Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, II, p. 356b-364a - ans 665-673

Édition : A. Borgnet (1869) ‒ Présentation nouvelle, traduction et notes de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2021)

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Ans 665-673

PAPAUTÉ (LÉON II, BENOÎT III, JEAN V, CONON, SERGE I) - LANCELOT - PÉPIN II - THIERRY III - ALPAÏDE - SAINT VAAST - SAINT HUBERT ET SON FILS FLORIBERT - SAINT LAMBERT ET SON FRÈRE PLANDRIS - LE PROCÈS DES TROIS MOULINS - SAINT WILLIBRORD - JÉRUSALEM PRISE PAR LES PERSES - GRIMOALD ET LES LOMBARDS - EMPEREUR JUSTINIEN

Myreur, II, p. 356b-364a

 

A. Ans 665-666 = Myreur, II, p. 356b-357a : Activités et mort du pape Léon II (683 n.è.) - Éceldrica, la vierge anglaise aux trois maris - Vie et mort du pape Benoît II (684-685 n.è.) - Saint Aubert n'est pas satisfait de retrouver la vue grâce à saint Vaast - Consécration du pape Jean V (685-686 n.è.)

 

B. An 667 = Myreur, II, p. 357b-358a : De passage à Paris, Lancelot, âgé de 177 ans, évoque devant Thierry III et Pépin II des épisodes de sa vie et de la vie de Tristan - Son installation et sa mort en Flandre

 

C. Ans 667-669 = Myreur, II, p. 358b-360a : Saint Hubert se marie - Il devient prévôt de Francie - Pépin II, toujours épris d'Alpaïde, reste généralement en Austrasie - Mort du pape Jean (686 n.è.) et consécration du pape Conon (686-687 n.è.) - Mort de sainte Gertrude, abbesse de Nivelles - Pépin II défait les Sarrasins qui dévastaient l'Angleterre - Les Romains se défendent avec succès contre des empereurs byzantins - Omar le Perse conquiert Jérusalem - Pépin II attaque les Lombards en Lombardie mais sont vaincus par leur roi Grimoald et par une ruse - Un bien mauvais usage du vin

 

D. Ans 670-673 = Myreur, II, p. 360b-362a : Mort de saint Éloi - Rôle de saint Lambert concernant le lieu de sépulture de Landrade - Mort du pape Conon (687 n.è.) et consécration du pape Serge Ier (687-701 n.è.) - Un homme ressuscite en Bretagne - Saint Willibrord, évêque d'Utrecht, et son admiration pour saint Lambert, évêque de Tongres - L'empereur Justinien vainc les Perses qui ont attaqué la Sicile, Rome et la Lombardie - Ce dernier réunit à Constantinople un important concile où sont condamnés le patriarche Grégoire et les hérétiques

 

E. Vers 673 = Myreur, II, p. 362b-364a : Saint Lambert, menacé de mort par le seigneur de Fauquemont à propos de trois moulins, règle l'affaire en faveur de l'Église en recourant à un long procès devant Pépin plutôt que par la guerre entreprise par son frère Plandris - Saint Lambert, abusé par une fausse confession d'Alpaïde, lui donne l'absolution

 


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A. Ans 665-666 = Myreur, II, p. 356b-357a

 

 

1. Mort du pape Léon II (683 n.è.) - Ses activités

2. Éceldrica, la vierge anglaise aux trois maris

3. Le pape Benoît II (684-685 n.è.) - Saint Aubert mécontent de retrouver le vue - pape Jean V (685-686 n.è.)

 

 

Mort du pape Léon II (683 n.è.) - Ses activités

[II, p. 356b] [Le pape Léon] Item, l'an VIc et LXV deseurdit, le secon jour de jenvier, morut à Romme ly pape Lyon, si fut ensevelis en l'engliese Sains-Pire. Chis pape fut uns sains hons plains de bonne et gratieux loquenche, et fut uns suffisans docteur en thyologie elle (sic) langue de latin et de greche, et studioit tous jours jusqu'à la mort.

[II, p. 356b] [Le pape Léon] En l'an 665, mentionné plus haut, le deux janvier, le pape Léon mourut à Rome et fut enseveli dans l'église Saint-Pierre. Ce pape fut un saint homme, doué d'une éloquence bonne et agréable. C'était un docteur compétent en théologie, en langue grecque et en langue latine. Il étudia tous les jours, jusqu'à sa mort.

[Status papales] A son temps procurat-ilh tant que li engliese de Ravenne soy submist desous l'ordinanche del siege apostolique de Romme, en teile manere que, quant li archevesque qui regnoit seroit mors, que tous les altres apres ly soy venroient ordineir à Romme, et seroit là mis par le pape.

[Décisions papales] De son vivant, il se dépensa tellement qu'il obtint que l'église de Ravenne soit désormais soumise au siège apostolique de Rome ; ainsi, à la mort de l'archevêque alors régnant, ses successeurs devraient se faire ordonner à Rome et seraient installés (à Ravenne) par le pape.

Chis pape ordinat que, quant uns archevesque est de noveal ordineis, que, por le paIlion ou altre diverses offiches, paiast alcunne chouse à l'engliese de Romme.

Ce pape ordonna aussi que, lors de la désignation d'un nouvel archevêque, une certaine somme soit versée à l'église de Rome, pour le pallium et diverses autres charges.

[Le pais del messe] Ilh ordinat que dedont en avant fust donnée à tous cristiens presens à la messe la pais que ons don apres Agnus Dei qui tollis.

[La paix à la messe] Il ordonna aussi que désormais la paix, qui est donnée après l'Agnus Dei qui tollis, le soit à tous les chrétiens présents à la messe.

Éceldrica, la vierge anglaise aux trois maris

[Eceldrica oit trois maris et remanit virge par ses orisons] A son temps oit en Engleterre une glorieuse virge qui oit nom Eceldrica, qui oit trois maris l'unc apres l'autre esposeit, et gisans deleis lée par longtemps, et demorat virge et morut virge enssi par ses bonnes orisons.

[Éceldrica eut trois maris et resta vierge grâce à ses prières] À l'époque de ce pape, il y eut en Angleterre une glorieuse vierge, du nom d'Éceldrica : elle avait épousé successivement trois maris qui avaient dormi longtemps à ses côtés. Elle demeura et mourut vierge, grâce à ses bonnes prières.

Le pape Benoît II (684-685 n.è.) - Saint Aubert mécontent de retrouver la vue - Le pape Jean V (685-686 n.è.)

[II, p. 357] [Benedic, li LXXXVe pape de Rome] Apres le trepas le pape Lyon, vacat ly siege II mois et XV jours, puis fuit consacreis à pape Benedic, ly secon de cel nom, et fut de la nation de Romme, le fis Cesar de Romme qui oit à nom Johans et tient le siege I an IX mois et V jours.

[II, p. 357] [Benoît, 85e pape de Rome] Après le trépas du pape Léon, le siège resta vacant deux mois et quinze jours. Ensuite fut consacré pape Benoît, le second de ce nom, qui était romain, le fils de César de Rome qui s'appelait Jean. Il occupa le siège durant un an, neuf mois et cinq jours.

