FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 2 - juillet-décembre 2001


L'utopie, une culture du projet

par

Paul-Augustin Deproost*

Professeur à l'Université de Louvain


Ce texte est celui de l'introduction générale à la journée d'études organisée le 14 septembre 2001 à Louvain-la-Neuve en partenariat, par le réseau européen EUxIN (coord. scientifique : prof. Bernard Coulie) et le Centre de recherches sur l'imaginaire de l'Université catholique de Louvain (dir. : proff. Myriam Watthee-Delmotte, Laurence van Ypersele, Paul-Augustin Deproost). Cette journée était la première activité d'un projet centré sur l'étude des « Imaginaires européens », appuyé par la Direction générale de l'éducation et de la culture de la Commission européenne, dans le cadre du programme Culture 2000. Le titre général du séminaire était : « L'utopie pour penser et agir en Europe : état des lieux d'un imaginaire du non-lieu. » Le nom des participants au séminaire apparaît à la fin de cette introduction, accompagné d'un synopsis et, le cas échéant, d'un lien vers la version électronique de leur communication respective.

Deux autres exposés sont publiés dans le présent fascicule des FEC, à savoir la contribution de Monique Mund-Dopchie (ci-dessous), et celle de Paul-Augustin Deproost.

Depuis décembre 2002, les textes sont disponibles en version imprimée : L'utopie pour penser et agir en Europe. Études réunies et présentées par P.-A. Deproost et B. Coulie, Paris, L'Harmattan, 2002, 139 p. (Structures et pouvoirs des imaginaires). L'introduction de P.-A. Deproost, reproduite ci-dessous, se trouve aux p. 5 à 12 du volume imprimé.

Un deuxième séminaire, organisé par les mêmes partenaires, s'est tenu à Louvain-la-Neuve le 31 mai 2002 sous le titre général de  : « Les langues pour parler en Europe : dire l'unité à plusieurs voix. » Plusieurs interventions sont disponibles dans les FEC 3 : section « Les langues et l'Europe ».

Un troisième et dernier colloque s'est tenu à Bruxelles les 4 et 5 décembre 2003 sous le titre général de « Les Frontières pour ouvrir l'Europe ». Sont disponibles dans les FEC 7 deux interventions du prof. P.-A. Deproost, à savoir son introduction et sa communication.

[Note de l'éditeur]


 

« Europe, notre Ithaque », c’était le titre d’une livraison récente de la revue « Louvain ». Il reprenait la dernière phrase d’un article du poète et philosophe iranien Arash Joudaki, dont voici le dernier paragraphe : « Si nous sommes Ulysse et l’Europe Ithaque, alors ne manquons pas à son appel. Mais gardez à l’esprit qu’elle ne s’épuise entièrement ni dans le fait d’embarquer, ni dans le voyage, ni dans la fin de ce dernier. Elle n’est ni là où elle est maintenant, ni là où elle sera. Elle est présente pourtant, aussi longtemps que l’on ne cesse de la rechercher : l’Europe, notre Ithaque à tous [1]. » Ces lignes nous mettent d’emblée au cœur du thème qui nous réunit aujourd’hui. Ithaque, le mythe odysséen du retour chez soi, mais avec le regard d’Ulysse dans la Divine Comédie de Dante, qui a finalement préféré s’en détourner en une ultime errance « pour acquérir l’expérience du monde », à la recherche d’un horizon, par définition toujours inaccessible, où se cache l’île de toutes les espérances, symbole géographique de l’utopie. Retourner à Ithaque, mais indéfiniment et pour toujours la dépasser, tel est peut-être le cap du projet européen en transit de construction dans les pierres de ses héritages cumulatifs.

