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MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS
David Hume (1711-1776)
Texte :
-- The History of England from the Invasion of Julius Caesar to the Revolution in 1688, Nouvelle édition, 8 vol., Londres, 1802.
-- * Histoire d'Angleterre, continuée jusqu'à nos jours par SMOLLETT, ADOLPHUS et AIKIN, trad. M. CAMPENON, 26 tomes en 13 volumes, Bruxelles, 1845.
Études :
-- GIARRIZZO G., David Hume Politico e Storico, Turin, 1962.
-- GOGARTEN H., David Hume als Geschichtsschreiber. Ein Beitrag zur englischen Historiographie des 18. Jahrhunderts, dans Archiv für Kulturgeschichte, 61, 1979, p.120-153.
Obscurité et inutilité de l'histoire ancienneLe désir naturel que tous les peuples civilisés ont de connaître les exploits et les aventures de leurs ancêtres fait regretter communément que l'histoire des siècles reculés soit toujours si enveloppée d'obscurité, d'incertitude et de contradictions. Des esprits curieux et oisifs portent volontiers leurs recherches dans l'antiquité, au delà du temps où commencent les monuments littéraires ; mais ils ne réfléchissent pas que l'histoire des événements passés se perd ou se défigure sitôt qu'elle n'est confiée qu'à la simple tradition. D'ailleurs les commencements des nations barbares, quand même ils pourraient être connus, paraîtraient insipides à des hommes nés dans un siècle plus éclairé. Les convulsions, les troubles d'un état policé forment ordinairement la partie la plus intéressante de son histoire ; mais les révolutions inopinées, violentes et accidentelles, qui arrivent chez les barbares, sont si fort l'ouvrage du caprice, se terminent si souvent par des excès de cruauté, et se ressemblent tellement, qu'elles nous rebutent par leur uniformité seule : il est plus heureux que regrettable pour les lettres que de pareils fastes soient ensevelis dans l'oubli. Le seul moyen certain que les nations puissent avoir pour satisfaire leur curiosité sur leur première origine est de considérer la langue, les mœurs et les coutumes de leurs ancêtres, et de les comparer avec celles des nations voisines. Les fables, que l'on a substituées à l'histoire que l'on ignorait, devraient tomber dans le mépris. S'il faut faire quelques exceptions à cette règle générale, ce ne peut être qu'en faveur des anciennes fictions grecques, qui sont si célèbres et si agréables qu'elles seront toujours l'objet de l'attention du genre humain. Nous négligerons donc les traditions antiques, ou plutôt les temps fabuleux de la Bretagne, pour examiner seulement l'état de ses habitants tel qu'il était lors de l'invasion des Romains. Nous ne jetterons qu'un coup d'œil rapide sur les événements qui accompagnèrent cette conquête, parce qu'ils appartiennent plutôt à l'histoire romaine qu'à celle de l'Angleterre ; nous nous hâterons de parcourir les temps obscurs et dénués d'intérêt des annales saxonnes, et nous réserverons une narration plus circonstanciée pour les temps où la vérité est si bien établie qu'elle pourra instruire et intéresser à la fois le lecteur (Histoire d'Angleterre, t. I, pp.31-32).