[L’an VIc et LXVI - Sains Abiers fut relumineis par sains Wauste] Item, l'an VIc et LXVI, fut translateis ly corps sains Wauste de Beawais en la citeit de Aras. Et là fut sains Abiers evesque de Cambray, et sains Omers evesque de Terwangne, et mult d'altres evesques et abbeis, qui, par leurs priiers, empetrarent à Dieu et à glorieux confes sains Wauste que sains Abiers fut relumyneis, qui la veue avoit perdue par vilheche ; mains sains Abier priat depuis à Dieu qu'ilh li vosist renvoier le obscurteit, car ilh ly sembloit plus profitable à Dieu qu'iih ly vosist renvoier l'obscureit à son arme.

[L’an 666 - Saint Aubert retrouva la vue grâce à saint Vaast] En l'an 666, le corps de saint Vaast fut transféré de Beauvais dans la cité d'Arras. Il y avait là saint Aubert, évêque de Cambrai, et saint Omer, évêque de Terwagne, et bien d'autres évêques et abbés, qui par leurs prières demandèrent à Dieu et au glorieux confesseur saint Vaast, de rendre à saint Aubert la vue qu'il avait perdue à cause de son grand âge. Mais saint Aubert pria ensuite Dieu de bien vouloir replonger son âme dans l'obscurité, car il pensait mieux le servir ainsi.

[Johan, li LXXXVIe pape de Romme] ltem, l'an deseurdit le XXII jour de decembre, morut li pape Benedic, qui fut uns hons plains de grant sainctiteit, et fist refaire mult d'englieses à Romme à son temps qui estoient destruites et decheues. Si fut ensevelis en l'engliese Sains-Piere. Et vacat li siege II jours apres sa mort, puis fut consacreis à pape de Romme Johan ly Ve de cel nom. Et fut de la nation de Surie del citeit de Antyoche, fis d'on chevalier qui oit nom Habundans, et tient le siege I an et X jours.

[Jean, 85e pape de Rome] En l'an mentionné plus haut [666], le douze décembre, mourut le pape Benoît, un homme d'une grande sainteté, qui fit refaire à Rome beaucoup d'églises détruites et en ruines. Il fut enseveli dans l'église Saint-Pierre. Après sa mort, le siège resta vacant deux jours, et Jean, le cinquième de ce nom, fut consacré pape de Rome. Il était Syrien, d'Antioche, fils d'un chevalier, nommé Habundans ; il occupa le siège un an et dix jours.


 

B. An 667 = Myreur, II, p. 357b-358a

 

Retour à la légende et à la matière de Bretagne : Lancelot

De passage à Paris, Lancelot, âgé de 177 ans, évoque devant le roi Thierry III et devant Pépin II des épisodes de sa vie et de la vie de Tristan - Son installation et sa mort en Flandre

[II, p. 357b] [L’an VIc et LXVII - De chevalier qui avoit VIIIxx et XVII ans d’eiage] Item, l'an VIc et LXVII en mois de may, vient à Paris unc vies chevalier qui soy nommoit Lanchelot del Lac, fis le roy Ban de Banoch, qui avoit esteis uns des chevaliers de la Tauble-Reonde al temps le roy Artus, et disoit qu'ilh avoit VIIIxx et XVII ans d'eiage : si avoit esteit en Cornualhe heremite dedens unc bois puis le temps le roy Artus ; si racomptat al roy Thyri et al duc Pipin mult de fais de chevalerie, qui de son temps avoient esteit fais.

[II, p. 357b] [L’an VIc et LXVII - Le chevalier âgé de 177 ans] En l'an 667, au mois de mai, arriva à Paris un vieux chevalier, qui se nommait Lancelot du Lac, fils du roi Ban de Banoch, qui avait été un des chevaliers de la Table Ronde, à l'époque du roi Arthur, et qui disait être âgé de 177 ans. Il avait été ermite dans un bois en Cornouailles, après le roi Arthur, et il raconta au roi Thierry et au duc Pépin de nombreux exploits de chevalerie, qui avaient été accomplis de son temps.

[Lidit chevalier racomptat mervelhe de son temps] Et dest que al temps le roy Artus n'avoit en monde nuls chevaliers, s'ilh estoit valhans, qu'ilh ne fut de la fraterniteit de la court le roy Artus. Et adont li demandat ly roy Thyri liqueis avoit esteit li plus poisans ? Et chis respondit que ly roy Tristant de Lonnois estoit li plus poisans et li plus soffisans de tous les poins de chevalerie. Et chu savoit-ilh bien, car ilh l'avoit ensaiet par pluseurs fois, et ne trovat onques hons qui le posist meneir là Tristant le menat.

[Le chevalier raconta les merveilles de son temps] Il dit qu'au temps du roi Arthur, il n'existait au monde aucun chevalier valeureux qui n'appartenait pas à la fraternité de la cour du roi [les Chevaliers de la Table Ronde]. Le roi Thierry lui demanda alors lequel d'entre eux était le plus puissant. Et Lancelot répondit que le roi Tristan de Léonois était le plus puissant et le plus compétent des chevaliers dans tous les domaines. Il le savait bien, car il s'était mesuré à lui maintes fois, et ne rencontra jamais un homme qui puisse le mener où Tristan l'avait mené.

Et dest que pluseurs fois Tristant avoit esteit trahis par ses anemis, qui s'enbussoient en bois et l'assalhoient XXX ou XL ; mains ilh les desconfissoit tous. Et dest que [II, p. 358] Tristant conquist, de XIIII ans, Guys le Morghoit de Irlande, en laqueile tieste de Morghoit Tristant brisat le pointe de son espée. Et dest que Tristant tenoit à sourgante la royne Yseut de Cornualhe, la femme le roy Marke oncle à Tristant, frere à sa mere, de quen Tristant en morut. Et tant d'aultres chouses dest-ilh, que chu seroit mervelhe del racompteir.

Il dit aussi que Tristan avait été trahi plusieurs fois par des ennemis, qui, à trente ou quarante, s'étaient mis en embuscade dans le bois pour l'attaquer ; mais Tristan les avait tous défaits. Il dit aussi que [II, p. 358] Tristan avait vaincu, à l'âge de quatorze ans, Guy le Morhoult d'Irlande, en brisant sur sa tête la pointe de son épée. Il dit également que Tristan avait pour concubine Yseut de Cornouailles, la femme du roi Marc, l'oncle de Tristan, frère de sa mère, ce qui fut la cause de sa mort. Et il dit encore tant et tant d'autres choses que ce serait prodigieux à raconter.

Adont ly demandat Pipin, et li dest qu'ilh avoit oiit racompteir que Tristant amoit la royne, parmy unc bevraige amoureux qu'il avoit gosteit. Et Lanchelot ly otriat. Apres dest Pipin qu'ilh avoit oiit dire que Lancheloit avoit à sorgante tenut la royne Genevre, femme le roy Artus ; et ly priat qu'ilh l'en desist la veriteit, ilh ne poioit jamais touchier à nulluy ; mains onques Lanchelot ne le voit cognostre ne noier, car ilh n'y wot respondre, fours tant que chu n'estoit mestier del demandeir ne de respondre.

