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Suétone (généralités)

Vie de César (généralités) - (latin 85 K) - (traduction 200 K)


 

Suétone et la « Vie de César »

Quelques remarques préliminaires

 

L'auteur

La vie de Suétone est relativement bien connue. Pline le Jeune, son ami, le cite à plusieurs reprises dans sa correspondance ; s'ajoute à cela une inscription, malheureusement mutilée, découverte en 1951, en Algérie, qui retrace la carrière du personnage (Année épigraphique, 1953, n°73). Né vers 70 de notre ère dans une famille de rang équestre, Suétone est d'abord avocat mais abandonne rapidement le barreau. Pline obtient alors pour lui un poste à l'armée, que l'intéressé refuse (Lettres, III, 8). Suétone, que Pline (Lettres, I, 24, 4) définit comme un « homme d'étude » (scholasticus), fera une carrière civile. Sous Trajan et Hadrien, il remplit les fonctions d'a studiis, puis d'a bibliothecis et enfin d'ab epistulis, avant de tomber en disgrâce, de même que le préfet du prétoire, Septicius Clarus, sur une plainte de l'impératrice Sabine. Nous ne savons rien de la date, ni des circonstances de la mort de Suétone.

 

La Vie de César

Il ne faut pas se méprendre sur le genre littéraire auquel appartiennent les Vitae Caesarum de Suétone (de César à Domitien). L'auteur n'entend pas écrire l'histoire de l'empire sous les Julio-Claudiens et les Flaviens, il nous propose des biographies et, dans l'antiquité, la distinction était importante comme l'indique Plutarque, un contemporain de Suétone : « Écrivant dans ce livre la vie du roi Alexandre et celle de César, qui abattit Pompée, nous ne ferons d'autre préambule… que d'adresser une prière à nos lecteurs : nous leur demandons de ne pas nous chercher chicane si, loin de rapporter en détail et minutieusement toutes les actions célèbres de ces deux hommes, nous abrégeons le récit de la plupart d'entre elles. En effet nous n'écrivons pas des Histoires, mais des biographies, et ce n'est pas surtout dans les actions les plus éclatantes que se manifeste la vertu ou le vice. Souvent, au contraire, un petit fait, un mot, une plaisanterie montrent mieux la caractère que des combats qui font des milliers de morts et les sièges les plus importants » (Alexandre, 1, 1-2 ; trad. R. Flacelière - É. Chambry). On comprend mieux, dès lors, que Suétone ne consacre qu'un chapitre (19) à la guerre des Gaules, malgré sa longueur et la dureté des combats, et guère plus (ch. 34-35) à la guerre civile. La vie sexuelle du dictateur en revanche n'occupe pas moins de quatre chapitres (49-52) dont un (51), il est vrai, ne compte que quelques lignes.

Biographe, et non historien, Suétone n'est guère attentif non plus à la chronologie. Il retrace, dans ses premiers chapitres, le cursus honorum de son héros, tribun des soldats (ch.5), puis questeur (ch.6), édile (ch.10) etc… sans jamais indiquer les dates de ces différentes étapes. Autre exemple très significatif : le chapitre 60 où il s'agit de décrire César en tant que chef de guerre. Suétone se contente de quelques considérations générales sur sa manière de conduire les batailles, des batailles intemporelles et qui se situent nulle part. En fait, dans la seconde partie de la Vita Caesaris (à partir du chapitre 45), Suétone ne se laisse plus du tout guider par la chronologie. Il range les faits, pour reprendre sa propre formule (Auguste, 9, 1), neque per tempora sed per species.

