FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 7 - janvier-juin 2004


Hic non finit Roma.

Les paradoxes de la frontire romaine

par

Paul-Augustin Deproost

Professeur ˆ l'UniversitŽ de Louvain  

<deproost@egla.ucl.ac.be>


Les Folia Electronica Classica ont ˆ deux reprises dŽjˆ fait Žcho aux colloques organisŽs dans le cadre du projet EUxIN (coord. scientifique : prof. Bernard Coulie, UCL). Prenant en compte quelques-uns des imaginaires qui ont fait l'Europe, ce projet, rŽunissant cinq universitŽs europŽennes, tente de dŽfinir des outils de dŽcision culturelle utilisables par les instances de l'Union europŽenne. Le premier colloque Žtait consacrŽ ˆ l'utopie, le deuxime aux langues.

Le troisime et dernier, qui s'est tenu ˆ Bruxelles les 4 et 5 dŽcembre 2003, Žtait intitulŽ " Les frontires pour ouvrir l'Europe ". Des actes de ce colloque, les FEC publient deux textes du prof. Paul-Augustin Deproost, d'une part l'adresse qu'il a prononcŽe en introduction au colloque, d'autre part sa communication sur les paradoxes de la frontire romaine (ci-dessous). Figure Žgalement dans le prŽsent fascicule la contribution du prof. Monique Mund-Dopchie sur la frontire entre le civilisŽ et le sauvage dans l'imaginaire de l'Occident latin.

[10 dŽcembre 2003]

Les actes de ce colloque sont maintenant publiŽs : Frontires. Imaginaires europŽens. ƒtudes rŽunies et prŽsentŽes par P.-A. Deproost et B. Coulie, Paris, Budapest, Turin, LÕHarmattan, 2004, 187 p. (Structures et pouvoirs des imaginaires). La contribution du Prof. P.-A. Deproost se trouve aux p. 29-50.

[11 mars 2005]


Plan


UN EMPIRE SANS FIN

Si l'on devait un jour retrouver une borne qui marquerait la frontire de l'Empire romain, on n'y trouverait sans doute jamais l'inscription Ç Hic finit imperium Romanum È - Ç Ici finit l'Empire romain È. Tout au plus y trouverait-on peut-tre les mots Ç Hic non finit Roma È - Ç Ici ne finit pas Rome È. Car, comme j'ai tentŽ de le montrer lors de notre premire journŽe d'Žtudes, consacrŽe aux imaginaires europŽens de l'utopie, l'Empire romain n'existe qu'ˆ travers le mythe urbain d'une ville, Rome, qui ne cesse de reproduire son modle politique, militaire, social, mais aussi architectural et culturel partout o elle s'Žtend, et donc, s'il y en avait une, l'Empire romain n'aurait d'autre frontire que celle de Rome. Depuis l'avnement du premier empereur, Rome est mme beaucoup plus qu'un territoire parmi d'autres ; elle est l'unitŽ d'un peuple incarnŽe dans la personne du prince face au nŽant du reste du monde.

Mais nous savons aussi que Jupiter a fait ˆ la mre d'ƒnŽe la promesse d'un Empire sans fin, ds le dŽbut de l'ƒnŽide de Virgile, cette ŽpopŽe ˆ laquelle doit tant l'idŽologie augustŽenne et impŽriale de l'ŽternitŽ de Rome : Ç His ego nec metas rerum nec tempora pono :/ imperium sine fine dedi È - Ç Je n'assigne de borne ni ˆ leur puissance ni dans le temps ; je leur ai donnŽ un Empire sans fin È, o finis traduit la limite toujours insaisissable du temps mais aussi de l'espace que ne saurait prŽcisŽment Ç dŽfinir È aucune borne ; cinq sicles plus tard, la promesse reste d'actualitŽ dans la bouche d'un pote espagnol qui la reporte sur la puissance de l'empereur chrŽtien[1]. Par ailleurs, comme toutes les utopies, Rome s'est toujours prŽoccupŽe d'organiser trs concrtement ses espaces, et nous connaissons les tabous qui psent ˆ Rome sur les franchissements illicites de certaines limites, dont le pomerium ou le Rubicon sont sans doute les plus connues, depuis qu'ils ont ŽtŽ respectivement traversŽs par RŽmus et CŽsar. En mme temps qu'elle repousse toujours la ligne imaginaire d'une frontire extŽrieure, Rome sacralise le sol du territoire o elle organise les activitŽs de la citŽ, et on ne pŽntre pas sur ce sol sans observer les rites de passage qui le protgent.

C'est que la frontire romaine est une notion qui ne va pas de soi et qui, en toute hypothse, ne s'impose pas de la mme manire ˆ tous les endroits o l'on serait tentŽ aujourd'hui de placer une limite, en particulier aux confins extŽrieurs du territoire, sans compter que la notion mme de confin est loin d'tre univoque dans les imaginaires cartographiques du monde. En deˆ de l'OcŽan mythologique, qui touche au ciel et au royaume des morts, les autres ocŽans et, dans une moindre mesure, les fleuves ou les cha”nes montagneuses sont, sans doute, des frontires objectives imposŽes par la nature ˆ l'est, ˆ l'ouest et au nord de l'Empire. Au nord de l'Angleterre, le mur d'Hadrien devait tre une ligne frontire durable construite par les hommes. Mais, dans le sud africain, le limes Tripolitanus est une zone mal dŽfinie, Ç tropicale et remplie de btes sauvages È, selon l'historien Appien, ouverte sur l'immensitŽ de la solitude saharienne, et la dŽfense du Ç FossŽ d'Afrique È qui le concrŽtise a toujours largement ŽchappŽ au pouvoir romain. Ë l'est, l'histoire de Rome montre ˆ suffisance combien le limes parthique a ŽtŽ Ç nomade È dans des dŽserts de sable ou des marais qui n'ont, en dŽfinitive, jamais marquŽ une frontire politique entre les territoires romain et globalement Ç perse È, mais bien plut™t un no man's land diplomatique. Tout au plus, ces dernires frontires sont-elles comme des Ç terrains de chasse È qui n'appartiennent ˆ personne et o, tour ˆ tour, se font et dŽfont les rves expansionnistes d'Empires rivaux, mais elles n'ont pas plus de consistance politique que les Ç autels de sable È des frres Philnes dont parle Pline l'Ancien ˆ la frontire entre les provinces africaines de Tripolitaine et de CyrŽna•que[2].