Prise de Jérusalem par les Croisés
La disette des provisions, l'excès des fatigues, l'influence des climats étrangers, joints au défaut de concert dans les opérations militaires, et au fer d'un ennemi belliqueux, détruisirent les croisés par milliers, et auraient éteint l'ardeur de quiconque eût fait la guerre pour des motifs moins puissants. Cependant leur zèle, leur courage et leurs forces irrésistibles avançaient toujours leurs progrès vers la fin importante de leur entreprise. Après un siège opiniâtre, ils emportèrent Nicée, capitale de l'empire de Turquie, défirent Soliman dans deux batailles, se rendirent maîtres d'Antioche, et délivrèrent entièrement ces contrées de la domination des Turcs. Le soudan d'Egypte, dont les croisés avaient jusqu'alors sollicité l'alliance, à la chute de la puissance ottomane, recouvra sa première autorité dans Jérusalem ; il leur fit dire alors par ses ambassadeurs que, s'ils venaient désarmés dans cette ville, ils y pourraient accomplir leur vœu, et que tous les pèlerins chrétiens qui visiteraient désormais le saint sépulcre y recevraient un aussi bon traitement que celui qu'ils avaient toujours reçu de ses prédécesseurs. Cette offre fut rejetée; on somma le soudan d'abandonner le cité sainte aux chrétiens, et, sur son refus, les croisés commencèrent le siège de Jérusalem, qu'ils regardaient comme le terme de leurs travaux. Les détachements que les croisés avaient faits, et les désastres qu'ils avaient essuyés, avaient réduit leur nombre à vingt mille hommes d'infanterie et à quinze cents chevaux. Mais ils étaient devenus formidables par leur bravoure, l'expérience qu'ils avaient acquise, l'obéissance à laquelle ils se plièrent, et dont leurs premières calamités étaient d'excellentes leçons. Après un siège de cinq semaines, ils prirent Jérusalem d'assaut, et, poussés par un mélange de zèle et de férocité, passèrent au fil de l'épée la garnison et les habitants, sans distinction. La résistance courageuse et l'humble soumission n'en garantirent aucun : ni âge, ni sexe ne fut épargné ; on poignardait du même coup la mère et son enfant sur son sein, tandis qu'elle demandait miséricorde : environ dix mille personnes qui s'étaient rendues d'elles-mêmes, et auxquelles on avait promis quartier, furent massacrées de sang froid. Les rues de Jérusalem étaient jonchées de cadavres ; et lorsque les ennemis furent tous domptés ou égorgés, les croisés triomphants marchèrent au saint sépulcre avec de grands sentiments d'humilité et de contrition. Ils quittèrent leurs armes encore ruisselantes de sang, s'avancèrent le corps incliné, la tête et les pieds nus, vers ce monument sacré, et chantèrent des hymnes au divin Rédempteur, dont l'agonie et la mort avaient opéré leur salut dans ces mêmes lieux: leur dévotion, ranimée à l'aspect des lieux saints où il avait souffert, amortit tellement leur fureur, qu'ils fondirent en larmes et parurent éprouver les sentiments de piété les plus doux et les plus tendres, tant la nature humaine est inconséquente, et tant elle allie aisément les superstitions les plus efféminées avec le courage le plus héroïque et la barbarie la plus horrible ! (Histoire d'Angleterre, t. II, pp.25-26).
Le système constitutionnel anglais au XIVe siècle
De tous les règnes des anciens monarques d'Angleterre, il n'en est point qui mérite mieux d'être étudié que celui d'Edouard III, ni où les actes de l'administration intérieure développent si bien le véritable esprit de cette espèce de gouvernement mixte qui était établi alors en Angleterre : la validité et l'autorité de la grande charte étaient pleinement avouées ; on reconnut que la puissance royale avait des limites : Edouard même, prince d'un génie vaste, que des favoris ne gouvernaient point, et que jamais les passions déréglées n'égarèrent, pensa toujours que rien n'était plus essentiel à ses intérêts que de se maintenir en bonne intelligence avec son peuple. Cependant il paraît en total que le gouvernement n'était tout au plus qu'une monarchie informe, qui n'avait ni maximes fixes pour règle, ni droits certains pour base, et que l'on observât constamment dans la pratique. Le roi se conduisait d'après tel principe, les barons d'après tel autre ; les communes par un troisième; et les ecclésiastiques sur un quatrième. Tous ces systèmes de gouvernement se trouvaient contraires, et même incompatibles. Chacun d'eux l'emportait tour à tour, selon les circonstances plus ou moins favorables : un prince habile rendait le pouvoir monarchique dominant ; un roi faible le laissait dégénérer entre ses mains en aristocratique ; un siècle superstitieux voyait triompher le clergé ; et le peuple, pour qui principalement le gouvernement est institué, et qui principalement mérite considération, était le moins fort de tous ; mais les communes, assez négligées par les autres ordres de l'Etat, quoiqu'elles cédassent à la violence des tempêtes, se relevaient en silence dans des temps plus paisibles ; et, tandis que l'orage grossissait, tous les partis cherchaient à les gagner, et leur procuraient ainsi quelque accroissement de privilèges, ou, au moins, la confirmation de ceux dont elles jouissaient déjà.
