintenant, qu'il fut flamine de Vulcain, sans que nous sachions dans quelle ville. Ostie, dont le nom a été suggéré, semble exclu. Quant à la date de sa naissance, elle semble avoir été voisine de 69. Il est peu douteux que sa famille n'ait eu, depuis au moins deux générations, des attaches avec les milieux romains. Son grand-père, qui vivait sous Caligula, se faisait fort de connaître le véritable motif de l'étrange mascarade de l'empereur, sa cavalcade sur un pont de bateaux entre Pouzzoles et Baïes. Les milieux de la cour étaient au courant d'une prédiction de Thrasylle, l'astrologue de Tibère, généralement ignorée, selon laquelle « Caligula n'avait pas plus de chances de régner que de traverser à cheval la baie de Baïes [Vie de Caligula, 19, 4] ». Cette anecdote, conservée comme un secret de famille, suggère que le grand-père du Suétone avait accès à ceux de la maison du prince.
Suétone apparaît pour nous pour la première fois dans la Correspondance de Pline, à propos d'un songe qu'il avait eu avant de plaider devant le tribunal, et qui le détourna de le faire [Epist., I, 18]. Cela se passait vers 97. Pline était dès ce moment, nous l'avons vu, un grand personnage, qui peut accorder sa protection à des débutants, comme le jeune Suétone. Suétone, apparemment, ne poursuivit pas plus avant sa carrière d'avocat, mal commencée. Deux ou trois ans plus tard, Pline obtient pour lui le tribunat militaire, dans l'armée du légat L. Neratius, chargé du gouvernement de la Bretagne [Epist., III, 8]. Mais Suétone s'effraie et prie son ami de mettre quelqu'un d'autre dans ce tribunat. La réponse de Pline nous éclaire sur les rapports entre Suétone et lui : pour obtenir ce qu'il souhaite, Suétone a fait preuve de reuerentia envers lui. La différence de rang social s'affirme. Ne soyons pas dupes du titre de contubernalis, que lui donne Pline dans la lettre que lui-même écrit à l'un de ses amis pour qu'on l'aide à obtenir la propriété d'une petite villa de banlieue. C'était un terme de politesse impliquant quelque flatterie, comme nous l'apprend Tacite [Plin., Epist., I, 24 ; Tacite, Hist., I, 23]. Suétone apparaît un peu comme le client de Pline, qui lui donne son appui, tout en le jugeant. Il voit en lui un scholasticus, c'est-à-dire un « intellectuel » fait pour les études plus que pour l'action. Nous découvrons, un peu plus tard, un trait de caractère de Suétone, sa répugnance à publier ses uvres [Plin., Epist., V, 10], la même, sans doute, qui lui avait fait déjà deux fois se dérober devant l'obstacle. Pline l'encourage, parle de l'amor mutuus qui les unit. Cette lettre date de 105 ou 106. Elle nous apprend qu'à cette date Suétone n'avait encore rien publié. Une dernière lettre, enfin, au temps où Pline est légat de Bithynie, demande pour Suétone le ius trium liberorum, et précise que Suétone est marié (ou l'a été) mais que son mariage n'a pas été heureux (parum felix matrimonium) sans doute parce qu'il est resté stérile [Plin., Epist., X, 94].
Bien qu'il ait refusé la charge de tribun militaire, Suétone n'en fit pas moins une carrière équestre. Il fut (l'inscription d'Hippone nous l'apprend) a studiis d'Hadrien, puis a bibliothecis, enfin ab epistulis, toujours sous le règne d'Hadrien. C'étaient là trois procuratèles importantes, qui le mettaient en contact avec les plus hauts personnages et lui donnaient accès aux archives du Palatin.
À la mort de Pline, Suétone était devenu le protégé de C. Septicius Clarus, à qui Pline a dédié sa correspondance et qui était préfet du prétoire. Mais voici qu'en 122 vint la disgrâce. Hadrien se trouvait alors en Bretagne, où il travaillait à la pacification de la province. Apparemment, Sabina, son épouse, s'était plainte auprès de lui que Septicius, Suétone et d'autres lui avaient manqué de respect [Spartien, Vie d'Hadrien, 11, 3]. Docile, Hadrien, bien qu'il eût peu d'affection pour sa femme, et avouait en privé qu'il aurait volontiers divorcé s'il n'avait pas été empereur, éloigna les « coupables » et mit fin à leur carrière. Nous ne savons à quelle date mourut Suétone.
