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MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


APULEE

Le conte d'Amour et de Psyché 7

(Mét., V, 21, 3 - 24, 5)

Le dévoilement de Cupidon (V, 21, 3 - 23, 5)

(3) Psyché reste livrée à elle-même, c'est-à-dire obsédée par les Furies. Le trouble de son coeur est celui d'une mer orageuse. Son dessein est arrêté, elle s'y obstine; et ses mains déjà s'occupent des sinistres préparatifs, que son âme doute et flotte encore. Les émotions s'y combattent : (4) Tour à tour elle veut et ne veut pas, menace et tremble, s'emporte et mollit. Pour tout dire en un mot, dans le même individu elle déteste un monstre, elle adore un époux. Cependant le soir est venu; la nuit va suivre. Elle s'occupe à la hâte des préliminaires du forfait.

(V, 21, 5) Il est nuit. L'époux est à son poste. Il livre un premier combat, prélude de sa campagne nocturne, puis s'endort d'un sommeil profond.

(V, 22, 1) La force abandonne alors Psyché; le cœur lui manque. Mais le sort a prononcé, le sort est impitoyable, son énergie revient. Elle avance la lampe, saisit son poignard. Adieu la timidité de son sexe. (2) Mais à l'instant la couche s'illumine, et voilà ses mystères au grand jour. Psyché voit (quel spectacle !) le plus aimable des monstres et le plus privé, Cupidon lui-même, ce dieu charmant, endormi dans la plus séduisante attitude. Au même instant la flamme de la lampe se dilate et pétille, et le fer sacrilège reluit d'un éclat nouveau. (3) Psyché reste atterrée à cette vue, et comme privée de ses sens. Elle pâlit, elle tremble, elle tombe à genoux. Pour mieux cacher son fer, elle veut le plonger dans son sein; (4) et l'effet eût suivi l'intention, si le poignard, comme effrayé de se rendre complice de l'attentat, n'eût échappé soudain de sa main égarée. Elle se livre au désespoir; mais elle regarde pourtant, et regarde encore les traits merveilleux de cette divine figure, et se sent comme renaître à cette contemplation. (5) Elle admire cette tête radieuse, cette auréole de blonde chevelure d'où s'exhale un parfum d'ambroisie, ce cou blanc comme le lait, ces joues purpurines encadrées de boucles dorées qui se partagent gracieusement sur ce beau front, ou s'étagent derrière la tête, et dont l'éclat éblouissant fait pâlir la lumière de la lampe. (6) Aux épaules du dieu volage semblent pousser deux petites ailes, d'une blancheur nuancée de l'incarnat du coeur d'une rose. Dans l'inaction même, on voit palpiter leur extrémité délicate, qui jamais ne repose. (7) Tout le reste du corps joint au blanc le plus uni les proportions les plus heureuses. La déesse de la beauté peut être fière du fruit qu'elle a porté.

(V, 23, 1) Au pied du lit gisaient l'arc, le carquois et les flèches, insignes du plus puissant des dieux. La curieuse Psyché ne se lasse pas de voir, de toucher, d'admirer en extase les redoutables armes de son époux. Elle tire du carquois une flèche, (2) et, pour en essayer la trempe, elle en appuie le bout sur son pouce; mais sa main, qui tremble en tenant le trait, imprime à la pointe une impulsion involontaire. La piqûre entame l'épiderme, et fait couler quelques gouttes d'un sang rosé. (3) Ainsi, sans s'en douter, Psyché se rendit elle-même amoureuse de l'Amour. De plus en plus éprise de celui par qui l'on s'éprend, elle se penche sur lui la bouche ouverte, et le dévore de ses ardents baisers. Elle ne craint plus qu'une chose, c'est que le dormeur ne s'éveille trop tôt. (4) Mais tandis qu'ivre de son bonheur, elle s'oublie dans ces transports trop doux, la lampe, ou perfide, ou jalouse, ou (que sais-je ?) impatiente de toucher aussi ce corps si beau, de le baiser, si j'ose le dire, à son tour, épanche de son foyer lumineux une goutte d'huile bouillante sur l'épaule droite du dieu. (5) O lampe maladroite et téméraire ! ô trop indigne ministre des amours ! faut-il que par toi le dieu qui met partout le feu connaisse aussi la brûlure ! par toi, qui dus l'être sans doute au génie de quelque amant jaloux des ténèbres, et qui voulait leur disputer la présence de l'objet adoré !