On a cru longtemps que ce ne fut que sous ce règne que l'on commença de frapper de la monnaie d'or ; mais on a trouvé récemment des preuves que son origine remonte au règne de Henri III (Histoire d'Angleterre, t. IV, pp.31-32)
Jeanne d'Arc
Dans le village de Domrémy, près de Vaucouleurs, sur les confins de la Lorraine, vivait une paysanne âgée de vingt-sept ans, appelée Jeanne D'Arc, et servante dans une petite auberge. En cette qualité, elle était accoutumée à soigner les chevaux des hôtes, à les monter hardiment à poil, à les mener à l'abreuvoir, et à prendre tous les soins dont les valets d'écurie sont communément chargés dans les auberges plus fréquentées. Cette fille menait une vie irréprochable, et n'avait été remarquée jusque-là par rien d'extraordinaire, soit qu'elle n'eût point eu d'occasion de développer son génie, ou que les gens qui étaient en rapport avec elle n'eussent pas des yeux assez pénétrants pour le discerner. On conçoit aisément que l'état de la France était assez intéressant alors pour affecter même ses habitants les plus obscurs, et pour être fréquemment le sujet de leurs entretiens : un jeune prince exclu de son trône par la sédition de ses sujets et par les armes étrangères, ne pouvait manquer de toucher ceux dont le cœur n'était pas corrompu par les factions. Le caractère particulier de Charles, si susceptible d'amitié et de toute espèce de sentiments tendres, le rendait le héros de ce sexe dont l'âme généreuse ne connaît point de bornes dans ses affections. Le siège d'Orléans, les progrès des Anglais devant cette place, l'extrême détresse de la garnison et de ses habitants, l'importance de sauver la ville et ses braves défenseurs, attiraient tous les regards; et Jeanne, enflammée du zèle général, fut saisie d'un désir insurmontable de porter secours à son souverain, dans l'extrémité pressante où il se trouvait réduit. L'imagination neuve et ardente de cette jeune fille, s'échauffant à force de revenir nuit et jour sur ce projet favori, prit son propre ouvrage pour des inspirations célestes : Jeanne crut avoir eu des visions et entendu des voix surnaturelles qui l'exhortaient à relever le trône de France et à chasser l'usurpateur étranger. Une intrépidité rare lui fit mépriser tous les périls qui pouvaient accompagner une démarche si hardie ; et se croyant destinée à cette action par le ciel même, elle écarta la timidité si naturelle à son sexe, à son âge et à son humble situation. Elle alla trouver Baudricourt, gouverneur de Vaucouleurs, l'informa de ses inspirations, du dessein où elle était de les suivre, et le conjura de ne pas fermer l'oreille à la voix de Dieu qui s'expliquait par sa bouche, et de seconder les révélations célestes qui la poussaient à cette glorieuse entreprise. Baudricourt traita d'abord Jeanne assez légèrement; mais, sur ces retours fréquents et ses sollicitations importunes, il commença à remarquer quelque chose d'extraordinaire dans cette fille, et résolut, à tout hasard, de tenter une expérience si facile. On ne sait si ce gentilhomme eut assez de discernement pour apercevoir le grand parti qu'il pouvait tirer auprès des esprits vulgaires d'un moyen si bizarre, ou, ce qui est plus vraisemblable dans ce siècle crédule, s'il fut persuadé lui-même de la mission divine de cette jeune visionnaire ; quoi qu'il en soit, il acquiesça enfin aux prières de Jeanne, et lui donna une escorte pour la conduire à Chinon, où la cour de France résidait alors.