Suétone écrivit beaucoup, mais presque toute son oeuvre a disparu. Nous possédons en totalité les Vies des Douze Césars et un traité, Des grammairiens et des rhéteurs. Un De poetis peut être reconstitué, tant bien que mal, grâce à la Chronique de saint Jérôme. Mais ses écrits étaient beaucoup plus nombreux. L'encyclopédie de la Souda connaît : un livre Sur les jeux des Grecs ; un autre Sur les termes d'injure ; un traité Sur les signes utilisés dans les livres (signes diacritiques et abréviations) ; un ouvrage Sur le De re publica de Cicéron, pour réfuter les critiques portées contre Cicéron par le grammairien Didyme d'Alexandrie (sans doute inspirées par Antoine) ; deux livres Sur les jeux des Romains (De Romanorum spectaculis et certaminibus), où Suétone racontait que les cordes d'une lyre, si on les frappait le jour du solstice d'hiver, rendaient un autre son que les autres jours [Aulu-Gelle, Nuits attiques, IX, 7] ; un livre Sur l'armée romaine ; un autre Sur le costume des Romains [Servius, Enéide, VII, 612] ; deux livres Sur les usages et les moeurs des Romains. Est connue, d'autre part, l'existence d'ouvrages intitulés : De institutione officiorum (Sur l'établissement des offices) ; Sur les courtisanes célèbres ; les Rois (De regibus), qui dressait des listes de rois ayant régné sur plusieurs pays ; Sur divers sujets (De rebus uariis) - mais nous ne savons pas lesquels ; Prata (titre donné parfois à des ouvrages faits d'éléments sans rapport les uns avec les autres, comme dans le Limon de Cicéron, et qui évoque des fleurs éparses dans un pré).
On voit quelles étaient les curiosités de Suétone. Elles furent universelles. Un certain nombre des ouvrages qui figurent sur cette liste peuvent avoir fait partie d'un livre intitulé De uiris illustribus (Des personnages célèbres), mais il en va autrement pour les Douze Césars, qui furent conçus par Suétone comme un ensemble autonome. Les Caesares n'appartiennent pas au commun de l'humanité, ils importent à l'ordre du monde, leur vie est entourée de prodiges, ils sont vraiment divins, même si tel ou tel n'a pas mérité la consécration de l'apothéose.
On admet généralement que les Douze Césars parurent sous le règne d'Hadrien, aux environs de 120 ou 121. À ce moment il y avait un quart de siècle que Domitien (dont la biographie sera la dernière du livre) avait péri. Depuis lors le régime du principat avait connu de profondes modifications, qui en avaient changé l'esprit. Avec le règne de Trajan, qui venait de se terminer, s'était créé un équilibre nouveau entre le prince, le sénat et l'armée. Pline, dans le Panégyrique de Trajan, l'avait montré et indiquait la voie qui s'ouvrait. En dressant le bilan des douze princes précédents, le livre de Suétone pouvait apparaître comme une contribution à la réflexion de tous ceux, fort nombreux, qui souhaitaient, tout en conservant l'institution monarchique, éviter les dérives qu'elle avait connues sous les Julio-Claudiens et les Flaviens. Une époque s'est close avec la mort de Domitien. Suétone en dresse le bilan. Mais pourquoi ce bilan prend-t-il la forme d'une série de biographies ?
Suétone, nous l'avons vu par la liste de ses ouvrages, était un encyclopédiste dans la lignée de Varron. Il était curieux de toutes les réalités humaines et, plus encore, du passé romain dans sa réalité quotidienne. Les grands hommes en faisaient partie. En reconstituant ce qui avait été la vie de Rome pendant les quelque cent cinquante années de son histoire, entre César et Domitien, Suétone pouvait espérer atteindre l'être même de celle-ci. Les Césars appartiennent au passé romain. Retracer leur action et, mieux encore, les saisir dans leur réalité humaine était, semblait-il, une manière efficace de retrouver celui-ci et, dans une certaine mesure, de l'expliquer. Tacite, lui aussi, et au cours des mêmes années, avait tenté de réintroduire dans l'historiographie l'étude des hommes, de leurs passions, de leurs crimes, mais il l'avait fait en intégrant cette étude dans les cadres traditionnels et en sauvegardant le récit. Inversement, Suétone met l'accent sur la personne des Césars. Le récit devient accessoire. Ce qui lui importe, c'est le comportement individuel des princes, la manière, par exemple, dont Tibère surveille le chargement des convois qui traversent le Rhin [Vie de Tibère, 18]. Aucun détail ne lui semble futile s'il est révélateur d'un état d'esprit, d'une sensibilité. Nous sommes ici à l'opposé de la tradition d'un Caton, qui affectait de ne vouloir connaître des acteurs de l'Histoire que la magistrature dont ils étaient revêtus.