Alors Pépin lui demanda s'il avait entendu dire que Tristan aimait la reine, pour avoir goûté à un filtre d'amour. Et Lancelot approuva. Après, Pépin dit avoir entendu raconter que Lancelot avait eu comme concubine la reine Guenièvre, l'épouse du roi Arthur. Il pria le chevalier de lui dire la vérité, ne pouvant jamais en parler à personne. Mais Lancelot ne voulut ni reconnaître ni nier le fait. Il ne voulait rien en dire, sinon qu'il n'était pas nécessaire de poser cette question, ni d'y répondre.

Puis li demandat Pipin par queile cause ilh estoit yssus de son heremitaige ? Et ilh respondit que les Sarasins gastoient laidement Cornualhe, si estoit venus en Franche por sa vie useir en pais. Chis hons estoit drois et beais, et ne sembloit mie qu'ilh awist la motié delle eaige qu'ilh avoit.

Pépin demanda ensuite à Lancelot pourquoi il était sorti de son ermitage. Il répondit que les Sarrasins dévastaient outrageusement la Cornouaille et qu'il était venu en Francie pour finir sa vie en paix. Cet homme était droit et de belle prestance, et il ne paraissait pas avoir la moitié de son âge réel.

Adont li dest Pipin qu'ilh demorast à Paris, car ilh ly abandonoit le paiis et li donroit rentes de tressoir le roy por despendre ; mains ilh le refusat et demandat terre en unc bois qui estoit en Flandre. Et ilh ly otriat. Adont y alat Lanchelot, qui viscat puis encor longtemps ; et, quant ilh fut mors, si fut ensevelis là meismes où ilh avoit longtemps habiteit.

Alors Pépin lui dit de rester à Paris : il le laissait s'installer dans le pays et lui donnerait des rentes sur le trésor royal pour ses dépenses. Mais Lancelot refusa et demanda un endroit dans un bois qui se trouvait en Flandre. Pépin le lui accorda. Alors Lancelot s'y rendit et vécut encore longtemps. Quand il mourut, il fut enseveli là où il avait longtemps habité.


 

C. Ans 667-669 = Myreur, II, p. 358b-360a

 

1. Saint Hubert épouse Floribine, fille d'un comte de Louvain - Il en a un fils Floribert et est pressenti comme prévôt de Neustrie

2. Divers : Mort du pape Jean et consécration du pape Conon Ier (686-687 n.è.) - Sainte Gertrude - Victoire de Pépin II sur les Sarrasins en Angleterre

3. Une suite ‒ un peu confuse ‒ d'empereurs byzantins (notamment Constant II Héraclius, Constantin IV, Justinien II)

4. Jérusalem est conquise par le Perse Omar et son temple est transformé en mosquée

5. Pépin II attaque les Lombards en Lombardie mais les Francs sont vaincus par leur roi Grimoald et par une ruse - Un bien mauvais usage du vin

 

 

Saint Hubert épouse Floribine, fille d'un comte de Louvain - Il en a un fils Floribert et est pressenti comme prévôt de Neustrie

[II, p. 358a] [De Lovay] En cel an en mois de novembre morut Dangobers, li conte de Lovay. Si fut conte apres luy son fis, qui oit nom Sygibers, qui regnat XVI ans. Chis conte Dangobers oit une filhe, qui estoit mult belle damoiselle, qui fut nommée Floribine.

[II, p. 358b] [À propos de Louvain] En novembre de cette année-là [667] mourut Dagobert, le comte de Louvain. Lui succéda son fils Sigebert, pendant seize ans. Ce comte Dagobert avait une fille, une très belle demoiselle, qui s'appelait Floribine.

[Sains Hubers soit mariat] Celle oit à marit li noble chevalier Hubers d'Acquitaine, et li donnat Pipin son cusins ; si en oit unc fis qui oit nom Floribers. Et fut ordineit adont que Hubers tenroit le prevosteit de Franche. Et Pipin estoit tant enchanteit de Alpays, qu'ilh demoroit toudis en Austrie.

[Saint Hubert se maria] Celle-ci eut pour époux le noble chevalier Hubert d'Aquitaine, à qui l'avait accordée son cousin Pépin. Hubert en eut d'elle un fils prénommé Floribert. Il fut alors décidé que Hubert détiendrait la prévôté de Neustrie. Quant à Pépin, il était tellement épris d'Alpaïde qu'il restait toujours en Austrasie.

Divers : Mort du pape Jean et consécration du pape Conon Ier (686-687 n.è.) - Sainte Gertrude - Victoire de Pépin II sur les Sarrasins en Angleterre

[Conne, li LXXXVIIe pape] En cel an, le IIIe jour de jenvier, morut li pape Johan ; et apres sa mort vacat li siege unc mois et XVIII jours, puis fut consacreis li cardinal de Portuen evesque, qui fut nommeis Conne, li promier de cel nom. Et Martin l'escript Lenon, li promier de cel nom, ou Zenon : chis fut de la [II, p. 359] nation de Romme, le fis Benedich, de la region de Celimonte, et tient le siege II ans, XI mois et VI jours.

[Conon, 87e pape] Le trois janvier de cette année mourut le pape Jean. Après sa mort, le siège resta vacant un mois et dix-huit jours. Fut ensuite consacré [pape] le cardinal évêque de Porto (?) (cfr II, p. 352), nommé Conon, le premier de ce nom. Martin écrit Lenon, le premier de ce nom, ou Zénon. Il était [II, p. 359] romain, fils de Benoît, de la région de Célimonte, et occupa le siège durant deux ans, onze mois et six jours.

[Sainte Gertrude morut] Item, l'an VIc et LXVIII morut sainte Gertrud, qui estoit abbest de Nyvelle en Brabant.

[Sainte Gertrude mourut] En l'an 668 mourut sainte Gertrude, qui était abbesse de Nivelles en Brabant.

[Pipin desconfist les Sarasins en Engleterre] En cel an passat mere alle Escluse, por alleir en Engleterre, Pipin, li prevoste d'Austrie, où les Sarasins gastoient le paiis ; si oit batalhe à eaz, et furent les Sarasins mors et disconfis. Et adont donnat ly roy d'Engleterre mult de beaz joweals à Pipin ; puis revint Pipin en Austrie.

[Pépin défit les Sarrasins en Angleterre] Cette année-là [668], Pépin II, le prévôt d'Austrasie, traversa la mer aux Écluses pour aller en Angleterre où les Sarrasins ravageaient le pays. Il leur livra bataille, et les Sarrasins furent tués et vaincus. C'est alors que le roi d'Angleterre donna nombre de beaux joyaux à Pépin, qui ensuite revint en Austrasie.

Une suite ‒ un peu confuse ‒ d'empereurs byzantins (notamment Constant II Héraclius, Constantin IV, Justinien II)

[L’emperere derobat Romme] Item l’an VIc et LXIX vint l'emperere Constantin à Romme, et par sa malvaisteit ilh prist et fist prendre tous les joweals et aournemens qui estoient refais tous nuef en la citeit de Romme, et specialment cheauz qui estoient en l'engliese Nostre-Damme et de tous les sains que ons nommoit jadit Pantheon, et chargat tot chu en la riviere del Tybre por conduire en Constantinoble.