Avant toute autre chose, l’Europe est un projet, un appel, une construction, une perspective, une utopie. Et il convient que, même instituée, elle le reste, sans quoi elle ne pourra éviter les décrépitudes qui menacent toutes les constructions achevées. L’Europe ne cesse pas d’être en quête d’elle-même ; c’est ce qui constitue la base de son humanisme, car l’homme éprouve un attrait irrépressible pour l’utopie, et les constructions humaines qui tenteraient de l’ignorer sont vouées à l’échec. « Une carte du monde qui n’inclurait pas l’Utopie, disait Oscar Wilde, n’est pas digne d’un regard, car elle écarte le seul pays auquel l’Humanité sans cesse aborde [2] ». Mais, en exergue d’une des plus fameuses utopies de la littérature du xxe siècle, Le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley, Nicolas Berdiaeff souligne aussi son inquiétude devant une utopie qui cesserait de l’être, et dont notre temps a souvent été le laboratoire meurtrier : « Les utopies apparaissent comme bien plus réalisables qu’on ne le croyait autrefois. Et nous nous trouvons actuellement devant une question bien autrement angoissante : comment éviter leur réalisation définitive [3] ? »

De conception antique, mais historiquement nommée et située dans l’œuvre de Thomas More, l’utopie est d’abord un lieu qui n’en est pas, un imaginaire du non-lieu, un pays qui est le point de fuite de toutes les perspectives. Sa géographie souvent insulaire et, en tout cas, clôturée en fait tout à la fois une exception du monde et une part réelle de son territoire ; et l’intuition géniale de Thomas More est d’avoir su l’inscrire, non pas dans les temps perdus d’origine, mais dans le temps contemporain des hommes. Les anciens, en effet, avaient projeté leur cité idéale dans un passé mythique où l’humanité était moins éloignée des dieux et de la nature. Leurs utopies recoupaient ainsi le mythe de l’âge d’or, non sans induire une aporie dans l’ordre politique et moral. La formation des sociétés humaines et le développement de la civilisation, qui incluent le recours aux « lois » pour organiser la complexité, ne pouvaient, en effet, qu’éloigner l’homme du temps où les « alliances » naturelles suffisaient à imposer la sagesse et la justice. Par ailleurs, une part du destin antique de l’homme était de s’éloigner toujours plus de la perfection primordiale en même temps qu’il était incapable de perfectionnement ; le seul moyen de retrouver cette perfection était d’attendre que le temps recommence après les catastrophes qui embrasent périodiquement l’univers, l’ekpurôsis des stoïciens. Pour les anciens, l’avenir est derrière l’homme, puisqu’on ne peut le connaître ni le voir ; en revanche, le passé est devant lui, puisqu’il le connaît et le voit, ou, à tout le moins, connaît de vieux prêtres qui l’ont vu, eux-mêmes par d’autres biais, mais toujours plus effacé et plus définitivement inaccessible au fil des générations ; l’homme antique marche à reculons dans le temps, nostalgique du bonheur premier et de ses utopies périmées. Au sens antique, l’utopie semble donc exclure la possibilité de tout progrès, sinon dans un processus cyclique de retour aux origines.

Au contraire du temps antique, le temps biblique est linéaire, continu. Certes, le mythe d’origine inclut une faute qui a aussi éloigné l’homme d’un bonheur primitif. Mais, nonobstant sa gravité et ses conséquences funestes, elle n’a rien d’irrémédiable, et la liturgie chrétienne de Pâques l’appelle même felix culpa, « l’heureuse faute ». Le destin d’Israël est un destin historique, perçu dans le temps, dans un devenir ; pour le chrétien, Dieu s’est incarné dans le temps et dans l’histoire et donne à celle-ci un nouveau sens, compris à la fois comme signification et comme vecteur. L’histoire d’Israël et de l’Église est celle d’une marche vers la Terre promise qui est au bout d’une patience et d’une durée, d’une attente, d’une espérance, c’est toute l’histoire du salut. Dès lors, le temps n’est plus dégradation, il ne faut plus s’en évader pour retourner à l’âge d’or, il faut l’accomplir, se préparer à accueillir la réalisation des promesses divines ou le retour du Christ : l’attente des temps messianiques a remplacé le mythe antique de l’âge d’or, et l’on voit même se développer, en marge de cette nouvelle conception du temps, des millénarismes chroniques, toujours condamnés comme des dérives matérialistes de la croyance en la parousie. L’utopie perdue du jardin de la Genèse est compensée par la marche vers une utopie eschatologique dans la Cité sainte de l’Apocalypse, qui doit achever l’histoire du temps hors du temps.