Bien plut™t, les reprŽsentations romaines du monde confondent indissolublement l'orbis Romanus et l'orbis terrarum, ds le premier empereur qui met tout en oeuvre pour imposer l'idŽologie du caput mundi. L'annŽe qui prŽcŽda sa mort, Auguste intitula son testament politique qu'il fit graver sur les tables de bronze de son mausolŽe au Champ de Mars : Ç Hauts faits du divin Auguste par lesquels il a soumis le monde au pouvoir romain È ; des copies de ce texte ont ŽtŽ envoyŽes dans les provinces, et parmi celles qui ont ŽtŽ retrouvŽes, notamment en Turquie, le fameux Ç monument d'Ancyre È, rŽdigŽ en grec et en latin, atteste que l'empereur souhaitait donner ˆ ce document la plus large publicitŽ possible[3]. Ë la mme Žpoque, le pouvoir impŽrial met en place de puissants relais culturels qui orchestrent cette idŽologie universaliste depuis les origines mythiques de la Ville jusqu'ˆ l'histoire contemporaine, dans les oeuvres respectives de Virgile et de Tite-Live, mais aussi dans l'iconographie officielle o Rome n'a d'autre limite que celle du monde[4]. Ë l'avenir, peu importeront les vicissitudes de l'actualitŽ politique ou militaire, peu importeront mme les dŽlocalisations du pouvoir impŽrial, l'idŽologie de la ville capitale traverse l'histoire de Rome, convaincue que sa mission est de prendre le monde en charge. Son adhŽsion au projet universel du christianisme la confortera dans cette conviction, et, dans les premires annŽes du Ve sicle, elle pourra firement proclamer par la bouche du pote chrŽtien Prudence : Ç Maintenant ˆ juste titre, je suis appelŽe vŽnŽrable et tte du monde È, laissant entendre qu'auparavant la formule n'Žtait qu'un slogan mensonger. Au VIe sicle, les rŽŽcritures barbares de la titulature impŽriale VICTOR GENTIVM, dont s'honore, par exemple, l'ostrogoth ThŽodoric, assurent la survie d'un complexe idŽologique totalement dŽmenti par l'Žclatement gŽnŽralisŽ de l'Empire en occident ; l'aberration atteint son comble lorsque ce mme ThŽodoric est cŽlŽbrŽ sur des inscriptions espagnoles comme Ç propagator Romani nominis, domitor gentium È[5].

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ET POURTANT, LE LIMES

Est-ce ˆ dire que Rome ne conna”t pas de limite extŽrieure ˆ son Empire ? Non, si l'on considre que le territoire de l'Empire est concrtement ceinturŽ par une ligne de contr™le militaire qui fixe la rŽalitŽ de la conqute romaine le long d'un horizon dŽfensif. Cette zone est surveillŽe par les lŽgions romaines et les empereurs souhaitent mme, ds Auguste, qu'elle ne soit pas indžment Žtendue. Le dŽcalage est flagrant entre le discours idŽologique et la rŽalitŽ gŽopolitique : Ç L'OcŽan ou des fleuves lointains Žtaient les barrires qu'Auguste avait donnŽes ˆ l'Empire È, proclame Tacite au dŽbut de ses Annales ; mais l'historien ajoute, peu aprs, qu'il avait donnŽ ˆ son successeur Tibre Ç le conseil de se maintenir ˆ l'intŽrieur des bornes de l'Empire È[6]. Et on sait que l'Empire romain a connu son extension gŽographique maximale ˆ la mort de l'empereur Trajan en 117, qui laissait un territoire certes immense, mais limitŽ dans l'espace et mme rapidement destinŽ ˆ dŽcro”tre. Depuis l'antiquitŽ, Trajan est, en effet, considŽrŽ comme le dernier conquŽrant de l'histoire de Rome, mais il fut aussi celui qui devait Žtablir la preuve que jamais Rome ne pourrait venir ˆ bout des Parthes, et que, donc, sa vocation universelle avait une limite territoriale. Son successeur, Hadrien, en prit acte et raccourcit, de propos dŽlibŽrŽ, les frontires d'une ville que, paradoxalement, il osa, le premier, qualifier d'Žternelle. Mme le fameux PanŽgyrique de Rome prononcŽ en 143 par le rhŽteur ƒlius Aristide reconna”t que la ma”trise romaine sur le monde n'est pas complte et qu'il y a une ligne de partage entre Ç Romains È et Ç non-Romains È[7].

Cette ligne est le limes, dont le systme conna”t son apogŽe prŽcisŽment vers le milieu du IIe sicle, dans la construction de complexes dŽfensifs aux limites extŽrieures de l'Empire. ƒtymologiquement, le limes est un chemin qui borde un domaine et dont l'emplacement est toujours bien dŽfini par les arpenteurs dans le cadastre des campagnes. Le terme est passŽ dans le langage des ingŽnieurs militaires ˆ partir du moment o Rome a cessŽ l'expansion territoriale de son Ç domaine È. Auparavant, tant que la conqute Žtait ˆ l'ordre du jour, cette limite n'Žtait qu'une ligne de dŽpart, une ligne Ç nomade È sans cesse repoussŽe, avec des routes qui se dirigeaient vers l'ennemi comme autant de voies de pŽnŽtration. Ds le moment o il est devenu une limite dŽfensive et fortifiŽe, le limes est apparu comme un espace de sŽparation ou, ˆ tout le moins, de dŽmarcation, induisant de nouvelles reprŽsentations autant morales que militaires. Il est, en effet, devenu une zone artificielle de confins, qui pouvait tre doublŽe ou prolongŽe par la rive naturelle d'un fleuve ou d'une montagne ; il figeait l'extension du territoire et il donnait aux habitants de l'intŽrieur l'illusion d'une identitŽ partagŽe et protŽgŽe contre les agressions de l'extŽrieur ; il crŽait artificiellement le sentiment d'une Ç barrire morale È, comme l'appelle Andreas Alfšldi, au-delˆ de laquelle se situe un ailleurs globalement peru comme nŽgatif ou, en tout cas, comme n'appartenant pas au monde connu. Le limes crŽait une limite d'Empire qui distinguait non pas deux territoires, mais deux Ç rythmes du temps È, le temps des hommes dans l'ordre de l'humain et le temps des monstres dans l'ordre de l'inconnu.

En rŽalitŽ, le limes romain n'a rien d'une ligne stratŽgique dessinŽe sur une carte, au sens o le serait une frontire moderne, tranchante et scientifique, Žtablie par des conventions internationales pour fixer les limites entre ƒtats souverains. Avec Rome, nous sommes dans la logique d'un ƒtat-monde qui, un jour, a dŽcidŽ unilatŽralement d'arrter son extension territoriale, sans renoncer pour autant ˆ son statut de capitale du monde. Pour entrer dans cette logique, le limes devait appara”tre non comme une Ç limite È, qui aurait pu induire un sentiment de faiblesse politique, mais comme un signe de puissance qui contribuait ˆ la domination universelle de Rome sur le monde habitŽ ; le limes ne pouvait alors sŽparer que des Romains et des non-Romains, Žtant entendu que les seconds Žtaient exclus du genre humain. Le sŽjour de ces derniers Žtait, du reste, aussi celui des Romains condamnŽs ˆ la peine de l'exil, c'est-ˆ-dire la peine de mort civile, qui les privait de Ç l'eau et du feu È et donc de la citŽ, pour les renvoyer parmi les monstres, lˆ o, comme s'en plaint Ovide, Ç les hommes sont ˆ peine dignes de ce nom ; ils sont plus sauvages et plus fŽroces que les loups È (Tristes, V, 7, 45-46).