[L’empereur dévalisa Rome] En l’an 669, l'empereur Constantin [Constant, fils de Constantin III, et petit-fils d’Héraclius = Constant II Héraclius] vint à Rome, et par malveillance, vola et fit dérober tous les joyaux et ornements, qui avaient été remis à neuf dans cette cité, et spécialement ceux qui se trouvaient dans l'église de Notre-Dame et de Tous les Saints, appelée jadis Panthéon. Il embarqua tout cela sur le Tibre, pour l'emmener à Constantinople.

[L’empereur fut ochis] Mains ilh arivat en Sizilhe, où ilh avoit une grant partie des senateurs de Romme et des Romans awec eaux, qui veirent comment ly emperere estoit venus la second fois derobeir Romme teilement ; si l'ochisent dedens une bangne où ilh soy bangnoit. Et fut chu le promier jour de mois d'avrilh. Et furent tous les joweals remeneis à Romme.

[L’empereur fut tué] Mais il arriva en Sicile, où se trouvaient une grande partie des sénateurs de Rome, ainsi que des Romains. Ceux-ci, quand ils virent que l'empereur était venu une seconde fois piller Rome, le tuèrent dans la baignoire où il prenait son bain. Cela se passa le premier avril. Tous les joyaux furent ramenés à Rome (cfr Wikipédia).

[Constantin, li LXIIIIe empereur] Quant Constantin fut ochis, ses chevaliers esliserent unc chevalier de Ermenie qui oit nom Merentien ; mains ilh ne fut onques compteit por emperere, car Constantin, li fis l'emperere Constantin, vint à Romme et se soy fist coroneir ; et, dedens trois mois là apres, ilh prist cheaux qui avoient son peire ochis, si les ardit en unc feu ; de quoy les Romans furent corochiés si fort qu'ilh l'ochisent.

[Constantin, 64e empereur] Quand Constantin fut tué, ses chevaliers élirent un chevalier d'Arménie, nommé Mézézios, qui ne fut toutefois pas compté au nombre des empereurs, car Constantin (IV), le fils de l'empereur Constantin [= Constant II, ci-dessus], vint à Rome et se fit couronner. Dans les trois mois qui suivirent, il mit la main sur ceux qui avaient tué son père, et les fit brûler sur un bûcher. Les Romains en furent tellement irrités qu'ils le tuèrent.

[Justinien, li LXVe emperere] Sour l'an deseurdit, le IIIe jour de mois de jule, fut esluis à emperere de Romme Justiniain, li secon de chi nom, qui regnat XI ans, IIII mois et III jours.

[Justinien, 65e empereur] En l'an mentionné ci-dessus [669], le trois juillet, fut élu empereur de Rome Justinien, le second de ce nom, qui régna onze ans, quatre mois et trois jours (cfr II, p. 362).

Dans l'Histoire, Justinien II, dit Rhinotmète (« au nez coupé »), régna d'abord de 685 à 695 n.è. Des troubles le forcèrent alors à abandonner le pouvoir à Léonce II d'abord (695-698 n.è.), puis à Tibère III Apsimar (698-705 n.è.). Il le récupérera en 705 pour le conserver jusqu'en 711 n.è. Jean d'Outremeuse, dont la chronologie ne correspond pas exactement à la nôtre, ne se fait pas une idée claire des événements de cette période.

Jérusalem est conquise par le Perse Omar et son temple est transformé en mosquée

[Jherusalem fut conquestée par les Suryens] En cel an assemblat Humarien, li prinche de Persie, grant gens et vint en Jherusalem, si le conquestat ; et mist dedens ses gens habiteir, et fist la synagoge des ydolles de leur loy, en temple où les Juys soIoient oreir, que Wespasiain destruit jadit.

[Jérusalem fut conquise par les Syriens] Cette année-là [669], Omar, le prince de Perse, rassembla un grand nombre de personnes, vint à Jérusalem et s'empara de la ville. Il y installa ses gens et transforma en mosquée le temple où les Juifs avaient coutume de prier et que Vespasien avait jadis détruit.

Dans l'Histoire, le calife Omar s'empara de Jérusalem en janvier 637. La Coupole du Rocher (Qubbat al-Sakhra), sur l'esplanade du Temple, appelée aussi Mosquée d'Omar, fut bâtie en 691 par le calife Abd al-Malik.

Pépin II attaque les Lombards en Lombardie mais les Francs sont vaincus par leur roi Grimoald - Un bien mauvais usage du vin

[Par le vin fut Pipin desconfis en Lombardie] En cel an assemblat li prevoste Pipin grant gens, si entrat en Lombardie, si le commenchat à conquere ; mains ly roy Grimoaldus si vint contre luy et le corut sus ; mains les Lombars furent desconfis, et s'enfuirent en unc bois jusqu'à la [II, p. 360] nuit. Et les Franchois entrarent en la citeit de Nasdre, qui plaine estoit de fors vin, si commencharent à boire si fort, qu'ilh furent tous enyvreis et s'endormoient par la citeit. Adont soy partit unc Lumbars de la citeit tout pasieblement, et vint droit aux Lumbars qui estoient en bois, si les fist venir en la citeit tous rengiés, où les Franchois estoient qui cuidoient eistre tout en pais ; si furent laidement ochis et disconfis ; si en fut mors XIIm et Pipin ly prevoste s'enfuit tous enbahis et revint en Franche.

[Le vin provoque la défaite de Pépin en Lombardie] Cette année-là [669], le prévôt Pépin II rassembla des gens en grand nombre, pénétra en Lombardie et en commença la conquête. Mais le roi Grimoald marcha contre lui et l'attaqua. Les Lombards furent défaits et s'enfuirent dans un bois, jusqu'à la [II, p. 360] nuit. Les Francs entrèrent dans la cité de Nasdre, où abondait un vin fort, et se mirent à boire tellement qu'ils furent tous ivres et s'endormirent. Alors un Lombard sortit tranquillement de la cité et se rendit directement auprès de ses compatriotes retirés dans le bois. Il les rangea (en ordre de bataille) et les amena dans la cité où les Francs se croyaient en paix. Ceux-ci furent affreusement massacrés et vaincus ; il y eut douze mille morts, et le prévôt Pépin s'enfuit tout perturbé et rentra en Francie.


 

D. Ans 670-673 = Myreur, II, p. 360b-362a

 

1. Mort de saint Éloi, évêque de Noyon, et de sainte Landrade, abbesse de Bilsen - Rôle de saint Lambert concernant le lieu de sépulture de Landrade de Bilsen

2. Mort du pape Conon (686-687 n.è.) et consécration du pape Serge Ier (687-701 n.è.)

3. Un homme ressuscite en Bretagne et raconte ce qu'il a subi

4. Saint Lambert et saint Willibrord - Miracles de saint Lambert

5. Justinien II : ses victoires militaires contre les Perses et ses réformes religieuses

 

 

1. Mort de saint Éloi, évêque de Noyon, et de sainte Landrade, abbesse de Bilsen - Rôle de saint Lambert concernant le lieu de sépulture de Landrade de Bilsen

[II, p. 360b] [L’an VIc et LXX - Landrade de Blise trespassat, et sains Eloy evesque - De sains Lambers] Item, l'an VIc et LXX morut sains Eloye, evesque de Noion. En cel an meismes morut sainte Landrade l'abbest de Bliese, en mois de may, si fut mult ploraie de ses nonnains. Quant celle abbeste veit qu'elle devoit morir, si prist unc messagier et l'envoiat à Treit nunchier à sains Lambers l'evesque qu'ilh allast parleir à lée ; mains sains Lambers estoit en la vilhe de Ventreshoven deleis son frere le conte Plandris, si fut là troveis, et tantoist s'en allat vers Blise ; mains ilh ne pot là parvenir jusque al matien.

