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Théophraste : Caractères 1-9 - Caractères 10-19 - Caractères 20-30.


THEOPHRASTE

Les Caractères (Note liminaire)

Nouvelle traduction annotée

par

Marie-Paule LOICQ-BERGER (janvier 2002)

  Chef de travaux honoraire de l'Université de Liège
Adresse : avenue Nandrin, 24 - 4130 Esneux (Belgique)

<loicq-berger@skynet.be>

[ Vers la traduction annotée ]

[ Athènes au quotidien à l'époque de Théophraste ] (article de Mme Loicq-Berger dans les FEC, 4, 2002)


Note liminaire

Théophraste d'Érèse (c. 370 - c. 265), disciple, ami et collaborateur d'Aristote avant d'être son successeur au Lycée, a voué sa longue existence à l'enseignement et à la recherche. Professeur à succès selon son biographe Diogène Laërce (V, 37), animé comme son maître Aristote d'une curiosité encyclopédique, il consacra ses études et ses nombreuses publications aux différents domaines de la logique, de l'éthique, de la rhétorique et des sciences naturelles.

Le petit livre des Caractères, unique en son genre dans la littérature gréco-latine, était-il destiné à l'instruction morale, à la formation rhétorique ou dramatique, ou au simple divertissement, dans le cadre de lectures publiques ? Il témoigne en tout cas d'un talent de psychologue qui lui confère une dimension intemporelle; les représentants de la Comédie Nouvelle y ont puisé des types -- au reste, le plus grand d'entre eux, Ménandre, avait été le disciple de Théophraste (Diogène Laërce, V, 36). Mais d'autre part, ces portraits croqués sur le vif fourmillent de détails et d'informations suggestives touchant la vie quotidienne de la bourgeoisie athénienne vers la fin du IVe siècle.

Pour les trente chapitres des Caractères, que le grec introduit par un terme abstrait (cf. Car., 1, note), on propose ici les titres suivants :

1. Le fourbe

2. Le flatteur

3. Le moulin à paroles

4. Le rustre

5. Le flagorneur

6. La fripouille

7. Le phraseur

8. La gazette

9. L'effronté

10. Le pingre

11. Le malotru

12. Le casse-pieds

13. Le mêle-tout

14. L'étourdi

15. Le mufle

16. Le supertitieux

17. Le râleur

18. Le méfiant

19. Le dégoûtant

20. Le raseur

21. Le faiseur

22. Le grippe-sous

23. Le hâbleur

24. L'arrogant

25. Le couard

26. Le réactionnaire

27. Le vieux jouvenceau

28. La mauvaise langue

29. La canaille

30. Le cupide

 

Dans la galerie constituée par Théophraste, onze portraits illustrent, un à un, des travers assez particuliers, qu'une seule esquisse fait saisir : tels le superstitieux, le réactionnaire, etc. (Caractères, 1; 4; 13; 14; 16 à 19; 25 à 27). Mais d'autre part, sept thèmes majeurs inspirent chacun deux, trois, voire quatre portraits : ainsi le bavardage est-il la source des Caractères 3, 7, 8, 28; l'avarice, celle des Caractères 10, 22, 30; la flatterie, celle des Caractères 2 et 5; on regroupera de même Caractères 6, 9 et 29; 11 et 15; 12 et 20; 21, 23 et 24.

L'attente logique du lecteur moderne risque ici de se trouver déconcertée : en effet, il ne doit pas s'attendre à une distinction cohérente entre les diverses approches d'un même thème; de surcroît, le titre qui étiquette un portrait ne correspond pas nécessairement à l'ensemble des traits esquissés. En plusieurs cas, le philologue et le psychologue seraient dès lors tentés de réorganiser la matière -- ainsi certains éditeurs croient-ils devoir déplacer les §§ 6-10 du Caractère 5 (Le flagorneur) à la fin de Caractère 21 (Le faiseur). Mais au total, l'état de détérioration notoire du texte rendrait assez vains les essais de reconstruction : rationaliser reviendrait à récrire.


C'est en 1527 que parut à Nuremberg l'édition princeps des Caractères, dédiée à Albrecht Dürer, autre graveur des diversités humaines : publication partielle, fondée sur un seul manuscrit. Le texte allait se compléter et s'affermir tout au long du XVIe siècle, pour présenter à la fin du XVIIe les trente portraits des éditions actuelles. Tel que nous l'a transmis la tradition manuscrite médiévale, ce texte est l'un des plus altérés de toute la littérature grecque antique. Quelques précieux fragments papyrologiques fournissent un état très ancien pour plusieurs Caractères, mais d'une manière générale, les générations de lecteurs et d'éditeurs qui ont scruté l'opuscule ont été amenés à proposer nombre d'interprétations et de corrections, quelquefois indiscutables, souvent conjecturales, voire inutiles.

On a traduit ici le texte grec de l'édition établie par Jeffrey Rusten (Theophrastus Characters, Harvard University Press, Cambridge Mass. - Londres, 1993; Loeb classical library : 225). Conformément à l'usage de la collection, l'approche philologique n'est pas originale, l'apparat critique est sommaire et l'annotation, très limitée. Cette dernière peut encore être utilement complétée par celle de R.C. Jebb-J.E. Sandys (The Characters of Theophrastus, Londres, Macmillan, 1909).

En français, la traduction célèbre de La Bruyère servit en quelque sorte de préface à l'oeuvre personnelle du moraliste, Les Caractères ou les Moeurs de ce siècle, dont le succès immédiat assura une série d'éditions amplifiées. Cette traduction est encore dans le goût des "belles infidèles" reprochées, une génération plus tôt, à Perrot d'Ablancourt; avec ses paraphrases, ses ajouts, ses interprétations, elle ne répond évidemment pas aux exigences de la philologie moderne.

En revanche, le travail solide d'O. Navarre demeure classique et n'a pas été remplacé (Théophraste, Caractères, texte, Paris, "Les Belles Lettres", 1920; traduction, idem. Commentaire exégétique et critique : Paris, "Les Belles Lettres", 1924).

On a également consulté l'édition du texte, avec traduction, apparat critique et commentaire de G. Pasquali - V. De Falco (Teofrasto, I Caratteri, Florence, Sansoni, 1956), dont l'annotation est plus suggestive que strictement scientifique.


Conformément à l'usage, les crochets droits [ ] indiquent une suppression de texte suggérée par l'éditeur, de même que les crochets obliques < > proposent un ajout.

Qu'il soit permis de clore cette brève présentation en reprenant les termes mêmes de La Bruyère dans son Discours sur Théophraste : "comme cet ouvrage n'est qu'une simple instruction sur les moeurs des hommes, et qu'il vise moins à les rendre savants qu'à les rendre sages, l'on s'est trouvé exempt de le charger (...) de doctes commentaires qui rendissent un compte exact de l'antiquité. L'on s'est contenté de mettre de petites notes à côté de certains endroits (...), afin que nuls de ceux qui ont de la justesse, de la vivacité, et à qui il ne manque que d'avoir lu beaucoup, (...) ne puissent être arrêtés dans la lecture des Caractères..."

[ Vers la traduction annotée ]

[ Athènes au quotidien à l'époque de Théophraste ] (article de Mme Loicq-Berger dans les FEC, 4, 2002)


[17 janvier 2002]

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