En aucun cas, le limes ne devait laisser appara”tre ce qu'il Žtait en rŽalitŽ, ˆ savoir la Ç limite de croissance È d'une stratŽgie qui avait renoncŽ ˆ progresser contre les menaces extŽrieures pour se contenter d'y rŽagir, ou, pire, un aveu d'impuissance dessinŽ ˆ l'endroit o la machine de guerre romaine Žtait tenue en Žchec[8]. Certes, Appien affirme que les empereurs n'ont pas souhaitŽ Žtendre la domination de l'Empire Ç sur des barbares indigents qui n'apportaient aucun profit È, soit une manire de reconna”tre que l'idŽologie hŽgŽmoniste a des limites Žconomiques qui autorisent le maintien de marges incontr™lŽes en dehors de sa zone d'influence[9]. Mais en bien des endroits, et notamment ˆ l'est de l'Empire, le limes a marquŽ concrtement les limites de l'armŽe romaine, jusqu'au jour o le verrou dŽfensif lui-mme ne fera plus illusion face ˆ la poussŽe des Ç non-Romains È. Lorsqu'en 376 l'empereur Valens autorise les Goths, poussŽs dans le dos par les Huns, ˆ traverser massivement le limes du Danube pour se rŽfugier en Thrace, il signe son propre arrt de mort et celui de l'unitŽ territoriale de l'Empire : Ç Toute cette confusion, tout cet empressement conduisaient ˆ la ruine du monde romain È, dŽplore amrement l'historien Ammien-Marcellin[10] ; deux ans plus tard, dans la ville thrace d'Andrinople, ces mmes Goths, honteusement exploitŽs par les autoritŽs romaines, remportent une bataille dŽcisive, au cours de laquelle dispara”t l'empereur et qui dŽclenche l're des Ç examens de conscience È ˆ propos de la survie mme de Rome, pourtant distante de plusieurs milliers de kilomtres. Ç Lacrimabile bellum È, s'Žcrie saint JŽr™me ˆ propos de cette dŽfaite romaine, en une formule qui deviendra un clichŽ pour les chroniqueurs de cet ŽvŽnement et qui dŽplace, non sans ironie, sur les envahisseurs la fire image virgilienne des armŽes romaines en marche contre les barbares[11].

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MAIS LE LIMES EST-IL UNE FRONTIéRE ?

En dŽfinitive, le limes est-il bien la vraie frontire de l'Empire romain ? En d'autres termes, comment concilier la contradiction flagrante entre l'existence bien concrte de cette ceinture dŽfensive autour d'une communautŽ qui a renoncŽ ˆ Žtendre son territoire et la revendication de cette mme communautŽ ˆ la ma”trise absolue du monde ? Tout d'abord, quoi que cherche ˆ en imposer le discours idŽologique, le limes n'a jamais ŽtŽ, dans les faits, une ligne de sŽparation entre le monde civilisŽ et le monde barbare. On a pu dire, non sans excs que Ç les Germains Žtaient une invention politique de CŽsar È, mais il est vrai qu'avant l'arrivŽe des Romains, le Rhin n'Žtait pas une limite sŽparant des cultures antagonistes et il est tout aussi vrai que le terme gŽnŽrique Ç Germains È regroupe des peuples divers dont certains ont ŽtŽ absorbŽs dans le limes et d'autres sont restŽs ˆ l'extŽrieur, sans que cette limite artificielle ne change grand-chose aux rapports que ces peuples entretenaient entre eux. En ce sens, le limes est moins une ligne qu'une zone frontalire, une Ç frange pionnire È, comme on l'appelle parfois, qui ne sŽpare ni ne diffŽrencie des peuples par ailleurs culturellement et ethniquement proches, mais qui visualise le Ç lieu flou È ˆ partir duquel devient possible une intŽgration progressive dans un autre monde. L'administration impŽriale a tout fait pour intŽgrer dans le Ç cercle civilisŽ È, en clair pour romaniser les citoyens mal rŽpertoriŽs ˆ ses confins ; elle n'a pas cherchŽ ˆ interdire ˆ ces nouveaux citoyens de conserver une culture qui dŽbordait le limes, car une des grandeurs de Rome a toujours ŽtŽ de reconna”tre la pluralitŽ des cultures dont elle avait hŽritŽ et le limes n'a pas ŽtŽ l'occasion de renoncer ˆ cet idŽal Ç mŽtisse È qui est aussi une des caractŽristiques fondamentales de la romanitŽ.

D'autre part, le limes n'a jamais empchŽ que des Žchanges Žconomiques prospres continuent d'tre nŽgociŽs entre marchands des deux c™tŽs, notamment par le biais de postes de douane installŽs ˆ cet effet. Il n'a pas non plus empchŽ que des barbares entrent dans l'armŽe et l'administration romaines, avant d'accŽder aux plus hautes fonctions de l'Empire, comme le cŽlbre Stilicon ˆ la cour de l'empereur Honorius. Le droit romain lui-mme atteste, au moins dans un cas prŽcis, que cette frontire ne bornait pas la juridiction de Rome au territoire intŽrieur. Quand un prisonnier de guerre rentrait ˆ Rome, il recouvrait automatiquement le droit de citŽ romaine par le seul fait qu'il revenait Ç in fines suos È en vertu du Ç ius postliminii È ou Ç droit de retour È. Lorsqu'il s'est agi de prŽciser o il commenait ˆ bŽnŽficier de ce droit, les textes de loi concdent qu'il peut aussi s'appliquer en dehors des limites de Rome sur le territoire d'une citŽ alliŽe ou amie, d'un roi alliŽ ou ami, Ç parce qu'ˆ cet endroit commence de s'exercer la protection publique È de Rome[12].

Qu'est-ce ˆ dire, sinon que le limes n'a pas de valeur juridique absolue et qu'il peut ne pas englober tous les peuples entrŽs dans l'Ç amitiŽ È de Rome, en clair soumis ˆ la domination romaine. Il est, sans doute, une limite, militairement et symboliquement forte, qui cherche surtout ˆ tenir certains peuples ˆ distance, ˆ contr™ler leurs dŽplacements dans les marges de l'Empire ; mais politiquement, administrativement et Žconomiquement, il est une barrire poreuse, sinon mme inexistante. Ç Les Romains administrent certains Celtes au-delˆ du Rhin È, dit Appien, qui Žvoque aussi le cas de peuples barbares, pauvres et sans ressources, qui n'ont pas obtenu de Rome d'entrer dans sa domination, mais qui en ont reu des princes et des aides privilŽgiŽes largement supŽrieures ˆ celles que Rome pouvait espŽrer recevoir en retour. L'historien n'identifie ni ne situe ces peuples ; au contraire, il ajoute aussit™t que les empereurs Ç entourent l'Empire d'un cercle de vastes camps militaires et ils gardent, comme une place-forte, la terre et la mer sur toute leur Žtendue[13]. È Qui sont alors ces peuples que Rome n'a pas souhaitŽ inclure dans son gouvernement, si ce ne sont des vassaux situŽs dans des zones-tampons entre l'Empire et la mer ou peut-tre l'OcŽan mythique qui ouvre la carte du monde sur l'inconnu. Ds les premires lignes de sa prŽface, Appien les inclut, comme les autres, non pas Ç dans les frontires de Rome È, mais dans Ç les frontires des peuples que les Romains ont soumis È, rŽsolvant ainsi ˆ sa faon la contradiction de la frontire romaine : le limes existe bel et bien, mais il n'exclut pas que la zone d'influence de Rome s'Žtend ˆ l'ensemble de l'oeukoumne par le biais d'une zone intermŽdiaire alliŽe qui sŽpare ce limes et les limites de l'univers.