[II, p. 360b] [L’an 670 - Mort de Landrade de Bilsen et de l'évêque saint Éloi - Saint Lambert] En 670, saint Éloi, évêque de Noyon, mourut. En mai de la même année mourut aussi sainte Landrade, l'abbesse de Bilsen, qui fut fort pleurée par ses nonnes. Quand l'abbesse vit qu'elle devait mourir, elle avait envoyé un messager à Maastricht pour demander à saint Lambert de venir lui parler. Mais saint Lambert était dans la ville de Wintershoven, auprès de son frère, le comte Plandris. C'est là que le messager le trouva. Aussitôt saint Lambert partit pour Bilsen, mais il ne put y arriver avant le matin.

[Sains Lambert oit vision de sainte Landrade] En cel nuit trespassat ly abbest de Blise, et s'apparut en vision à l'evesque, mult joieuse de fache et reglatissant de vestimens celestines desqueis elle estoit enlumynée, et dest à sains Lambers qu'elle avoit jà faite toute sa penanche et s'en alloit en paradis. Et sains Lambers li dest : « Ma douche filhe, or moy welhiés dire où vostre corps je metteray en sepulcre. » Et celle respondit : « Sires, regardeis, al matien où vos en yreis, vers le chiel, et vos viereis, deseur l'engliese où Dieu m'at concedeit ma sepulture, une crois ardante que vos viereis reluire sus l'engliese. »

[Sainte Landrade apparut à saint Lambert] Durant la nuit, l'abbesse de Bilsen mourut, et son image apparut à l'évêque. Elle avait un visage très joyeux et resplendissait dans des vêtements célestes qui l'illuminaient. Elle dit à saint Lambert qu'elle avait déjà accompli sa pénitence et qu'elle s'en allait au paradis. Et saint Lambert lui dit : « Ma douce fille, veuillez maintenant me dire où je déposerai votre corps. » Et elle répondit : « Seigneur, le matin où vous vous mettrez en route, regardez vers le ciel et vous verrez briller une croix ardente au-dessus de l'église où Dieu m'a accordé une sépulture. Vous la verrez briller au-dessus de l'église. »

[Sains Lambert veit la crois où la virge giroit] Adont s'envoilat sains Lambers, sy soy levat et regardat deseur l'engliese de Ventreshoven la crois ardante apparoir, puis vint à Blise où ilh trovat les nonnains qui ploroient leur abbeste. Et adont les racomptat sains Lambers la vision comment la glorieux virge voloit avoir sa sepulture en l'englise de Ventreshoven ; mains à chu ne soy vorent mie les nonnains acordeir, et ensevelirent le corps en l'abbie de Blise, contre la volenteit de sains Lambers.

[Saint Lambert vit la croix où la vierge reposerait] Alors saint Lambert s'éveilla, se leva et vit apparaître la croix ardente au-dessus de l'église de Wintershoven. Il se rendit alors à Bilsen, où il trouva les nonnes en train de pleurer leur abbesse. Saint Lambert leur parla alors de la vision indiquant que la glorieuse vierge voulait avoir sa sépulture dans l'église de Wintershoven. Mais les nonnes ne voulurent pas donner leur accord et ensevelirent le corps dans l'abbaye de Bilsen, contre la volonté de saint Lambert.

[Sains Lambers fist orison à Dieu qu’ilh demonstrat myracle] Porquen li sains evesque fist son orison à Dieu que ilh vosist demonstreir myracle, dont ilh fust troveis en veriteit. Adont demonstrat Dieu myracle, car sains Lambers fist devant toutes les nonnains ouvrir la sepulture de la sainte Virge, se n'y fut troveis ne li [II, p. 361] corps ne ly sarcul de pire : de quen tout le peuple fut mult enspawenteit. Adont sont tous partis et sont venus à Ventreshoven, où ilh fist ovrir la terre en droit lieu où la crois reluisoit encors ; si fut là trovée la Virge dedans son sarcul de pire, en queile ons l'avoit ensevelit à Blise. De chi myracle fut grande la renommée par tout paiis, et en fut grant fieste faite en l'engliese deseurdit.

[Saint Lambert pria Dieu de se manifester par un miracle] C'est pourquoi le saint évêque pria Dieu de bien vouloir montrer par un miracle où se trouvait la vérité. Dieu en accomplit un. En présence de toutes les nonnes, saint Lambert fit ouvrir (à Bilsen) la sépulture de la vierge sainte, et on n'y trouva ni le [II, p. 361] corps, ni le cercueil de pierre : cela épouvanta l'assistance. Alors tous se mirent en route et se rendirent à Wintershoven, où saint Lambert fit creuser la terre à l'endroit exact où la croix brillait encore : on trouva là la Vierge dans le cercueil de pierre, dans lequel on l'avait ensevelie à Bilsen. La renommée de ce miracle se répandit dans tout le pays, et on fit une grande fête dans l'église en question.

2. Mort du pape Conon (686-687 n.è.) et consécration du pape Serge Ier (687-701 n.è.)

[Sergiien, ly LXXXVIIIe pape] Item, l'an VIc et LXX deseurdit, le XXVIIIe jour de mois de jenvier, morut li pape Conne, si fut ensevelis en l'engliese Sains-Pire. Et apres sa mort vacat ly siege unc mois et XX jours, et puis fut consacreis à pape de Romme Sergiien, ly promier de chi nom, qui estoit cardinal et evesque de Tusculaine : et fut de la nation de Surie, delle region d'Antyoche, ly fis Tyberyens, Iyqueis tient le siege XI ans VIII mois et XXIII jours.

[Serge, 83e pape] En l'an 670 signalé ci-dessus, le vingt-huit janvier, mourut le pape Conon, qui fut enseveli dans l'église Saint-Pierre. Après sa mort, le siège resta vacant un mois et vingt jours. Fut ensuite consacré pape de Rome Serge, le premier de ce nom, qui était cardinal et évêque de Tusculum : il était originaire de Syrie, de la région d'Antioche, et fils de Tiberius. Il occupa le siège onze ans, huit mois et vingt-trois jours.

3.Un homme ressuscite en Bretagne et raconte ce qu'il a subi

Item, l'an VIc et LXXI en mois de junne, resuscitat I hons en Bretangne, qui mult racomptat des mervelhes et des paines qu'ilh avoit sentit en infers ou en purgatoire : mains ilh ne dest mie par queile rason ilh estoit resusciteit, et si envanuit sicom ons ne soit qu’ilh estoit devenus. Si vorent dire ypluseurs gens que chu estoit unc maligne esperis qui avoit pris unc corps humaine, por les gens tempteir et dechivoir.

En juin de l'an 671 ressuscita en Bretagne un homme, qui parla abondamment des choses extraordinaires et des peines qu'il avait subies en enfer ou au purgatoire. Il n'expliqua toutefois pas pour quelle raison il était ressuscité ; puis il disparut, si bien qu'on ne sut pas ce qu'il était devenu. Beaucoup de gens dirent que c'était un esprit malin, qui avait pris un corps d'homme, pour tenter les gens et les tromper.

