LVIII. Sa prudence et sa témérité
(1) On ne saurait
dire s'il montrait, dans ses expéditions,
plus de prudence que de hardiesse. Jamais il ne
conduisit son armée dans un pays propre
à cacher des embuscades, sans avoir fait
explorer les routes; et il ne la fit passer en
Bretagne
qu'après s'être assuré
par
lui-même
de l'état des ports, du mode de navigation,
et des endroits qui pouvaient donner accès
dans l'île. (2) Ce même
homme, si précautionné, apprenant un
jour que son camp est assiégé
en
Germanie,
revêt un costume gaulois, et arrive
jusqu'à son armée, à travers
celle des assiégeants. (3) Il passa de
même,
pendant l'hiver,
de Brindes à Dyrrachium, au
milieu des flottes ennemies.
Comme les troupes qui avaient ordre de le suivre
n'arrivaient pas, malgré les messages qu'il
ne cessait d'envoyer, il finit par monter seul, en
secret, la nuit, sur
une petite barque,
la tête couverte d'un voile; et il ne se fit
connaître au pilote, il ne lui permit de
céder à la tempête, que quand
les flots allaient l'engloutir. (1)
In obeundis expeditionibus dubium cautior an
audentior, exercitum neque per insidiosa itinera
duxit umquam nisi perspeculatus locorum situs,
neque in Britanniam transuexit, nisi ante per se
portus et nauigationem et accessum ad insulam
explorasset. (2)
At idem obsessione castrorum in Germania nuntiata
per stationes hostium Gallico habitu penetrauit ad
suos. (3) A
Brundisio Dyrrachium inter oppositas classes hieme
transmisit cessantibusque copiis, quas subsequi
iusserat, cum ad accersendas frustra saepe
misisset, nouissime ipse clam noctu paruulum
nauigium solus obuoluto capite conscendit, neque
aut quis esset ante detexit aut gubernatorem cedere
aduersae tempestati passus est quam paene obrutus
fluctibus.
CommentairePar lui-même : César, dans la Guerre des Gaules (IV, 20-21), insiste sur sa volonté de reconnaître le terrain avant de s'embarquer pour la Bretagne, mais raconte qu'il ne part pas lui-même en éclaireur, il envoie C. Volusenus.
En Germanie : César ne fait pas mention de cet exploit dans sa Guerre des Gaules.
Pendant l'hiver : parti à la poursuite de Pompée, César a traversé l'Adriatique en janvier 48.
Dyrrachium : ancienne Epidamne, colonie fondée à la fin du VIIe siècle par Corinthe et Corcyre sur la côte de l'actuelle Albanie. La cité prend le nom de Dyrrachium à l'époque romaine.
Au milieu des flottes ennemies : César lui-même (Guerre civile, III, 6-7) n'insiste pas sur les dangers qu'il a courus pendant cette traversée.
Monter seul sur une petite barque : César ne parle pas de cet épisode. Il aurait voulu retraverser l'Adriatique en secret, pour aller chercher des troupes qui tardaient à le rejoindre, mais l'opération aurait échoué à cause de la tempête. Plutarque (César, 38) raconte cette affaire en détail.
[20 mars 2006]