Enfin, lˆ o la limite territoriale du limes se doublait effectivement d'une limite politique, en particulier ˆ l'est, o Rome n'a jamais rŽussi ˆ intŽgrer les Parthes dans l'axe de sa juridiction, l'idŽologie romaine a su mettre en place un imaginaire gŽographique qui a amenŽ ˆ inclure ces peuples dans une sorte d'anti-monde, qui n'est pas sans rappeler l'univers inversŽ, et donc non-humain, des Antipodes, auxquels SŽnque avait, du reste, comparŽ les dŽbauchŽs de la nuit[14]. Au chant VIII de la Pharsale de Lucain, aprs avoir ŽtŽ vaincu par CŽsar, PompŽe encourage ses partisans ˆ se rendre Ç dans le monde oriental ; le gouffre de l'Euphrate isole un univers immense et les barrires caspiennes retiennent des retraites sans limites ; l'autre ciel fait tourner les nuits et les jours d'Assyrie ; la mer y est distincte de la n™tre, l'eau y a une couleur diffŽrente ; un OcŽan lui est propre È[15]. Cette description implique un univers bipartite o l'Empire romain et l'Empire perse se partagent deux mondes antithŽtiques et symŽtriques : Ç l'autre ciel È, alter polus, n'en autorise pas de troisime ; au mare nostrum mŽditerranŽen correspond une autre mer, la Mer Rouge, dont les eaux ont une autre couleur, et mme l'OcŽan, qui constitue la limite infranchissable du monde habitŽ, a un correspondant dans l'autre monde, interdisant toute communication entre ces deux Ç hŽmisphres È et condamnant par avance ˆ l'Žchec l'exil de PompŽe chez les Parthes. Pour autant, la l‰chetŽ du fuyard suffit ˆ dŽvaluer ce monde o il espre trouver refuge et elle suscite l'indignation d'un de ses gŽnŽraux qui fait valoir le manque de bravoure, les dŽviances et mme la bestialitŽ de cet anti-monde barbare ; les Parthes ne sont pas des hommes, ce sont des btes sauvages jusque dans leurs pratiques sexuelles ; la douceur du climat les rŽduit ˆ toutes les mollesses qui les privent mme de l'estime dont bŽnŽficient les Ç peuples nŽs sous les frimas du nord È[16]. En excluant les Parthes du genre humain dans un univers non-humain et mme inaccessible ˆ toute pŽnŽtration humaine, Rome justifie tous ses Žchecs militaires contre des peuples qu'elle ne dominera jamais et qu'elle n'a pas ˆ dominer puisqu'ils appartiennent ˆ un monde Žtranger ˆ la Ç terre des hommes È. Au-delˆ du limes existent bien alors des Ç irrŽductibles È, qui peuvent donner l'illusion d'un obstacle ˆ la domination universelle de Rome sur l'oeukoumne ; mais ils ne Ç comptent pas È dans l'inventaire hŽgŽmonique puisqu'ils ne vivent pas dans la terre habitŽe.

Sans compter que, sur leurs cartes du monde, les Romains se sont toujours prŽoccupŽs de rŽduire au maximum ces portions incontr™lŽes de territoire, pour que l'on puisse, selon les mots d'un rhŽteur du IIIe sicle, Ç prendre plaisir ˆ regarder une peinture o nous ne voyons plus rien d'Žtranger È. Et ƒlius Aristide ne craint pas de proclamer contre toute vraisemblance : Ç Si quelqu'un entreprenait un voyage ˆ l'ouest du point o se terminait autrefois l'Empire des Perses, il lui resterait ˆ accomplir bien plus de chemin encore ˆ partir de lˆ qu'il n'en aurait dŽjˆ effectuŽ pour traverser leur territoire[17]. È Les terres et les peuples qui Žchappent ˆ l'autoritŽ de Rome n'y Žchappent que pour de bonnes raisons qui ne contredisent jamais son projet hŽgŽmonique ; ce sont des peuples amis gouvernŽs par des Ç rois clients È, ˆ l'Žgard desquels les empereurs ont toujours su accorder de nombreuses faveurs ; ce sont des terres inhospitalires ou des barbares que leur comportement et leur sauvagerie ont exclus de l'humanitŽ et qu'il ne convient, ds lors, pas d'y intŽgrer ; en tout Žtat de cause, il ne s'agit que d'une portion trs limitŽe de l'univers, comme l'attestent les cartes anciennes qui rŽservent peu de place aux territoires sauvages ˆ la bordure de l'OcŽan.

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DE LA FRONTIéRE AUX FRONTIéRES

O se trouve alors la frontire de Rome ? Clairement ailleurs que dans le bornage concret et dŽfensif du limes extŽrieur. En fait, la question est sans doute mal posŽe tant qu'on la posera au singulier, car si Rome ne se reconna”t, en dŽfinitive, aucune frontire externe entendue au sens moderne comme ligne contractuelle de partage entre ƒtats-nations, elle conna”t, en revanche, de nombreuses frontires internes parfaitement dŽfinies et protŽgŽes par des rites et des cl™tures, qui fixent des cadres de cohŽsions et d'unitŽs publiques bien circonscrites. Ds le rite de la fondation, le pomerium matŽrialise l'enceinte sacrŽe de la Ville comme frontire entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire. Le dieu Terminus est la borne de pierre, plantŽe dans le sol, qui limite un terrain ou un territoire exploitŽ par des hommes et qui en indique le propriŽtaire. ConsacrŽes ˆ Janus, le dieu aux deux visages, les portes interrompent les remparts des citŽs pour permettre aux hommes d'y entrer ou d'en sortir. Ë l'intŽrieur des camps militaires, c'est le mme rituel qui, chaque soir, met en oeuvre la mme architecture complexe achevŽe par une palissade continue. Toute la vie publique de la citŽ romaine configure des espaces, des itinŽraires, une topographie, qui crŽent de puissants facteurs d'identitŽs autour des activitŽs qui s'y dŽroulent[18]. Pour autant, ces frontires intŽrieures ne sont pas des lieux de repli identitaire en vertu d'un quelconque droit du sol. Plus que des territoires, ces frontires bornent, en effet, des communautŽs humaines, des pratiques religieuses, civiles ou militaires, des Ç petites patries È qui rŽalisent dans des espaces choisis le sentiment d'appartenance ˆ la rŽalitŽ romaine plus globale.