4. Saint Lambert et saint Willibrord - Miracles de saint Lambert

[De sains Lambers] Item, l'an VIc et LXXII commenchat sains Lambers à prechier parmy le Campine, qui est entre Blise et le Bois-le-Duc amont Sainte-Gertrude, et convertit mult de peuple. Et adont evesque d'Outreit sains Wilhebron. Si vinrent les dois evesques prechier à une vilhe, ly uns à unc costeit et li altre à l'autre. Mains cheaux qui estoient à sermon sains Wilhebron oirent dire que sains Lambers prechoit à l'aultre costeit, si soy sont tous leveis et corirent chest part.

[Saint Lambert] En l'an 672, saint Lambert commença à prêcher en Campine, zone située entre Bilsen et Bois-le-Duc à Mont-Sainte-Gertrude. Il y convertit un grand nombre de personnes. Saint Willibrord était alors évêque d'Utrecht. Et les deux évêques vinrent prêcher dans la même ville, l'un d'un côté, l'autre de l'autre. Mais les auditeurs assistant au sermon de Willibrord apprirent que saint Lambert prêchait de l'autre côté. Tous alors se levèrent et coururent vers cet endroit.

Quant ly evesque Wilhenbron veit chu, si demandat qui falloit les gens qui enssi s'en vont corrant. Et ons li dest que sains Lambers, li evesque de Tongre, prechoit à l'autre costeit de la vilhe, si corroient à son sermon. Quant Wilhenbron entendit chu, si at lassiet le sermoneir, et s'en alat à sermon sains Lambers, qu'ilh escutat mult diligemment. Là finat la dyoceise de Liege à lieu où li evesque d'Outreit prechoit, et là commenche la dyoceise d'Outreit.

Quand l'évêque Willibrord vit cela, il se demanda ce que recherchaient les gens qui partaient ainsi en courant. On lui dit que saint Lambert, l'évêque de Tongres, prêchait de l'autre côté de la ville, et que les gens couraient à son sermon. En entendant cela, Willibrord cessa de prêcher et alla assister au sermon de saint Lambert qu'il écouta très attentivement. Le diocèse de Liège se termine à l'endroit où prêchait l'évêque d'Utrecht et c'est là que commence le diocèse d'Utrecht.

Quant sains Lambers oit fineit son sermon, li evesque d'Outreit ly fist grant reverenche, et seioit toudis aux piés sains Lambers ; et adont ly [II, p. 362] priat-ilh qu'ilh vosist aleir en son dyoceise awec ly car iIh ly feroit grant honneur. Et sains Lambers, quant ilh veit son bon affection, se li otriat sa volenteit et requeste et s'en allat awec luy.

Quand saint Lambert eut fini son sermon, l'évêque d'Utrecht lui montra beaucoup de respect : il se tenait toujours aux pieds de saint Lambert. Il le pria même [II, p. 362] d'accepter de venir avec lui dans son diocèse : cela lui ferait, disait-il, grand honneur. Quand saint Lambert vit cette vive affection, il consentit à sa volonté et à sa requête, et s'en alla avec lui.

[De sains Lambers grant miracles] Et là demonstrat Dieu grans myracles, car toutes les biestes mues por où ilh passoit et les oyseals li fasoient reverenche, oussi bien com les gens. Adont s'en alerent parmy unc mult belle jardin, où ilh avoit de toutes manieres d'arbres, lesqueis soy enclinoient encontre sains Lambers et rendoient là-meismes incontinent fleurs, fuelhes et fruis vers et mawours. Et estoit adont ly XI jour de mois de novembre, l'an deseurdit. Parquen li evesque Wilhenbron fondat là-meismes, dedens l'an, une engliese en l'honeur de sains Lambers, et chu fut dois ans devant la passion sains Lambers ; et encors à jour d'huy est chis jardin plus fructifans que nule altre, et portent les fruis mult de medicines à pluseurs maladies dedit jardin.

[Grands miracles de saint Lambert] Et là Dieu accomplit de grands miracles car, partout où saint Lambert passait, toutes les bêtes sauvages et les oiseaux, ainsi que les gens lui faisaient révérence. Ils traversèrent aussi un très beau jardin, où se dressaient toutes sortes d'arbres qui s'inclinaient devant saint Lambert et lui offraient immédiatement sur place des fleurs, des feuilles, des fruits verts et mûrs. Cela se passait le onze novembre de l'année en question. C'est pourquoi l'évêque Willibrord fonda, dans l'année, à cet endroit précis, une église en l'honneur de saint Lambert, et cela, deux ans avant sa passion. Aujourd'hui encore, ce jardin donne plus de fruits que nul autre, et les fruits qu'on y trouve produisent beaucoup de remèdes contre de nombreuses maladies.

« Né en Northumbrie en 658, Willibrord n'était encore qu'un enfant lorsque son père, se retirant lui-même dans un ermitage, le plaça à l'abbaye de Ripon dans le nord de l'Angleterre (664). En 678, Willibrord partit compléter sa formation en Irlande ; son séjour dura douze ans. Il fut placé, en 690, à la tête des douze moines qui partirent évangéliser la Frise, récemment conquise par le maire du palais Pépin II. Willibrord alla d'abord soumettre ses projets au pape, puis il se fixa à Anvers. Il retourna à Rome, fut ordonné évêque par le pape le 22 novembre 695, installa son évêché à Utrecht et un monastère à Echternach (dans l'actuel grand-duché de Luxembourg). Il tenta en 699 une expédition plus lointaine, dans la Frise du Nord et au Danemark, sans résultat. Très instruit, Willibrord n'essayait pourtant pas de convertir les Barbares par le verbe. Pour montrer l'impuissance de leurs idoles, il les brisait, ce qui lui attira de mauvais coups. Il ne céda jamais à la facilité des baptêmes en masse. La mort de Pépin II, en 714, le priva de son protecteur, et le roi des Frisons, Radbod, ravagea Utrecht et les pays nouvellement évangélisés. Martel reconquit le pays et Willibrord put y revenir en 719. Ayant besoin d'auxiliaires, il nomma des évêques sans siège, des chorévêques ; cette institution nouvelle rendit de grands services pendant un siècle. Willibrord mourut à Echternach [en 739], où son tombeau devint un but de pèlerinage » (selon Universalis) ». Cfr aussi WIkipédia. Jean d'Outremeuse reparlera de lui dans le Myreur, en II, p. 375 ; p. 383 ; p. 384 ; p. 393.

5. Justinien II : ses victoires militaires contre les Perses et ses réformes religieuses

[L’an VIc LXXIII. Sezilhe fut destruit] Item, l'au VIc et LXIII [sic pour LXXIII ?] entrarent les Persiens en Sezilhe et le destrurent teilement, qu'ilh n'y lassarent riens en vertut ; puis vinrent en Lumbardie en destruant le paiis, et n’arestarent se vinrent à Romme.

[L’an 673. La Sicile fut dévastée] L'an 673, les Perses entrèrent en Sicile et y firent tant de destructions qu'ils ne laissèrent rien en bon état ; ensuite, ils partirent pour la Lombardie, en dévastant le pays. Ils ne s'arrêtèrent qu'à Rome.