Peu ou prou, cette conception linéraire du temps conditionne l’imaginaire moderne de l’utopie, et réconcilie, en terme de « culture du projet », les modèles de la cité idéale et du progrès. Certes, non sans risques de dérive idéologique, et l’on a pu dire avec raison que « le mythe de la société idéale a été un des plus sanglants du xxe siècle ». Mais c’est que l’on a alors cherché à réaliser, sinon réifier, ce qui est d’abord une fiction, à fermer dans le présent ce qui est fondamentalement ouvert sur l’avenir, à idolâtrer le contenu du mythe en perdant la fonction dynamique de son imaginaire. Tout autre est l’ambition de Thomas More quand il élabore le paradigme de l’utopie classique. Pour la première fois, le mythe de la société idéale procède d’un humanisme qui autorise le progrès dans le temps de l’homme : il corrige l’insuffisance des réalités quotidiennes, en l’occurrence les dysfonctionnements de la société anglaise de la Renaissance, par une espérance profilée à l’horizon d’une société sans crise et accessible à la seule pensée comme la ligne théorique où se rejoignent le ciel et la terre. Pour le chrétien Thomas More, il n’a jamais été question de réaliser concrètement son utopie dans une cité historique ni même d’espérer sa réalisation : dans la dernière phrase de son œuvre, juste après avoir déclaré qu’il ne pouvait donner son adhésion à tout ce qu’a dit son héros voyageur, Thomas More ajoute cette énigme : « Il existe en Utopie un très grand nombre de dispositions que je souhaiterais voir en nos cités ; dans ma pensée, il serait plus vrai de le souhaiter que de l’espérer ». Du reste, le caractère outrancier de nombreuses dispositions utopiennes les rend tout simplement impraticables dans la réalité &endash; et More lui-même n’hésite pas à les qualifier d’absurdes, à une époque qui n’a pas connu les grands totalitarismes modernes et pour laquelle ces réformes ne sont pas concevables autrement que dans l’esprit. Une utopie réalisée n’entraînerait plus le mouvement de la société humaine à la recherche d’un monde meilleur ; elle prétendrait être ce monde meilleur qui serait alors immobile, figé, codifié, désormais incapable et empêché de progresser, et pour tout dire atrocement totalitaire, effroyablement idéologique. La seule façon de corriger un tel univers serait d’inventer une nouvelle utopie en évitant de tomber dans le même travers. Entre l’utopie et l’idéologie, la frontière est, certes, mince, mais elle est un abîme, comme celle qui sépare le rêve du cauchemar, le désir de la nausée.

On ne peut pas figer ce qui n’est accessible, au moins depuis Thomas More, qu’au cours d’un voyage, d’un déplacement, d’une navigation circulaire, où l’on quitte son rivage pour y revenir, mais après avoir emprunté la tangente sur laquelle s’ouvre tôt ou tard tout périple humain. On ne peut pas concrétiser ce qui n’est qu’un récit et, qui plus est, un récit de voyage. L’expérience de l’utopie est certes un savoir, mais moins un savoir de contenu qu’un savoir de témoignage, où le héros est un voyageur qui raconte ce qu’il a vu ailleurs, cet « ailleurs » dont Italo Calvino a dit qu’il « est un miroir négatif. Le voyageur y reconnaît le peu qui lui appartient, et découvre tout ce qu’il n’a pas eu, et n’aura pas » [4]. D’une certaine façon, le modèle utopique est un modèle vide, un modèle en creux, qui doit fonctionner comme un symbole opératoire permettant aux réalités pleines de se vider de leurs scléroses pour retrouver la santé, ou comme l’ouverture d’un barrage qui donne de l’énergie en libérant les eaux du lac. L’utopie n’est donc pas quelque chose, elle est un acte, un courant, une espérance qui permet tout simplement à l’humanité de ne pas se contenter de ce qu’elle a, mais de continuer à vivre et à progresser. Et, effectivement, en Utopie, tout est vide ou privé de quelque chose : le pays lui-même est un non-lieu ; son fleuve Anydrus est un fleuve « sans-eau » ; parmi les nations qui l’environnent, les Achoriens sont un peuple « sans territoire » ; et, dès la parution du livre de More, les érudits ont pris plaisir à élucider toutes les dérivations négatives qui constituent la toponymie de l’île et l’onomastique de ses habitants.