1. Rome et ses Ç patries È

Parmi elles, la Ç patrie o l'on est nŽ È a toujours constituŽ ˆ Rome un lieu moteur de son expansion. Au moment o il proclame l'ŽternitŽ de son oeuvre poŽtique dans une ode justement cŽlbre, Horace rappelle firement que l'auteur de cette oeuvre est un enfant d'Apulie, lˆ o doit commencer de rŽsonner la gloire du pote, avant que Rome ne l'amplifie au rythme de ses processions triomphales vers le Capitole. Le Romain garde toujours le sentiment d'tre nŽ quelque part, et d'y tre nŽ pour la plus grande gloire de Rome. On n'en finirait pas de citer les textes qui, depuis CicŽron en particulier, soulignent cette double et indissociable appartenance du citoyen romain ˆ une Ç patrie de nature È et une Ç patrie de citoyennetŽ È[19]. De ces deux patries, ajoute CicŽron, Rome est la patrie vŽritable, la patrie unique, la patrie commune, et c'est en elle qu' Ç est contenue È la patrie natale. Non pas, Žvidemment, au sens gŽographique ou territorial, puisque bien des Romains sont nŽs hors de Rome, mais dans la relation abstraite et juridique qu'entretient la patrie natale avec la patrie commune. Pour les Latins, le sentiment de la patrie n'est pas liŽ d'abord au sentiment de Ç se trouver dans È un territoire, mais ˆ la conscience d' Ç appartenir ˆ È une communautŽ qui occupe ce territoire et qui entretient un lien particulier avec Rome, en particulier la citŽ natale, ˆ laquelle plusieurs potes de l'Empire donnent le nom de Ç patrie È[20]. Ë mesure que la Ç patrie commune È s'est dilatŽe, ces Ç consciences identitaires È se sont naturellement multipliŽes en parallle au projet unificateur de Rome. Lorsque l'empereur Caracalla Žtend le droit de citŽ romaine ˆ Ç tout Žtranger qui vit dans le monde habitŽ È, il confirme, en mme temps, la domination de Rome sur l'ensemble de l'oeukoumne et la reconnaissance par Rome de ses particularismes locaux.

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2. La citŽ

Cette attitude gŽnŽreuse n'Žtait pas sans danger ˆ terme pour l'unitŽ de l'Empire. Tant que la seule unitŽ territoriale ressentie comme telle a ŽtŽ la citŽ, Rome, qui Žtait la citŽ capitale, a pu rester en phase avec les composantes de son immense territoire : elle constitue le modle de rŽfŽrence qui permet tout simplement ˆ une citŽ romaine d'exister, car, pour exister, une ville romaine ne peut tre qu'une Rome en rŽduction. Le territoire concret de la citŽ est celui qui permet au citoyen romain de mesurer le territoire abstrait de l'Empire ; l'attachement concret ˆ la Ç citŽ patrie È conditionne l'attachement abstrait ˆ la Ç Rome patrie È, indŽpendamment du territoire mme de l'Empire. Repris ˆ l'envi par de nombreux potes, le jeu de mots qui assimile urbs et orbis atteste bien que, pour un Romain, l'univers n'est pas un territoire, mais il s'identifie - sinon se rŽduit - ˆ une ville, ˆ un mythe urbain ; le monde est Ç dans È une ville, indŽfiniment dilatŽe dans toutes les citŽs de l'Empire : Ç De ce qui avant Žtait le monde, tu as fait une ville È, proclame avec admiration le Gaulois Rutilius Namatianus ˆ son retour de Rome au dŽbut du Ve sicle[21]. Dans la CitŽ de Dieu, saint Augustin partage encore cette vision o ciuitas est synonyme de patria : la citŽ peut s'Žtendre au monde entier, elle n'en reste pas moins l'Žtalon de toute patrie qu'elle soit romaine, terrestre ou cŽleste, le citoyen romain Žtant presque naturellement prŽdisposŽ ˆ entrer dans la citŽ de Dieu. C'est tout le sens de la prire du martyr Laurent dans l'hymne que lui consacre le pote Prudence : Ç Accorde, ™ Christ, ˆ tes Romains que soit chrŽtienne leur citŽ par laquelle tu as donnŽ aux autres citŽs d'tre unies dans la mme religion[22]. È

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3. La nation

Mais il est arrivŽ un jour o le sentiment d'appartenance ˆ une patrie s'est Žtendu ˆ une rŽalitŽ territoriale plus vaste que le seul espace de la citŽ, induisant une cohŽrence politique nouvelle, pŽriphŽrique au lien de dŽpendance idŽologique qui unissait directement les citŽs et Rome. Pour des raisons de commoditŽ administrative, Rome a, depuis longtemps, divisŽ son territoire en provinces qui elles-mmes ont ŽtŽ regroupŽes en diocses ˆ la fin du IIIe sicle. Les frontires de ces divisions administratives sont rarement marquŽes, parce qu'elles co•ncident habituellement avec les limites de citŽs, qui ont longtemps ŽtŽ les seules unitŽs territoriales reconnues. Peu importe ici le mode de gouvernement mis en place dans ces circonscriptions, mais il est clair qu'elles ont ont ŽtŽ ˆ l'origine d'une restructuration politique dŽcisive, particulirement en occident, lorsque les nouveaux Romains les ont investies de leur prŽsence massive, comme en Espagne ou en Gaule. L'installation et la souverainetŽ progressives des Goths dans ces territoires amnent les populations occupŽes ˆ une conscience plus grande de leur autonomie ˆ l'Žgard de Rome, d'autant mieux acceptŽe que les citŽs continuent de conserver un lien abstrait avec la Ville dans le fait de chefs barbares fortement romanisŽs. Gr‰ce aux citŽs, l'Žveil de la conscience provinciale ne s'est pas fait au dŽtriment de la fidŽlitŽ ˆ Rome, ce qui a permis aux structures administratives de la province ou du diocse de faire Žmerger, en toute lŽgitimitŽ, une nouvelle identitŽ territoriale autonome, prte ˆ accueillir les anciennes valeurs attachŽes au sentiment de la patrie.

La Ç petite patrie È de la citŽ natale cde alors le pas ˆ une patrie plus vaste, au point que l'historien Orose, dans les premires annŽes du Ve sicle, oublie de prŽciser la ville o il est nŽ, alors qu'il manifeste un fier attachement ˆ une entitŽ nouvelle qu'il baptise, dŽsormais au singulier, l'Espagne, Hispania, issue des deux anciennes provinces du mme nom. De mme, un peu plus tard, Sidoine Apollinaire, alors Žvque de Clermont-Ferrand et, par ailleurs, indŽfectiblement attachŽ ˆ l'unitŽ de l'Empire, prŽfre aussi le singulier Gallia au pluriel administratif Galliae, dans de nombreux textes o l'on peroit une prise de conscience affective du r™le de la province comme lieu de naissance et de vie o s'exerce concrtement le sentiment de la patrie romaine. Les frontires des divisions administratives imposŽes par l'Empire sont rapidement devenues celles de territoires que l'on appellerait aujourd'hui des Ç nations È, c'est-ˆ-dire, Žtymologiquement, le lieu o l'on est nŽ. Les historiens latins tentent mme de montrer que ces espaces de vie sont antŽrieurs ˆ la domination romaine : Ç Jadis chaque province avait ses rois, ses lois, ses coutumes È, Žcrit Orose, qui n'hŽsite pas ˆ cŽlŽbrer l'antique rŽsistance d'une Espagne soi-disant primitive aux Ç ennemis romains È ni, ˆ l'inverse, ˆ souligner l'hispanitŽ des empereurs romains d'exception[23]. En traant la carte administrative de leur Empire, les empereurs ignoraient qu'ils dŽcoupaient en rŽalitŽ un puzzle dont les pices se dŽtacheraient un jour d'autant plus facilement que l'image de la bo”te resterait entire.