[L’emperere desconfist les Persiens] Mains Justiniain l'emperere, qui mult fut proidhons et bon catholique, vient contre eaux et les corit sus, si les desconfist et en ochist XLIIIm, et ly remanans qui s'enfuit fut tout noiiés, car ilhs entrarent en leurs naves sens marenieres hasteulement por le doubtanche des Romans, si ne soy poirent conduire ne governeir, si les covient tous enssi noier.

[L'empereur défit les Perses] Mais l'empereur Justinien II (cfr II, p. 359), qui était un homme très sage et bon catholique, marcha contre eux, les attaqua, les vainquit et en tua quarante-trois mille. Les rescapés qui s'enfuirent furent tous noyés. Par crainte des Romains, ils montèrent dans leurs navires en toute hâte, sans marins, sans la possibilité de les conduire et de les gouverner. Aussi devaient-ils tous être noyés.

[L’emperere refourmat les cristiens] En cel an assemblat li emperere Justinian unc concielhe en ConstantinobJe de IIc et VIII evesques, où ilh condempnat Grigoire le patriarche qui estoit heretique, et commandat que tous les heretiques fussent mis à mort partout où ons les savoit, et toutes gens fussent destrains d'aleir et de frequenteir sainte Engliese continuelment tous les dymengnes, et d'aleir escuteir les sermons, ou ilhs fussent teilement corregiés que ilh en valissent pies. Item, l'empereire fist refaire toutes les englieses que les heretiques avoient destruites del temps son pere Constantin, qui fut si malvais.

[L’empereur réforma les chrétiens] Cette année-là [673], l'empereur Justinien II réunit à Constantinople un concile de deux cent et huit évêques, où il condamna le patriarche Grégoire qui était hérétique. Il ordonna de mettre à mort tous les hérétiques, partout où on savait les trouver. Tous les gens furent contraints de fréquenter la Sainte-Église tous les dimanches, d'aller y écouter les sermons au cours desquels ils entendaient tellement de reproches qu'ils avaient l'impression qu'ils ne valaient rien. L'empereur fit aussi refaire toutes les églises détruites par les hérétiques du temps de son père Constantin, qui fut si mauvais. [suite du règne de Justinien en II, p. 376]

Il a été question plus haut (II, p. 359) des difficultés qu'a Jean d'Outremeuse à présenter une vue correcte de cette partie de l'histoire byzantine. On voit ici qu'il présente l'empereur régnant (pour lui, c'est Justinien II) sous des traits très positifs, ce qui amène Bo, ad locum, à faire remarquer que Justinien II était « la honte de la dynastie d'Héraclius, et l'un des plus odieux tyrans qui aient jamais souillé un trône ! »

Jean reviendra en II, p. 376 sur ce concile très fréquenté : 208 évêques ici, 289 là-bas. Toujours selon Bo, « Il doit s'agir du sixième concile oecuménique », historiquement réuni de 691 à 692 (n.è.) à l'initiative de Justinien II.


 

 E. Vers 673 = Myreur, II, p. 362b-364a

 

1. L'affaire des trois moulins se règle non par la guerre mais par un procès

2. Saint Lambert, abusé par une fausse confession d'Alpaïde, lui donne l'absolution

 

1. Dans l'affaire des trois moulins, où il est menacé de mort par le seigneur de Fauquemont, saint Lambert règle les choses en faveur de l'Église en recourant à un long procès devant Pépin II plutôt que par la guerre entreprise par son frère Plandris

[Discors entre sains Lambers et le sire de Falconmont] A cel temps fut et commenchat I grant discorde entre l'evesque de Tongre sains Lambers et Edorach de Wescich, qui estoit sires de Ficis que ons [II, p. 363] appelle maintenant Falconmont, qui estoit unc faux tyrant, portant qu’ilh tenoit trois molins del evesque et de son englise ; et ly tyrant disoit qu’ilh estoient siens, et que de riens n'estoient obligiez à l'evesque ne à son engliese et mandat à sains Lambers que, s'ilh ne ly lassoit lesdis molins, qu’ilh en varoit pies. Mains li evesque ne le lassat pais enssi. Et adont li remandat encors qu'ilh en poroit bien tant faire, qu'ilh en aroit teile garidon que son predicesseur, ly evesque Thyart, avoit oyut. De chu ne fut li sains evesque rien enbahis, et dest qu'ilh ameroit mies morir por defendre le droit de son engliese que vivre en defallant : se sains Thyars estoit mors, chu estoit por bien faire, si en avoit bon lowier, car son arme estoit en paradis.

[Désaccord entre saint Lambert et le seigneur de Fauquemont] À cette époque une grande dispute opposa l'évêque de Tongres saint Lambert et Edorach de Wescich, le seigneur de Ficis [II, p. 363] qu'on appelle maintenant Fauquemont. Ce dernier était un sombre personnage, un fourbe. Il détenait trois moulins appartenant à l'évêque et à son église ; il affirmait que ces moulins lui appartenaient et qu'il ne devait rien à l'évêque et à son église. Il fit savoir à saint Lambert que si ce dernier ne lui abandonnait pas les moulins en question, il le paierait très cher. Mais l'évêque ne laissa pas passer la chose. Alors Edorach lui fit répondre qu'il pourrait lui faire subir le même sort que son prédécesseur Théodard. Cela n'effraya en rien Lambert, qui déclara qu'il préférerait mourir pour défendre les droits de son église que vivre en y renonçant : si saint Théodard était mort, c'était pour faire ce qui était bien et il en avait été récompensé, puisque son âme était au paradis.

[Plandris ardit le sire de Falconmont por son frere sains Lambert] Tant allat la novelle, que li conte Plandris d'Osterne, frere a sains Lambers, le soit ; si en fut mult corochiet, si assemblat ses hommes et entrat en la terre Edorach et le commenchat à destruire, et li wastat IIII vilhes jusqu'à terre ; puis retournat arier, et mandat à Edorach meismes qu’ilh amendast chu qu'ilh avoit mandeit teile outraige à son frere sains Lambers, ou ilh le destruroit de corps et de paiis. Mains quant sains Lambers veit chu, si en fut enbahis et vient à son frere en depriant qu’ilh ne maintenist nulle guere por son engliese, car ilh en auroit bien raison par le jugement royal.

[Plandris ravage les terres du seigneur de Fauquemont pour défendre son frère saint Lambert] La nouvelle de cette affaire se répandit tellement que le comte Plandris d'Osterne, le frère de saint Lambert (cfr II, p. 347), l'apprit et en fut très fâché. Il rassembla ses hommes et pénétra sur les terres d'Edorach, qu'il se mit à dévaster, rasant complètement quatre villes. Puis il se retira et fit savoir à Edorach qu'il devait réparer l'important outrage fait à son frère saint Lambert ; sinon il le détruirait, lui et son pays. Mais en voyant cela, saint Lambert fut très frappé et vint prier son frère de ne mener aucune guerre pour son église, car il obtiendrait raison par un jugement royal.