Pour autant, l’Utopie n’est pas vide de sens, elle n’est pas irréelle : sa capitale, Amaurote, est étymologiquement une « Ville-mirage », mais douée d’une intense activité sociale, économique, politique, culturelle, religieuse. L’utopie est vide pour laisser la place au projet humain dont elle est le symbole : lieu et récit fictifs, mais expressifs d’une réalité toujours virtuelle, indéfiniment tendue vers des espérances meilleures. Le marin-narrateur porte bien le nom d’Hythlodée, l’ « expert en balivernes », mais il se prénomme Raphaël, comme l’archange qui guérit de l’aveuglement et dont les hommes ont besoin pour ne pas borner leur regard aux idoles qui le figent. Étrangère à toute crise, l’utopie est un modèle « sans histoire », dans tous les sens de l’expression, ce qui lui enlève toute réalité temporelle, soumise aux fragilités de la durée, mais lui conserve la réalité intellectuelle d’une hypothèse de travail, comme celles que l’on sollicite dans un raisonnement mathématique ou philosophique.

En quelque sorte, l’utopie est une construction de l’esprit, un modèle critique, une grille de lecture, une cartographie du monde qui y réintroduit la possibilité d’espaces virtuels. Louis Marin a écrit que « la carte [de l’île d’Utopie] est en transit sur les cartes, en instance d’inscription ou en instance d’effacement, parmi toutes les îles réelles qui y sont marquées par les voyageurs qui les ont reconnues, parmi toutes les îles possibles que d’autres voyageurs reconnaîtront : limite de tous les voyages, leur rêve ou leur figure secrète » [5]. Il ajoute que le nom même de l’île est « en transit de nomination ». Effectivement, dans les textes que Thomas More a publiés à la marge de son livre, et qui sont tellement importants pour en mieux comprendre le sens, le nom de l’île hésite entre Outopia (l’Île-de-Nulle-Part), Eutopia (l’Île-du-Bonheur), Oudepotia (l’Île-de-Jamais) : trois noms où la fiction géographique se mêle à la fiction sociale et politique, avant d’inclure la fiction temporelle par la contrepetterie du /p/ et du /t/ dans l’île hors du temps. Jamais, ailleurs, bonheur, toutes notions qui ont besoin du réel pour se définir, mais qui se situent toujours en-dehors de lui, qui ne peuvent se réaliser sans se nier ou se détruire, qui entraînent le mouvement même de la vie non dans la perfection d’un achèvement, mais dans le projet, toujours tendu, d’un dépassement.

Les Grecs disaient déjà qu’on ne peut jamais proclamer quelqu’un heureux avant qu’il ne soit mort, c’est-à-dire avant qu’il n’ait, en quelque sorte, quitté le temps et l’espace. Le processus utopique recoupe cette croyance en situant le terme de l’espérance dans un objectif qui dépasse les constitutions historiques, mais qui a besoin d’elles pour se construire. Tout l’appareil de fiction qui entoure le récit du voyage en Utopie souligne bien qu’il ne s’agit pas d’imiter ce qui dépassera toujours les normes du réel ; mais, en même temps, Hythlodée raconte un monde étrangement proche de son époque, et donc de la nôtre, qui en fait partie et qui lui est contemporain, qui se définit même par rapport à elle, comme le symbole se définit toujours par rapport au réel. Et il le raconte à des personnages historiques, en des lieux et des temps vérifiables.

Ulysse est certes retourné à Ithaque ; mais il savait aussi, comme le lui avait prédit le devin Tirésias, qu’il devrait reprendre la mer jusqu’à ce qu’il rencontre le peuple des hommes qui ne connaissent pas la mer, c’est-à-dire, pour un Grec, l’inconnu absolu, l’inconcevable, l’innommable. Et pourtant, dans l’Odyssée, Ulysse est finalement resté à Ithaque, non que la destinée ait oublié la prédiction de Tirésias, mais parce qu’Ulysse a compris que sa demeure n’était nulle part comme lui-même n’était personne, selon le nom qu’il a donné au Cyclope. C’est en cherchant à revenir chez lui qu’Ulysse est véritablement chez lui ; Ithaque est moins une réalité géographique qu’une quête, un pays qu’un voyage. L’homme n’est homme que dans le mouvement qui le porte vers lui-même. En définitive, l’utopie est l’imaginaire qui donne forme aux espaces de la conscience humaine, en instance d’édification. Elle rappelle aux hommes que le lieu parfait n’existe pas dans l’histoire, qu’il est ailleurs, irréductible à toutes les cités humaines, mais inconcevable en dehors d’elles, comme irréductible à tout autre est le lieu d’intériorité où les hommes s’affranchissent de leurs certitudes, s’indignent de leurs défaillances, renoncent au mirage du « meilleur des mondes » pour concevoir le projet d’un monde meilleur.