Car dans ce nouvel Empire des nations, qui a commencŽ de se constituer vers la fin du IVe sicle sous l'empereur espagnol ThŽodose, soit ˆ une Žpoque de haute romanitŽ impŽriale, l'enveloppe reste sauve, y compris dans la structure de l'ƒtat ; et, mme lorsque l'Empire aura disparu en occident, elle le restera longtemps, tant que l'on parlera de la Ville Žternelle, mais il est clair qu'il ne s'agira plus alors que d'une image, d'une idŽe, d'un symbole, sans pour autant nŽgliger les valeurs de rassemblement et de citoyennetŽ qu'il porte. Aprs le dŽtour par le morcellement des frontires intŽrieures o s'est dŽfaite concrtement l'unitŽ territoriale de l'Empire romain, il faut, en effet, revenir ˆ l'imaginaire paradoxal de la frontire romaine, qui continue de maintenir, au-delˆ du fractionnement, le sentiment fort d'une appartenance commune ˆ un projet de sociŽtŽ dont Rome demeure le modle. Paradoxalement, les frontires dŽfinies de l'intŽrieur ont prŽcipitŽ l'Žmiettement de l'Empire qui les avait conues, alors que la frontire indŽfinie de ses confins a renforcŽ la cohŽsion d'un programme universel qui reste l'idŽal de chaque nation issue de l'Žmiettement. OpposŽe ˆ l'idŽe d'Empire, l'idŽe de nation n'en appara”t pas moins, ds le dŽbut, l'hŽritire du concept romain d'ƒtat, au point que c'est l'hŽritage impŽrial lui-mme qui a permis la promotion des peuples barbares en Ç nations È souveraines.

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4. Le centre

Pour rŽsoudre le paradoxe, il faut peut-tre encore chercher ailleurs la vŽritable frontire de Rome. Ni en ses confins, ni ˆ l'intŽrieur, ni en une ligne, mais en un point, en un centre, celui qui structure les espaces de toutes les utopies. Ds l'origine, Rome a eu la conscience qu'elle deviendrait une Ç Terre du Milieu È. Avant de devenir le Ç monde È, le mundus primitif dŽsignait un lieu magique, une fosse fermŽe o la tradition raconte que Romulus et ses compagnons ont jetŽ une motte de terre sortie du pays d'o ils venaient ; cette fosse tire son nom de la vožte cŽleste et s'ouvre trois fois par an pour laisser Žchapper les ‰mes des premiers Romains et de leurs anctres. Ë cet endroit de tous les Žchanges, y compris entre les vivants et les morts, Rome s'approprie dans le creux de sa terre la courbure du ciel comme symbole absolu de sa conscience unifiante, mais elle reconna”t en mme temps que ce creux ne peut tre comblŽ que par l'apport de toutes les Ç petites patries È. Lors de notre premier sŽminaire, j'ai Žgalement rappelŽ que Jupiter Capitolin avait dž consentir un espace dans son temple pour permettre ˆ Terminus, le dieu des frontires, de regarder par un trou du toit et de Ç ne rien voir au-dessus de lui que les Žtoiles È[24]. Dans un univers conu comme un cercle - l'orbis terrarum -, la frontire perd toute consistance gŽographique pour pointer un centre ˆ partir duquel le compas des hommes trace le monde ou, mieux encore, un centre ˆ partir duquel se dŽploie comme une onde de rayonnement. Tout ˆ la fois conquŽrante et civilisatrice, cette onde crŽe un territoire qui est en lui-mme sa frontire, comme la bulle d'un univers en expansion : tout est dŽjˆ contenu dans le point de dŽpart d'un centre idŽologique indŽfiniment tendu vers la res nullius, ce nŽant qui Ç n'appartient ˆ personne È et qui n'existe pas tant que le centre ne l'a pas atteint. Ultimement, la frontire romaine n'est donc mme plus un lieu de passage, le rŽsultat complexe d'une Žvolution historique, mais l'exigence naturelle d'un organisme qui grandit, cohŽrent en lui-mme et divers en ses parties, ˆ l'image de l'univers.

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5. La tapisserie de Proserpine : une frontire inachevŽe

Le risque Žtait grand alors d'un essoufflement, tout aussi naturel, de cette croissance et les historiens latins l'ont eux-mmes peru quand ils Žvoquent, ˆ toutes les pŽriodes de son histoire, le vieillissement de Rome devenue trop lourde pour elle-mme : Ç Rome, insignifiante ˆ ses dŽbuts, s'est dŽveloppŽe au point de plier aujourd'hui sous sa propre grandeur È, dŽplore dŽjˆ Tite-Live dans les premires annŽes de l'Empire[25]. Et cela est d'autant plus vrai que l'expansion s'est longtemps faite Ç ˆ reculons È : la MŽditerranŽe est au centre de toutes les cartes anciennes du monde et, quand il s'en Žloigne vers les marges, le Romain ne cesse pas de fixer son regard sur la mer intŽrieure, telle la MŽdŽe de SŽnque qui situe son Caucase natal dans Ç les terres que le Pont de Scythie voit dans son dos È[26]. Dans les dernires annŽes du IVe sicle, une carte a cependant changŽ le regard de Rome sur son Empire. Elle est doublement imaginaire, dans son dessin, mais aussi dans son existence, puisqu'il s'agit d'une carte littŽraire : c'est la carte que tisse Proserpine sur sa cŽlbre tapisserie ˆ la fin du premier chant de l'ŽpopŽe de Claudien. InspirŽe de la division sto•cienne du ciel et de la terre en cinq zones, cette carte dessine un nouvel ordre cosmique qui dŽplace le centre du monde vers un Ç sillon bržlŽ È - inustus limes - autour duquel s'Žtendent Ç deux zones de vie traversŽes de douceur tempŽrŽe, habitable ˆ l'homme È[27]. Sur les bords de la toile, l'OcŽan mythique ourle la broderie, mais Proserpine est interrompue dans son ouvrage ; elle n'achve pas la courbure de l'OcŽan, laissant la tapisserie ouverte sur un monde qui n'a pas encore trouvŽ sa forme dŽfinitive.

TransposŽe dans la gŽographie politique de ce temps, o les barbares sont impliquŽs ˆ tous les niveaux du pouvoir, cette carte reconna”t, ˆ l'intŽrieur d'un unique oeukoumne - et non plus dans deux mondes inversŽs et irrŽductibles l'un ˆ l'autre -, la coexistence de deux rŽgions habitŽes. Un limes, certes, les sŽpare, car il ne s'agit pas d'instaurer un univers indiffŽrenciŽ, o rŽgnerait la confusion des peuples ; ce limes instaure un nouvel ordre universel, o Rome ne doit plus redouter ce qui vient d'ailleurs, mais, au contraire, l'accueillir dans son altŽritŽ, comme ferment de progrs et de survie. La carte de Proserpine reconna”t Žgalement que le centre peut ne plus tre le seul ŽlŽment qui structure l'organisation du monde ; dŽsormais, les peuples romain et non-romain habitent la terre ˆ ŽgalitŽ et collaborent, dans un effort de reconnaissance rŽciproque, ˆ la construction d'un nouvel espace gŽopolitique qui n'est jamais dŽfinitivement clos, comme le montre, dans la bordure de la pice, le dessin inachevŽ de l'OcŽan.

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LES FRONTIéRES DE ROME, UN MODéLE POUR L'EUROPE ?