Quelles que soient ce que l'on considère souvent comme les « insuffisances » de Suétone, son peu de goût pour les généralisations, son étroitesse de vue, voire les maladresses de sa composition, il n'en mérite pas moins d'être considéré comme un historien. Il nous a conservé non seulement un grand nombre de faits « objectifs », qu'il a glanés dans un grand nombre de ses sources, mais il a contribué à faire revivre ces princes dont la figure, grâce à lui, prend un relief extraordinaire. Bien que l'historiographie grecque et romaine ait déjà recouru au genre de la biographie pour dessiner la figure des « grands hommes », celle-ci était traitée comme le récit d'une existence, racontée comme l'aventure personnelle d'un homme, dans ses rapports avec sa patrie, un rameau de la « grande histoire ». Suétone, au contraire, restreint ce qui est purement narratif et ne relève que du hasard et des circonstances. Ce qui lui importe c'est moins ce qui est arrivé au personnage en question que ce qu'il a été aux divers moments de son existence. Il s'en explique dans la Vie d'Auguste : après une introduction destinée à situer la vie de son héros dans le temps, il déclare qu'il va l'étudier « par catégories » (per species ; cfr Vie d'Auguste, IX, 1) : vie publique, vie privée, présages qui ont accompagné son existence, mort, apothéose, testament, afin, dit-il, « qu'il soit plus facile de les [les différentes parties de sa vie] faire voir et de les connaître ». Chaque « vie » devient une sorte de monument, qui échappe au temps et qui se compose de véritables tableaux, semblables aux reliefs que l'on scellait sur la base des tombeaux. L'ensemble de ces tableaux, chacun ayant son objet défini, suggère (parfois expressément, parfois de façon implicite) un jugement global, si bien que l'ensemble des Douze Césars offre autant de leçons aux princes à venir.
Les caractères originaux de cette histoire « biographique » la rapprochent des laudationes que l'on prononçait aux funérailles. On sait que ces éloges portaient non seulement sur l'action militaire ou politique du défunt mais aussi exaltaient ses qualités morales, et celles dont il avait donné l'exemple dans sa vie privée. Ces éloges funèbres procédaient, eux aussi, per species et non par un récit suivi. On peut penser que leur influence s'exerça sur Suétone, que nous savons avoir été intéressé par toutes les traditions nationales de Rome, depuis les spectacles jusqu'au costume et à la vie des soldats. L'importance attachée par Suétone à tous les comportements de chaque César, dans ses rapports avec sa famille, à ses habitudes, jusqu'aux plus intimes, et à ses vices, s'explique dans la perspective qui est celle de la laudatio, non qu'il s'agisse de présenter réellement un éloge du défunt, loin de là, mais, comme au jour des funérailles, d'apporter un témoignage devant les hommes et devant les dieux. Avec, en outre, puisqu'il s'agit de princes, la leçon que l'on en peut tirer pour le destin de l'Empire.
Existe-t-il une « philosophie de l'Histoire » à laquelle se réfère Suétone, une quelconque théorie de la causalité, voire de la finalité de ce devenir qu'il constate, et dont la personnalité de chaque prince marque chaque fois un jalon ? Suétone est le moins philosophe des écrivains latins. On ne trouve chez lui aucune de ces expressions que l'enseignement des philosophes avait rendu familières à tous. Il ne témoigne d'aucune sympathie pour les philosophes victimes des persécutions. Il nomme Sénèque une fois, mais seulement pour signaler sa disgrâce et sa mort [Vie de Néron, 35]. En revanche, on trouve chez lui maint témoignage de sa croyance à tous les aspects de la religion traditionnelle. Il croit non seulement à l'existence des divinités mais à leur action sur les affaires humaines, aux présages, aux apparitions d'êtres surnaturels. À ses yeux l'Empire est une réalité d'ordre cosmique. Les dieux veillent sur lui. La Vie de Domitien (la dernière du livre) se termine par la mention d'un prodige présageant qu'après la mort de l'empereur l'Empire « serait plus heureux » et Suétone ajoute : « ce qui arriva peu après grâce au désintéressement et à la modération des princes qui suivirent [Vie de Domitien, 23]. »
Nous savons, par le reste de son oeuvre, que Suétone ne s'intéressa pas seulement (ni, peut-être, surtout) à l'histoire politique de l'Empire. Les titres conservés prouvent qu'il s'attache aussi à plusieurs aspects de la vie culturelle. Nous possédons trente chapitres Sur les grammairiens et les rhéteurs, qui passent en revue les hommes à qui Rome doit de connaître les études « littéraires », au sens le plus large. La liste de ces personnages est assez brève. Elle comprend vingt « grammairiens » et seize « rhéteurs », dont l'activité commence au IIe siècle, avec la venue à Rome du Pergaménien Cratès de Mallos et se poursuit jusqu'aux Flaviens, si nous en jugeons par les noms dans l'Index qui figure sur certains manuscrits, mais plusieurs notices ont disparu. Un tel ouvrage répond à cette valorisation de la culture, dont nous avons noté plusieurs indices : au fur et à mesure que la puissance créatrice des écrivains diminue, il devient plus urgent de conserver et de mettre en valeur ce qui vient du passé. Mais là n'est pas le seul intérêt de cette scolarisation du monde. La connaissance et la pratique des lettres préparent et accompagnent la romanisation de l'Empire.
Traductions françaises : sur la BCS - sur la Toile
Suétone : Vie des Douze Césars (Introduction)
Date de dépôt : 10 novembre 2004