Bien que ne prétendant pas faire œuvre d'historien, Suétone a pourtant veillé à s'informer sérieusement sur César, mort plus d'un siècle auparavant. Si l'on trouve bien des formules vagues du genre « alii dicunt » (30, 4), « nonnulli Graecorum tradiderunt » (52, 3), « quidam putant » (78, 3), « tradiderunt quidam » (82, 3), dont on ne peut rien tirer, apparaissent aussi de nombreuses références, plus précises, qui montrent l'étendue et la variété de la documentation rassemblée par le biographe. Il cite les édits du consul Bibulus (9, 2 ; 49, 4), les discours de Curion (9, 2) et de Dolabella (49, 3), la correspondance de Cicéron (9, 2) et de César (56, 7), de la littérature de combat, pour ou contre le dictateur (52, 4 ; 77, 1), des historiens comme Tanusius Geminus (9, 2), Actorius Naso (9, 3) ou Q. Aelius Tubero (83, 2). Suétone avait manifestement un fichier documentaire bien rempli (cf., à ce propos, J. Gascou, L'utilisation des documents de première main dans les Vies des douze Césars de Suétone, dans Vita Latina, 133, 1994, p.7-21.

Mais quel but poursuivait-il en composant ses biographies ? Plutarque, lui, s'est expliqué clairement à ce propos : « Si moi, j'ai commencé à écrire ces biographies, ce fut d'abord pour faire plaisir à d'autres, mais c'est maintenant pour moi-même que je persévère dans ce dessein et m'y complais : l'histoire des grands hommes est comme un miroir que je regarde pour tâcher en quelque mesure de régler ma vie et de la conformer à l'image de leurs vertus » (Timoleon, Préface, 1-2 ; trad. R. Flacelière - É. Chambry). On ne trouve pas de déclaration de ce genre chez Suétone et il faut donc se contenter d'hypothèses. Il est clair, en tout cas, que Suétone n'écrivait pas pour lui-même, dans un but d'édification personnelle. Peut-être voulait-il, en composant des Vies où il montrait les bons et les mauvais côtés des empereurs laisser apparaître en filigrane le portrait d'un prince idéal. Y avait-il un lien, dans son esprit, entre ce portrait de l'optimus princeps et la réalité du moment, le règne d'Hadrien ? S'agissait-il d'une critique insidieuse de l'empereur en place, ou de conseils implicites à son adresse ? Certains commentateurs l'ont pensé, sans convaincre tout le monde (cf. J. Gascou, Suétone historien, p.758-773).

 

Le commentaire de la Vita Caesaris

Il n'est sans doute pas inutile de préciser les règles qu'on s'est fixées dans la rédaction du présent commentaire. Songeant au lecteur non averti, on a d'abord voulu expliquer tous les realia qui pouvaient faire difficulté, d'où ces notices qui pourront paraître banales sur la toge prétexte, la clientèle, la Gaule Cisalpine etc.… Ou les identifications de personnages qui n'apprendront rien à ceux qui fréquentent régulièrement les auteurs anciens.

On a essayé aussi, à l'intention de lecteurs plus avancés, de fournir des indications bibliographiques utiles et récentes, permettant d'approfondir les problèmes que pose la vie de César, la durée de ses gouvernements en Gaule, par exemple. Sans aller au-delà, c'est-à-dire sans vouloir proposer de solution personnelle aux problèmes en question.

Il faut dire enfin que ce commentaire doit beaucoup aux ouvrages suivants, et d'abord à l'édition de la Vita Caesaris par H.E. Butler et M.Cary, C. Suetoni Tranquilli Divus Julius, Edited with an Introduction and Commentary, Oxford, 1927.

Sur César lui-même, on s'est appuyé sur :

- J. Carcopino, Histoire romaine, t.II. La République romaine de 133 à 44 avant J.-C., Deuxième partie. César, 4e éd., Paris, 1950 (Histoire générale fondée par G. Glotz).

- M. Gelzer, Caesar Politician and Statesman, Oxford, 1969 (trad. de la 6e éd. allemande, 1959).

- Chr. Meier, César, Paris, 1989.

Sur Suétone et sa conception de l'histoire, l'ouvrage de base reste :

- J. Gascou, Suétone historien, Rome, 1984 (BEFAR, 255).


[3 août 2006]

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