Quelles qu'elles soient et o qu'elles se situent, les frontires sont l'expression que se choisissent les communautŽs humaines d'une manire d'tre au monde par le biais de leurs espaces de vie. De ce point de vue, intŽrieures ou extŽrieures, concrtes ou abstraites, les frontires romaines rŽvlent les contradictions dont a vŽcu un ƒtat hŽgŽmonique qui a aussi pris le parti de respecter toutes les diversitŽs de ses mŽtissages culturels, politiques ou religieux. Certes, les frontires de l'Empire romain ne recouvrent pas l'idŽe que l'on se fait aujourd'hui d'une limite politique fixe et contractuelle entre nations souveraines qui revendiquent des compŽtences Žgales ; et si les limites de l'Empire ne sont marquŽes d'aucune borne, c'est, en dŽfinitive, parce que la frontire extŽrieure de Rome est fondamentalement Ç dissymŽtrique È en ce qu'elle impose aux peuples extŽrieurs des limites qu'elle se refuse ˆ elle-mme, selon la formule cŽlbre d'Ovide : Ç Les autres peuples ont reu une terre ˆ la frontire dŽfinie. Pour Rome, l'Žtendue est la mme, de la ville et du monde[28]. È Plut™t qu'il ne situe l'ƒtat romain par rapport ˆ des ƒtats voisins, le limes, dont parle le pote, est finalement la frontire que Rome fixe d'autoritŽ aux peuples extŽrieurs ˆ sa domination, se rŽservant le droit exclusif et unilatŽral d'en modifier le tracŽ.

Nonobstant cette rŽserve liŽe ˆ la vocation particulire de Rome, les paradoxes de la frontire romaine peuvent-ils tre aujourd'hui un modle utile lorsqu'il s'agit d'Žvoquer les frontires de l'Europe ? D'emblŽe, il faut Žvidemment rappeller qu'on ne refait jamais l'histoire et, en l'occurrence, d'autant moins que l'Union europŽenne est un phŽnomne radicalement nouveau, inconnu des Europes politiques anciennes, mŽdiŽvales ou modernes, qui l'ont prŽcŽdŽe. En effet, alors que tous les empires du monde se sont toujours constituŽs au dŽpart de la volontŽ conquŽrante d'un homme ou d'un pouvoir qui ont dŽcidŽ d'entreprendre une expansion territoriale, l'Union europŽenne est issue du choix concertŽ d'ƒtats-nations qui ont dŽcidŽ d'abandonner tout ou partie de leur souverainetŽ pour faire surgir une entitŽ politique inŽdite, fondŽe non plus sur la guerre mais sur la paix, non plus sur l'annexion, mais sur l'intŽgration, sur des valeurs communautaires et non plus sur des revendications hŽgŽmoniques.

Cela dit, Rome peut aider ˆ rŽflŽchir sur le modle frontalier dont l'Europe devra t™t ou tard se doter si elle veut devenir un acteur crŽdible, identifiable, efficace sur le thŽ‰tre du monde. Tout d'abord, pour advenir au regard des nations, l'identitŽ europŽenne ne peut se contenter de promouvoir des valeurs ; elle doit s'enraciner dans un territoire, elle doit se mesurer ˆ une frontire extŽrieure forte qui borne ces valeurs en autant de repres physiques pour les protŽger contre les tentations unanimistes. Une telle frontire ne doit pas, pour autant, tre Žtanche ni inamovible, mais, au sens premier du limes, elle doit tre un Ç chemin È, o le voyageur peroit clairement qu'il entre dans un autre domaine. En particulier, cette frontire ne doit pas interdire ˆ l'Europe d'tre trs proche de nations extŽrieures ˆ son territoire, mais qui partagent sa culture ; de la mme faon, elle peut ne pas compter d'autres nations qui sont sur le territoire europŽen, mais qui, pour des raisons multiples, n'ont pas encore rejoint l'Union. IdŽalement, la frontire extŽrieure de l'Europe devrait rendre compte de cette rŽalitŽ dynamique et fluctuante, tout en ne renonant pas ˆ l'exigence d'un lieu territorial explicitement marquŽ.

Pour l'y aider, Rome nous apprend Žgalement que ce qui fait la force d'une frontire extŽrieure, ce sont moins les contr™les que l'on y exerce que la vigilance et l'autoritŽ du centre qui les conoit. Tout cercle a, en effet, besoin d'un centre, mais un mme centre peut induire plusieurs cercles. Le secret de l'expansion romaine est peut-tre dans cette banalitŽ gŽomŽtrique, qui a ouvert les valeurs du centre sur un projet rayonnant. Pour autant, il n'est pas nŽcessaire que ce centre soit gŽographiquement statique et clos. Le dŽplacement du pouvoir de Rome ˆ Constantinople et la multiplication des rŽsidences impŽriales ˆ Trves, Milan et Sirmium n'ont pas empchŽ que seule Rome rest‰t caput mundi. Les Goths de Totila l'ont bien compris lorsqu'en 546, ils ont vidŽ la Ville de ses habitants et massacrŽ sur place les derniers sŽnateurs, avant de plonger Rome dans un effrayant silence de quarante jours[29]. Mme lorsqu'elle sera pratiquement abandonnŽe des hommes, mme lorsqu'elle sera devenue une citŽ historiquement dŽcomposŽe et insignifiante, Rome perpŽtuera son schŽma urbain, mais aussi spirituel et culturel, dans toutes les villes de la dŽfunte Romania. Du reste, en refondant la citŽ de Romulus sur le sang jumeau des deux martyrs Pierre et Paul, le christianisme romain a rŽactivŽ le mythe de la Ville Žternelle, dont il connaissait les virtualitŽs symboliques et rayonnantes, indŽpendamment des vicissitudes historiques. Peu importe l'Žvolution de son ancrage gŽographique, mais la prŽsence d'un centre s'impose comme vecteur d'hŽritages et d'identitŽs pour donner un sens aux circonfŽrences. La survie des frontires est liŽe ˆ une histoire, rŽelle ou mythique, et cette histoire a un jour commencŽ dans un centre.

Enfin, Rome avait prŽvu qu'on ne pouvait pas gouverner efficacement un grand Empire sans prendre en compte les diversitŽs qui le composent, au risque qu'un jour ces diversitŽs ne se transforment en dŽrives centrifuges et menacent l'intŽgritŽ territoriale de l'ensemble. Pour n'avoir jamais renoncŽ ˆ cette prise en compte des particularismes, Rome a su prŽserver un sentiment global d'unitŽ qui a transcendŽ toutes les restructurations, y compris frontalires, de son Empire, et qui a su servir de modle idŽal chaque fois que l'on a songŽ ˆ regrouper des peuples dans de nouvelles entitŽs politiques. Dans un premier temps, les citŽs ont relayŽ les fiertŽs et les attachements locaux pour les mettre dans la perspective d'une fidŽlitŽ forte ˆ la Ç citŽ souveraine du monde È, comme l'appelle Tite-Live[30]. Ç J'aime Bordeaux, je vŽnre Rome ;É lˆ est mon berceau, ici ma chaise curule È, proclame le pote Ausone dans son ƒloge des villes illustres[31]. Sans prŽjudice de statuts fort diffŽrents, ds le dŽpart, Rome a laissŽ ˆ ses citŽs des formes d'autonomie, leur permettant de s'organiser politiquement sur un territoire dŽfini et d'tre gouvernŽes par une autoritŽ propre, dont le cursus ressemblait, du reste, ˆ celui des magistratures romaines. Le concept moderne de nation Žtait dŽjˆ en germe dans la structure politique de l'ƒtat romain, et ce n'est pas une des moindres grandeurs de Rome d'avoir tolŽrŽ qu'il pr”t naissance et commen‰t de se dŽvelopper ˆ l'intŽrieur de ses frontires alors mme que l'Empire Žtait encore au fa”te de sa puissance.