[Sains Lambers fut rechut par Pipin honorablement] Adont vint ly evesque awec son frere Plandris à grant droit à Jupilhe, où il trovat Pipin, le prevoste d’Austrie, qui tenoit là ses jugement, et escutoit la deplainte que li chevalier Edorach faisoit de conte d'Osterne, qui li avoit par sa forche gasteit son paiis. Mains oussitoist que Pipin veit sains Lambers, se li fist-ilh mult grant fieste et reverenche, se le fist assier deleis les jugeurs ; car vos deveis savoir que sains Lambers estoit et avoit esteit longtemps ly soverain de conselhe Pipin ; mains ilh y estoit pou sovent, portant qu’ilh n’acontoit mie aux chouses seculers, fours que à prechier et Dieu servir de bon cuer.

[Saint Lambert fut honorablement reçu par Pépin] Alors l'évêque, accompagné de son frère Plandris, se rendit directement à Jupille, où il trouva Pépin II, le prévôt d'Austrasie qui y rendait la justice. Il entendait justement la plainte du chevalier Edorach contre le comte d'Osterne, qui par la force avait dévasté son pays. Mais dès que Pépin vit saint Lambert, il lui fit grande fête et le traita avec respect. Il le fit siéger parmi les juges. Vous devez en effet savoir que saint Lambert était et avait été longtemps le président du conseil de Pépin ; mais il n'y participait pas souvent, parce que il n'accordait pas d'importance aux choses séculières, ne s'occupant que de prêcher et de servir Dieu de tout son coeur.

Adont fut mult propoiseit et argueit, et oussi respondut entres les parties, tant com al cause dez trois molins ; mains al faite de la guere ne soy voloit Pipin nullement entremelleir, jusqu'à tant qu'ilh seroit la veriteit del faite lyqueis avoit torte. Mains de tant fist-ilh jugement, qu’ilh commandat à toutes les parties que, toute le plaite pendant devant ly, fust la guere en pais. Et puis Pipin adjournat les parties à unc jour por monstreir leur [II, p. 364] raisons.

Alors, concernant l'affaire des trois moulins, il y eut entre les parties un large échange de propositions et d'arguments ; mais dans l'affaire de la guerre, Pépin ne voulut en aucune manière intervenir aussi longtemps que ne serait pas établi en toute vérité qui avait tort. Mais entre-temps il rendit un jugement, ordonnant à toutes les parties d'arrêter la guerre, tant que le procès se déroulerait devant lui. Puis il fixa un jour aux parties, pour exposer leurs [II, p. 364] raisons.

[Ly plais sains Lambers devant Pipin durat XIIII mois] Chis plais durat plus de XIIII mois anchois qu'ilh awist fin. Si en fut sains Lambers pluseurs fois à Jupilhe et en Chievremont, devant Pipin contre ses parties, et avenoit mult sovent que ly sains evesque trovoit Alpays deleis Pipin, qui ly demandoit sa benichon ; mains todis li respondoit sains Lambers que elle stesoit en grant pechiet deleis Pipin, qui por lée avoit decachiet sa femme, et que de chis pechiet ilh ne le poroit absoidre ne donneir son benichon, s'elle ne lassoit Pipin ; mains en cas là elle le voroit lassier, ilh li donroit sa benichon et l'absolroit des pechiés perpetreis. Enssi respondit mult douchement sains Lambers à Alpays, toutes les fois qu'elle le requeroit, et le prechoit mult debonnairement et li monstroit la sainte Escripture, por lée mettre fours de chi pechiet de adulteire et de fornication.

[Le procès de saint Lambert devant Pépin dura quatorze mois] Ce procès dura plus quatorze mois avant de prendre fin. À plusieurs reprises saint Lambert se trouva à Jupille et à Chèvremont, devant Pépin qui faisait face aux parties, et très souvent le saint évêque trouva Alpaïde aux côtés de Pépin. Celle-ci lui demandait sa bénédiction, mais toujours saint Lambert lui répondait qu'en restant auprès de Pépin, qui pour elle avait chassé sa femme, elle était en état de péché et que si elle ne quittait pas Pépin, il ne pourrait l'absoudre de ce péché, ni lui donner sa bénédiction. Mais au cas où elle voudrait le quitter, ajoutait-il, il lui donnerait sa bénédiction et l'absoudrait des péchés qu'elle avait commis. Ainsi saint Lambert répondait-il avec douceur à Alpaïde, chaque fois qu'elle le sollicitait ; il la sermonnait avec beaucoup de bonté et lui faisait lire la sainte Écriture, pour la faire sortir de ce péché d'adultère et de fornication.

[Sains Lambers oit la sentenche por ly des molins] Tant alat la chouse, que al derain sains Lambers vient à Chievremont por oiir la sentenche Pipin que ilh sentenchat des molins ; et dest qu'ilh estoient apertinant al engliese, et que li chevalier rendist et remetist avant tous les ariraiges des profis qu'ilh avoit oyut et leveis de ches molins, et que la guere demorast à tant.

[Saint Lambert entendit la sentence concernant les moulins] Ainsi allèrent les choses jusqu'au jour où finalement saint Lambert vint à Chèvremont, pour entendre la sentence que Pépin devait prononcer à propos des moulins. Il déclara que ces moulins appartenaient à l'église, que le chevalier aurait d'abord à rendre et à remettre le montant de tous les profits qu'il en avait retirés, et que la guerre devrait en rester là.

2. Saint Lambert, abusé par une fausse confession d'Alpaïde, lui donne l'absolution

[Alpais fist I faux confession à sains Lambers] Et quant la sentenche fut rendue, vint Alpaïs à sains Lambers, et soy semblat fortement repentante de son pechiet en depriant merchi, et dest que elle s'en voloit relaisier del toute, et devenir recluse en une abbie por servir Dieu et faire sa penitancbe des mals qu'elle avoit faite ; et soy confessat avoir mal faite et demandoit absolution. Quant sains Lambers entendit chu, se quidat qu'elle desist veriteit, se li donnat absolution et li dest que, dedens trois jours, elle soy partist de Pipin et s'en alast entreir en l'abbie de Blise ou d'Amain, car en laqueile que mies li plaisoit, ly donnoit lieu por Dieu servir. Celle li promist en bon foid qu'elle le feroit enssi, de quoy elle mentit : si en fut li sains evesque puisdit murdris, enssi com vos oreis chi-apres.

[Alpaïde fit une fausse confession à saint Lambert] Quand la sentence eut été rendue, Alpaïde vint trouver saint Lambert. Elle semblait se repentir très fort de son péché et en demander pardon. Elle dit qu'elle voulait se détacher de tout, s'enfermer dans une abbaye pour servir Dieu et faire pénitence pour toutes les mauvaises actions qu'elle avait accomplies. Elle confessa avoir mal agi et demanda l'absolution. Quand saint Lambert entendit cela, il crut qu'elle était sincère. Il lui donna l'absolution et lui dit qu'endéans les trois jours, elle devait se séparer de Pépin et se retirer dans l'abbaye de Bilsen ou celle d'Amay. Dans celle qui lui plaisait le mieux, il lui donnait un endroit pour servir Dieu. Elle promit de bonne foi qu'elle ferait ainsi. Ce en quoi elle mentait : par la suite, le saint évêque fut assassiné, comme vous l'entendrez ci-après (II, p. 367ss).


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