C'est à l'histoire à discerner entre le miraculeux et le merveilleux, de rejeter le premier de toutes narrations purement profanes et humaines, d'examiner scrupuleusement le second ; et lorsqu'elle est obligée, par des témoignages incontestables, de l'admettre, comme dans le cas dont il s'agit, il faut qu'elle n'en adopte que ce qui s'accorde avec les faits prouvés et les circonstances connues. On prétend que Jeanne, aussitôt qu'elle fut admise à la présence du roi, le reconnut, quoiqu'elle ne l'eût jamais vu, quoiqu'il se fût exprès mêlé dans la foule de ses courtisans, et qu'il eût supprimé de son habillement tout ce qui pouvait le distinguer ; on ajoute qu'elle lui offrit, au nom du Créateur suprême, de faire lever le siège d'Orléans, et de conduire sa majesté à Reims pour y être sacrée et couronnée ; que, sur quelques doutes que Charles laissa paraître à l'égard de la mission de Jeanne, elle lui révéla, en présence d'un petit nombre de confidents intimes, un secret qui n'était su que de lui seul, et qu'elle n'avait pu apprendre que par inspiration divine ; qu'elle demanda ensuite, comme un instrument de ses victoires futures, une certaine épée que l'on gardait dans l'église de Sainte-Catherine de Fierbois, et que, sans l'avoir jamais vue, elle dépeignit exactement, en indiquant le lieu où elle était oubliée depuis très-longtemps. Ce qui est vrai, c'est que toutes ces circonstances miraculeuses furent publiées, pour imposer au vulgaire. Plus le roi et ses ministres étaient déterminés à se servir de ce prestige, plus ils affectaient de défiance. Une assemblée de graves docteurs et de théologiens examina scrupuleusement la mission de Jeanne, et la déclara incontestable et surnaturelle. On l'envoya au parlement, qui résidait alors à Poitiers ; elle y fut interrogée : les présidents et les conseillers, qui étaient venus persuadés de son imposture, s'en retournèrent convaincus de son inspiration. Un rayon d'espérance commença dès ce moment à luire au milieu du découragement où tous les esprits étaient tombés. Le ciel se déclarait en faveur de la France, et le Tout-Puissant paraissait étendre son bras pour la venger de ses ennemis. Peu de gens pouvaient distinguer s'ils se laissaient entraîner par l'inclination qu'ils avaient à croire, ou par la force de la conviction, et personne ne voulait se livrer à un examen si désagréable (Histoire d'Angleterre, t. IV, pp.142-144).
L'économie de l'Angleterre sous Henri VIII
Le commerce de l'Angleterre avec l'étranger ne s'étendait guère alors qu'aux Pays-Bas. Les habitants des Provinces-Unies achetaient les marchandises des Anglais, et les distribuaient dans les autres parties de l'Europe ; ce qui établissait l'espèce de dépendance dans laquelle ces deux pays se trouvaient l'un de l'autre, et ce qui rendait une rupture entre eux également onéreuse. Aussi, dans toutes les variations des intérêts politiques, leurs souverains évitaient-ils avec soin d'en venir à cette extrémité ; et, malgré le penchant de Henri pour François, la nation en eut toujours davantage pour l'empereur.
Quelques hostilités eurent lieu en 1528 entre l'Angleterre et les Pays-Bas, mais elles furent bientôt arrêtées d'un commun consentement. Pendant qu'il était défendu aux Flamands d'acheter des draps en Angleterre, les marchands anglais ne pouvaient en demander aux manufacturiers, et les manufacturiers étaient obligés de congédier leurs ouvriers, qui, manquant de pain, commençaient à se mutiner. Le cardinal Wolsey, alors ministre, croyant les apaiser, manda les marchands, et leur ordonna de prendre des marchandises aux manufactures comme à l'ordinaire. Mais ils lui répondirent qu'ils n'avaient plus les mêmes débouchés qu'auparavant, et toutes ses menaces n'obtinrent d'autre réponse. On convint enfin que le commerce continuerait toujours entre les deux Etats, même pendant la guerre.
Ce ne fut qu'à la fin de ce règne que l'on commença à cultiver en Angleterre les salades, la carotte, le navet, ou autres racines bonnes à manger. Le peu de ces végétaux que l'on consommait en Angleterre était autrefois importé de la Hollande et de la Flandre. Quand la reine Catherine désirait avoir une salade, elle était obligée d'y envoyer un messager exprès. L'usage et la culture du houblon furent introduits de Flandre en Angleterre vers le commencement de ce règne ou à la fin du précédent (Histoire d'Angleterre, t. VI, p.99).
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