La fuite de Cupidon (V, 23, 6 - 24, 5)

(6) Le dieu brûlé se réveille en sursaut. Il voit le secret trahi, la foi violée, et, sans dire un seul mot, il va fuir à tire d'aile les regards et les embrassements de son épouse infortunée.

(V, 24, 1) Mais au moment où il se lève, Psyché saisit à bras-le-corps sa jambe droite, s'y cramponne, le suit dans son essor, tristement suspendue à lui jusqu'à la région des nuages; et lorsqu'enfin la fatigue lui fait lâcher prise, elle tombe sans mouvement par terre. (2) Cupidon attendri répugne à l'abandonner en cet état : il vole sur un cyprès voisin; et d'une voix profondément émue : (3) Trop crédule Psyché, dit-il, pour vous j'ai enfreint les ordres de ma mère. Au lieu de vous avilir, comme elle le voulait, par une ignoble passion, par un indigne mariage, je me suis moi-même offert à vous pour amant. (4) Imprudent ! je me suis, moi, si habile archer, blessé d'une de mes flèches, j'ai fait de vous mon épouse. Et tout cela, pour me voir pris pour un monstre, pour offrir ma tête au fer homicide, sans doute parce qu'il s'y trouve deux yeux trop épris de vos charmes. (5) J'ai tout fait pour tenir votre prudence éveillée. Ma tendresse a prodigué les avertissements; mais sous peu j'aurai raison de vos admirables conseillères et de leurs funestes insinuations. Quant à vous, c'est en vous fuyant que je veux vous punir. En achevant ces mots, il se lance en oiseau dans les airs.

L'intervention du dieu Pan (V, 25, 1 - 25, 6)

(V, 25, 1) Psyché prosternée sur la terre suivit longtemps des yeux son époux dans l'espace, tout en le rappelant par ses cris lamentables; et quand un vol rapide l'eut élevé à perte de vue, elle se lève, et court se précipiter dans un fleuve voisin : (2) mais le fleuve eut compassion de l'infortunée, et, par respect pour le dieu qui fait enflammer même les ondes, par crainte peut-être, il la soulève sur ses flots, et la dépose pleine de vie sur le gazon fleuri de ses rivages.

(3) Le rustique dieu Pan se trouvait là par hasard, assis sur la berge. Il tenait entre ses mains ces roseaux qui furent jadis la nymphe Canna, et les faisait résonner sur tous les tons; son troupeau capricieux folâtrait, en broutant çà et là l'herbe du rivage. (4) Le dieu chèvre-pied, apercevant la belle affligée, dont l'aventure ne lui était pas inconnue, l'invite à s'approcher, et lui adresse quelques mots de consolation : (5) Ma belle enfant, je ne suis qu'un gardeur de chèvres, un peu rustre, il est vrai, mais j'ai beaucoup vécu et acquis raisonnablement d'expérience; or, si je sais bien former mes conjectures (ce que les gens de l'art appellent être devin), cette démarche égarée et chancelante, cette pâleur universelle, ces continuels soupirs, et surtout ces yeux noyés dans les larmes, tout cela me dit que vous souffrez du mal d'amour. (6) Croyez-en mon conseil, renoncez à chercher la mort dans les flots ou par toute autre voie; séchez vos pleurs, défaites-vous de cet air chagrin, offrez vos prières avec ferveur au grand dieu Cupidon, et, comme c'est un enfant gâté, sachez le prendre et flatter ses fantaisies.

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