Ç Rome n'est plus dans Rome È. Et alors ! serait-on tentŽ de rŽpondre ˆ Corneille ; pourvu que Rome existe et qu'elle continue de perpŽtuer, lˆ o elle est, une certaine idŽe de l'homme qui transcende, tout en les acceptant, les frontires et les diffŽrences, dans le respect du droit, des vertus citoyennes et de la paix. Car la sagesse politique la plus ŽlŽmentaire voudrait que les frontires fussent au service de l'homme et non l'inverse, comme l'histoire de l'Europe en a trop souvent fait la triste expŽrience. En dŽfinitive, l'ultime enseignement des paradoxes de la frontire romaine n'est-il pas que le plus grand Empire de tous les temps n'a jamais ŽprouvŽ le besoin d'absolutiser le pŽrimtre de ses gŽomŽtries intŽrieures, pour autant que fžt prŽservŽe la Ç stabilitŽ de la terre È, selon la lŽgende qu'Hadrien, le plus pacifique des empereurs, fit graver sur l'une de ses monnaies : Ç Tellus stabilita È. Dans la fidŽlitŽ aux valeurs terriennes, les frontires de Rome sont des chemins qui structurent l'ordre des choses pour effacer les peurs, les violences, les monstruositŽs, la stŽrilitŽ des confins ; Hadrien fut le seul empereur qui y chemina sur toute l'Žtendue de son Empire. Osons croire que ce seront aussi les frontires de l'Europe en instance de construction, comme en rvait toujours Hadrien, dans les propos que lui prte Marguerite Yourcenar : Ç Aux corps physiques des nations et des races, aux accidents de la gŽographie et de l'histoire, aux exigences disparates des dieux ou des anctres, nous aurions ˆ jamais superposŽ, mais sans rien dŽtruire, l'unitŽ d'une conduite humaine, l'empirisme d'une expŽrience sage. É Rome ne pŽrirait qu'avec la dernire citŽ des hommes[32]. È

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FEC 7 (2004)

Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - NumŽro 7 - janvier-juin 2004

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[1] Cf. Virgile, ƒnŽide, I, 278-279 ; Prudence, Contre Symmaque, I, 541-542.

[2] Voir Pline l'Ancien, Histoire naturelle, V, 28.

[3] Ç Res gestae diui Augusti quibus orbem terrarum imperio Romano subiecit. È Pour une Ždition commentŽe de ce texte, voir J. GagŽ, Paris, Belles Lettres, 1977.

[4] Sur ce thme, voir P.-A. Deproost, Rome. Les enjeux idŽologiques d'un mythe urbain dans l'antiquitŽ, dans P.-A. Deproost - B. Coulie (Žd.), L'utopie pour penser et agir en Europe, Paris, L'Harmattan, 2002, p. 53-71, dont est disponible dans les FEC une version Žlectronique.

[5] Voir Corpus des inscriptions latines (CIL), X, 6850, o l'inscription reconna”t au roi barbare une titulature impŽriale, revendiquŽe notamment par ThŽodose, Ç propagator Romani imperii, domitor gentium barbararum È ; Prudence,Contre Symmaque, II, 662.

[6] Voir Tacite, Annales, I, 9,7 et 11, 8.

[7] Voir ƒlius Aristide, ƒloge de Rome, 26.

[8] Sur cette question, voir J.C. Mann, Power, force and the frontiers of the Empire, dans Journal of Roman Studies, t. 69 (1979), p. 175-183, ˆ propos du livre de E.N. Luttwak, The grand strategy of the Roman Empire from the first century A.D. to the third, Baltimore Ñ London, Johns Hopkins University Press, 1976.

[9] Voir Appien, Histoire romaine, PrŽface, 7.

[10] Voir Ammien-Marcellin, XXXI, 4, 1-9, en particulier 6 : Ç Ita turbido instantium studio orbis Romani pernicies ducebatur È.

[11] Cf. saint JŽr™me, Chronique (R.Helm, GCS, t. 47 [1956], p. 249) et Virgile, ƒnŽide, VII, 604.

[12] Voir Digeste de Justinien, 49, 15, 19, 3 : Ç Postliminio redisse uidetur, cum in fines nostros intrauerit, sicuti amittitur, ubi fines nostros excessit. sed et si in ciuitatem sociam amicamue aut ad regem socium uel amicum uenerit, statim postliminio redisse uidetur, quia ibi primum nomine publico tutus esse incipiat. È

[13] Voir Appien, Histoire romaine, PrŽface, 4 et 7.

[14] Voir SŽnque, Lettres ˆ Lucilius, CXXII, 2.

[15] Lucain, Pharsale, VIII, 289-294.

[16] Ibid., VIII, 327-442.

[17] ƒlius Aristide, ƒloge de Rome,  26. Sur ce retrŽcissement cartographique des zones qui Žchappent au contr™le de Rome, voir R. Moynihan, Geographical Mythology and Roman Imperial Ideology, dans R. Winkes (ed.),The Age of Augustus, Louvain-la-Neuve - Providence, 1986, p. 149-162.

[18] Sur cette structuration de l'espace public ˆ Rome, voir F. Toulze, Centre et pŽriphŽrie ˆ Rome, dans Uranie, t. 3 : Espaces mythiques, 1993, p. 87-118.

[19] Voir CicŽron, Des lois, II, 5.

[20] Comme, par exemple, Ausone, ƒloge des villes illustres, 129, ˆ propos de Bordeaux, la ville natale du pote.

[21] Rutilius Namatianus, Retour, I, 66 : Ç Vrbem fecisti quod prius orbis erat. È

[22] Prudence, Livre des Couronnes, II, 429-432.

[23] Orose, Histoires, V, 1, 6. 13. 14.

[24] Deproost, Rome. Les enjeuxÉ (n. 4), p. 59.

[25] Tite-Live, Histoire romaine, PrŽface, 4.

[26] SŽnque, MŽdŽe, 212.

[27] Claudien, Le rapt de Proserpine, I, 260-263.

[28] Ovide, Fastes, II, 683-684, o le pote joue, ˆ la suite de CicŽron, sur la paronomase del'urbs et de l'orbis ; ce passage est citŽ dans Deproost, Rome. Les enjeuxÉ (n. 4), p. 59.

[29] Voir Procope de CŽsarŽe, Guerre Gothique, III, 22, 19.

[30] Tite-Live, Histoire romaine, XXXVIII, 51, 4.

[31] Ausone, ƒloge des villes illustres, 167-168.

[32] M. Yourcenar, MŽmoires d'Hadrien, Paris, Plon, 1958, p. 117.


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