[ BCS ]  [ BCS-BOR ]  [ BCS-PUB ]

MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


[Introduction] [La Grèce et Rome]  [Le moyen-âge]  [Du XVe au XVIIIe siècle]  [Le XIXe siècle]  [Le XXe siècle


Historiographie du XVe au XVIIIe siècle

 

Jean d'Alembert (1717-1783)


Texte :

--Mélanges de Littérature, d'Histoire et de Philosophie, Nouvelle édition, 4 vol., Amsterdam, 1763.

Étude :

-- SHKLAR J.N., Jean d'Alembert and the Rehabilitation of History, dans Journal of the History of Ideas, 42, 1981, p.643-664.


Préface du troisième volume de l'Encyclopédie

On ne trouvera donc dans cet ouvrage, comme un Journaliste l'a subtilement observé, ni la vie des Saints, que M. Baillet a suffisamment écrite, & qui n'est point de notre objet ; ni la généalogie des grandes Maisons, mais la généalogie des Sciences, plus précieuse pour qui sait penser ; ni les aventures peu intéressantes des Littérateurs anciens & modernes, mais le fruit de leurs travaux & de leurs découvertes ; ni la description détaillée de chaque village, telle que certains érudits prennent la peine de la faire aujourd'hui, mais une notice du commerce des Provinces & des villes principales, & des détails curieux sur leur histoire naturelle ; ni les Conquérans qui ont désolé la terre, mais les génies immortels qui l'ont éclairée ; ni enfin une foule de Souverains que l'Histoire auroit dû proscrire. Le nom même des Princes & des Grands n'a droit de se trouver dans l'Encyclopédie, que par le bien qu'ils ont fait aux Sciences; parce que l'Encyclopédie doit tout aux talens, rien aux titres, & qu'elle est l'histoire de l'esprit humain, & non de la vanité des hommes (Mélanges, t. I, pp.268-269).

 

Qu'est-ce qu'un fait historique ?

La science de l'Histoire, quand elle n'est pas éclairée par la Philosophie, est la derniere des connoissances humaines. L'étude en seroit plus intéressante, si on eût un peu plus écrit l'histoire des hommes, & un peu moins celle des Princes qui n'est dans sa plus grande partie que les fastes du vice ou de la foiblesse. C'est bien pis quand on y mêle une multitude de faits encore moins dignes d'être connus. Un homme d'esprit, très peu versé dans l'Histoire, se consoloit de son ignorance, en considérant que ce qui se passe sous nos yeux seroit l'Histoire un jour. Il seroit à souhaiter que tous les cent ans on fit un extrait des faits historiques réellement utiles, & qu'on brulât le reste. Ce seroit le moyen d'épargner à notre postérité l'inondation dont elle est menacée, si on continue d'abuser de l'Imprimerie pour apprendre aux siecles futurs des choses dont on ne s'embarrasse guere dans les siecles où elles se passent. Je ne doute point qu'un desir si raisonnable ne soit pour bien des Savans un crime de lese-érudition, digne des injures & des anathêmes de tous les compilateurs ; mais j'appelle de ces anathêmes au jugement des sages. Eux seuls devroient être en droit de peindre les hommes comme de les gouverner. L'histoire & les hommes en vaudroient mieux. (Mémoires et réflexions sur Christine, Reine de Suede, Mélanges, t. II, pp.229-230).

 

A propos du Père Hardouin

Le fameux Jésuite Hardouin, un des premiers hommes de son siecle par la profondeur de son érudition : & un des derniers par l'usage ridicule qu'il en a fait, porta autrefois l'extravagance jusqu'à composer un ouvrage exprès, pour mettre sans pudeur & sans remords au nombre des Athées des Auteurs respectables, dont plusieurs avaient solidement prouvé l'existence de Dieu dans leurs écrits ; absurdité bien digne d'un visionnaire, qui prétendoit que la plupart des chefs-d'œuvre de l'antiquité avoient été composés par des moines du 13e siecle. Ce pieux sceptique, en attaquant, comme il le faisoit, la certitude de presque tous les monumens historiques, eût mérité plus que personne le nom d'ennemi de la Religion, si ses opinions n'eussent été trop insensées pour avoir des partisans. « Sa folie, dit un Écrivain célebre, ôta à sa calomnie toute son atrocité mais ceux qui renouvellent cette calomnie dans notre siecle, ne sont pas toujours reconnus pour fous, & sont souvent très dangereux.» (De l'abus de la critique en matiere de religion, Mélanges, t. IV, p.328-329).


[Introduction] [La Grèce et Rome]  [Le moyen-âge]  [Du XVe au XVIIIe siècle]  [Le XIXe siècle]  [Le XXe siècle


Les commentaires éventuels peuvent être envoyés  à Jean-Marie Hannick.