L’Union européenne est à la veille de nouvelles adhésions qui engageront des défis cruciaux pour la crédibilité sinon même la survie de l’institution. Politiques, institutionnels, économiques, sociaux, ces défis sont aussi, et peut-être d’abord, culturels, si l’on considère la culture comme une manière d’être, de penser et d’agir qui donne à l’homme le recul et les compétences nécessaires pour interpréter et animer le monde dans lequel il vit. Le questionnement sur les imaginaires est au centre de toute réflexion culturelle parce qu’il implique des systèmes de représentations mentales qui dynamisent et structurent les manières d’être au réel et au monde ; et ce questionnement est d’autant plus prégnant qu’il permet souvent d’élucider, d’objectiver et de relativiser des stratégies de conviction ou de pouvoir conditionnées par des structures mythiques cryptées qui n’affleurent pas d’emblée à la conscience.

Les contributions rassemblées ici ont été présentées lors d’un séminaire qui a interrogé les « Imaginaires européens » à travers une réflexion sur l’utopie, entendue comme « culture du projet ». Par le biais de ce que la Bible dit de la ville depuis le projet primordial avorté d’une Babel uniforme et altéricide jusqu’à l’espérance eschatologique de la Jérusalem céleste, André Wénin retrace l’histoire d’un modèle urbain et social qui cherche à réaliser le rêve d’unité tout en préservant les diversités entre les hommes et les peuples. Au départ des mythes contrastés de l’âge d’or et de Prométhée, Monique Mund-Dopchie montre combien, dès l’antiquité grecque, l’homme s’est interrogé sur son destin en termes, tour à tour convergents ou divergents, d’utopie et de progrès, l’« utopie du progrès » constituant, en définitive, une des préoccupations culturelles majeures de la pensée européenne. Paul-Augustin Deproost s’interroge sur les enjeux du mythe de Rome où l’imaginaire urbain le plus abouti de l’antiquité oscille tout au long de son histoire antique et chrétienne entre utopie et idéologie. De la patrie à l’État, l’histoire des guerres du xxe siècle est un observatoire privilégié de la force persuasive des imaginaires héroïques réactivés au profit des manipulations politiques ou identitaires ; Laurence van Ypersele analyse l’impact piégé et dévastateur de ces imaginaires dans le cas emblématique de la Grande Guerre. À travers une réflexion anthropologique sur l’« utopie de l’image » comme langue universelle, Ralph Dekoninck met en évidence la lente construction d’un imaginaire européen qui émerge de l’histoire du regard moderne confronté au risque de l’altérité. En prenant en compte la manière dont la paralittérature évoque les mythes de réconciliation et d’harmonie, Jean-Louis Tilleuil évalue l’implication des « messsages mixtes » dans la mise en œuvre du rêve européen.

 

 

Paul-Augustin DEPROOST (deproost@egla.ucl.ac.be)
Université catholique de Louvain
Collège Erasme
B-1348 Louvain-la-Neuve (Belgique)


Notes

[1] A. Joudaki, L’Odyssée du « devenir-européen ». Sonate en trois mouvements pour un ami persan, dans Louvain, n° 115, janvier-février 2001, p. 27. [Retour]

[2] Cité par P. Versins, Encyclopédie de l’utopie, des voyages extraordinaires et de la science-fiction, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1972, p. 917. [Retour]

[3] Épigraphe en français au livre célèbre d’A. Huxley, Brave New World, Crown Octavo Edition, 1932. [Retour]

[4] I. Calvino, Le città invisibili (Coll. Nuovi Coralli, t. 182), Torino, Einaudi, 1978, p. 35 : « L’altrove è uno specchio in negativo. Il viaggiatore riconosce il poco che è suo, scoprendo il molto che non ha avuto e non avrà. » [Retour]

[5] L. Marin, Voyages en Utopie, dans Id., Lectures traversières (Coll. Bibliothèque du Collège international de philosophie), Paris, Albin Michel, 1992, p. 46. [Retour]


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